Rapport d'information n° 655 (2021-2022) de Mme Vanina PAOLI-GAGIN , fait au nom de la MI Excellence de la recherche/innovation, déposé le 8 juin 2022
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Synthèse du rapport (705 Koctets)
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ESSENTIEL
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LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
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INTRODUCTION
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I. UN FORT NIVEAU DE SOUTIEN PUBLIC À
L'INNOVATION QUI N'A PAS PERMIS LE DÉVELOPPEMENT DE NOUVEAUX CHAMPIONS
INDUSTRIELS
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A. UN ENGAGEMENT CROISSANT DES POUVOIRS PUBLICS EN
FAVEUR DE L'INNOVATION DEPUIS LA FIN DES ANNÉES 1990
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B. UN BILAN MITIGÉ EN MATIÈRE DE
CRÉATION D'ENTREPRISES INNOVANTES DE DIMENSION INDUSTRIELLE
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A. UN ENGAGEMENT CROISSANT DES POUVOIRS PUBLICS EN
FAVEUR DE L'INNOVATION DEPUIS LA FIN DES ANNÉES 1990
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II. POSER LES CONDITIONS SYSTÉMIQUES D'UNE
POLITIQUE DE L'INNOVATION EFFICACE
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A. CONSIDÉRER L'ÉDUCATION ET LA
RECHERCHE COMME UN INVESTISSEMENT DE LONG TERME DANS L'INNOVATION
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B. RÉHABILITER L'INDUSTRIE PAR
L'INNOVATION
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C. RENFORCER LA CULTURE DE L'INNOVATION ET DE
L'ENTREPRENEURIAT
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D. METTRE EN PLACE UNE VÉRITABLE
STRATÉGIE DE L'INNOVATION
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1. Inscrire les financements et dispositifs de
soutien dans une stratégie globale et cohérente
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a) Une vision trop « techno
push » et linéaire de l'innovation
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b) Des financements par appels à projets
qui ne favorisent pas l'élaboration d'une politique d'innovation
efficace
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c) Une profusion d'instruments qui nuit à
la lisibilité de la politique d'innovation
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d) Une politique de l'innovation encore trop
marquée par le saupoudrage
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e) Une évaluation à la fois trop
pesante et inefficace
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a) Une vision trop « techno
push » et linéaire de l'innovation
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2. Définir une politique globale et
cohérente de l'innovation
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3. Soutenir une gouvernance resserrée et
agile capable d'exécuter les décisions en « circuit
court »
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1. Inscrire les financements et dispositifs de
soutien dans une stratégie globale et cohérente
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A. CONSIDÉRER L'ÉDUCATION ET LA
RECHERCHE COMME UN INVESTISSEMENT DE LONG TERME DANS L'INNOVATION
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III. ACCOMPAGNER LA CRÉATION ET LA
CROISSANCE DES ENTREPRISES INNOVANTES À VOCATION INDUSTRIELLE
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A. FAIRE DE LA COMMANDE PUBLIQUE UN LEVIER DE
CROISSANCE POUR LES ENTREPRISES INNOVANTES : LE CHIFFRE D'AFFAIRES
PLUTÔT QUE LA SUBVENTION
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1. Une commande publique « low
cost » et peu encline à prendre des risques
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2. Faire de la commande publique un axe majeur du
soutien public à l'innovation
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a) Exploiter toutes les possibilités du
droit actuel de la commande publique
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b) Faire évoluer le droit de la commande
publique pour permettre la conciliation de plusieurs objectifs
d'intérêt général
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c) Tripler le plafond de recours à la
procédure de l'achat innovant
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d) Former les acheteurs publics à l'achat
innovant afin de faire évoluer les mentalités
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e) Encourager l'adoption d'un small business act
plus volontariste et accepter une forme de surfacturation des entreprises
innovantes émergentes européennes
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f) Promouvoir le partenariat d'innovation
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g) Prendre en compte les
spécificités du soutien à l'innovation en
santé
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a) Exploiter toutes les possibilités du
droit actuel de la commande publique
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1. Une commande publique « low
cost » et peu encline à prendre des risques
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B. LEVER LES OBSTACLES RÉGLEMENTAIRES ET
ADMINISTRATIFS ET RACCOURCIR LES DÉLAIS D'INSTRUCTION
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C. RÉORIENTER, À MOYENS CONSTANTS,
LES AIDES FISCALES POUR MIEUX ACCOMPAGNER LE PASSAGE À L'ÉCHELLE
DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES INNOVANTES
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D. AMÉLIORER LA VALORISATION POUR LEVER LES
FREINS À L'ESSOR DES START-UP LES PLUS INNOVANTES
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E. FAVORISER LA STRUCTURATION D'UN
ÉCOSYSTÈME DE FONDS D'INVESTISSEMENT À TOUTES LES
ÉTAPES DU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES INDUSTRIELLES
INNOVANTES
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1. Les effets délétères de la
politique des « petits pas »
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2. Massifier les fonds de croissance et assurer le
continuum de financement jusqu'à la constitution d'un
écosystème boursier adapté
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a) Adapter l'écosystème de
financement des start-up aux enjeux industriels dès les premières
levées de fonds
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b) Augmenter la capacité nationale à
mobiliser rapidement des fonds de croissance
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c) Structurer un écosystème
européen d'envergure afin d'éviter l'exclusivité de la
cotation à l'étranger de nos licornes technologiques et
industrielles
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a) Adapter l'écosystème de
financement des start-up aux enjeux industriels dès les premières
levées de fonds
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1. Les effets délétères de la
politique des « petits pas »
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F. INCITER LES GRANDS GROUPES À S'IMPLIQUER
DANS L'ÉMERGENCE ET LA CROISSANCE DES ENTREPRISES INNOVANTES
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G. FAIRE DE LA PROPRIÉTÉ
INDUSTRIELLE ET DE LA NORMALISATION DES SOURCES DE
COMPÉTITIVITÉ
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A. FAIRE DE LA COMMANDE PUBLIQUE UN LEVIER DE
CROISSANCE POUR LES ENTREPRISES INNOVANTES : LE CHIFFRE D'AFFAIRES
PLUTÔT QUE LA SUBVENTION
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I. UN FORT NIVEAU DE SOUTIEN PUBLIC À
L'INNOVATION QUI N'A PAS PERMIS LE DÉVELOPPEMENT DE NOUVEAUX CHAMPIONS
INDUSTRIELS
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ANNEXES
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EXAMEN DU RAPPORT
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LISTE DES DÉPLACEMENTS
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
N° 655
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juin 2022
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la mission d'information (1) sur le thème
«
Excellence
de la
recherche/innovation
,
pénurie
de
champions
industriels
:
cherchez
l'
erreur
française
»,
Président
M. Christian REDON-SARRAZY,
Rapporteur
Mme Vanina PAOLI-GAGIN,
Sénateurs
(1) Cette mission d'information est composée de : M. Christian Redon-Sarrazy, président ; Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur ; M. Serge Babary, Mmes Laure Darcos, Gisèle Jourda, MM. Jean-Pierre Moga, Thani Mohamed Soilihi, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Guylène Pantel, M. Daniel Salmon, vice-présidents ; M. Cédric Perrin, Mme Annick Jacquemet, secrétaires ; MM. Yves Bouloux, Yan Chantrel, Patrick Chauvet, Mmes Patricia Demas, Françoise Dumont, Corinne Imbert, M. Christian Klinger.
ESSENTIEL
L'incapacité de la France à développer un vaccin contre le covid-19 a rappelé brutalement qu'elle ne faisait plus partie des États leaders dans l'innovation. La France est-elle condamnée à se cantonner au rôle de fournisseur d'innovations technologiques de qualité et bon marché, transformées par des entreprises étrangères en innovations industrielles qui lui reviendront sous forme d'importations dégradant encore davantage sa balance commerciale ? C`est pour tenter de sortir de cette impasse que le groupe Les indépendants - République et Territoires, dans le cadre de l'article 6 bis du règlement du Sénat, a souhaité la création d'une mission d'information sur le thème « excellence de la recherche et innovation, pénurie de nouveaux champions industriels : cherchez l'erreur française ».
auditions
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auditions
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personnes
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contributions écrites |
UN SOUTIEN PUBLIC MASSIF EN FAVEUR DE L'INNOVATION POUR DES PERFORMANCES INDUSTRIELLES MITIGÉES
DE 2010 À 2030, 110 MILLIARDS D'EUROS ENGAGÉS EN FAVEUR DU SOUTIEN À L'INNOVATION
Depuis 2000, l'effort de l'État en faveur de l'innovation s'est sensiblement accru, avec une accélération à partir de 2010 via le lancement du premier programme d'investissement d'avenir (PIA). Au total, les trois premiers PIA ont mobilisé 57 milliards d'euros tandis que 54 milliards d'euros d'investissements supplémentaires seront engagés dans les prochaines années au travers du PIA 4 et de France 2030.
DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES À FAIRE ÉMERGER DE NOUVEAUX CHAMPIONS INDUSTRIELS
Les dispositifs publics mis en place ont permis l'essor d'un écosystème dynamique de start-up. Ainsi, la « French Tech » compte désormais 20 000 start-up contre 1 000 en 2013 et près de 11,6 milliards d'euros ont été levés en capital-risque en 2021.
Toutefois, les principaux bénéficiaires de ces dispositifs et investissements sont essentiellement les entreprises du numérique, des technologies de l'information et de la communication. Sur nos 26 licornes, l'une seulement est une société industrielle.
QUATRE PRÉREQUIS INDISPENSABLES À L'EFFICACITÉ D'UNE POLITIQUE D'INNOVATION AU SERVICE DE NOTRE AVENIR INDUSTRIEL
INVESTIR DANS L'ÉDUCATION ET LA RECHERCHE
Les investissements dans la recherche fondamentale sont essentiels car ils déterminent notre capacité à anticiper les ruptures technologiques de demain . Par ailleurs, une recherche fondamentale de haut niveau requiert d'investir en amont dans l'enseignement supérieur et la formation, en particulier dans les disciplines technologiques et scientifiques.
Pourtant, depuis plus de 20 ans, les dépenses en R&D de la France stagnent à 2,2 % du PIB, nettement inférieures à l'objectif de 3 % fixé par le conseil européen de Lisbonne, tandis que la dépense moyenne par étudiant baisse chaque année de 0,8 % depuis 2010 , avec des conséquences désastreuses sur la qualité de la recherche et des apprentissages.
Une revalorisation massive des rémunérations à la fois des enseignants et des chercheurs ainsi qu'une loi de programmation de l'enseignement supérieur sont indispensables pour relever le niveau des enseignements, susciter des vocations d'ingénieurs, de scientifiques ainsi qu'attirer et conserver les talents sur notre territoire.
RÉINDUSTRIALISER PAR L'INNOVATION
70 % des dépenses privées de recherche et de développement sont portées par l'industrie manufacturière . La désindustrialisation massive de la France, encouragée par le mythe funeste des « entreprises sans usine », explique en grande partie la faiblesse de nos dépenses en R&D.
La politique de recherche et d'innovation doit donc être orientée vers la réindustrialisation de la France, notamment en favorisant les partenariats de recherche et de transfert de technologie avec des entreprises françaises et en fixant des conditions de localisation sur le territoire lorsqu'une entreprise bénéficie d'investissements publics et de brevets français.
RENFORCER LA CULTURE DE L'INNOVATION ET DE L'ENTREPRENEURIAT
La culture de l'innovation et de l'entrepreneuriat implique la prise de risques et l'acceptation sociale de l'erreur en tant que phénomène normal dans le processus d'apprentissage. Or notre système éducatif inculque la peur de l'échec. En outre, alors que les capacités d'innovation technologique des entreprises reposent en grande partie sur leurs liens avec la recherche académique, la France se situe seulement au 31 e rang mondial en matière de synergies entre recherche académique et entreprises, en dépit des progrès accomplis depuis vingt ans.
Afin d'insuffler une culture de l'innovation à tous les niveaux de la société, il est nécessaire de modifier la perception française de l'échec dès le plus jeune âge au travers d'une réforme des méthodes pédagogiques, d'élargir le vivier des innovateurs potentiels par des politiques ciblées en direction des filles et des jeunes issus des classes sociales les moins favorisées et de généraliser les formations à l'entrepreneuriat dans l'enseignement supérieur . Enfin, le renforcement des synergies entre recherche académique et entreprises exige de revoir les critères d'évaluation des chercheurs afin d'accorder la même valeur aux brevets qu'aux publications scientifiques, de revaloriser la recherche technologique , d'augmenter le nombre de doctorants en entreprises et de multiplier les « lieux de frottement » entre monde académique et monde économique .
METTRE EN PLACE UNE VÉRITABLE STRATÉGIE DE L'INNOVATION
La France a une vision trop linéaire de l'innovation , conduisant les pouvoirs publics à soutenir celle-ci essentiellement au travers d'appels à projets qui ne permettent pas de construire des feuilles de route industrielles et technologiques. En outre, le nombre de dispositifs de soutien à l'innovation est passé de 30 à plus de 60 entre 2000 et 2015 . Ce manque de lisibilité doublé d'un saupoudrage des aides publiques est incompatible avec le développement rapide de secteurs technologiques innovants fortement capitalistiques. Enfin, le soutien public à l'innovation se caractérise par une culture de l'évaluation ex ante à la fois pesante et inefficace.
Afin d'adopter une stratégie de l'innovation globale et cohérente, il est nécessaire de s'appuyer sur les écosystèmes territoriaux pilotés par les régions, de privilégier une approche holistique combinant les dispositifs de soutien à des projets en amont avec une capacité à appuyer les phases aval d'industrialisation, de coordonner la stratégie nationale avec les dispositifs européens de soutien public à l'innovation et de mettre en place des gouvernances agiles et resserrées, capables d'exécuter des décisions en « circuit court » fondées sur une évaluation régulière de l'impact économique des projets soutenus et sur une veille stratégique et prospective permanente.
LES TROIS AXES D'UN SOUTIEN COLLECTIF AU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES INDUSTRIELLES INNOVANTES
LE RÔLE DU PARLEMENT : DES MODIFICATIONS FISCALES À ADOPTER, DES AVANCÉES LÉGISLATIVES À SOUTENIR
Le crédit d'impôt recherche (CIR) représente une dépense annuelle de 6,6 milliards d'euros, soit les deux tiers des dépenses publiques de soutien à l'innovation, avec une efficacité - démontrée - inversement proportionnelle à la taille des entreprises. Or, si 91 % des bénéficiaires du CIR sont les PME, elles ne représentent que 32 % de la créance fiscale. Inversement, les 10 % des bénéficiaires les plus importants perçoivent 77 % du montant total de CIR.
Afin de concilier stabilité fiscale et renforcement de l'efficacité du CIR, il est proposé d'apporter, à la marge et à moyens constants, les modifications fiscales suivantes :
• supprimer le CIR au-delà du plafond de 100 millions d'euros de dépenses de R&D tout en augmentant à due concurrence le taux en deçà de ce plafond ;
• calculer le plafond du CIR au niveau de la holding de tête pour les groupes qui pratiquent l'intégration fiscale et augmenter à due concurrence le taux en deçà du plafond de 100 millions d'euros de dépenses de R & D.
De même, il est proposé de doubler le plafond du crédit impôt innovation (CII) pour le porter à 800 000 euros, afin de mieux accompagner le passage à l'échelle des PME industrielles innovantes en leur permettant de financer des démonstrateurs plus coûteux.
En outre, il est proposé d'instituer un « coupon recherche innovation » de 30 000 euros à destination des PME , dans la limite d'une enveloppe globale de 120 millions d'euros.
Enfin, l'adoption d'une loi pluriannuelle de programmation pour l'innovation, dont l'élaboration associerait pleinement le Parlement, paraît indispensable afin de répondre au « besoin de temps long » des acteurs industriels et de l'innovation et d'assurer une démarche globale, lisible et cohérente de planification budgétaire dans un contexte de dispersion des crédits et de leur gouvernance.
LE RÔLE DU GOUVERNEMENT : UNE COMMANDE PUBLIQUE À MOBILISER, UNE APPROCHE ADMINISTRATIVE À RÉFORMER, UNE VISION STRATÉGIQUE À CLARIFIER
Alors que la commande publique représente 111 milliards d'euros (chiffres de 2020) et constitue un levier majeur de soutien aux industries innovantes dans de nombreux pays, cet outil demeure très peu utilisé en France. Face à une approche frileuse du droit de la commande publique, à des pratiques qui privilégient les grands groupes plutôt que les PME innovantes et au regard des résultats décevants de l'expérimentation sur les achats innovants, il convient de faire de la commande publique un levier essentiel de croissance des entreprises industrielles innovantes par :
• l'utilisation de toutes les souplesses du code des marchés publics (description précise des besoins pour orienter le choix, fixation de normes techniques, règles spécifiques dans le domaine de la défense et de la sécurité qui permettent de recourir à la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalables, etc.) ;
• l'intégration du soutien à l'innovation parmi les principes généraux du droit de la commande publique pour que d'autres objectifs de nature économique, écologique et sociale viennent contrebalancer le respect de la concurrence, en appliquant le principe de proportionnalité, à l'instar de ce qui se fait déjà dans d'autres États européens ;
• le triplement du plafond de l'achat innovant , qui permet de passer des marchés publics sans publicité ni mise en concurrence préalables, pour le porter de 100 000 à 300 000 euros ;
• la formation des acheteurs publics à l'achat innovant , afin d'introduire la culture du risque et de les sensibiliser aux souplesses offertes par le droit de la commande publique souvent méconnues ou ignorées par les pouvoirs adjudicateurs ;
• l'adoption, au niveau européen, d'un Small Business Act afin de réserver une partie de la commande publique aux acteurs économiques européens de moindre taille.
