B. UN ÉVENTAIL DE COMPÉTENCES À OPTIMISER
1. Ajuster la liste des missions de l'établissement
Aux côtés de ses missions de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l'apprentissage, France compétences doit assurer certaines activités qui apparaissent plus éloignées de son coeur de métier.
La loi du 5 septembre 2018 a confié à France compétences le soin de mettre en oeuvre un système d'information national commun aux associations « Transitions Pro » (ATPro) 138 ( * ) . Sur ce fondement, France compétences a donc déployé un système d'information commun aux ATPro qui est maintenant fonctionnel.
Cette mission pose toutefois deux types de difficultés pour France compétences. D'une part, elle est très chronophage pour l'établissement et rendue complexe par le fait que France compétences agit pour compte de tiers , n'ayant aucun lien juridique avec ces associations. D'autre part, elle génère une confusion des rôles , France compétences étant par ailleurs régulateur du dispositif « projet de transition professionnelle » (PTP), par l'élaboration de recommandations sur les règles, modalités et priorités de prise en charge, alors que les ATPro assurent l'examen, l'autorisation et la prise en charge du PTP. Par conséquent, il conviendrait de modifier la loi afin que cette mission soit retirée à France compétences au profit de l'État ou d'une tête de réseau des ATPro qui pourrait être créée et disposer des moyens nécessaires à la gestion du système d'information.
Plus largement, les rapporteurs invitent le ministère du travail, en concertation avec France compétences, à identifier les missions pour lesquelles France compétences n'est pas l'opérateur le plus efficient ou adapté , afin que l'établissement puisse se concentrer sur ses principales missions de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
Proposition n° 34 : Identifier les missions pour lesquelles France compétences n'est pas l'opérateur le plus efficient ou adapté.
2. Repositionner France compétences en matière de certification qualité
En vertu de la loi du 5 septembre 2018, tous les organismes dispensant des actions de formation professionnelle ou d'apprentissage et bénéficiant des fonds mutualisés doivent disposer d'une certification qualité 139 ( * ) . Depuis le 1 er janvier 2022, la perception de fonds publics ou mutualisés par un organisme de formation est conditionnée à l'obtention de cette certification.
La certification qualité, appelée « Qualiopi 140 ( * ) » est délivrée pour une durée de trois ans aux organismes de formation par des organismes certificateurs accrédités par le Comité français d'accréditation (Cofrac). Elle peut également être délivrée par une instance de labellisation reconnue par France compétences , pour certains dispositifs ou secteurs particuliers. Par exemple, le Comité national de labellisation (CNL) est habilité par France compétences à délivrer la certification Qualiopi pour les activités de bilan de compétences et d'accompagnement à la validation des acquis de l'expérience. Ce sont ainsi 34 organismes certificateurs et 7 instances de labellisation qui sont actuellement autorisés à délivrer la certification 141 ( * ) .
La certification est octroyée sur la base de critères définis par un référentiel national déterminé par décret pris après avis de France compétences.
Le référentiel national qualité
Le référentiel national qualité, défini par décret, est organisé autour de 7 critères de qualité (article R. 6316-1-1 du code du travail) :
1° Les conditions d'information du public sur les prestations proposées, les délais pour y accéder et les résultats obtenus ;
2° L'identification précise des objectifs des prestations proposées et l'adaptation de ces prestations aux publics bénéficiaires, lors de la conception des prestations ;
3° L'adaptation aux publics bénéficiaires des prestations et des modalités d'accueil, d'accompagnement, de suivi et d'évaluation mises en oeuvre ;
4° L'adéquation des moyens pédagogiques, techniques et d'encadrement aux prestations mises en oeuvre ;
5° La qualification et le développement des connaissances et compétences des personnels chargés de mettre en oeuvre les prestations ;
6° L'inscription et l'investissement du prestataire dans son environnement professionnel ;
7° Le recueil et la prise en compte des appréciations et des réclamations formulées par les parties prenantes aux prestations délivrées.
