CONTRIBUTION DE MADAME LA SECRÉTAIRE GÉNÉRALE DU GOUVERNEMENT

La XVème législature (2017-2022) s'achève. Le dernier bilan semestriel relatif à l'application des lois adoptées depuis le début de la législature affichait au 31 décembre 2021 un taux d'application de 92 %. Sur les 2 227 mesures d'application des lois adoptées depuis le début de la XVe législature, 2 056 avaient reçu application.

En dépit d'une période marquée par la crise sanitaire depuis 2020, ce bilan témoigne de la volonté du Gouvernement de prendre dans les meilleurs délais les mesures réglementaires pour la mise en oeuvre des réformes engagées.

1. Pouvez-vous brièvement revenir sur la méthode employée par les services du Secrétariat général du Gouvernement pour suivre l'application des lois ?

Dès l'adoption définitive d'une loi, le Secrétariat général du Gouvernement (SGG) établit un tableau de programmation recensant l'ensemble des mesures nécessaires pour appliquer la loi. Ce tableau se limite à l'identification des décrets et n'identifie pas les arrêtés puisque ceux-ci ne relèvent pas de la responsabilité du Premier ministre, mais des ministres concernés. Ce tableau est transmis aux ministères afin qu'ils indiquent leur calendrier prévisionnel d'élaboration des textes.

En fonction du nombre de mesures nécessaires, une réunion interministérielle (RIM) est organisée, au cours de laquelle sont arbitrés, pour chaque mesure, le ministère porteur, la direction responsable, ainsi que les éléments calendaires, notamment ceux relatifs aux consultations préalables. Les objectifs de publication ainsi définis sont mis en ligne sur Légifrance et transmis au Conseil d'Etat et au Parlement.

Lors de cet exercice de programmation, les mesures d'application sont classées en quatre catégories :

- Les mesures actives, qui correspondent à des mesures d'application non assorties d'une entrée en vigueur différée définie par la loi. Le SGG veille à ce que les décrets d'application de ces mesures soient pris dans un délai inférieur à 6 mois à compter de la publication de la loi (conformément à la circulaire du 29 février 2008 du Premier ministre relative à l'application des lois) ;

- Les mesures différées, qui s'entendent de mesures d'application pour lesquelles la loi a défini une date d'entrée en vigueur différée. Le SGG veille à ce que les décrets d'application de ces mesures soient pris au plus tard le mois précédent l'entrée en vigueur de la disposition législative concernée ;

- Les mesures éventuelles, qui sont des mesures d'application identifiées comme facultatives et ne conditionnent pas l'entrée en vigueur de la loi ;

- Enfin, les mesures hors compteurs : il s'agit principalement de mesures déjà appliquées par des textes réglementaires antérieurs à la loi et qui ne nécessitent pas d'être modifiés.

Seule la première catégorie - celle des mesures actives - est prise en compte dans le calcul du taux d'application (pourcentage du nombre de mesures actives prises sur le nombre de mesures actives à prendre).

Des RIM de suivi sont ensuite organisées afin de faire un point sur l'état d'avancement des textes : la première trois mois après la publication de la loi et la seconde à la fin du cinquième mois suivant la publication de la loi. Ces RIM permettent d'identifier les textes dont la préparation se heurte à des difficultés particulières et de redéfinir, le cas échéant, les objectifs de publication.

Sur la base de ces tableaux consolidés et d'une veille quotidienne des décrets d'application publiés au Journal officiel , le SGG élabore chaque année deux bilans semestriels (arrêtés au 30 juin et au 31 décembre). Ces tableaux, qui font apparaître le taux d'application des lois de plus de 6 mois promulguées au cours de la législature, sont adressés aux ministères, au Parlement, et publiés sur Légifrance.

En parallèle de cette méthodologie, le Gouvernement organise, chaque année au mois de septembre, le Comité interministériel de l'application des lois (CIAL), sous la co-présidence du ministre chargé des relations avec le Parlement et du Secrétaire général du Gouvernement.