Face au manque de culture technique et industrielle de l'administration et aux longueurs excessives des procédures administratives, il est indispensable de renforcer les initiatives de facilitation des démarches et de raccourcissement des délais pour aligner temps administratif et temps économique en :
• fixant des objectifs chiffrés pour les délais des procédures administratives (instruction des dossiers, autorisation de mise sur le marché, etc.) ;
• systématisant la pratique des procédures menées en parallèle et en garantissant que les administrations soient engagées par leurs réponses antérieures ;
• augmentant le nombre de « sites industriels clés en main » par une meilleure planification de leur utilisation, en collaboration avec les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l'État, et en privilégiant les opérations de recyclage des friches industrielles.
La propriété intellectuelle, notamment la propriété industrielle, est une source majeure de compétitivité pour les entreprises et pour l'économie. En France, cet enjeu est pourtant insuffisamment pris en compte par les pouvoirs publics et les PME. À l'instar de ce qui existe dans d'autres pays, il est proposé de créer un Haut-commissariat à la propriété industrielle placé auprès du Premier ministre afin d'intégrer, au plus haut niveau, cet enjeu à la stratégie globale de soutien à l'innovation.
LE RÔLE DES ACTEURS PRIVÉS : UN ÉCOSYSTÈME DE FONDS D'INVESTISSEMENT DÉDIÉS AUX ENTREPRISES INDUSTRIELLES INNOVANTES À DÉVELOPPER, UNE ATTITUDE BIENVEILLANTE À ADOPTER
En complément des initiatives prises par les pouvoirs publics, l'investissement privé doit prendre le relais afin de soutenir toutes les étapes du développement des entreprises industrielles innovantes (de l'amorçage jusqu'à l'introduction en bourse), par :
• l'extension de l'initiative Tibi au financement des entreprises industrielles innovantes, de rupture technologique et de biotechnologie , via la mobilisation, dès 2023, des investisseurs institutionnels (en particulier des mutuelles et des organismes de prévoyance) pour soutenir la création de fonds de croissance sensibilisés aux spécificités des projets à vocation industrielle ;
• la sensibilisation des gestionnaires de patrimoine - notamment de familles industrielles -, à la nécessité de proposer des investissements dans le développement de start-up industrielles ;
• l'amélioration de la formation des analystes financiers aux problématiques propres aux entreprises industrielles innovantes et à l'intérêt de mieux répartir leurs investissements sur l'ensemble du territoire national ;
• l'accélération de la création d'un « Nasdaq européen » dédié, dès maintenant, aux licornes du numérique et permettant, dans un second temps, d'accueillir les licornes industrielles ;
• l'incitation des grands groupes à s'impliquer dans l'émergence et la croissance des entreprises innovantes en intégrant, au sein des critères de responsabilité sociale des entreprises, la collaboration entre les grands groupes et les start-up et PME innovantes.
LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
1. Faire de la commande publique un levier essentiel de croissance pour les entreprises industrielles innovantes :
- utiliser toutes les souplesses du droit de la commande publique ;
- intégrer le soutien à l'innovation parmi les principes généraux du droit de la commande publique, au même niveau que le principe de la concurrence ;
- tripler le plafond de l'achat innovant à 300 000 euros ;
- former les acheteurs publics à l'achat innovant afin d'introduire la culture du risque et les sensibiliser à une interprétation moins frileuse des règles ;
- adopter, au niveau européen, un small business act afin de soutenir les entreprises européennes dans les achats publics.
2. Faire converger temps administratif et temps économique :
- fixer des objectifs chiffrés pour les procédures administratives (instruction des dossiers, délivrance des autorisations de mise sur le marché, etc.) ;
- systématiser la pratique des procédures menées en parallèle et imposer que les administrations soient engagées par leurs réponses antérieures ;
- augmenter le nombre de « sites industriels clés en main » par une meilleure planification de leur utilisation, en collaboration avec les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l'État, et en privilégiant les opérations de recyclage des sites industriels.
3. Réorienter les aides fiscales pour mieux accompagner le passage à l'échelle des petites et moyennes entreprises innovantes :
- supprimer le crédit d'impôt recherche (CIR) au-delà du plafond de 100 millions d'euros de dépenses de R&D tout en augmentant à due concurrence le taux en deçà de ce plafond ;
- calculer le plafond du CIR au niveau de la holding de tête pour les groupes qui pratiquent l'intégration fiscale et augmenter à due concurrence le taux en deçà du plafond de 100 millions d'euros de dépenses ;
- doubler le plafond du crédit d'impôt innovation (CII) pour le porter à 800 000 euros ;
- instituer un « coupon recherche innovation » de 30 000 euros, à destination des PME, dans la limite d'une enveloppe globale de 120 millions d'euros.
4. Élaborer, dès 2022, une loi pluriannuelle de programmation de l'innovation, pour renforcer l'efficacité de la politique de valorisation, visant à :
- adopter des critères économiques, écologiques, sociaux et de souveraineté pour évaluer l'objectif de promotion du transfert technologique et de l'innovation du programme 172 de la MIRES ;
- fixer des objectifs chiffrés en matière de collaboration et de transfert de technologie entre organismes de recherche et entreprises françaises et européennes ;
- supprimer l'objectif de rentabilité assigné aux SATT ;
- conditionner le soutien financier aux start-up à des obligations en matière d'implantation industrielle, y compris en cas de rachat par une société étrangère ;
- confier au Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur une nouvelle mission d'évaluation ex post des politiques de transfert et de valorisation menées par les organismes publics de recherche et les établissements d'enseignement supérieur.
5. Faire émerger un écosystème de fonds d'investissement dédiés aux entreprises industrielles innovantes :
- élargir les sources de financement selon deux axes :
o côté acteurs institutionnels : étendre l'initiative Tibi au financement des entreprises industrielles innovantes, de rupture technologique et de biotechnologie, via la mobilisation, dès 2023, des investisseurs institutionnels (compagnies d'assurance-vie, mutuelles, caisses de prévoyance, etc.) pour soutenir la création de fonds de croissance sensibilisés aux spécificités des projets à vocation industrielle ;
o côté acteurs privés : sensibiliser l'ensemble des acteurs, notamment en incitant les gestionnaires de patrimoine de familles industrielles à investir dans le développement des start-up industrielles ;
- former les analystes financiers aux problématiques spécifiques des entreprises industrielles innovantes et à l'intérêt de mieux répartir leurs investissements sur le territoire ;
- accélérer la création d'un « Nasdaq européen », dédié, dès maintenant, aux licornes du numérique et permettant, dans un second temps, d'accueillir les licornes industrielles.
6. Inciter les grands groupes à s'impliquer dans l'émergence et la croissance des entreprises innovantes :
- encourager les grands groupes à mettre à disposition des start-up leurs lignes de production ;
- intégrer, au sein des critères de la responsabilité sociale des entreprises, la collaboration avec les start-up et PME innovantes.
7. Faire de la propriété industrielle et de la normalisation des sources de compétitivité :
- créer un Haut-commissariat à la propriété industrielle, afin d'intégrer, au plus haut niveau, cette dimension dans la stratégie globale de soutien à l'innovation ;
- mener une action volontariste de sensibilisation à l'enjeu de la propriété industrielle, notamment auprès des PME ;
- impliquer plus fortement les organismes publics et privés auprès des instances européennes et internationales de normalisation.
INTRODUCTION
Dans le rapport qui a préfiguré le lancement du programme d'investissement d'avenir 1 ( * ) , Alain Juppé et Michel Rocard rappelaient que « l'accélération du progrès technique divise les pays en deux catégories : ceux qui inventent et ceux qui copient. » L'incapacité de produire un vaccin contre la Covid-19 a constitué un traumatisme pour notre pays, car elle a exposé au grand jour le glissement de la France de la première à la seconde catégorie : le pays de Pasteur ne fait plus partie des grandes nations innovantes dans le domaine de la santé et ce constat est malheureusement pertinent dans la plupart des autres grands domaines technologiques, à l'exception de l'aéronautique et de l'énergie nucléaire .
Pourtant, la recherche fondamentale française est reconnue dans le monde entier, comme en témoignent les nombreux prix Nobel français en chimie 2 ( * ) , en physique 3 ( * ) ou en médecine 4 ( * ) .
Par ailleurs, l'écosystème de l'innovation en France a fait des progrès considérables depuis le lancement du premier programme d'investissement d'avenir en 2010 , que ce soit à travers la multiplication des dispositifs de valorisation pour soutenir les partenariats entre la recherche publique et les entreprises ou encore la mise en place d'instruments fiscaux et financiers pour encourager la création et le développement de start-up et PME innovantes.
Cette stratégie a porté ses fruits dans le domaine de l'internet et la France est fière de ses 26 « licornes », start-up valorisées à plus d'un milliard d'euros. En revanche, les retombées industrielles de l'innovation en France restent décevantes .
Selon un rapport récent 5 ( * ) , « la France se situe sous la moyenne de l'UE-15 pour la proportion d'entreprises technologiquement innovantes et la part des services de haute technologie dans les créations d'entreprises. La compétitivité hors-prix des entreprises françaises est en décrochage depuis 2008 et entre 2006 et 2018, 64 % des entreprises françaises leaders de leur filière ont reculé dans la hiérarchie mondiale ».
Cette incapacité à relever le défi de l'innovation industrielle est largement responsable du déficit chronique de notre balance commerciale qui s'est encore accentué en 2021 pour atteindre 84,7 milliards d'euros.
Elle est également à l'origine de notre étroite dépendance à l'égard de chaînes d'approvisionnement situées dans des pays lointains , dépendance qui s'est révélée particulièrement préjudiciable au moment de la crise sanitaire liée à la Covid-19. Cette dépendance, outre le fait qu'elle est en contradiction avec les objectifs de transition écologique, continue à pénaliser des pans entiers de l'économie française, notamment ceux dont les productions intègrent des semi-conducteurs.
Enfin, notre souveraineté technologique s'en trouve affaiblie et nous risquons d'être dépassés dans la course aux innovations indispensables pour relever les grands défis sociétaux relatifs au changement climatique, à la transition énergétique, à la santé et à l'environnement .
Pourtant, la France investit massivement dans l'innovation . La stratégie de soutien public à l'innovation des entreprises représente désormais un effort financier de 10 milliards d'euros par an tandis que les premiers PIA ont déjà mobilisé 57 milliards d'euros de dotations budgétaires en faveur du soutien à l'innovation. Par ailleurs, à travers le lancement du PIA 4 et du programme France 2030, ce sont 54 milliards d'euros d'investissements supplémentaires qui seront engagés dans les prochaines années.
Est-ce que la France est condamnée à être le fournisseur d'innovations technologiques de très haut niveau à très bas coût, car financées par les contribuables, avec un déficit de la balance du commerce extérieur pour tout retour sur investissement en l'absence de champions industriels ? Ou entend-elle prendre une place importante en matière de création de technologie et préférer être donneur d'ordre plutôt que sous-traitant ?
Il n'existe pas de fatalité et, comme l'a souligné l'un des intervenants, « nous vivons une période d'accélération technologique et scientifique sans précédent [...] et jamais les positions acquises n'ont été aussi fragiles, d'où notre optimisme » 6 ( * ) .
C'est d'ailleurs parce que votre rapporteur est persuadé que la France dispose des atouts nécessaires pour devenir une économie de rupture technologique qu'il a souhaité lancer cette mission d'information et analyser les obstacles et les blocages qui empêchent « de transformer l'essai de l'innovation ».
Dans ce cadre, 57 auditions plénières et 10 auditions « rapporteur » ont été organisées, qui ont permis d'entendre 125 personnes représentant l'ensemble de la chaîne de l'innovation : organismes de recherche, universités, grandes écoles, entreprises, organisations professionnelles, administrations en charge de la politique de soutien à la recherche et à l'innovation, fonds d'investissement et acteurs financiers, personnalités qualifiées.
Par ailleurs, les membres de la mission d'information ont effectué trois déplacements à Limoges, sur le plateau de Saclay et à Troyes.
Il est apparu que si la France se caractérise par un fort niveau de soutien à l'innovation, ce dernier n'a pas permis le développement de nouveaux champions industriels (I).
En effet, la politique française de l'innovation ne pourra être efficace que si quatre conditions systémiques sont remplies au préalable (II) : l'éducation et la recherche doivent être considérées comme un investissement de long terme dans l'innovation et non comme une simple dépense à maîtriser ; l'industrie doit être réhabilitée comme acteur majeur de l'innovation ; la culture de l'innovation et de l'entrepreneuriat doit irriguer l'ensemble de la société française ; l'innovation doit faire l'objet d'une véritable stratégie globale de long terme.
Enfin, l'accompagnement de la création et de la croissance des entreprises innovantes à vocation industrielle passe par sept mesures prioritaires (III) : l'utilisation de la commande publique comme levier essentiel de croissance pour les entreprises industrielles innovantes ; la convergence du « temps administratif » et du « temps économique » ; la réorientation des aides fiscales pour mieux accompagner le passage à l'échelle des PME innovantes ; l'élaboration d'une loi pluriannuelle de programmation de l'innovation pour renforcer l'efficacité de la politique de valorisation ; le développement d'un écosystème de fonds d'investissement dédié aux entreprises industrielles innovantes ; l'implication des grands groupes dans l'émergence et la croissance des entreprises innovantes ; l'utilisation de la propriété intellectuelle et de la normalisation comme sources de compétitivité.
I. UN FORT NIVEAU DE SOUTIEN PUBLIC À L'INNOVATION QUI N'A PAS PERMIS LE DÉVELOPPEMENT DE NOUVEAUX CHAMPIONS INDUSTRIELS
A. UN ENGAGEMENT CROISSANT DES POUVOIRS PUBLICS EN FAVEUR DE L'INNOVATION DEPUIS LA FIN DES ANNÉES 1990
1. Des niveaux élevés de soutien public à l'innovation
a) Le soutien à l'innovation au coeur de la stratégie de compétitivité économique
Le rapport de 2016 de la Commission nationale d'évaluation des politiques publiques (CNEPI) rappelle les nombreuses raisons pour lesquelles l'innovation est désormais devenue un objectif central de politique publique : « Dans les économies avancées, elle est d'abord une source essentielle de la croissance et de la progression du niveau de vie. Sur le plan de la compétitivité internationale, ensuite, elle permet de se différencier de la concurrence autrement que par les seuls facteurs de coût, sur la base desquels des pays à haut revenu ne peuvent durablement se contenter de rivaliser. Elle est enfin à l'origine de nouveaux produits et de nouveaux services ; en particulier, elle permet de mieux répondre aux défis sociétaux qui se posent dans des domaines tels que la santé, le vieillissement démographique, le changement climatique et la rareté des ressources » 7 ( * ) .
Par conséquent, toutes les grandes économies se sont lancées dans la course à l'innovation et leurs États ont mis en place des politiques publiques de soutien à l'innovation . Selon une analyse réalisée par la direction générale du Trésor 8 ( * ) , il existe schématiquement trois principaux modèles de politiques d'innovation industrielle :
- les politiques dites « horizontales » , traditionnellement développées en Amérique du Nord et dans les pays d'Europe de l'Ouest, « horizontales » en ce qu'elles visent à établir les conditions-cadres et les prérequis jugés nécessaires pour favoriser la recherche et l'innovation, tels que les investissements dans l'éducation, la recherche scientifique fondamentale, la constitution d'écosystèmes territoriaux ou encore l'établissement d'un droit de propriété intellectuelle ;
- les politiques de transition , comme au Japon et en Corée du Sud , entre des politiques historiquement dirigistes vers des positionnements plus ciblés à la frontière technologique et un soutien plus décentralisé de l'innovation ;
- les politiques planificatrices à l'image de la Chine dont le « capitalisme d'État » favorise le développement des entreprises à capitaux publics et des grandes industries nationales.
b) Une montée en puissance du soutien public de la France à l'innovation
Le soutien public de la France à l'innovation s'apprécie au regard des montants d'investissements publics engagés ces dernières années . Selon les estimations réalisées dans le cadre du rapport précité de la CNEPI, entre 2000 et 2014, l'effort de l'État en faveur de l'innovation a été sensiblement accru, passant de 3,5 à 8,7 milliards d'euros , soit une augmentation de 0,16 point de PIB.