Cette certification a pour objectif d'attester de la qualité des processus mis en oeuvre par les acteurs et organismes de formation . La liste des organismes certifiés est rendue publique et actualisée régulièrement afin que les opérateurs qui financent les organismes de formation puissent s'assurer de leur certification. Elle permet en outre de renforcer la lisibilité de l'offre de formation pour les entreprises et les usagers.
Pour respecter cette obligation, les organismes de formation se sont donc engagés dans une démarche qualité visant à obtenir la certification après audit d'un organisme certificateur accrédité. Il ressort des travaux des rapporteurs que, hormis quelques organismes éloignés de la démarche qualité, la plupart des acteurs de la formation ont pu être certifiés sans difficultés majeures et dans des conditions satisfaisantes . Ainsi, selon les informations transmises par le ministère du travail, au 14 mai 2022, 37 010 organismes de formation étaient certifiés Qualiopi .
Toutefois, certains acteurs de la certification qualité ont évoqué une différence de méthode selon les organismes certificateurs et les réticences de certains organismes de formation qui ont vu l'exigence de certification davantage comme un contrôle administratif que comme une démarche visant à progresser en faveur de la qualité de la formation professionnelle, sans forcément saisir les attentes et l'intérêt de la certification.
En conséquence, les rapporteurs considèrent qu' un bilan de la certification qualité pourrait être engagé après cette première phase de certification obligatoire effectuée dans le cadre réforme de 2018. Il devrait être l'occasion d'identifier les moyens d'améliorer la communication et le dialogue sur la démarche qualité entre les différentes parties prenantes et d'évaluer la nécessité de renforcer les exigences pour l'accréditation de certificateurs.
Alors que le référentiel national qualité est fixé par décret et que les organismes certificateurs sont accrédités par le Cofrac, il n'apparaît pas forcément pertinent que France compétences soit chargé de reconnaitre les instances de labellisation . Le rôle de l'établissement se situe davantage dans la régulation et l'évaluation de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Il a donc tout son rôle en tant qu'appui aux services de l'État pour l'élaboration et la révision du référentiel Qualiopi , davantage que dans la désignation d'instances de labellisation.
Proposition n° 35 : Transférer de France compétences à l'État (DGEFP) la mission de reconnaissance des instances de labellisation.
Proposition n° 36 : Associer France compétences à l'évolution du référentiel Qualiopi.
Enfin, une confusion peut être faite, au regard de la polysémie du terme « certification », entre la certification qualité des organismes de formation sous la marque Qualiopi et les certifications professionnelles qui regroupent les diplômes, titres et certificats à finalité professionnelle inscrits dans les répertoires nationaux. Une clarification des termes à employer pour ces deux sujets distincts pourrait être envisagée.
3. Renforcer la visibilité et le champ d'action du médiateur
France compétences dispose d'un médiateur 142 ( * ) chargé d' instruire les réclamations individuelles des usagers du conseil en évolution professionnelle (CEP) et des projets de transition professionnelle (PTP). Son champ d'action est donc circonscrit et bien plus limité que celui de France compétences.
Ce médiateur est nommé par le directeur général de France compétences, qui lui adresse une lettre de mission, pour une durée de trois ans renouvelable durant laquelle il n'est pas révocable sauf cas de force majeure. Il travaille en toute autonomie et indépendance et n'a pas de lien hiérarchique avec la direction de l'établissement. Les conditions de son indépendance et du respect de la confidentialité figurent dans une charte de la médiation de France compétences 143 ( * ) .
Pour conduire sa mission, le médiateur dispose, en vertu de la charte de la médiation, d'un pouvoir d'investigation , de questionnement et d'analyse lui permettant d'identifier les difficultés dont il est saisi et de suggérer des solutions . Il met en évidence des situations mal estimées, des erreurs d'appréciation par les opérateurs ou des incompréhensions de la part des usagers. Il peut être sollicité par les usagers rencontrant des difficultés par voie dématérialisée ou par courrier postal. La saisine est suivie d'un examen de recevabilité de la demande puis d'échanges avec les parties afin d'aboutir à une proposition de médiation.
En outre, le médiateur établit un rapport annuel dans lequel il formule les propositions qui lui paraissent de nature à améliorer le fonctionnement de France compétences et le service rendu aux usagers. Ce rapport est transmis au conseil d'administration de France compétences, au ministre chargé de la formation professionnelle et au Défenseur des droits.