Réunissant les directeurs de cabinet ministériels, le CIAL permet de faire un point sur l'état d'avancement et les objectifs de publication des mesures restant à prendre de chaque ministère et d'échanger sur les éventuelles difficultés rencontrées dans l'élaboration des textes. Le CIAL est préparé par le SGG en lien avec les correspondants ministériels de l'application des lois qui sont chargés de récupérer les informations au sein des ministères.

2. Pouvez-vous présenter le pourcentage de mise en application des lois adoptées lors de la session 2020-2021 au 31 mars 2022 ?

Au cours de la session 2020-2021, 51 lois ont été adoptées, dont 30 appellent des mesures d'application. D'après sa méthodologie, le SGG a identifié 653 mesures actives, correspondant aux mesures pour lesquelles le Gouvernement s'est engagé à prendre les textes dans un délai de 6 mois à compter de la publication de la loi.

A la date du 31 mars 2022, 396 mesures avaient reçu application, ce qui représentait un taux d'application des lois de 60 %. Mais depuis le 31 mars 2022, 43 décrets d'application supplémentaires ont été publiés, ce qui représente 85 mesures supplémentaires. Ainsi, à la date du 19 mai 2022, le taux d'application des lois de la session 2020-2021 est de 74 %, soit 14 points de plus qu'au 31 mars 2022.

A titre de comparaison avec les années précédentes, au cours de la même période (du 31 mars à la mi-mai), le taux d'application des lois avait respectivement augmenté de :

- 5 points en 2021, pour les lois adoptées au cours de la session 2019-2020 ;

- 4 points en 2020, pour les lois adoptées au cours de la session 2018-2019 ;

- 2 points en 2019, pour les lois adoptées au cours de la session 2017-2018.

Ainsi, l'effort particulier engagé pour la publication des textes d'application au cours de ces 7 dernières semaines doit être souligné.

3. De son côté, le Sénat observe une faiblesse persistante du taux global d'application des lois. Ce constat persiste même lorsque l'on exclut les lois relevant du périmètre de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et qui sont particulièrement mal appliquées. Comment l'expliquez-vous ?

A la date du 19 mai 2022, le taux d'application des lois de la session 2020-2021 est de 74 %. Le taux d'application des lois suivies par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable est de 44 % avec 55 mesures appliquées sur un total de 126 mesures actives. Si l'on exclut ces lois, le taux d'application des lois de la session 2020-2021 passe à 81 %, soit 426 mesures appliquées sur un total de 527 mesures attendues.

S'agissant des facteurs explicatifs, il convient tout d'abord de relever que le processus d'élaboration des textes d'application des lois est complexifié par le nombre croissant de consultations préalables exigées par des normes supérieures. A titre de comparaison, 447 mesures d'application pour la session 2020-2021 ont fait l'objet de consultations contre 365 pour la session 2019-2020. Sur les 172 mesures en attente de décret d'application, 100 font l'objet de consultations préalables (hors avis du Conseil d'Etat). Les ministères mettent tout en oeuvre pour prendre les décrets nécessaires à l'application des lois dans un délai de 6 mois, mais tout en préservant le temps incompressible nécessaire aux consultations.

A ce titre, il convient tout particulièrement d'attirer l'attention du Sénat sur les délais de consultations de la Commission européenne :

- La directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoit une procédure d'information dans le domaine des règlementations techniques et des règles relatives aux services de la société d'information. La période de statu quo imposée par la directive est de 3 mois, cette période pouvant être prolongée de 3 mois supplémentaires en cas de questions de la part de la Commission européenne ;

- Le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d'application de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit une procédure de notification à la Commission européenne de tout projet d'octroi d'une nouvelle aide d'Etat. Le règlement impose à la Commission de décider dans un délai de deux mois si l'aide est légale ou si une procédure d'examen supplémentaire de l'aide est nécessaire, auquel cas la Commission doit s'efforcer de prendre une décision dans un délai de 18 mois à compter de l'ouverture de la procédure d'investigations.