Sur cette même période, le soutien public à l'innovation a connu des changements importants qui ont façonné l'écosystème français tel qu'il apparaît aujourd'hui : priorité accordée au soutien des dépenses de recherche et d'innovation des entreprises, montée en régime du crédit d'impôt recherche (CIR), développement des instruments de financement des entreprises avec la création de Bpifrance en 2012 et lancement du premier plan d'investissement d'avenir (PIA) par la loi de finances rectificative de 2010.
Les programmes d'investissement d'avenir (PIA) ont accéléré et massifié le soutien public à l'innovation en France : le PIA 1 (2010-2013) était doté de 35 milliards d'euros, le PIA 2 (2014-2016) de 12 milliards d'euros, le PIA 3 (2017-2020) de 10 milliards d'euros . En dix ans, les premiers PIA ont donc déjà mobilisé 57 milliards d'euros de dotations budgétaires en faveur du soutien à l'innovation autour des grandes priorités définies dans le rapport Juppé-Rocard précité 9 ( * ) : la recherche et l'enseignement supérieur, les sciences du vivant, le développement des PME innovantes, la transition numérique et la transition écologique, en particulier dans les secteurs des transports et du logement.
En vigueur depuis 2021, le PIA 4 est doté de 20 milliards d'euros dont 11 milliards ont été intégrés au plan France Relance . Plus récemment, le PIA 4 a consolidé le plan France 2030 , doté de 34 milliards d'euros supplémentaires par la loi de finances pour 2022.
Au total, ce sont donc 54 milliards d'euros d'investissements supplémentaires qui seront engagés dans les prochaines années 10 ( * ) , dont 40,5 milliards d'euros pour le « volet dirigé », visant à soutenir des filières économiques identifiées comme stratégiques et prioritaires, et 13,5 milliards d'euros pour le « volet structurel » afin de soutenir le financement de l'écosystème de la recherche, de l'enseignement supérieur et de la valorisation (dont 4,25 milliards d'euros pour les aides à l'innovation sous forme de subventions et de prêts et 3 milliards d'euros sous forme d'investissements en fonds propres dans les entreprises innovantes).
À ces différentes aides de l'État, il faut également ajouter les aides versées par les régions et l'Union européenne.
S'il est ainsi difficile de faire un bilan complet des différentes aides publiques et incitations fiscales dont bénéficient les entreprises en France pour financer leurs dépenses de recherche, de développement et d'innovation, les investissements publics atteignent désormais des montants inédits . C'est pourquoi les attentes de la mission d'information en matière d'impact des politiques d'innovation, d'efficacité de la dépense publique et de retombées économiques sont fortes .
2. Un soutien de l'innovation essentiellement transversal malgré une volonté récente de stratégies plus ciblées
a) Des politiques transversales visant à corriger des faiblesses structurelles
Premièrement, les politiques publiques de soutien à l'innovation visent à accroître les dépenses de recherche et de développement (R&D) des entreprises , sans distinction sectorielle ou ciblage stratégique particulier.
En effet, 27 % de la dépense intérieure de R&D des entreprises est financée par des aides directes ou indirectes, contre 11 % aux États-Unis et seulement 3 % en Allemagne.
Selon un récent rapport de la Cour des comptes 11 ( * ) , la stratégie de soutien public à l'innovation des entreprises représente désormais un effort financier de 10 milliards d'euros par an, contre 3 milliards d'euros en 2010. Par conséquent, la France est le deuxième pays de l'OCDE consacrant le plus d'aides à la R&D des entreprises, avec comme principal instrument le crédit d'impôt recherche (CIR) pour un montant total de 6,4 milliards d'euros en 2019.
Deuxièmement, les politiques publiques de soutien à l'innovation visent à développer les partenariats entre la recherche publique et les entreprises et à assurer le transfert de technologies . Il existe plus de 60 dispositifs de recherche partenariale répertoriés, dont les 54 pôles de compétitivité, les 13 sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), les 39 Instituts Carnot, les 8 instituts de recherche technologique (IRT), les 60 centres de ressources technologiques (CRT), les 15 cellules de diffusion technologique (CDT), mais également les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) 12 ( * ) qui permettent aux entreprises de bénéficier d'une aide financière pour embaucher un doctorant dont les travaux de recherche sont susceptibles de valorisation.
Troisièmement, les politiques publiques de soutien à l'innovation visent à promouvoir l'entrepreneuriat innovant , en particulier pour combler les retards de la France dans des secteurs stratégiques comme le numérique ou les biotechnologies. Parmi les principales actions mises en oeuvre, le dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI) est particulièrement apprécié, dès lors qu'il ouvre droit à des exonérations fiscales et/ou sociales.
Enfin, les politiques publiques de soutien à l'innovation visent à soutenir le développement des entreprises innovantes , par exemple via le crédit d'impôt innovation (CII), mais également à travers la mise en place progressive de fonds d'amorçage, de démarrage et de croissance.
b) Le retour vers une stratégie plus verticale ?
Les politiques publiques de soutien à l'innovation de la France tendent à évoluer, passant progressivement de politiques dites « horizontales » à des politiques plus « verticales » visant à soutenir des filières et des secteurs économiques considérés comme stratégiques.
Si le PIA 1 avait défini sept axes prioritaires d'investissement tels qu'identifiés par le rapport Juppé-Rocard de 2009, ces priorités sectorielles stratégiques n'ont pas été actualisées pendant une dizaine d'années, ni forcément poursuivies de manière constante.
À la lumière des enseignements tirés de la crise de la Covid-19 et de ses conséquences économiques, le PIA 4 et le plan d'investissement France 2030 opèrent un changement de paradigme puisqu'ils « ont établi une doctrine d'investissement nouvelle consistant à concentrer l'effort public sur un nombre limité de secteurs et technologies essentiels dans l'indépendance et la prospérité à long terme de la France » 13 ( * ) .
Ainsi, le « volet dirigé » de cette nouvelle enveloppe de 54 milliards d'euros identifie plusieurs stratégies d'accélération dans les domaines de l'hydrogène décarboné, de la cybersécurité, de l'enseignement du numérique ou encore de l'alimentation, pour un montant total de 40,5 milliards d'euros, dont 13 milliards d'euros dédiés à l'industrialisation.
Si les effets de ce changement de paradigme ne seront évaluables que dans plusieurs années, l'objectif pour la France est double : poursuivre la dynamique de rattrapage par rapport à certains États concurrents et acquérir les compétences nécessaires pour demeurer à la « frontière technologique » et disposer d'un avantage comparatif dans les technologies de rupture de demain .
En effet, selon le tableau de bord européen de l'innovation pour l'année 2020 14 ( * ) , élaboré par la Commission européenne, la France constitue un « innovateur notable » mais ne fait pas partie des pays « leaders de l'innovation » que sont la Suède, la Finlande, le Danemark, les Pays-Bas et le Luxembourg.
B. UN BILAN MITIGÉ EN MATIÈRE DE CRÉATION D'ENTREPRISES INNOVANTES DE DIMENSION INDUSTRIELLE
1. La France, nouvelle « start-up nation » ?
a) Une dynamique bien engagée en faveur de la création d'entreprises innovantes
Les différentes auditions et déplacements menés dans le cadre de cette mission d'information mettent en évidence le sentiment, partagé par l'ensemble des intervenants, d'une forte amélioration de l'écosystème entrepreneurial, du soutien à l'innovation des entreprises et surtout à la création de start-up en France.
Didier Roux, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies, témoigne de cette évolution : « alors que le mot "start-up" n'existait presque pas il y a trente ans, la France est devenue un paradis pour créer des start-up de petite taille n'ayant pas besoin de beaucoup d'argent » 15 ( * ) .
Un sentiment qui a été partagé par plusieurs entrepreneurs entendus dans le cadre de cette mission d'information. Ainsi, Jean-Pierre Nozières, président-directeur général de la start-up française Antaios et quatre fois lauréat du concours d'innovation i-Lab, explique qu'il est devenu facile de créer une start-up en France, précisant que : « les organismes aident beaucoup, ce qui n'était pas le cas voilà vingt-cinq ans. La loi Pacte est parfaite ; il y a un peu partout des fonds d'amorçage prêts à vous donner quelques millions d'euros pour démarrer. Les banques jouent bien leur rôle : elles ont presque toutes une agence chargée d'accompagner l'innovation et les prêts garantis par l'État les "décrispent". En d'autres termes, on peut démarrer assez facilement. » 16 ( * )
À cet égard, le rôle de Bpifrance est majeur pour soutenir la création et le développement de jeunes entreprises innovantes. Selon le rapport de la Cour des comptes précité, entre 2016 et 2019, 15 613 opérateurs ont bénéficié de 14 milliards d'euros de soutiens publics sous diverses formes, dont 4,6 milliards d'euros provenant de Bpifrance, majoritairement versés à des entreprises de moins de 10 salariés 17 ( * ) . Selon Paul-François Fournier, directeur exécutif Innovation de Bpifrance, « les choses évoluent de façon positive depuis un moment, puisque nous comptons déjà 26 licornes, et que nous observons des levées de fonds significatives et des introductions en bourse » 18 ( * ) .
De façon complémentaire, l'impulsion donnée par la French Tech pour créer un écosystème de soutien aux start-up innovantes et faciliter leurs relations avec l'administration est également importante.
b) La mise en place progressive d'un continuum de soutien à la création de start-up innovantes
Le soutien à la création et au développement des start-up est devenu une priorité, car les start-up sont devenues un moyen de faciliter les transferts de technologies issues de la recherche académique . Il nécessite un « continuum de financement », généralement séquencé en quatre étapes principales : la phase d'incubation, la phase d'amorçage, la phase de démarrage puis la phase de croissance. À chaque phase, les besoins de financement s'accroissent et la typologie des fonds différente.
Source : Trésor-éco, « Capital-risque et développement des start-up françaises », Février 2021
La France a mis en place un « continuum » de financement efficace à chaque étape de la croissance des entreprises innovantes, sous l'impulsion majeure de Bpifrance qui joue à la fois le rôle d'opérateur distribuant des aides publiques à l'innovation et celui de banque publique de développement intervenant par des prêts et des investissements en fonds propres dans le capital des entreprises innovantes .
c) Un effet mesurable sur la création de start-up
La mise en place et la consolidation progressive de ce « continuum de financement » a des effets bénéfiques sur la création de start-up françaises et leur accès aux financements . Selon le baromètre du capital-risque élaboré par le cabinet de conseil Ernst & Young (EY), l'année 2021 est « historique » en France, avec 11,6 milliards d'euros levés pour 784 opérations, soit une augmentation de 26 % en volume et de 115 % en valeur par rapport à l'année précédente. Par ailleurs, la France compte désormais 26 licornes , dont 12 nouvelles depuis 2021.
Au total, la French Tech estime que son écosystème est composé de 20 000 start-up , contre 1 000 lors de sa création en 2013, représentant 500 000 emplois directs et indirects .
Les actions entreprises pour permettre un continuum de financement et d'accompagnement des nouvelles entreprises innovantes doivent être poursuivies et consolidées. Néanmoins, elles s'inscrivent plutôt dans une dynamique de rattrapage de la France par rapport à ses principaux concurrents européens, comme l'a montré André Loesekrug-Pietri, directeur de la Joint European Disruptive Initiative (JEDI) : « Nous célébrons la naissance d'une 26 e licorne en France, à juste titre car le nombre de ces entreprises a été triplé en huit mois, passant de 8 à 26, mais les Britanniques ont multiplié le nombre de leurs licornes par 4,3 sur la même période. Nous pouvons nous demander si ces augmentations ne sont pas surtout l'effet d'un rattrapage général, grâce à la Banque centrale européenne (BCE) et à la Fed, qui ont permis un afflux d'argent au cours des trois dernières années. En outre, en Grande-Bretagne, le nombre de licornes est passé de 27 à 116... De plus, une seule des 26 licornes françaises relève réellement de la deep tech, liée à des enjeux technologiques. La plupart des champions que nous créons ne travaillent pas sur les vagues d'aujourd'hui et de demain, dans lesquelles les grandes plateformes investissent - quantique, intelligence artificielle, nouveaux matériaux ou énergie -, mais dans la vague du B2C, du digital, des plateformes de e-commerce. Il y a un bon rattrapage en France, mais sommes-nous en train de capter la vague de demain ? » .
Autrement dit, pour reprendre la typologie utilisée par la Commission européenne pour l'élaboration de son tableau de bord de l'innovation pour l'année 2020 19 ( * ) , la France conforte et maintient sa position « d'innovateur notable » , mais n'est pas forcément en train de devenir un « leader de l'innovation » .
2. Des start-up « deep tech » qui peinent à devenir des champions industriels
a) Une politique de soutien à l'innovation plus favorable au numérique qu'au secteur industriel
Les auditions menées dans le cadre de cette mission d'information permettent de formuler le constat suivant : les dispositifs publics mis en place ont essentiellement bénéficié aux entreprises du numérique , des technologies de l'information et de la communication.
Ce constat est confirmé par le rapport précité de la Cour des comptes 20 ( * ) selon lequel les start-up technologiques ont été les principales récipiendaires des aides versées par Bpifrance , notamment en raison des critères d'ancienneté fixés pour bénéficier des dispositifs de soutien aux start-up. Ainsi, entre 2016 et 2019, près de 30 % des aides versées et près de 35 % des bénéficiaires concernent les entreprises du secteur de l'information et de la communication .
Une analyse plus détaillée par sous-secteur d'activité met en évidence que, sur cette même période, 25 % des bénéficiaires et 21 % du montant total des aides versées par Bpifrance, respectivement, relèvent et ont servi les entreprises des sous-secteurs spécifiques de l'informatique et du numérique (programmation informatique, conseil en systèmes et logiciels informatiques et édition de logiciels applicatifs).
b) Des difficultés persistantes de passage à l'échelle industrielle
S ur les 26 licornes françaises, seulement une société est industrielle . Il s'agit de la start-up française Exotec , spécialisée dans les robots logistiques.
Ce constat est d'autant plus surprenant que les dispositifs de soutien à l'innovation industrielle se sont multipliés ces dernières années . Ainsi, la récente étude de France Stratégie sur les politiques industrielles en France répertorie environ 70 dispositifs de soutien public à l'innovation , dont 37 ciblant spécifiquement l'industrie 21 ( * ) tandis que le rapport de la Cour des comptes 22 ( * ) souligne que, sur la période 2016-2019, environ 20 % des aides versées par Bpifrance et 18 % des bénéficiaires de ces aides ont concerné le secteur industriel .
Ce même rapport met également en évidence le faible nombre de créations d'entreprises dans le secteur industriel . Cette mission d'information constate en effet qu'il semble très difficile de transformer la recherche et l'innovation en industrie sous la forme de start-up susceptibles de « passer à l'échelle » pour devenir de nouveaux acteurs européens ou mondiaux.
Parmi les principales difficultés liées au passage à l'échelle industrielle régulièrement identifiées par le rapporteur et les personnes auditionnées par cette mission d'information, il y a notamment :
- les difficultés à financer rapidement des entreprises à vocation industrielle dont la croissance requiert une forte capacité à mobiliser des capitaux ;
- les difficultés de recrutement et d'accès aux compétences nécessaires pour permettre le passage à l'échelle industrielle et au développement de demain ;
- la difficulté à accéder à des infrastructures industrielles et à des plateformes de production ;
- la taille du marché, car il a souvent été souligné qu'une entreprise commercialisant ses produits et services aux États-Unis a directement accès à un marché unifié de 300 millions de consommateurs, tandis que la taille du marché français est plus petite et que la profondeur du marché intérieur européen demeure limitée par le manque d'harmonisation .
c) Un ciblage récent des actions en faveur de l'industrialisation des innovations et des start-up
Les pouvoirs publics semblent toutefois avoir pris conscience des obstacles spécifiques auxquels sont confrontées les industries innovantes et ont mis récemment en place des dispositifs d'aide ciblés sur l'industrialisation de ces dernières. Selon la synthèse effectuée par la direction générale des entreprises (DGE), ces récentes initiatives se structurent en trois axes principaux 23 ( * ) .
Premièrement, le soutien apporté au financement des start-up industrielles et des petites et moyennes entreprises (PME) innovantes est renforcé , avec notamment :
- la mise en place d'un appel à projet « Première usine » depuis le mois de janvier 2022, doté d'une enveloppe de 550 millions d'euros. Alors que l'objectif initial était de 100 candidatures sur l'année, déjà 73 entreprises ont candidaté pour des implantations dans les régions de Rhône-Alpes, des Hauts-de-France, d'Île-de-France et d'Occitanie, avec environ 20 % de ces start-up qui sont au stade de la première usine, 15 % au stade de la première ligne pilote et 6 % en phase de R&D 24 ( * ) ;
- la mise en place en 2022 du prêt « Nouvelle industrie » afin de financer la phase de démonstrateur industriel ou d'usine pilote, doté d'une enveloppe de 40 millions d'euros et qui visera à 60 % des start-up et à 40 % des PME-ETI, pour des prêts d'un montant entre 3 et 15 millions d'euros ;
- la constitution du fonds « Société de projets industriels 2 » (SPI2) dans le cadre de France 2030, doté d'une enveloppe d'un milliard d'euros. Cette initiative s'inscrit dans la continuité du premier fonds SPI, opéré par Bpifrance depuis 2015 et dont l'enveloppe de 800 millions d'euros a permis de financer 17 nouvelles usines à haute valeur technologique 25 ( * ) ;
- la constitution cette année d'un fonds national de venture industriel (FNVI) doté de 350 millions d'euros pour investir dans des fonds de capital-risque capables d'accompagner les start-up dans leur industrialisation.
