B. L'UE DOIT CEPENDANT APPROFONDIR SON DIALOGUE ET SES COOPÉRATIONS AVEC LES ÉTATS-UNIS
Il existe de nombreux domaines où nous avons intérêt à poursuivre notre dialogue et approfondir nos coopérations avec les États-Unis.
C'est bien sûr le cas de la guerre en Ukraine , pour laquelle la coordination étroite mise en place récemment (comme le cadre du dialogue Union européenne-États-Unis sur la Russie) devra être poursuivie. De nombreux sujets ont vocation à être évoqués, qu'il s'agisse de l'aide à l'Ukraine, des sanctions contre la Russie, de la nécessaire mise en place d'une traçabilité des armes livrées à l'Ukraine pour éviter le risque de dissémination, ou encore de la manière dont nous pouvons ensemble contrer le narratif russe auprès des pays tiers sur la guerre.
Nous avons, en outre, besoin de coopérer sur la gestion d'autres crises internationales ou régionales , à commencer par le dossier sur le nucléaire iranien.
Par ailleurs, il est dans l'intérêt de l'UE, qui promeut des relations commerciales fondées sur des règles, d'amener les États-Unis à se réengager dans le multilatéralisme commercial et à s'impliquer dans la réforme de l'OMC. Nous avons en effet besoin que les États-Unis s'engagent davantage sur la modernisation du corpus des règles à l'OMC, afin de permettre notamment la restauration de conditions de concurrence équitables face aux pratiques distorsives chinoises à grande échelle (subventions industrielles, activités des entreprises d'État sur les marchés, transferts forcés de technologies).
Bien entendu, les dossiers transnationaux du climat, du développement durable et de la santé ont vocation à être discutés avec les Américains. A titre d'exemple, les propositions européennes, issues du Pacte vert, de règlement pour des produits sans déforestation ou de mécanisme d'ajustement carbone aux frontières n'ont pas d'équivalents aux États-Unis, bien que des préoccupations similaires existent. Il convient donc de conduire un dialogue ouvert et transparent sur ces sujets afin de maintenir une dynamique conjointe positive.
Enfin, il faut mettre à profit le Conseil du Commerce et des Technologies (CTT) pour ajuster nos positions, réduire les divergences et déminer de potentiels contentieux dans des domaines souvent techniques et sensibles (cybersécurité, régulation du secteur numérique, contrôle des exportations...).
La coopération économique, qui est déjà très dynamique, peut encore se renforcer . Des synergies sont possibles y compris dans les secteurs stratégiques, comme le montre l'exemple d'Intel, qui s'apprête à investir 80 milliards d'euros dans les dix ans pour la fabrication de semi-conducteurs en Europe , dans le cadre d'un plan d'action mis en oeuvre par l'UE pour réduire sa dépendance dans ce domaine vis-à-vis des marchés extérieurs et notamment de la Chine.
Nous devons aussi poursuivre des coopérations plus anciennes comme la coopération spatiale, dont l'une des priorités à court terme est de garantir l'interopérabilité entre le futur système Galileo de l'UE et le GPS américain , mais qui, dans l'avenir, pourrait s'orienter avec profit vers l 'établissement de règles pour l'utilisation de l'espace .
L'espace, un possible sujet de convergence entre l'UE et les États-Unis
malgré des capacités très différentes
L'espace est un domaine dans lequel les États-Unis prédominent sans conteste et où ils encouragent le développement d'une approche ( New Spac e) fondée sur la commercialisation de services (satellites, vols spatiaux...) et l'intervention d'acteurs privés. S'y affirment en outre les ambitions d'autres puissances, notamment la Chine, ce qui se traduit par des rivalités (course sino-américaine pour la conquête de la Lune) et des tensions (espionnage, essais de tirs anti-satellites...).
Dotée de moyens opérationnels plus modestes, l'Europe ne s'inscrit pas dans cette compétition mais entend défendre son autonomie stratégique dans l'espace (le règlement de l'UE sur l'espace 42 ( * ) prévoit une préférence européenne pour les achats dans ce domaine). C'est le sens du projet Secure Connectivity , constellation souveraine de satellites en orbite basse qui, à la différence des projets privés américains comme Starlink de SpaceX, sera développé sur fonds publics et qui vise à sécuriser les communications (en offrant une redondance par rapport aux réseaux terrestres), à assurer une connectivité aux régions non couvertes et à surveiller le trafic spatial.
De fait, alors que l'espace est de plus en plus encombré, l'une des aspirations de l'Union européenne porte sur la définition d'une réglementation des activités qui s'y déploient (circulation, répartition des orbites, exploitation des ressources...), domaine où, du fait de leur prédominance, les États-Unis tendent à imposer leurs vues mais ont le souhait d'avancer collectivement. Soulignons qu'il existe un dialogue transatlantique sur la politique spatiale qui permet d'aborder ces questions.
* 42 Règlement (UE) 2021/696 du 28 avril 2021 établissant le programme spatial de l'Union européenne.