A titre d'exemple, une décision de la Commission européenne dans le cadre de la procédure relative aux aides d'Etat est notamment attendue pour des dispositifs prévus par la loi de finances pour 2021 :

- L'aide financière prévue par l'article 122-8 du code de l'énergie, versée aux entreprises exposées à un risque significatif de fuite de carbone en raison de la répercussion des coûts du système européen d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre sur les prix de l'électricité (article 174 de la LFI pour 2021) ;

- Le dispositif de réduction du taux d'accises en métropole en faveur du rhum produit dans les collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution (article 202 de la LFI pour 2021).

Par ailleurs, le plan de charge du Conseil d'Etat est également pris en compte par le SGG qui doit nécessairement veiller, à travers des opérations de programmation, à prioriser les textes qu'il transmet pour avis aux différentes sections.

En outre, la concentration de nombreuses mesures d'application à prendre dans un même secteur est un facteur de ralentissement du travail gouvernemental d'élaboration de ces mesures, un même ministère se trouvant chargé de préparer un volet important de décrets.

Enfin, le retard dans l'application des lois constaté par les services du Sénat trouve également son explication dans des éléments conjoncturels. Depuis 2020, les ministères s'évertuent à rattraper le retard dans la prise des textes d'application tout en assumant un niveau de mesures nouvelles équivalent à celui d'avant la crise sanitaire (688 mesures d'application au titre de la session 2018-2019).

A cet égard, il convient de rappeler qu'en 2020, le choix avait été fait de reporter l'entrée en vigueur de plusieurs réformes au 1 er janvier 2022 afin de lisser la charge de travail induite par la crise sanitaire pour certains ministères fortement mobilisés.

4. Comment interprétez-vous le taux d'application particulièrement faible de la loi dite « Climat et Résilience » ? Lors du bilan de la session précédente, le Sénat remarquait que « certains services ministériels sont mis à contribution sur des chantiers législatifs nouveaux avant même d'avoir pu procéder à l'élaboration des textes - souvent nombreux - qui restent à prendre pour l'application des lois adoptées antérieurement ». Cela peut-il constituer un facteur d'explication ? Quelles sont les principales pistes d'évolution envisagées pour remédier à ce défaut d'anticipation ?

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience à ses effets appelle 123 mesures actives, qui doivent être prises dans les 6 mois suivant la publication de la loi. A la date du 31 mars 2022, le taux d'application de cette loi était de 12 % avec 14 mesures ayant reçu application ; son taux d'application est de 42 % au 19 mai 2022 avec 52 mesures ayant reçu application.

En préambule, il est important de souligner que l'élaboration de la loi Climat & Résilience à partir des propositions de la convention citoyenne pour le climat a nécessité de nombreuses concertations avec cette dernière, ainsi qu'avec les parlementaires, les collectivités territoriales, les entreprises, les syndicats et les ONG afin d'étudier les propositions de la convention citoyenne pour le climat et du conseil de défense écologique, avant d'aboutir au projet de loi déposé en conseil des ministres. Ces concertations d'une ampleur et d'un format inédits ont mobilisé l'énergie des services chargés d'anticiper la préparation des mesures d'application qu'impliquait le projet de loi élaboré par le Gouvernement.

Sur l'ensemble des mesures que comporte la loi publiée, le ministère de la transition écologique est porteur de 84 % des mesures d'application (103 mesures sur un total de 123) dont 38 de ces mesures sont attribuées à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) et 20 mesures à la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature. L'attribution des mesures d'application est décidée en fonction du périmètre d'intervention de chaque direction.

Les services du ministère de la transition écologique ont oeuvré à la préparation des décrets d'application de cette loi tout en terminant la préparation des tous derniers textes de la session 2019-2020. A ce titre, ce ministère était porteur de 216 mesures dont 208 sont appliquées par un décret. Parmi ces mesures, la DGEC - direction porteuse de 38 mesures d'application de la loi Climat & Résilience - était responsable de 60 mesures dont 57 sont appliquées par un texte. Ces chiffres démontrent que les services en charge de l'application de cette loi ont tout mis en oeuvre pour clore les chantiers législatifs de la session 2019-2020 et lancer ceux de la session 2020-2021 en veillant à respecter le délai de 6 mois.