Deuxièmement, les pouvoirs publics accentuent leurs efforts en direction des start-up deep tech car ce sont ces entreprises qui présentent le potentiel de croissance et d'industrialisation le plus élevé , avec notamment :
- la réévaluation à la hausse des objectifs du plan deep tech de Bpifrance avec une cible d'investissement direct et indirect désormais fixé à 2 milliards d'euros d'ici à 2023 contre 1,3 milliard d'euros précédemment, les levées de fonds des start-up deep tech en France ayant atteint un record de 2,3 milliards d'euros en 2021 26 ( * ) ;
- l'octroi d'une enveloppe supplémentaire de 150 millions d'euros pour l'aide au développement deep tech (ADD) ;
- l'octroi d'une enveloppe supplémentaire de 50 millions d'euros pour la Bourse French Tech émergence (BFTE) ;
- la mise en place d'un dispositif de soutien spécifique à l'entrepreneuriat dans la recherche publique et la création de start-up issues des laboratoires qui sera doté de 75 millions d'euros.
Troisièmement, un guichet unique dédié à l'accompagnement des start-up industrielles a été créé.
Les politiques publiques de soutien à l'innovation commencent donc à s'attaquer aux défis du passage à l'échelle et de l'industrialisation des entreprises innovantes. Au cours de son audition, Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, s'est félicitée « des avancées réalisées, même si une dernière impulsion reste à donner » 27 ( * ) .
C'est justement à cette « dernière impulsion » que cette mission d'information s'est intéressée, afin de permettre à nos chercheurs, entrepreneurs et entreprises de « transformer l'essai de l'innovation ». Au-delà des dispositifs de soutien public et des avancées récentes entreprises dans ce domaine, certains prérequis paraissent indispensables à la conduite d'une politique de l'innovation efficace au service de notre réussite économique qui passe par la réindustrialisation .
II. POSER LES CONDITIONS SYSTÉMIQUES D'UNE POLITIQUE DE L'INNOVATION EFFICACE
A. CONSIDÉRER L'ÉDUCATION ET LA RECHERCHE COMME UN INVESTISSEMENT DE LONG TERME DANS L'INNOVATION
1. L'éducation et la recherche trop longtemps réduites à des coûts
Les travaux des économistes montrent que l'investissement public dans l'éducation 28 ( * ) et la recherche est le plus rentable qui soit, car il s'autofinance par la fiscalité qu'il génère 29 ( * ) . Néanmoins, et notamment en raison du principe de l'annualité budgétaire, l'État a tendance à considérer l'éducation et la recherche comme des coûts, ce qui conduit à un déficit structurel de leur financement .
a) Des dépenses sous-calibrées
• En matière d'éducation
Selon l'INSEE 30 ( * ) , la dépense intérieure d'éducation (DIE) 31 ( * ) a atteint 160,5 milliards d'eurosen 2019 32 ( * ) . Entre 1980 et 2019, elle s'est accrue en moyenne de 1,8 % par an en volume. Néanmoins, en part dans le PIB, la DIE retrouve son point bas de 2007 (6,6 % du PIB), loin des 7,7 % du PIB atteints au milieu des années 1990, progression due notamment à l'effort important des collectivités territoriales avec la mise en place de la décentralisation, ainsi qu'à la revalorisation de la rémunération des enseignants.
Depuis 2010, seule la dépense moyenne pour un élève du premier degré croît chaque année (+ 1,6 % en moyenne par an en euros constants). Celle du second degré recule en moyenne de 0,4 % par an. Dans l'enseignement supérieur, la tendance est encore davantage à la baisse : - 0,8 % en moyenne chaque année depuis 2010 .
Les comparaisons internationales soulignent le décrochage de l'investissement de la France dans l'enseignement supérieur par rapport aux autres pays de l'OCDE.
D'une part, la part du PIB consacrée aux dépenses d'éducation dans l'enseignement supérieur en France (1,4 % en 2016) est bien inférieure à celle des pays les plus performants en matière d'enseignement supérieur 33 ( * ) (2,5 % pour les États-Unis, 2,3 % pour le Canada, 1,9 % pour la Norvège et l'Australie et 1,7 % pour le Royaume-Uni). Seules l'Espagne et l'Italie consacrent une part de PIB au financement de l'enseignement supérieur moins élevée que la France.
D'autre part, comme l'a fait remarquer M. Nicolas Glady 34 ( * ) directeur de Télécom Paris, en citant une étude de l'OCDE 35 ( * ) : « alors que pour l'ensemble des pays de l'OCDE, la dépense moyenne par étudiant s'est accrue de 8 % entre 2010 et 2016, elle a baissé de 5 % en France sur la même période » .
Une étude récente 36 ( * ) montre que la réduction de la dépense totale a été plus prononcée pour les étudiants de l'université que pour ceux des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) ou des sections de technicien supérieur (STS) . Alors que les effectifs étudiants ont augmenté de 20 % à l'université entre 2010 et 2020, le nombre d'enseignants diminuait de 2 %. Les fortes disparités de financement au sein de l'enseignement supérieur risquent donc de s'aggraver. Actuellement, le coût moyen annuel de la formation stricto sensu varie de 3 700 euros pour une année de licence à près de 13 400 euros pour une année de classe préparatoire aux grandes écoles, soit un rapport de 1 à 4. Or ces écarts tiennent avant tout à la différence de taux d'encadrement et au volume d'heures consacrées aux étudiants.
• En matière de recherche
Antoine Petit a rappelé « l'objectif de Lisbonne, qui vise à consacrer 3 % du PIB aux activités de recherche et de développement. Depuis 25 ans, la France stagne à environ 2,2 % du PIB , alors que la Chine est passée de 0,6 % à 2,2 % du PIB. Le retard de la France concerne à la fois le secteur public et le secteur privé. En effet, le secteur public investit dans la recherche 0,77 % du PIB par rapport à un objectif de 1 % du PIB, et le secteur privé investit dans la recherche 1,44 % du PIB pour un objectif de 2 % ».
Une note récente 37 ( * ) souligne qu' entre 2009 et 2019, les dépenses de R&D ont progressé de 1,76 % par an pour la France, contre 2,97 % pour l'ensemble de l'Europe des 27 . Sur cette période, l'effort de recherche des administrations françaises (mesuré par le ratio DIRDA/PIB) a même diminué, passant de 0,79 % en 2009 à 0,75 % en 2019.
b) Une dégradation inquiétante de la qualité de l'éducation et de la recherche françaises
• En matière d'éducation
L'enquête internationale TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study) parue en 2019 révèle une chute importante du niveau des élèves français en mathématiques et sciences en vingt ans et un mauvais classement .
En mathématiques, les enfants français de CM1 et de quatrième arrivent respectivement en dernière et avant-dernière positions par rapport aux autres pays de l'Union européenne. La France n'amène que 2 % de ses élèves de quatrième au niveau avancé en mathématiques, alors qu'ils sont en moyenne 11 % dans les pays de l'Union européenne et 50 % à Singapour ou en Corée du Sud. Par ailleurs, 15 % des élèves français de quatrième n'atteignent pas le niveau bas contre 6 % des élèves européens . Les collégiens français de quatrième en 2019 ont le niveau des élèves de cinquième de 1995 en mathématiques. En 25 ans, la France a perdu une classe en termes de niveau .
L'évaluation des élèves de quatrième en sciences (sciences de la vie, sciences physiques et sciences de la Terre) donne des résultats équivalents, puisque les élèves français sont avant-derniers.
Ces mauvais résultats concernent tous les élèves et toutes les classes sociales. Ainsi, l'étude « Lire, écrire, compter », au cours de laquelle les mêmes questions ont été posées de 1987 à 2017, révèle qu'en 2017, seul 1 % des élèves de CM2 atteint le niveau des 10 % d'élèves obtenant les meilleurs résultats en 1987.
• En matière de recherche
Les auditions ont confirmé l'excellence de la recherche française. Néanmoins, au-delà des performances individuelles des chercheurs français, la position scientifique de la France s'est dégradée depuis vingt ans . L'Observatoire des sciences et techniques 38 ( * ) (OST) a montré le glissement de la France au regard de deux indicateurs :
- le nombre de publications : la France est passée entre 2005 et 2018 du 6 e au 9 e rang, derrière l'Italie en 2015 et derrière la Corée du Sud en 2018. Lors de son audition, Thierry Couhlon a fait remarquer que « les chiffres préliminaires de l'OST indiquaient que les courbes de 2020 montraient un risque d'être rattrapés par l'Australie, l'Espagne et le Canada » 39 ( * ) ;
- leur impact, mesuré par le nombre de citations : la position de la France se dégrade à partir de 2013, et passe, entre 2005 et 2017, du 5 e au 8 e rang .
La spécialisation de la France dans des disciplines scientifiques où il y a peu de publications au niveau mondial 40 ( * ) peut expliquer la perception de moindre excellence. Selon Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, même la supériorité incontestée de la France dans le domaine des mathématiques est menacée : « le nombre de professeurs de mathématiques à l'université a été divisé par deux au cours des dix dernières années. [Cela] conduit à former moins d'étudiants et donc à abaisser le niveau. » Par conséquent, même si, « actuellement, la France se situe au premier rang mondial dans le domaine des mathématiques, [il] fai[t] la prédiction que nous ne le serons plus dans dix ans. » 41 ( * )
2. Investir massivement dans les premiers maillons de l'innovation que sont l'éducation et la recherche fondamentale
La recherche fondamentale se situe au coeur de l'innovation . En effet, si la plupart des domaines qui seront porteurs dans vingt ou trente ans n'existent pas encore, c'est de la recherche fondamentale que seront issues les applications disruptives de demain. Comme le disait Alain Fuchs, président de l'université Paris Sciences et Lettres (PSL), « si on veut installer et garder une avance technologique, et non juste rattraper notre retard sur des sujets d'actualité, il faut favoriser les avantages longs et donc mettre le paquet sur la recherche » 42 ( * ) .
Toutefois, une recherche fondamentale de haut niveau exige au préalable la formation des futurs chercheurs à la rigueur scientifique ainsi que des connaissances solides dans les matières scientifiques, et ce dès le plus jeune âge. Un investissement massif dans l'éducation est donc nécessaire à tous les niveaux pour améliorer à la fois la qualité de l'enseignement et le niveau des élèves.
a) Attirer les talents
Pour disposer d'une recherche et d'un enseignement de qualité, il faut être en mesure d'attirer des talents, ce qui passe par l'offre de salaires et d'un environnement de travail attractifs . Les comparaisons internationales ne jouent pas en notre faveur.
Le classement établi par l'Organisation de coopération et de développement économiques 43 ( * ) (OCDE) permet de comparer les rémunérations perçues par les enseignants des différents pays de la zone Euro . Classée 8 e de la zone Euro il y a deux ans (selon le salaire annuel brut d'un enseignant du secondaire en 2017), la France est désormais en 9 e position .
Les salaires des enseignants français sont inférieurs de 7 % à la moyenne des pays de l'OCDE en début de carrière et de 10 à 15 % au bout de 15 ans de carrière. Sont concernés aussi bien les professeurs du primaire, du secondaire que du lycée. Entre la France et l'Allemagne, les salaires vont du simple au double.
Sur une longue période, l'attractivité du métier d'enseignant en France a fortement diminué , comme en témoigne la comparaison entre le salaire des professeurs et le salaire minimum de croissance (SMIC). Dans les années 1980, l'enseignant en début de carrière percevait entre 2 et 2,5 fois le SMIC tandis qu'il perçoit maintenant 1,2 fois le SMIC. Ce déclassement relatif, également causé par l'augmentation du SMIC, entraîne une crise dans le recrutement des enseignants . Ainsi, 100 postes de certifiés en mathématiques en 2021 (140 en 2020) sont restés non pourvus. Il suscite également des inquiétudes sur le niveau des professeurs recrutés.
Les écarts de rémunération des enseignants-chercheurs et chercheurs entre la France et les grandes nations de l'innovation sont plus difficiles à analyser, compte tenu de la grande autonomie des établissements de recherche et d'enseignement supérieur en matière de politique salariale à l'étranger. Toutefois, les premiers résultats d'une étude menée actuellement par le Pr. El-Mouhoub Mouhoud à l'échelle europénne montrent des écarts d'un à trois en défaveur de la France : « nous créons les conditions du départ de nos chercheurs ! » 44 ( * )
Les organismes nationaux de recherche français restent attractifs pour les jeunes chercheurs, comme en témoigne le tiers de chercheurs étrangers recrutés chaque année par le CNRS. En revanche, ils rencontrent plus de difficultés à recruter des chercheurs plus expérimentés à fort potentiel, non seulement parce que les salaires français sont nettement inférieurs à ceux de leurs collègues de l'OCDE, mais également parce qu'ils ne sont pas en mesure de leur offrir des conditions de travail suffisamment compétitives par rapport à celles offertes par nos concurrents .
L'exemple cité par Nicolas Glady est éclairant : « Un chercheur voudra toujours rejoindre une équipe où ses collègues le tireront vers le haut et un laboratoire qui lui donnera une chance de participer à de grandes découvertes. L'argent n'est pas le facteur le plus important, mais c'est un moyen. Pourquoi un chercheur de carrure internationale irait-il dans un laboratoire où il aurait cinq fois moins de moyens que dans un pays voisin ? En Suisse, un salaire « environné » - j'insiste sur ce terme - comprend le salaire de la personne recrutée, mais aussi les financements pour le recrutement des doctorants et les frais de fonctionnement. Une personne de niveau international pèse donc de l'ordre d'un million d'euros. Dans le meilleur des cas, ce montant est cinq fois inférieur en France. »
À l'instar des autres pays, la France a introduit, avec la création de l'ANR en 2005, une procédure sélective de financement de la recherche sur projet 45 ( * ) . Toutefois, la réduction drastique des moyens mis à la disposition de l'ANR à partir de 2008 a entraîné un effondrement des taux de succès des appels à projets 46 ( * ) , aboutissant à ce que Gilles Bloch, directeur général de l'Inserm, a qualifié d'« aberration : nous finissions par passer plus de temps à rédiger des projets et à les évaluer qu'à travailler à la paillasse » 47 ( * ) .
Un redressement du budget de l'agence a été décidé en 2016, mais il a fallu attendre la loi de finances pour 2021 pour que le budget d'intervention dépasse un milliard d'euros (1,19 milliard d'euros) et permette un taux de succès aux appels à projets génériques de 22,9 % . Pour autant, plusieurs intervenants ont regretté des montants de financement nettement plus faibles que dans d'autres pays, permettant de financer seulement « un post-doc ou un thésard sur trois ans » et obligeant donc les chercheurs à multiplier les demandes de financement.
b) Promouvoir les sciences
Alors que les sciences n'ont jamais été aussi nécessaires pour développer les innovations qui permettront de répondre aux défis sociétaux auxquels nous sommes confrontés, la France doit faire face à une baisse drastique du niveau général en sciences et à une crise des vocations scientifiques .
La promotion des sciences passe donc par une double action :
- le renforcement des formations scientifiques en amont . Les mauvais classements des élèves français en mathématiques et en sciences ne sont pas une fatalité, comme l'illustre l'Allemagne, qui, en réaction aux résultats alarmistes des enquêtes Pisa de 2000, a su en une décennie améliorer les résultats de son système éducatif. Si les causes du mauvais niveau des élèves français en mathématiques dépassent de loin l'objet du présent rapport, trois thèmes ont été régulièrement abordés au cours des auditions : la formation initiale et continue des enseignants, et en particulier des professeurs des écoles 48 ( * ) ; la question de l'enseignement des sciences en général et des mathématiques en particulier 49 ( * ) et le nombre d'heures consacrées à leur enseignement. À cet égard, la dernière réforme du lycée qui a supprimé l'enseignement des mathématiques du tronc commun a été unanimement critiquée au cours des auditions 50 ( * ) ;
- l'augmentation du nombre de jeunes aspirant à devenir ingénieurs et scientifiques : Xavier Jaravel a insisté sur le fait qu'« il existe en France, comme dans d'autres pays du monde, un large vivier de talents (lycéens ou étudiants) disposant des aptitudes et de la formation nécessaires pour se tourner vers les carrières de la science, de l'innovation et de l'entrepreneuriat, mais qui ne choisissent pas cette voie. La cause est souvent un manque d'information et de sensibilisation à ces métiers, lié à l'influence du milieu (la famille, mais aussi le territoire) et aux aspirations ». Plusieurs intervenants ont utilisé le terme d'autocensure de la part des filles et des jeunes issus des classes sociales les moins favorisées vis-à-vis des carrières scientifiques. Il convient donc de mener une politique ciblée en direction de ces publics et qui s'appuie sur le « rôle modèle » 51 ( * ) afin de les inciter à se lancer dans des carrières scientifiques .
c) Faire de l'éducation et de la recherche fondamentale une priorité budgétaire
Vingt-deux ans après le conseil européen de Lisbonne qui fixait à chaque État membre l'objectif de consacrer 3 % du PIB aux activités de recherche et développement, la France n'a toujours pas atteint cet objectif. Après des années de restriction budgétaire, la loi de programmation de la recherche 52 ( * ) permet à la France de combler son retard en matière de recherche. Au-delà de ce rattrapage vital, un effort financier supplémentaire sera indispensable pour adapter les rémunérations des chercheurs aux standards internationaux, mieux calibrer les montants financiers des appels à projets et augmenter les crédits récurrents des laboratoires pour assurer le financement de projets de recherche dans la durée .
