II. UN BILAN TRÈS MITIGÉ MALGRÉ LA SORTIE DE LA CRISE SANITAIRE
A. UN TAUX D'APPLICATION DES LOIS EN BAISSE POUR LA SECONDE ANNÉE REFLÉTANT UNE LÉGISLATURE AU BILAN EN DEMI-TEINTE
1. Un taux décevant s'expliquant par un rattrapage par rapport à la session précédente et par la trop faible applicabilité de certaines lois emblématiques
Le taux global d'application des lois calculé par le Sénat poursuit sa baisse entamée l'année précédente, pour s'établir à 57 % des mesures attendues. Si l'on exclut les mesures dont le législateur a prévu une entrée en vigueur différée, il atteint 63 %.
L'explication de cette nouvelle baisse n'est pas univoque. Si le Sénat se félicite du rattrapage dans la publication des mesures « en stock » appelées par les lois votées durant la session 2019-2020 , ce phénomène a mécaniquement pesé sur le rythme de prise des mesures pour la session 2020-2021 et a affecté le taux d'application des lois.
Cependant, la cause principale de ce taux décevant demeure la très faible application de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 - 10 % au 31 mars 2022 - avec seulement 14 mesures prises sur les 142 attendues. Si un rattrapage conséquent, auquel la saine pression exercée par le présent bilan n'est probablement pas étrangère , a été engagé par le Gouvernement depuis le 31 mars, le contenu des mesures prises n'est pas toujours fidèle à l'intention du législateur, en témoignent, selon la commission des affaires économiques, les décrets du 29 avril 2022 visant à appliquer le volet relatif à la lutte contre l'artificialisation des sols.
Les niveaux d'application perfectibles de la loi « ASAP » du 7 décembre 2020 - 68 % - et surtout de la loi Bioéthique du 2 août 2021 - 42 % - contribuent également à expliquer la dégradation du taux global. À titre d'exemple, au 31 mars, aucun décret n'était publié pour appliquer les dispositions relatives à l'accès aux origines d'une personne conçue dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur, rendant la perspective du 1 er septembre 2022, date à partir de laquelle le droit d'accès aux origines pourra effectivement s'exercer dans les conditions prévues par la loi, illusoire.
Une application des dispositions législatives à deux vitesses
Alors que le taux global de mise en application des mesures prévues s'établit à 57 %, on constate un différentiel très important selon la provenance des mesures : 77 % des mesures prévues par le texte initial ont été prises, taux qui tombe à 52 % lorsque les mesures sont issues d'un amendement du Gouvernement ou de l'Assemblée nationale, et chute encore davantage à 33 % pour celles issues d'un amendement sénatorial . Cet écart de près de 20 points entre l'application de mesures induites par les apports du Sénat et celles requises par des ajouts du Gouvernement ou de l'Assemblée nationale ne manque pas d'interroger.
2. La XVème législature : un bilan en demi-teinte
À l'approche du début de la XVIème législature, les données de la XVème permettent d'établir que, sur les 190 textes votés entre le 21 juin 2017 et le 30 septembre 2021, trop de lois demeurent non applicables ou partiellement applicables . En dehors des 72 lois d'application directe et des 50 complètement applicables - soit un total de 64 % de l'ensemble des lois - neuf lois demeurent non applicables tandis que 59 (31 %) ne sont, au 31 mars 2022, que partiellement applicables. Concernant le taux d'application des lois, il s'établit à 77 % pour la XVème législature alors qu'il s'élevait à 89 % à la fin de la XIVème et à 78 % au terme de la XIIIème.
Chiffres clés de la XVème législature au 31 mars 2022 2 ( * )
Au total, le taux d'application des lois votées lors de la session 2020-2021 s'inscrit dans une dynamique tangible de dégradation à l'oeuvre depuis la session 2017-2018.
Taux d'application des lois depuis la session 2016-2017
Note de lecture : au 31 mars 2020, le taux d'application des lois votées au cours de la session 2018-2019 tel que calculé par le Sénat s'élevait à 72 %.
* 2 Les chiffres utilisés dans le tableau pour la XIVème législature sont établis au 31 mars 2017, permettant une meilleure comparaison entre les deux législatures.