De plus, il est à noter que les délais d'élaboration des textes de la loi Climat & Résilience nécessitent diverses consultations telles que :

- La consultation des collectivités d'outre-mer (13 mesures) ;

- La notification à la Commission européenne du projet de texte (7 mesures) ;

- La consultation de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (4 mesures) ;

- La consultation du public (6 mesures).

Enfin, il est primordial de rappeler que les ministères peuvent rencontrer des difficultés dans l'anticipation du nombre de mesures d'application à prendre d'une loi. Ce nombre peut en effet évoluer sensiblement entre le dépôt d'un projet de loi et la promulgation de la loi : à titre d'exemple, si seulement 33 renvois à des décrets d'application étaient identifiés dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, 153 renvois à des décrets d'application ont finalement été identifiés dans la loi publiée.

C'est pour cette raison que les services du SGG ont, dès le second semestre 2021, renforcé leur appui aux ministères dans la programmation des mesures d'application des lois. Plusieurs pistes d'évolution ont déjà été mises en oeuvre afin d'appeler l'attention des ministères sur l'importance de cet exercice.

En effet, le SGG a élaboré un guide de la programmation et du suivi de l'application des lois ainsi qu'une fiche d'accompagnement au remplissage des tableaux de programmation. Les directions ministérielles sont ainsi sensibilisées sur ce point dès les travaux préparatoires de la RIM de programmation.

Par ailleurs, chaque année, le Comité interministériel de l'application des lois est une instance au cours de laquelle il est rappelé aux directeurs de cabinet l'importance d'identifier les difficultés éventuelles le plus tôt possible afin de les surmonter dans les meilleurs délais.

Le SGG et les ministères déploient des efforts conséquents dès la promulgation de la loi afin d'anticiper autant que possible l'élaboration des textes d'application, sans pour autant préjuger des travaux préparatoires du législateur et de l'analyse du Conseil constitutionnel qui interviennent en amont de la publication.

5. Quel est le taux de présentation des rapports issus de l'article 67 de la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004 ?

Au cours de la session 2020-2021, parmi les 51 lois adoptées, 30 lois nécessitent la transmission d'un rapport issu de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit. A la date du 19 mai 2022, leur taux de remise est de 43 %, soit une transmission de 13 rapports sur un total de 30 attendus.

6. Sur les 51 lois adoptées lors de la session 2020-2021, et si l'on exclut les textes pour lesquels elle est de droit, 37 ont été examinées selon la procédure accélérée - soit un taux de 73 % en augmentation par rapport à la session précédente (26 sur 43, soit 60 %). Cette rapidité exigée du législateur contraste avec un délai de prise des textes d'application demeurant supérieur à six mois. Comment interprétez-vous ce phénomène ?

A la date du 31 mars 2022, 67 % des textes d'application des lois adoptées au cours de la session 2020-2021 ont été pris dans un délai inférieur ou égal à 6 mois, 30 % ont été pris dans un délai supérieur à 6 mois et inférieur ou égal à un an et 3 % l'ont été dans un délai supérieur à un an.

La part des textes pris dans un délai inférieur ou égal à 6 mois doit être rapportée aux taux des précédentes sessions. Après une diminution au cours de la session 2019-2020 (54 %), elle a retrouvé un niveau comparable à celui d'avant la crise sanitaire (68 % pour la session 2018-2019).

De la même manière, le délai moyen global de publication des textes d'application pour la session 2020-2021 (6 mois) est comparable à celui de la session 2018-2019. Ce délai avait connu un pic à 8 mois pour la session 2019-2020 en raison de la crise sanitaire.

Ainsi qu'il a été précisé dans les précédentes réponses, l'administration met tout en oeuvre pour prendre les textes d'application dans les meilleurs délais, mais elle reste dépendante des délais de consultation qui lui sont parfois imposés.

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