Par ailleurs, le « choc d'éducation » à tous les niveaux prôné par cette mission d'information exige également d'en faire une priorité budgétaire .
L'enseignement supérieur doit faire l'objet d'un investissement massif dans les plus brefs délais et la mission d'information appelle de ses voeux l'adoption d'une loi de programmation de l'enseignement supérieur . Celle-ci doit s'accompagner d'une réforme profonde de la stratégie d'investissement dans l'enseignement supérieur pour gagner en équité et en efficacité 53 ( * ) .
Enfin, au-delà de l'indispensable augmentation des rémunérations des enseignants, la promotion des sciences exige à la fois la mise en place d'une stratégie au plus haut niveau de l'État et des moyens financiers et humains pour la mettre en oeuvre .
B. RÉHABILITER L'INDUSTRIE PAR L'INNOVATION
1. Le mythe funeste de l'entreprise sans usine
a) Une forte désindustrialisation de la France par rapport à ses concurrents européens
À partir des années 1970-1980, les élites françaises ont considéré que le déclin de l'industrie était inévitable en Occident et ont fait le double choix de substituer les services à l'industrie et d'abandonner la production aux pays à bas salaires tout en conservant les activités de conception et d'innovation 54 ( * ) .
L'idée d'une spécialisation dans les activités de R&D et de conception suppose que le savoir et le savoir-faire puissent être durablement séparés alors qu'une grande partie de l'innovation est réalisée là où se situe l'industrie . En outre, la production de biens et de services étant de plus en plus étroitement imbriquée, les entreprises industrielles exportatrices de biens manufacturés exportent aussi les services qui y sont associés, si bien qu'il est difficile à un pays ayant renoncé à son industrie d'être un grand exportateur de services à haute valeur ajoutée.
Comme l'a expliqué Rémy Lallement, chef de projet à France Stratégie, dès « les années 1970-1980, l'Allemagne a opté, face à l'augmentation de ses coûts, pour la montée en gamme pour se positionner dans la concurrence internationale. Elle a construit une forte image de marque, le fameux "Made in Germany" » 55 ( * ) .
Pendant ce temps, l'industrie française a choisi la stratégie de la délocalisation pour faire face à ses problèmes de coûts, entamant un long processus de désindustrialisation . Ainsi, le poids de l'industrie manufacturière dans le PIB en France est passé de 28 % en 1967 à 15 % en 2000 et 10 % en 2018, quand il s'est maintenu à plus de 20 % en Allemagne et à 15 % en Italie.
b) Des conséquences désastreuses dont l'économie française continue de pâtir
L'aveuglement français visant à « créer des entreprises sans usines » 56 ( * ) a eu des conséquences désastreuses , comme en témoigne la chute d'Alcatel, leader mondial de la fibre optique au début des années 2000, qui comptait 120 sites industriels et 150 000 salariés dans le monde.
Selon Vincent Aussilloux, directeur du département « Économie » de France Stratégie, « la désindustrialisation explique en grande partie notre moindre capacité à transformer l'innovation en application industrielle sur le marché mondial en raison de la baisse des dépenses de recherche et développement dans l'industrie » 57 ( * ) .
L'effort de recherche et développement est largement concentré dans l'industrie manufacturière, qui représente près de 70 % des dépenses de recherche et développement en 2019. Par conséquent, la réduction de l'industrie dans la part de la valeur ajoutée a une influence forte sur les dépenses totales du pays en recherche et développement.
France Stratégie a ainsi calculé que si l'industrie française avait le poids qu'elle représentait en 1980 (23 % du PIB), l'effort de recherche et développement du secteur industriel serait supérieur de 1,12 point du PIB par rapport aux dépenses actuelles et l'effort global en recherche et développement dépasserait les 3 % du PIB, soit davantage que l'objectif de Lisbonne .
La désindustrialisation de la France s'est également accompagnée d'une marginalisation de l'industrie française dans les secteurs innovants comme les télécommunications, l'électronique, le numérique et les énergies renouvelables. La France a également perdu du terrain dans les secteurs dans lesquels l'industrie nationale est restée forte (automobile, énergie) . Il semblerait que la décroissance des sites industriels dans ces secteurs se soit traduite par une faible industrialisation des innovations, empêchant ainsi de prendre le virage technologique (batteries électriques pour les véhicules automobiles, biotechnologies, éoliennes). Selon une étude récente 58 ( * ) , « il n'y a guère aujourd'hui que le nucléaire et l'aéronautique qui peuvent être considérés comme des domaines où la France a su conserver le leadership » .
La désindustrialisation a eu des conséquences dramatiques en matière d'emploi industriel . Entre 1975 et 2014, l'industrie française a perdu près de trois millions d'emplois. Une comparaison avec l'Allemagne montre que l'emploi industriel a diminué deux fois moins vite dans ce pays qu'en France 59 ( * ) .
Le déficit chronique de notre balance commerciale est également un symptôme de l'érosion de notre appareil productif. Un rapport récent du Haut-commissariat au Plan 60 ( * ) rappelle qu'en moyenne, le commerce extérieur de notre pays est déficitaire de quelque 75 milliards d'euros sur les dernières années 61 ( * ) alors que le commerce extérieur allemand est excédentaire de plus de 200 milliards d'euros.
2. Positionner l'industrie au coeur de nos politiques de recherche et d'innovation
a) Réhabiliter l'industrie
Une industrie nationale puissante contribue à la prospérité économique et à l'aménagement du territoire. Gilles Babinet, co-président du Conseil national du numérique, a résumé les vertus du PIB industriel de la manière suivante : « Tout d'abord, il est territorialisé : 80 % des entreprises industrielles sont situées à proximité d'une ville de moins de 100 000 habitants pour des raisons historiques. Cela permet de créer de l'emploi territorial. Ensuite, il s'agit d'un emploi de qualité, pérenne et bien payé, autour de 3 500 euros, alors que les emplois de service sont autour de 1 500 euros. Enfin, il emporte des externalités positives sur les services : un emploi industriel crée trois à cinq emplois de service. Il est donc extrêmement désirable. » 62 ( * )
Par ailleurs, la réindustrialisation constitue un enjeu majeur de réduction de l'empreinte carbone nationale pour la France . Si les émissions de gaz à effet de serre sur le territoire national sont en baisse, les émissions importées sont en augmentation continue et sont désormais plus importantes que les émissions sur le territoire national. Dans la mesure où les processus de production des biens en France recourent à une électricité peu carbonée, l'augmentation de la part de production locale dans la consommation nationale de produits industriels constitue un levier significatif de réduction de l'empreinte carbone de la France.
Pourtant, le monde de l'industrie reste mal connu du grand public et souffre d'une image négative souvent sans rapport avec la réalité 63 ( * ) .
Il convient donc de réhabiliter l'image de l'industrie 64 ( * ) auprès des Français et d'afficher un objectif chiffré ambitieux de réindustrialisation de la France pour mobiliser les énergies (l'industrie doit représenter 20 % du PIB en 2030) .
b) Mettre la politique de soutien à la recherche et à l'innovation au service du tissu industriel français
La stratégie de réindustrialisation de la France dépasse la seule politique de recherche et d'innovation. Comme l'a expliqué Alain Vronski, secrétaire général de Croissance Plus, « L'industrie, cela ne se décrète pas en un claquement de doigts ! » La crise sanitaire a mis en lumière les fragilités de notre appareil productif. « Nous n'étions même pas capables de faire des respirateurs ! » 65 ( * )
L'instauration d'un écosystème favorable à l'industrie nécessite la mise en place de mesures structurelles visant à assurer le renforcement des compétences industrielles de la France 66 ( * ) , l'élargissement du vivier à la disposition de l'industrie à tous les niveaux 67 ( * ) , l'amélioration de la formation initiale et continue 68 ( * ) , l'aménagement des sites industriels 69 ( * ) et la poursuite d'une politique fiscale plus favorable à l'industrie 70 ( * ) .
Pour autant, la réindustrialisation de la France passe également par une politique de la recherche et de l'innovation au service du tissu industriel .
Certains organismes de recherche ont compris les enjeux de souveraineté technologique et de développement économique associés à la valorisation de la recherche publique. Alors que, jusqu'en 2018, il n'existait aucun accord de collaboration entre l'Inria et des entreprises françaises spécialisées dans les technologies du numérique, son nouveau président a fixé comme objectif d'aboutir d'ici 2023 à 10 % de projets communs avec des industriels français.
De même, les démonstrateurs préindustriels Toulouse-White-Biotechnology et Meta-Géno-Polis de l'Inrae sont ouverts en priorité aux entreprises ou aux entités privées ayant un centre de recherche ou un centre de production en France et leur siège social dans un pays membre de l'Union européenne.
Le critère de nationalité reste insuffisant pour garantir que les retombées économiques de la recherche publique bénéficient à la France et des mesures plus coercitives doivent être adoptées au niveau européen .
Ainsi, regrettant que la technologie de PME françaises ayant collaboré avec des Instituts Carnot ait été transférée à l'étranger à la suite de leur rachat par des investisseurs étrangers, Alain Duprey, directeur général de l'Association des Instituts Carnot, a estimé que « nous pourrions assortir les soutiens financiers octroyés à ces start-up et à ces PME d'une clause établissant des règles et des limites en cas de rachat par de grands groupes » afin d'éviter ce transfert de la propriété intellectuelle financée en partie par les contribuables en France 71 ( * ) .
Clarisse Angelier, déléguée générale de l'Association nationale de la recherche de la technologie (ANRT) 72 ( * ) , a également regretté l'absence d'obligation d'exploitation industrielle sur le territoire européen des résultats de la recherche publique, à l'instar du Bayh-Dole Act américain de 1980 73 ( * ) . « Ce cadre est essentiel, car nous pouvons soutenir le développement de nombreuses structures et start-up, mais, si au moment de l'industrialisation ou de la création du démonstrateur industriel de la solution, l'entrepreneur choisit de s'implanter ailleurs, ce sont tous les emplois liés à ce démonstrateur qui fuiront . »
C. RENFORCER LA CULTURE DE L'INNOVATION ET DE L'ENTREPRENEURIAT
1. Des barrières culturelles et sociales à l'innovation encore trop fortes
a) Une éducation par la peur incompatible avec la culture de l'innovation
La culture de l'innovation suppose la prise de risque et l'acceptation de l'erreur. Selon Stéphane Bancel, directeur de Moderna, « Vouloir être parfait en tout s'accorde mal avec le monde de l'entrepreneuriat, où l'on échoue souvent avant de réussir » 74 ( * ) .
Or le système éducatif français développe plus qu'ailleurs la peur de l'échec . Ainsi, 62 % des élèves français déclarent que lorsqu'ils échouent, ils craignent de ne pas avoir suffisamment de talent et que cela les fait douter de leurs projets pour l'avenir, contre 54 % des élèves en moyenne dans l'OCDE 75 ( * ) .
Les méthodes d'enseignement françaises semblent être à l'origine de cette peur de l'échec . Ane Aanesland, chercheuse d'origine suédoise directrice de recherche au CNRS et co-fondatrice de ThrustMe, a ainsi constaté : « E n France, on éduque par la peur. Les élèves français ont peur de leur professeur. Moi, je n'ai jamais connu cela. Pour moi, le professeur soutient l'élève et lui enseigne. On ne peut pas apprendre de quelqu'un dont on a peur » 76 ( * ) .
L'étude PISA précitée confirme ce relatif manque de confiance des élèves vis-à-vis de leurs professeurs. En France, seuls 57 % des élèves déclarent que leurs enseignants semblent s'intéresser en général aux progrès de chaque élève, contre 70 % des élèves en moyenne dans les pays de l'ODCE . Plus d'un élève français sur trois pense que son professeur n'apporte jamais ou seulement parfois de l'aide supplémentaire en cours lorsque les élèves en ont besoin, contre un élève sur quatre dans les pays de l'OCDE.
Intériorisée dès la maternelle, la peur de l'échec constitue un véritable marqueur culturel en France, qui se retrouve dans toutes les classes de la société . Emmanuel Chiva, directeur de l'Agence de l'innovation de défense, rappelait cette anecdote : « Microsoft organise une conférence annuelle autour d'entrepreneurs qui ont échoué afin d'expliquer les erreurs faites et de pouvoir capitaliser sur cet enseignement. En France, cette conférence n'a été organisée qu'une fois, faute de participants, car nous avons une faible tolérance au risque et à l'échec » 77 ( * ) .
Patrice Caine 78 ( * ) , président-directeur général du groupe Thales, a également expliqué par la peur de l'échec l'incapacité des fonctionnaires français à mettre en place une agence publique capable de financer l'innovation de rupture : « C'est la très forte probabilité d'échouer qui caractérise l'innovation de rupture. L'aversion au risque d'un certain nombre de structures publiques rend la mise en place d'un équivalent de la DARPA 79 ( * ) quasiment impossible. Nous devons parvenir à effectuer notre révolution intellectuelle et accepter que, même si l'on manie de l'argent public, l'échec fait partie du financement à l'innovation de rupture. Sinon, on n'en fera jamais... ».
b) Une méfiance réciproque entre la recherche académique et le secteur privé
Alors que la littérature économique met en évidence l'importance du lien entre recherche académique et entreprises pour accroître les capacités d'innovation technologique de celles-ci, la France affiche une faiblesse marquée en la matière, avec un financement privé de la recherche publique plus faible (5,2 % de la DIRDA 80 ( * ) en 2016) que la moyenne de l'Union européenne (7 %) 81 ( * ) .
Par ailleurs, la France se situe seulement au 26 e rang mondial en 2020 en matière de synergies entre recherche académique et entreprises et sa position s'est encore dégradée en 2021 (31 e rang) .
Les moindres liens entre le monde industriel et le monde académique en France s'expliquent par la persistance d'une méfiance réciproque, même si la situation s'est largement améliorée 82 ( * ) . Amanda Silva-Brun, chercheuse au CNRS au sein du laboratoire Matières et Systèmes complexes, a ainsi rapporté que, pour certains de ses collègues, le développement de brevets est considéré comme « pouvant pervertir la recherche » . Elle a regretté la hiérarchie existant de facto entre la recherche fondamentale et la recherche tournée vers l'industrialisation, publiée dans des revues au moindre facteur d'impact et a estimé : « il est parfois difficile de montrer la valeur de mon travail à des collègues qui font de la recherche fondamentale et publient dans des journaux à fort facteur d'impact » 83 ( * ) .
Claude Grison 84 ( * ) , directrice de recherche au CNRS et fondatrice de la start-up Bio Inspir', a rapporté que, lors de l'évaluation de son laboratoire, elle s'était entendu dire « que le nombre élevé de brevets que [celle-ci avait] déposés faisait peur ! »
Selon Alain Fuchs 85 ( * ) , la séparation entre la recherche publique et le secteur privé s'explique également par le fait que, « durant de nombreuses années, le monde socio-économique s'est appuyé sur les ingénieurs de grandes écoles (écoles qui ne réalisaient alors que peu de recherche, contrairement à aujourd'hui). Enfin, l'industrie ne recherchait pas de titulaires en doctorat, comme c'est le cas de nos jours. »
2. Insuffler la culture de l'innovation dans l'ensemble de la société française
a) Modifier la perception française de l'échec
L'échec est un phénomène normal dans le processus d'innovation . Innover signifie prendre des risques et relever des défis. Statistiquement, il est donc inévitable.
Par ailleurs, l'échec constitue un moteur puissant de l'apprentissage . Le fait d'échouer implique de reconsidérer un problème et de trouver de nouveaux moyens pour y répondre. Parce qu'il permet de mobiliser les ressources créatives des individus pour générer des solutions nouvelles, il est indissociable du processus d'innovation.
Pourtant, dans la culture française, l'échec conserve une connotation fortement négative. Il convient donc de s'attacher à en modifier notre perception et de faire nôtre la formule de Nelson Mandela : « Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j'apprends » .
Dans la mesure où notre intolérance à l'échec prend ses racines dans les méthodes d'enseignement dès le plus jeune âge, il est indispensable de réviser les méthodes pédagogiques afin de valoriser la prise de risque et d'initiatives et de banaliser l'erreur pour en faire une étape normale et nécessaire dans le processus d'apprentissage .