Le directeur général de France compétences a nommé une médiatrice en 2019 . Elle est assistée d'un collaborateur pour l'instruction des demandes de médiation. La médiatrice a été saisie de 350 demandes en 2021, dont 256 étaient éligibles. Pour les demandes hors de son champ de compétences, la médiatrice réoriente le demandeur vers l'interlocuteur adapté, ce qui représente une part non négligeable de son activité.
Nombre de demandes adressées à la médiatrice de France compétences
2019 |
2020 |
2021 |
|
Demandes adressées |
318 |
320 |
350 |
Demandes éligibles |
168 |
217 |
256 |
Source : Commission des affaires sociales d'après les données de France compétences
La médiatrice est principalement saisie de demandes concernant les projets de transition professionnelle . Ainsi, parmi les demandes éligibles, une faible part concerne le conseil en évolution professionnelle :
- 6 demandes sur 217 demandes éligibles en 2020 ;
- 9 demandes sur 256 demandes éligibles en 2021.
Si le nombre de demandes est en progression depuis 2019, la médiatrice, entendue par les rapporteurs, regrette que le service de médiation de France compétences ne soit pas assez visible pour les usagers . En particulier, il ne figure que très rarement sur les sites internet des opérateurs du CEP et des associations « Transition Pro ».
En outre, le grand nombre de demandes non éligibles adressées à la médiatrice chaque année peut s'expliquer tant par le fait que son champ d'action est très circonscrit que par un manque de visibilité des différents médiateurs intervenant dans le champ de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
Il existe plusieurs médiateurs compétents pour répondre aux réclamations des usagers de la formation professionnelle et de l'apprentissage . À titre d'illustration, le médiateur placé auprès de la Caisse des dépôts et consignations peut être saisi de demandes concernant le compte personnel de formation. Des médiateurs de l'apprentissage, rattachés aux chambres consulaires, peuvent être sollicités pour résoudre les différends entre les employeurs et les apprentis ou leur famille, au sujet de l'exécution ou de la rupture du contrat d'apprentissage 144 ( * ) .
Pour autant, il existe certains dispositifs pour lesquels l'offre de médiation est inexistante . Si les médiateurs de l'apprentissage sont compétents pour un litige entre un apprenti et son employeur, ils ne le sont pas pour traiter des relations entre un apprenti et son organisme de formation . Par ailleurs, le médiateur de France compétences n'est pas compétent pour traiter des projets de reconversion professionnelle des salariés démissionnaires. Le médiateur de France compétences pourrait donc élargir son champ d'action à ce dispositif proche des PTP, qui figurent déjà dans son périmètre.
Proposition n° 37 : Élargir le champ de la médiation de France compétences au projet de reconversion professionnelle (PRP).
Pour renforcer la visibilité des différents médiateurs de la formation professionnelle et de l'apprentissage , l'élaboration d'une cartographie des médiateurs et de leurs champs de compétences respectifs, accessible au public, permettrait d'améliorer la visibilité de la médiation et d'identifier les acteurs susceptibles d'accompagner les usagers. Les rapporteurs recommandent donc la mise en place d'un registre public de médiateurs compétents en matière de formation professionnelle et d'apprentissage.
Proposition n° 38 : Mettre en place un registre des médiateurs existants en matière de formation professionnelle et d'apprentissage.
* 138 Article L. 6323-17-2. Les missions des ATPro sont décrites dans la partie I-A du présent rapport.
* 139 Articles L. 6316-1 à L. 6316-5 du code du travail.
* 140 Marque déposée auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).
* 141 La liste des organismes certificateurs est accessible sur le site du ministère du travail : https://travail-emploi.gouv.fr/formation-professionnelle/acteurs-cadre-et-qualite-de-la-formation-professionnelle/liste-organismes-certificateurs
* 142 Article R. 6123-14 du code du travail.
* 143 https://www.francecompetences.fr/app/uploads/2022/04/CHARTE-MEDIATION-FC-2022.pdf
* 144 Article L. 6222-39 du code du travail