De même, il convient de développer une pédagogie qui privilégie l'évaluation dans laquelle la progression des apprentissages de chaque élève est mesurée par rapport à lui-même , au contraire de l'évaluation normative, dans laquelle prédomine la logique de classement et de comparaison des uns par rapport aux autres.
Enfin, encourager la culture de l'innovation dès l'école signifie mettre un terme à l'enseignement vertical, dans lequel les professeurs délivrent des cours de type magistraux, au profit d'un enseignement plus horizontal, dans lequel l'apprenant est acteur de son apprentissage, renforce son autonomie ainsi que sa créativité et comprend davantage le sens de l'apprentissage à travers l'élaboration de projets et la mise en pratique de connaissances théoriques.
b) Développer l'apprentissage de l'entrepreneuriat dans l'enseignement supérieur
Le regard des chercheurs sur la valorisation a changé et ils sont de plus en plus nombreux à être sensibles à la dimension sociétale et pratique de leurs recherches et aux questions d'innovation. Toutefois, le transfert de technologie exige des compétences et des connaissances spécifiques que la formation scientifique ne permet pas forcément d'acquérir . Les formations à l'entrepreneuriat dans l'enseignement supérieur poursuivent trois objectifs : sensibiliser l'ensemble des étudiants à l'entrepreneuriat, leur permettre d'acquérir les compétences nécessaires à la création d'une start-up et soutenir les projets entrepreneuriaux pendant les études .
Certaines écoles d'ingénieurs comme CentraleSupélec ont mis en place une politique très volontariste avec l'organisation d'une filière d'entrepreneuriat et un parcours dédié pour les entrepreneurs. Il convient désormais de généraliser les bonnes pratiques notamment à l'université et de créer de véritables cursus intégrant l'acquisition de compétences entrepreneuriales et d'innovation.
c) Favoriser les interactions entre la recherche académique et le secteur privé
Les interactions entre la recherche académique et le monde des entreprises sont une composante essentielle de la capacité d'innovation d'un pays, car elles créent le lien entre l'excellence scientifique des laboratoires et les besoins du monde industriel .
En dépit des progrès réalisés, les interactions entre le monde académique et le monde économique mériteraient d'être renforcées . Plusieurs pistes d'amélioration ont été évoquées au cours des auditions.
D'abord, les critères d'évaluation des chercheurs constituent un obstacle à l'interpénétration du public et du privé en faveur de l'innovation . En effet, le nombre de publications reste un indicateur prépondérant pour l'évaluation et la promotion des chercheurs tandis que l'innovation, via le dépôt de brevets ou la création de start-up, n'est pas reconnue. Or, comme l'a fait remarquer Philippe Caniaux, délégué général de l'Association française des centres de ressources technologiques, les « collaborations avec les entreprises impliquent souvent des travaux confidentiels, qui, de fait, ne sont pas publiables. » 86 ( * )
Un brevet devrait donc avoir au moins la même valeur qu'une publication scientifique dans la procédure d'évaluation des chercheurs .
Ensuite, les lourdeurs administratives auxquelles sont confrontés les laboratoires de recherche pénalisent leurs relations avec les entreprises . Les start-up conservent souvent des liens forts avec leur laboratoire d'origine afin de bénéficier de leur expertise et de développer des projets innovants à moyen et long termes, qui complèteront leur gamme de produits ou de technologies. Toutefois, pour que cette coopération entre start-up et laboratoire soit fructueuse, Claude Grison a insisté sur le fait que « le laboratoire de recherche doit pouvoir fonctionner au rythme de la start-up. Or il est exposé à une lenteur administrative importante, parce que ses interlocuteurs administratifs n'ont pas la culture start-up. Par exemple, lorsque l'on établit une collaboration de recherche officielle entre le laboratoire et la start-up, attendre plusieurs mois que le contrat soit finalisé ralentit considérablement le développement de cette dernière. Nos interlocuteurs n'ont pas conscience de la réactivité nécessaire à un accompagnement correct ».
Les relations entre recherche académique et entreprises souffrent également du relatif manque d'intérêt apporté par notre pays à la recherche technologique. Stéphane Siebert, directeur de la recherche technologique au CEA, a dressé le constat suivant : « nous n'avons pas assez de recherche technologique. Les moyens allemands dans ce domaine sont quatre fois supérieurs à ceux de la France. Le Fraunhofer comprend 25 000 personnes, tandis que la direction de la recherche technologique du CEA n'en compte que 4 000. [...] Il est indispensable de faire évoluer la perception de la technologie en France, car la compétition mondiale se joue sur la technologie. Or le modèle français reste scindé entre la recherche fondamentale et l'industrie et sous-estime l'importance et la difficulté de la recherche technologique » 87 ( * ) .
Au cours des auditions, la mission d'information a constaté que la recherche technologique était également assurée par de nombreux acteurs privés ou semi-privés (tels que les centres de ressources technologiques, les instituts de recherche technologiques, les membres de France Innovation, etc.). Alors qu'ils sont des relais importants entre la recherche fondamentale et l'industrie, le positionnement de ces structures dans l'écosystème de la valorisation de la recherche doit être revu afin que leur potentiel soit pleinement utilisé .
Le dispositif Cifre a également vocation à renforcer les échanges entre les laboratoires de recherche publique et les milieux socio-économiques .
La loi de programmation de la recherche a prévu une augmentation de 50 % du nombre de Cifre pour atteindre 2 150 en 2027. La mission d'information estime que la montée en puissance de ce dispositif devrait être plus rapide et qu'un effort de communication devrait être fait en direction des PME et ETI innovantes afin qu'elles se saisissent davantage de ce dispositif .
Enfin, il paraît indispensable de créer de nouvelles opportunités de « frottement » entre la recherche académique et le monde de l'entreprise .
Les conseils d'administration des universités comprennent déjà, parmi les personnes extérieures, une personne assumant des fonctions de direction générale au sein d'une entreprise. La présence d'un représentant du monde de l'industrie pourrait être étendue aux commissions de la formation et de la vie universitaire . Inversement, il pourrait être envisagé que les conseils d'administration des entreprises comportent au moins un chercheur académique dont le champ de compétence pourrait être en lien avec le secteur d'activité de l'entreprise.
Par ailleurs, le ministère en charge de la recherche a créé, entre 2009 et 2010, cinq alliances thématiques de recherche 88 ( * ) , instances de dialogue et de concertation qui permettent de croiser les visions interdisciplinaires des acteurs de la recherche publique dans ces filières et de coordonner les priorités de recherche. Il conviendrait d'inviter des acteurs privés aux réunions de travail de ces alliances. Inversement, il faudrait nommer un chercheur académique dans chacun des 19 comités stratégiques de filière instaurés par les pouvoirs publics comme instances de dialogue entre l'État, les entreprises et les représentants des salariés sur tous les sujets-clés relatifs à la reconquête industrielle française.
La formation aussi bien initiale que continue doit être l'occasion d'échanges entre le monde académique et le monde de l'entreprise .
Les écoles d'ingénieurs doivent poursuivre les efforts entrepris pour inciter un nombre croissant d'élèves ingénieurs à s'orienter vers le doctorat. Inversement, chaque doctorant devrait avoir l'opportunité d'acquérir une expérience dans le secteur privé à travers des stages, des missions de conseil ou des séjours longs dans le cadre d'une césure.
Fort du succès de l'IHEDN 89 ( * ) dans sa capacité à créer des temps de contact et d'acculturation entre le monde militaire et la société civile, l'Institut des hautes études en sciences et technologies (IHEST) a été créé en 2006 afin de diffuser la culture scientifique et de confronter des points de vue différents au sein de promotions issues de milieux professionnels variés. Il s'agit donc d'un lieu de formation à privilégier. Toutefois, il conviendrait d'augmenter le nombre d'auditeurs (50 actuellement contre 250 pour l'IHEDN) .
Enfin, les interactions entre la recherche académique et le secteur privé doivent profiter aux PME et aux ETI . Manuel Tunon de Lara, président de France Université, a souligné qu'« il faudrait adapter les approches à la taille des entreprises et à leur stade de croissance. S'agissant des grandes entreprises, une mutation est en train de se faire, notamment concernant la capacité à gérer des projets plus collaboratifs de recherche et aux thématiques plus larges, fondées sur l'innovation ouverte. C'est à encourager. Toutefois, c'est plus difficile avec les petites et moyennes entreprises, qui ne disposent pas toujours des ressources nécessaires à la collaboration. » 90 ( * )
Ainsi, il faudra s'assurer que les objectifs des cinq pôles universitaires d'innovation labellisés récemment veillent à rendre l'offre de transfert de technologie plus lisible et accessible aux PME et ETI et à développer les relations et les partenariats public-privé avec ces catégories d'entreprise .
D. METTRE EN PLACE UNE VÉRITABLE STRATÉGIE DE L'INNOVATION
1. Inscrire les financements et dispositifs de soutien dans une stratégie globale et cohérente
a) Une vision trop « techno push » et linéaire de l'innovation
De nombreux intervenants ont insisté sur une vision française de l'innovation éloignée de la réalité. La France a une vision trop « techno push » 91 ( * ) de l'innovation. Comme l'a fait remarquer Didier Roux, les « grands groupes industriels - les "entreprises d'ingénieurs" - ont tendance, de façon erronée, à vouloir mettre sur le marché ce qui a été conçu par leurs ingénieurs et qui fonctionne. Or ce n'est pas parce qu'un appareil fonctionne qu'il correspond à un besoin du marché ». 92 ( * ) Dans les faits, la nouvelle connaissance issue de la recherche n'est pas forcément le moteur de l'innovation et celle-ci commence très souvent par l'hypothèse que fait une entreprise sur un marché non satisfait. Une grande partie des innovations proviennent de l'usage du produit ou service (modèle « market pull ») 93 ( * ) .
Cette vision « techno-push » de l'innovation a conduit les pouvoirs publics à réduire celle-ci à la recherche et développement et à développer une vision linéaire de l'innovation basée sur les TLR ( Technology Readiness Level ou niveau de maturité technologique). Or « le modèle linéaire et séquentiel qui débuterait par la recherche fondamentale, qui passerait le relais au développement appliqué, puis à l'ingénierie, à la production, au marketing et à la vente n'existe pas » 94 ( * ) . L'innovation serait plutôt un « modèle de liaisons en chaîne » 95 ( * ) ou « une succession de spirales capitalisant le progrès des connaissances selon un calendrier difficilement prévisible » 96 ( * ) .
b) Des financements par appels à projets qui ne favorisent pas l'élaboration d'une politique d'innovation efficace
Cette vision livresque de l'innovation a eu plusieurs effets pervers. Jusqu'à récemment, elle a conduit à soutenir l'innovation essentiellement au travers d'appels à projets fragmentés dont la durée était incompatible avec le temps long nécessaire à l'innovation .
Comme l'a fait remarquer Bruno Sportisse 97 ( * ) , la vision française de l'innovation a fait « croire que mener une politique d'innovation et affirmer des choix stratégiques peuvent se faire en multipliant les appels à projets. Ces AAP peuvent soutenir la recherche bottom-up mais non construire des feuilles de route industrielles et technologiques » .
Stéphane Siebert a enfoncé le clou : « les appels à projets sont ponctuels, avec des montants et durées limités. Or un important programme technologique est onéreux et exige du temps et de la continuité. Ainsi, le programme de développement des technologies dans le domaine des semi-conducteurs, qui explose actuellement à l'échelle internationale, a été initié il y a 25 ans. Faire un AAP sur cette question est hors sujet... Il est indispensable, en matière d'appels à projets, d'équilibrer les volets programmatiques, contractualisés et inscrits dans la durée, et les volets plus ponctuels, portant sur des objets dont le périmètre est plus réduit et pouvant être menés plus rapidement » 98 ( * ) .
En outre, la gouvernance de la politique d'innovation a été éclatée entre plusieurs ministères et plusieurs agences, ce qui a affaibli la cohérence interne de la politique de l'innovation .
Selon Bruno Sportisse, l'organisation de la politique d'innovation au travers d'appels à projets a également les inconvénients suivants : « Aucun acteur n'a à prendre la responsabilité de l'exécution opérationnelle et de la garantie des résultats. » En outre, « cela renforce la culture de recherche de financement et non de l'impact ». In fine , « cela entraîne des comportements de type : "take the money and run" ». 99 ( * )
Les investissements réalisés dans le domaine des énergies renouvelables illustrent cette problématique. Le comité de surveillance des investissements d'avenir 100 ( * ) a regretté que l'ensemble des énergies renouvelables aient été financées de manière indifférenciée, sans qu'un arbitrage technologique ait été réalisé au préalable, fondé sur une analyse des capacités d'industrialisation, des analyses de marché ou sur la stratégie énergétique de la France.
La politique d'innovation française donne ainsi le sentiment d'une superposition de briques successives qui ne permettent pas de construire un mur en l'absence d'un architecte ayant dessiné le plan et contrôlant sa bonne exécution .
c) Une profusion d'instruments qui nuit à la lisibilité de la politique d'innovation
Au-delà de la multiplication des appels à projets, la politique de soutien à l'innovation s'est traduite par une inflation des dispositifs . En 2016, la commission nationale d'évaluation des politiques publiques 101 ( * ) rappelait que leur nombre était passé de 30 à 62 entre 2000 et 2015 et concluait : « [La multiplication des instruments] pose cependant un problème d'allocation des moyens et de pilotage : il est difficile de penser que l'État a la capacité de piloter de manière cohérente un ensemble de 62 dispositifs. »
Le dispositif de soutien à l'innovation finit par devenir illisible pour les bénéficiaires potentiels qui peinent à s'adapter à une succession trop rapide d'instruments trop nombreux .
L'une des principales conséquences de la complexité de l'écosystème français de soutien à l'innovation est un manque de recours aux aides et dispositifs existants par des entreprises innovantes pourtant éligibles , comme l'indique Anne Lauvergeon, co-présidente de la commission innovation du Medef : « C'est un élément qui nous rapproche beaucoup de la CPME : 80 % des aides à l'innovation vont à 20 % des entreprises françaises, c'est-à-dire que beaucoup de PME considèrent que ces aides ne leur sont pas destinées. Toute complexité supplémentaire ne ferait que les écarter encore un peu plus. Pour attirer des PME, il faut leur montrer que ce monde est aussi le leur, en simplifiant encore plus le système » 102 ( * ) .
En revanche, certains acteurs s'organisent à cette fin et tirent profit de la multiplicité des canaux de soutien. Cette pratique n'est pas condamnable en soi, mais elle peut s'accompagner d'un détournement des objectifs de l'action publique, qui, au lieu d'orienter les comportements, peut favoriser les chasseurs de primes .
Bruno Bonnel s'en est inquiété lors de son audition : « Beaucoup de personnes, notamment des consultants, sont à l'affût, dès que nous publions un appel d'offres. En parallèle, sur certains dossiers récurrents, on observe que 60 % des mêmes acteurs reçoivent les budgets : il faut absolument casser cette logique » 103 ( * ) .
d) Une politique de l'innovation encore trop marquée par le saupoudrage
L'innovation dans le secteur des deep tech non seulement exige des moyens financiers massifs en raison des coûts élevés des outils de production, mais ces derniers doivent être mobilisés rapidement dans la mesure où la création de valeur se concentre sur les acteurs les plus avancés selon l'adage « the winner takes all » . Compte tenu des capacités financières limitées de la France, « il faut donc choisir et renoncer » comme l'a indiqué Franck Mouthon 104 ( * ) , président de France Biotech.
Or la France a du mal à mettre en pratique cette stratégie, comme en témoignent les deux exemples suivants.
Évoquant la sélection des projets de maturation dans le domaine de la santé, Franck Mouthon a regretté qu'« en France, nous nous inscriv[i]ons souvent dans une dimension de transfert de technologie avec une volonté chiffrée de "créer de la boîte" : on éparpille les actifs et on ne consolide pas les portefeuilles. ...] Ne vaut-il pas mieux financer un gros projet que trois petits et se concentrer sur la valeur et la maturité d'un projet pour attirer des financements précoces, en particulier dans la phase d'amorçage ? Il faut en effet être rapide dans les tours de table pour pouvoir faire face à la concurrence américaine ou allemande » .
Le nombre élevé de stratégies d'accélération 105 ( * ) retenu par le Gouvernement dans le PIA 4 soulève également des interrogations. Conscients que les trois premiers PIA couvraient un nombre trop élevé d'actions, les pouvoirs publics ont missionné en 2019 une commission d'experts pour identifier 5 à 10 marchés émergents à forts enjeux de compétitivité. 22 marchés émergents ont été identifiés dont 10 prioritaires sur lesquels la France a le potentiel pour jouer le rôle de leader. Ce rapport a servi de base à la définition des stratégies d'accélération. Toutefois, à l'heure actuelle, 16 stratégies d'innovation ont été retenues et 2 sont en cours d'élaboration. Cette inflation des stratégies d'accélération interroge sur la capacité réelle à concentrer les moyens de soutien public sur un petit nombre de priorités .
e) Une évaluation à la fois trop pesante et inefficace
Marquée par une forte aversion au risque et la peur de se tromper, la politique de l'innovation en France se caractérise par une culture de l'évaluation théorique ex ante , qui a été largement critiquée par l'ensemble des intervenants.
D'abord, le formalisme attaché à l'élaboration des appels à projets et au processus de sélection fait perdre un temps précieux et pénalise la France face à des concurrents plus agiles . André Loesekrug-Pietri a ainsi expliqué avoir créé son association par réaction à cette lenteur des administrations, dont les méthodes sont « à l'inverse de ce qu'il faut faire » : « Les appels à projets durent jusqu'à 18 mois, dans un monde où la plupart des cycles technologiques durent de 3 à 9 mois. On peut avoir raison quand on lance l'appel mais on a souvent tort à son issue » 106 ( * ) .
Ensuite, l'excessive bureaucratie à laquelle sont soumises les réponses aux appels à projets tend à privilégier les grosses structures, qui disposent des compétences en interne ou peuvent faire appel à des consultants pour la rédaction des dossiers au détriment de start-up ou de PME, alors même que les projets de ces dernières peuvent s'avérer plus innovants .
Enfin, par souci d'impartialité, il est souvent fait appel à des jurys internationaux pour sélectionner les projets, ce qui peut conduire nos chercheurs et nos entreprises à dévoiler leurs projets auprès de leurs concurrents.
Globalement, l'utilité de l'évaluation ex ante paraît limitée dans la mesure où elle reste très théorique. La priorité devrait donc plutôt porter sur l'évaluation ex post des investissements réalisés et leur impact socio-économique .
L'ensemble des intervenants ont été unanimes pour estimer que l'évaluation ex post était au pire inexistante, au mieux peu significative faute d'indicateurs de suivi des impacts permettant aux instances de gouvernance de disposer de données chiffrées. Par ailleurs, tous ont souligné la difficulté à effectuer des réorientations de l'action en cas d'échec significatif de certains projets soutenus . Une autre critique émise par le comité de surveillance des investissements dans le rapport précité porte sur l'absence de démarche méthodologique coordonnée des évaluations, de sorte que les résultats peuvent difficilement être agrégés . Les évaluations ne permettent donc pas aux pouvoirs publics de bénéficier d'une analyse d'impact transverse au niveau des grandes priorités des PIA (impact global sur le développement durable, sur l'industrie, sur le numérique...).
2. Définir une politique globale et cohérente de l'innovation
a) Intégrer la dimension territoriale
Visant d'abord l'excellence scientifique et technologique, les politiques d'innovation menées au travers des deux premiers PIA n'ont pas cherché à favoriser le développement d'écosystèmes territoriaux . Au contraire, elles ont contribué à renforcer les avantages comparatifs des régions déjà les mieux dotées en capital scientifique et technologique, en particulier l'Île-de-France.
Toutefois, la prise de conscience de l'ancrage territorial de l'innovation a modifié le regard des pouvoirs publics sur la nécessité de créer un cadre favorable à l'émergence et la consolidation d'écosystèmes sur tout le territoire .
Compte tenu de leurs compétences dans le domaine économique 107 ( * ) , en matière d'enseignement et de recherche 108 ( * ) ou encore de formation professionnelle 109 ( * ) , les régions ont un rôle fondamental à jouer dans le développement et la spécialisation des écosystèmes 110 ( * ) .
Tout au long des auditions, l'échelon régional est apparu comme le niveau pertinent pour favoriser l'innovation : les régions ont une taille critique leur permettant d'avoir une force de frappe suffisante dans le domaine économique, tout en demeurant proches de leur territoire, dont elles connaissent le tissu économique, les centres de recherche, les établissements d'enseignement - bref, l'ensemble de l'écosystème.
Aussi, de nombreux intervenants ont insisté sur la nécessité de laisser aux régions plus d'autonomie, à l'instar d'André Loesekrug-Pietri qui a exhorté les pouvoirs publics à « adopter une vision beaucoup plus décentralisée et plus proche des écosystèmes » 111 ( * ) .
À cet égard, il convient de saluer les initiatives de la Banque des territoires qui visent à « stimuler les écosystèmes économiques qui engendrent l'innovation, la reçoivent et transforment la recherche-développement en une réalité économique, industrielle ou sociale » 112 ( * ) .
L'intégration de la dimension territoriale dans la politique d'innovation nationale a donc vocation à favoriser une logique « bottom up » de l'innovation dans laquelle chaque région est amenée à prendre en main son destin industriel et innovant .
Inversement, l'approche territorialisée de l'innovation peut renforcer l'efficacité d'une approche plus dirigée de l'innovation au niveau national . Comme l'a fait remarquer Nicolas Chung, directeur de la mission PIA à la Banque des territoires 113 ( * ) , via sa politique d'accompagnement des écosystèmes territoriaux, la Banque des territoires dispose d'une cartographie précise des secteurs d'activité des start-up, des domaines de recherche des laboratoires ou encore des cursus de formation pour ne citer que ces trois exemples . Ces informations s'avèrent indispensables pour arrêter une politique stratégique au niveau national telle que la sélection des secteurs prioritaires sur lesquels focaliser des soutiens massifs à l'innovation, mais également pour proposer des collaborations entre des partenaires potentiels qui s'ignorent.
b) Mettre en oeuvre une approche « holistique »
Compte tenu du caractère non linéaire de l'innovation, toute politique visant à la soutenir graduellement, au fur et à mesure de la montée du projet dans l'échelle TRL, est vouée à l'échec. Dès le départ, il convient de combiner les dispositifs de soutien à des projets en amont avec une capacité à appuyer les phases aval d'industrialisation .
Comme le rappelait le rapport ayant préparé la mise en oeuvre des stratégies d'accélération, la « condition d'efficacité d'une telle politique verticale d'accélération est de déverrouiller chaque maillon de la chaine d'innovation conjointement » 114 ( * ) .
Concrètement, il s'agit d'être capable de formaliser des feuilles de route partagées avec tous les acteurs publics et privés des filières concernées, afin de renforcer le cadre stratégique des actions envisagées et de fonder lesdites feuilles de route sur des orientations clairement assumées concernant les futurs usages à cibler. Une telle approche a l'avantage de mobiliser les écosystèmes autour d'objectifs clairs et alignés avec les besoins prospectifs des marchés .
Une approche « holistique » de l'innovation exige également d'harmoniser la politique d'innovation avec les autres dispositifs publics au niveau national . Comme l'a fait remarquer Antoine Le Roux, directeur général de l'administration de la région Rhône-Alpes chargé de l'innovation, « il faut rapprocher les politiques publiques du développement économique de celles de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et de celles de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle » 115 ( * ) .
D'autres coordinations peuvent être nécessaires, telles que la levée des verrous réglementaires pour le déploiement de certains prototypes ou pour la mise sur le marché de médicaments innovants, l'évolution du cadre fiscal pour favoriser l'innovation ou encore la commande publique. À cet égard, votre mission d'information regrette que les stratégies d'innovation financées par le PIA 4 n'aient pas intégré, lors de leur élaboration, cette composante dans leurs feuilles de route 116 ( * ) .
Le lancement du PIA 4 s'est accompagné d'une réforme profonde de la gouvernance de la politique d'innovation qui devrait encourager une approche « holistique » . Un comité interministériel de l'innovation a été créé : présidé par le Premier ministre, co-présidé par le ministre de l'économie et des finances et de la relance, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche, et de l'innovation, composé de six ministres, de l'ensemble des administrations concernées (SGPI, DGE, DGRI), de deux opérateurs (ANR et Bpifrance) ainsi que de six personnalités reconnues pour la richesse de leurs expériences et leur vision en matière d'innovation, ce conseil a pour mission de fixer les priorités stratégiques de la politique d'innovation française .
Par ailleurs, l'attribution au SGPI de la présidence du comité exécutif du comité interministériel transforme ce dernier en coordinateur de la politique d'innovation dirigée de l'État .
c) Coordonner la politique de l'innovation avec les autres dispositifs publics au niveau européen
L'Union européenne est devenue un acteur majeur dans le soutien à l'innovation.
Le programme « Horizon Europe » est le neuvième programme-cadre de recherche pour la recherche et l'innovation . Il dispose d'un budget de 95,4 milliards d'euros destiné aux activités de la recherche et de l'innovation pour la période 2021-2027 dans toute l'Europe . En outre, a été créé le Conseil européen de l'innovation (EIC) . Cette agence de l'innovation européenne est dotée d'un budget de 10 milliards d'euros et a vocation à financer la recherche sur des technologies émergentes, mais également un projet pilote d'accélérateur et un fonds dédié de 3 milliards d'euros afin d'accélérer le développement des PME et start-up innovantes.
Au-delà des programmes-cadres européens de recherche et d'innovation, l'Union européenne a multiplié les plans d'investissement visant, notamment, à soutenir la R&D et l'innovation : plan d'investissement pour l'Europe 117 ( * ) de 2015, prolongé par le plan InvestEU en 2020, plan NextGenerationUE 118 ( * ) .
Afin de pouvoir profiter de cette manne financière, une articulation plus efficace entre les programmes nationaux et les programmes européens est souhaitable . En particulier, la coordination nationale concernant la construction des programmes cadres européens, à la fois dans les phases de définition, de négociation, et de lobbying doit être très nettement améliorée . Selon Jean-Luc Beylat, membre du bureau de la commission « innovation » du MEDEF, « les plans de filière français, à quelques exceptions près, n'ont pas d'équivalent à l'échelon européen ». Nous devrions prendre exemple sur les Allemands qui « parviennent même à structurer les projets européens en fonction de leurs dynamiques propres de filière : l'industrie 4.0, dont tout le monde parle aujourd'hui, vient d'un projet allemand » 119 ( * ) .
Concrètement, cela signifie que les opérateurs français en matière de recherche doivent être plus présents en amont dans la définition, au niveau européen, des orientations et de la nature des appels à projet afin d'assurer leur articulation avec la stratégie nationale de recherche et d'innovation .
Il semblerait que la leçon ait été retenue pour la création du conseil européen pour l'innovation. Non seulement la France a été à l'initiative de ce projet, mais elle s'est fortement impliquée dans sa conception et sa mise en oeuvre à travers le directeur de l'Inria, qui fait partie du conseil d'administration. Lors de son audition, celui-ci s'est félicité que « les start-up françaises so[ie]nt les premières bénéficiaires des programmes de l'EIC » 120 ( * ) .
3. Soutenir une gouvernance resserrée et agile capable d'exécuter les décisions en « circuit court »
a) Une gouvernance resserrée et agile...
Tous les intervenants ont prôné une gouvernance resserrée et agile, avec des acteurs mandatés explicitement pour mettre en oeuvre les politiques d'innovation .
En effet, ce modèle de gouvernance permet de prendre des décisions rapidement, en « circuit court ». Or la vitesse est vitale en matière d'innovation technologique et le gagnant est celui qui met le premier son innovation sur le marché : « une bonne innovation avec six mois de retard n'a aucune valeur » 121 ( * ) .
Le fonctionnement de la DARPA sert de référence en matière de gouvernance, avec une pyramide hiérarchique très plate, des niveaux de décision peu nombreux et une logique bureaucratique de gestion de contrats réduite au minimum .
Le mode de recrutement des chefs de projet de la DARPA contribue également à garantir ce type de gouvernance : nommés pour trois à cinq ans, universitaires ou issus de l'industrie, ils se caractérisent à la fois par des compétences technologiques et scientifiques reconnues, par leur aptitude à gérer des projets risqués et complexes et par leur capacité à animer des communautés d'innovation.
Ce mode de gouvernance reste encore insuffisamment développé en France, mais plusieurs initiatives sont encourageantes.
D'abord, un nombre croissant de structures publiques ont mis en place des procédures accélérant considérablement les délais d'élaboration des projets ou d'instruction des demandes de projet .
Bruno Sportisse a indiqué à la mission d'information : « Lorsque j'ai pris la responsabilité de l'Inria en 2018, il fallait 24 mois de préparation pour créer des projets s'étendant sur 48 mois d'exécution, alors pourtant que cet établissement est réputé, à juste titre, pour son agilité. En outre, il n'était pas possible de créer des projets pluridisciplinaires à cheval sur plusieurs laboratoires, ce n'était pas dans les cadres canoniques académiques. Notre stratégie 2019-2023 entend réduire le délai de préparation des projets à 4 mois et fluidifier la création de projets pluridisciplinaires entre laboratoires. » 122 ( * )
De même, Emmanuel Chiva a expliqué : « En mars 2020, nous avons sanctuarisé 10 millions d'euros pour lutter contre la première phase de la pandémie de Covid. Nous avons reçu 2 580 projets en trois semaines, traités en un mois et demi ! Un vrai stress test pour les procédures de l'Agence, qui se sont révélées efficaces et opératoires . » 123 ( * )
Par ailleurs, le lancement de chaque PEPR (programme et équipement prioritaire de recherche) 124 ( * ) s'est accompagné de la nomination d'un pilote scientifique tandis que le pilotage du programme est assuré par un ou plusieurs organisme(s) national(aux) de recherche et, le cas échéant, un établissement d'enseignement supérieur . Ainsi, le PEPR sur la santé numérique est copiloté par l'Inserm et l'Inria tandis que le PEPR sur l'hydrogène décarboné est copiloté par le CNRS et le CEA.
De la même manière, chaque stratégie d'accélération est pilotée par un coordinateur interministériel rattaché au SGPI ayant pour mission de coordonner et suivre l'ensemble des actions mises en oeuvre . Il a vocation à superviser la stratégie en lien avec les ministères, les experts et les scientifiques compétents réunis au sein d'une unité dédiée ( task force ). Il existe donc une réelle volonté d'instaurer une gouvernance bénéficiant à la fois de plus d'autonomie et de plus de responsabilités .
Enfin, la création de l'Agence de l'innovation de défense, de l'Agence d'innovation des transports et de l'Agence de l'innovation en santé témoigne du souci des pouvoirs publics de promouvoir une gouvernance resserrée et agile.
Certains intervenants ont fait remarquer que la France avait l'avantage de disposer, dans les grands domaines stratégiques (santé, agriculture, numérique, énergie...), d'organismes nationaux de recherche thématiques (Inrae, Inserm, Inria...). Il conviendrait donc de les transformer en opérateurs de programmes pour le compte de l'État afin d'en faire les « bras armés » de ce dernier, de l'aider à concevoir une stratégie, de la mettre en oeuvre en mobilisant un large écosystème et d'évaluer son impact réel .
b) ... Indissociable d'une évaluation régulière des projets et d'une veille stratégique
Une gouvernance agile doit être capable d'arrêter des projets ou des actions qui ne produisent pas les impacts attendus, d'opérer périodiquement des réallocations et de financer des actions ou des projets nouveaux sur des sujets émergents.
Il convient donc de systématiser les évaluations ex post en fixant, dès la création des dispositifs ou la mise en oeuvre des politiques d'aide à la recherche et à l'innovation, des objectifs chiffrés et des indicateurs quantitatifs susceptibles d'être évalués .
Dans son rapport précité 125 ( * ) , le comité de surveillance des investissements a constaté qu'à mi 2019, moins d'une action sur trois des PIA avait fait l'objet d'une évaluation et que certaines de ces évaluations étaient anciennes ou ne portaient que sur les processus et non sur les impacts et les retours sur investissement financiers et extra-financiers.
Depuis lors, des progrès ont été réalisés. Comme l'avait expliqué Neil Abroug, coordinateur national de la stratégie d'accélération sur les techniques quantiques, lors d'une audition publique organisée par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, le « PIA 4 a mis en place une évaluation au fil de l'eau de l'exécution de chaque programme par des revues de programme. L'action la plus avancée aujourd'hui est le PEPR, qui doit durer 6 ans. Deux jalons décisionnels sont programmés dans 2 et 4 ans ; d'autres jalons sont également prévus, soit techniques (nombre de qubits, niveau de puissance de froid...), soit relatifs à l'écosystème construit autour du projet (nombre de publications, nombre de personnes recrutées, nombre de brevets déposés) » 126 ( * ) .
Une stratégie de l'innovation efficace doit également s'appuyer sur un exercice de prospective afin d'avoir une vision globale des enjeux sur les technologies émergentes à la fois en France et dans les principaux hubs technologiques mondiaux, sur les dynamiques de marché ainsi que sur les initiatives des principaux pays industriels . Le risque de ne pas conduire d'analyse stratégique préalable à la définition de priorités sectorielles est de passer à côté de sujets déterminants ou de prendre du retard sur des sujets émergents.
Compte tenu de la vitesse des changements technologiques et économiques, cette veille stratégique doit être réalisée régulièrement, afin de ne pas rater l'apparition de nouveaux marchés prioritaires susceptibles de positionner la France en véritable pays précurseur.
La préparation des stratégies d'accélération pour l'innovation a donné lieu à un remarquable exercice de prospective en matière technologique et d'innovation. Il s'agit maintenant de structurer et faire perdurer cette fonction de prospective stratégique au sein de l'État. En tant que coordinateur interministériel de la politique de soutien à l'innovation, le Secrétariat général pour l'investissement a vocation à conduire l'animation et la coordination de la veille stratégique et de la prospective de l'État en étroite collaboration avec le Conseil de l'innovation, les administrations, les opérateurs et les acteurs privés ou publics (comités stratégiques de filière, organisations syndicales, monde académique, think-tanks ...) .
III. ACCOMPAGNER LA CRÉATION ET LA CROISSANCE DES ENTREPRISES INNOVANTES À VOCATION INDUSTRIELLE
A. FAIRE DE LA COMMANDE PUBLIQUE UN LEVIER DE CROISSANCE POUR LES ENTREPRISES INNOVANTES : LE CHIFFRE D'AFFAIRES PLUTÔT QUE LA SUBVENTION
1. Une commande publique « low cost » et peu encline à prendre des risques
a) La puissance du levier de la commande publique
La commande publique présente de nombreux avantages par rapport à la subvention : elle renforce la position des acteurs émergents face à leurs investisseurs et à leurs banques, auprès desquels ils peuvent faire valoir non seulement un revenu futur, mais aussi la confiance de l'État dans leur technologie ; elle constitue une référence client particulièrement prestigieuse pour les entreprises, dont ces dernières peuvent se prévaloir auprès de clients privés ou d'autres États ; elle entraîne de l'activité économique en France, donc de l'emploi et des revenus ainsi que, in fine , des recettes fiscales ; enfin, contrairement à la subvention, il ne s'agit pas de « versements à fonds perdu », puisque, en échange du montant versé à l'entreprise, la collectivité bénéficie d'un bien ou d'un service. En outre, l'accroissement de l'achat innovant au sein des administrations est un facteur de modernisation et d'amélioration du service public.
André Loesekrug-Pietri 127 ( * ) a souligné que l'« achat public est le véritable facteur de maturation ». Prenant l'exemple du secteur spatial, il a opposé la stratégie des États-Unis - dont les commandes passées par l'État fédéral américain à SpaceX ont contribué au développement spectaculaire de cette entreprise -, à la politique de l'Union européenne, dont les règles en matière de marchés publics excluent de facto les entreprises innovantes. Il a illustré ses propos en indiquant qu'« un appel d'offres européen sur le spatial exigeait un chiffre d'affaires d'au moins 100 millions d'euros pour pouvoir postuler. C'est invraisemblable, ce critère a éliminé tous les acteurs dont les idées étaient radicalement différentes ! » Le fait que les start-up représentent seulement 1 % du marché spatial européen résulte en grande partie de la difficulté qu'elles rencontrent à accéder à la commande publique européenne.
Tous les entrepreneurs rencontrés ont été unanimes : au-delà d'éventuelles subventions, leur priorité est d'augmenter leur chiffre d'affaires. Du reste, les capitaux des investisseurs privilégient les entreprises qui font du chiffre d'affaires, comme l'a rappelé Matthieu Masselin 128 ( * ) : « En tant qu'entrepreneurs, nous apprécions les apports des investisseurs, bien sûr, mais ce qui fait la valorisation d'une entreprise, ce sont son chiffre d'affaires actuel et ses projections de rentabilité dans le futur : voilà ce que regardent les investisseurs. En d'autres termes, il faut avoir des clients. »
D'autres États ont une politique assumée de soutien au tissu économique national par la commande publique, notamment pour faire émerger des acteurs innovants. L'exemple le plus évident est celui des États-Unis, où la DARPA et la BARDA 129 ( * ) jouent un rôle central dans la précommande auprès d'entreprises innovantes. De même, la NASA 130 ( * ) a acheté à SpaceX - au-dessus du prix du marché - des prestations de mise en orbite pour 11 milliards de dollars, afin de renforcer la position concurrentielle de cette entreprise, dans le cadre d'une « stratégie très claire dont l'objectif final est de [...] faire sortir [Arianespace] du marché » mondial des lanceurs, selon Philippe Baptiste, président du CNES 131 ( * ) .
En France, la commande publique 132 ( * ) représentait 111 milliards d'euros en 2020 133 ( * ) . Malheureusement, cet outil stratégique de politique économique, indispensable à l'émergence d'acteurs innovants, est très peu utilisé en France .
b) Le funeste précepte « big is beautiful »
La commande publique française est trop peu orientée vers les solutions innovantes et les petites entreprises. Quasiment par réflexe, les acheteurs publics ont tendance à privilégier, pour les marchés publics, les grands groupes, qui disposent ainsi d'une rente de situation alors même que les innovations de rupture sont souvent portées par des acteurs émergents de moindre taille .
D'une manière générale, l'accès à l'acheteur public reste extrêmement complexe pour des PME innovantes . L'entreprise Wandercraft, par exemple, a mis huit ans pour nouer un contact avec le ministère de la santé. En outre, les exosquelettes acquis par les hôpitaux mutualistes de droit privé non lucratif et les centres hospitaliers universitaires n'ont pas été achetés sur fonds propres, mais par l'intermédiaire de « fonds régionaux et associatifs ».
c) L'expérimentation décevante du marché innovant
En 2018 134 ( * ) , le pouvoir réglementaire a adopté une mesure expérimentale 135 ( * ) relative aux marchés publics consistant à ouvrir aux acheteurs publics la possibilité de « passer un marché public sans publicité ni mise en concurrence préalables portant sur des travaux, fournitures ou services innovants [...] et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes » 136 ( * ) .
Cette mesure est intéressante, mais le seuil fixé, s'il est sans doute adapté à l'acquisition de logiciels ou de services numériques, est trop bas pour l'achat de produits industriels . En outre, selon un sondage de l'Observatoire économique de la commande publique, si 72 % des acheteurs publics déclarent connaître ce dispositif, seuls 26 % d'entre eux disent avoir l'intention d'y recourir 137 ( * ) . Cet écart pose la question de la formation et de la sensibilisation des acteurs publics audit dispositif 138 ( * ) . In fine , l'achat innovant ne représente que 10 % environ de l'achat public 139 ( * ) .
d) Les fondements juridiques et culturels du « primat de la concurrence »
Selon le professeur Braconnier 140 ( * ) , en « droit français, le primat de la concurrence définit les principes fondamentaux de la commande publique », dans un objectif de lutte contre la corruption. Il en résulte une hiérarchie des textes en faveur de la concurrence et au détriment du soutien aux autres politiques publiques . Contrairement à certaines idées reçues, « il serait inexact d'accuser le droit européen des rigidités du droit français » , car cette prédominance de la concurrence dans le droit français serait antérieure à la construction européenne et plus marquée que dans le droit européen, qui ménage des marges de manoeuvre importantes pour les États membres . Stéphane Braconnier a cité l'exemple de l'Allemagne qui « a choisi de ne pas mettre ses concessions en concurrence et, par une loi relative aux restrictions de concurrence, ce pays favorise le soutien aux petites et moyennes entreprises et à l'innovation, notamment dans les secteurs sociaux et environnementaux » .
Au contraire, notre culture juridique entraînerait « une conception étroite des principes généraux de la commande publique, focalisée sur une dimension normative et juridique, au détriment des objectifs économiques et sociaux » . La rigidité qui en découle empêche la prise en compte, tant par les entités adjudicatrices et les pouvoirs adjudicateurs que par le juge administratif, d'autres objectifs d'intérêt général.
Une autre explication avancée pour expliquer la faible utilisation de la commande publique en France pour soutenir l'innovation porte sur le risque couru par les acheteurs . En effet, non seulement ces derniers n'ont pas de culture du risque dans leur pratique, mais ils courent un risque pénal lors de la passation de marchés, au travers des délits de prise illégale d'intérêts, de corruption et surtout de favoritisme. Ce dernier délit doit, pour être constitué, reposer sur l'intentionnalité de l'auteur. Néanmoins, dans la pratique, le juge a une interprétation quasi matérielle de l'infraction.
2. Faire de la commande publique un axe majeur du soutien public à l'innovation
La mission d'information recommande de revoir notre conception de la commande publique afin de la considérer comme un levier essentiel de la politique de soutien à l'innovation .
a) Exploiter toutes les possibilités du droit actuel de la commande publique
Le premier des leviers consiste à utiliser toutes les souplesses du code des marchés publics pour soutenir les entreprises innovantes . Le rapport d'information sénatorial de Cédric Perrin et Jean-Noël Guérini faisait déjà cette préconisation en 2019 141 ( * ) .
Une description précise du besoin permet d'orienter le choix vers tels fournisseurs plutôt que vers tels autres, et ainsi de favoriser les entreprises innovantes françaises . Dans leurs appels d'offres, les acheteurs publics allemands se réfèrent très fréquemment, et de manière parfaitement licite, aux normes techniques définies par l'institut allemand de normalisation, afin de favoriser les PME de leur pays. Une telle pratique pourrait aisément être reproduite en France.
Par ailleurs, dans le domaine de la défense et de la sécurité, les règles relatives aux marchés publics sont assouplies 142 ( * ) , afin d'élargir la possibilité de recours à la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalables . En outre, l'acheteur public peut tenir compte de l'exigence de sécurité des approvisionnements et des informations lors du choix du prestataire . Ces facultés doivent être pleinement exploitées.
Enfin, le cas de l'achat innovant, déjà développé, permet de passer des marchés publics sans publicité ni mise en concurrence préalables, dans une limite de 100 000 euros. Lorsque ce plafond n'est pas dépassé, il convient de recourir autant que possible à cette procédure.
Les réponses écrites apportées par la Direction générale Grow 143 ( * ) de la Commission européenne confirment la possibilité de favoriser certaines solutions en rédigeant précisément l'appel d'offres : « Il ne [lui] semble pas que la réglementation relative aux marchés publics représente une barrière au développement des achats publics de solutions. » D'ailleurs, les « acheteurs publics sont [...] invités à prendre en compte dans leurs marchés la manière dont ils peuvent réduire les dépendances stratégiques, notamment en définissant leurs besoins et les critères de sélection et d'attribution ».
Ainsi, au travers tant de la définition du besoin dans l'ensemble des marchés publics que des procédures particulières des marchés de la défense et de l'achat innovant, la mission d'information recommande d'utiliser au maximum les possibilités offertes par le droit existant pour favoriser les entreprises innovantes françaises, notamment les start-up et les PME. Cette stratégie implique une modification profonde de notre rapport au droit : nous devons rester fidèles à Montaigne et cesser de considérer que, dans le silence du code sur telle ou telle pratique, celle-ci est, à défaut de précision expresse, interdite .
Utiliser toutes les souplesses du code des marchés publics pour favoriser les entreprises innovantes .
Avoir une interprétation moins frileuse des règles de la commande publique.
b) Faire évoluer le droit de la commande publique pour permettre la conciliation de plusieurs objectifs d'intérêt général
Lorsque deux objectifs d'intérêt général entrent en concurrence, le juge arbitre entre ces deux exigences en recourant à la notion de proportionnalité, comme l'a indiqué le professeur Braconnier.
Il convient donc, à l'instar de ce qu'a fait l'Allemagne, d'enrichir les principes fondamentaux de la commande publique afin d'y inclure, à côté du principe de la concurrence et au même niveau, d'autres principes, comme le soutien à l'innovation ou aux PME ou encore l'objectif de développement durable . De cette façon, le respect de la concurrence pourra être contrebalancé, en respectant le principe de proportionnalité, par d'autres objectifs de nature économique et sociale. Cette évolution aurait en outre pour avantage d'être « assez conforme à notre tradition juridique de conciliation des principes ». En tout état de cause, si une évolution juridique est nécessaire, il faut bien cibler les domaines susceptibles de donner lieu à des dérogations, comme le développement durable ou l'innovation.
Par ailleurs, le risque pénal doit être mieux encadré, car il entrave excessivement le dynamisme de la commande publique.
Intégrer le soutien à l'innovation parmi les principes généraux du droit de la commande publique, au même niveau que le principe de la concurrence .
c) Tripler le plafond de recours à la procédure de l'achat innovant
Le plafond du régime de l'achat innovant, fixé à 100 000 euros, est trop bas pour pouvoir soutenir l'innovation industrielle, dont les produits dépassent largement ce seuil .
Plusieurs options d'aménagement du dispositif sont envisageables.
Lors de la réunion de la mission d'information et de plusieurs créateurs de start-up de l'École polytechnique, il a été suggéré de fixer le seuil du marché innovant en fonction d'un pourcentage des dépenses de fonctionnement de la collectivité . L'idée est intéressante, mais risque de se heurter à la complexité de sa conception et surtout de sa mise en oeuvre.
Le Comité Richelieu 144 ( * ) a plaidé pour une implication plus forte des territoires, au travers notamment de l'action de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) qui, en renforçant la transformation des territoires, notamment leur équipement numérique, pourrait du même coup favoriser le recours à des start-up ou des PME locales.
La mission d'information préconise le triplement du plafond, afin de le porter à 300 000 euros . Bien que ce seuil soit sans doute encore trop faible pour intégrer les gros démonstrateurs industriels, il permettra néanmoins d'accroître le nombre de projets pouvant faire l'objet de cette procédure.
Pour ce qui concerne les prestations plus lourdes, telles que des démonstrateurs industriels ou des modèles à l'échelle 1 : 1, Sylvain Dorschner 145 ( * ) suggérait un second plafond, beaucoup plus élevé (de l'ordre de 1 à 6 millions d'euros).
Tripler le plafond de l'achat innovant pour le porter à 300 000 euros .
d) Former les acheteurs publics à l'achat innovant afin de faire évoluer les mentalités
Au-delà des mesures juridiques ou des aménagements suggérés précédemment, il convient, pour amplifier et banaliser l'achat innovant, de sensibiliser davantage les acheteurs à la question, au travers d'une pédagogie du risque .
Il faut introduire au sein des pouvoirs adjudicateurs et des entités adjudicatrices la culture du risque, afin d'amener les acheteurs à exploiter toutes les ressources du droit de la commande publique, ainsi qu'à « oser » sélectionner les soumissionnaires les plus compétents, fussent-ils des acteurs émergents .
C'est ce changement de mentalité que s'efforce d'encourager le directeur de l'Agence de l'innovation de défense, Emmanuel Chiva 146 ( * ) , auprès du service des achats de la Direction générale de l'armement. Il a rappelé que ce dernier se félicitait de n'avoir pas eu un seul recours en dix ans et a ajouté : « Albert Einstein disait que celui qui n'a jamais échoué n'a jamais essayé, donc c'est normal, mais ce n'est pas souhaitable ». Il a insisté sur la nécessité pour les acheteurs d'apprendre à prendre des risques, tout en respectant les règles de la commande publique. Toutefois, une telle évolution ne saurait reposer sur la seule initiative des fonctionnaires affectés aux achats et exige une impulsion et un soutien de la part de la hiérarchie. De manière générale, la dynamique d'achat doit être plus agile.
Comme l'a déclaré André Loesekrug-Pietri, « plus les marchés publics sont précis, caractérisés, plus on encourage l'innovation incrémentale. On sécurise pour que le résultat en 2025 soit ce que l'on voulait en 2022, mais le monde aura changé trois fois entre-temps et on risque de tomber à côté ».
Selon l'économiste Nicolas Bouzou 147 ( * ) , la rigidité des procédures d'achat public en France s'expliquerait par le fait que les besoins de l'administration lors de la passation des marchés ne sont pas assez formulés en demandes concrètes . Dans les pays anglo-saxons, quand la puissance publique passe commande, elle pose une question très concrète (« voici mon problème, comment pouvez-vous le résoudre ? »). Cette façon de procéder aurait révélé tout son intérêt au moment de la recherche de vaccins. Il a estimé qu'une telle méthode permettrait de mieux cibler les entreprises émergentes et de favoriser l'innovation.
Enfin, pour éviter que le choix d'une solution se révélant a posteriori inadaptée ne bride la prise de risque des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les futurs appels d'offres, certains intervenants ont proposé la mise en place d'un fonds de garantie destiné à couvrir les acheteurs publics en cas de difficultés résultant du choix d'une solution innovante.
Engager une démarche générale de formation à l'achat innovant auprès des administrations .
e) Encourager l'adoption d'un small business act plus volontariste et accepter une forme de surfacturation des entreprises innovantes émergentes européennes
La mission d'information ressort de ses travaux convaincue de la nécessité d'adopter, à l'échelle de la France, voire de l'Union européenne, une forme de small business act calqué sur le modèle américain . En réservant une partie de la commande publique aux acteurs économiques nationaux autres que les grands groupes, une telle législation permettrait de soutenir le tissu économique local, notamment innovant. Une réglementation est sans doute moins efficace que le fonctionnement normal du marché, mais, comme cela a été indiqué, l'inclinaison spontanée des acheteurs vers les acteurs installés exige sans doute une forme de coercition.
Les régions se sont déjà engagées dans une telle démarche. Celles 148 ( * ) qui ont été entendues par la mission d'information ont toutes deux adopté un document d'assistance à la commande publique (« guide » ou « charte ») ayant cette visée. Ces documents ont vocation à aider les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices à soutenir le tissu économique local , « dans le respect absolu du code de la commande publique » . Par ailleurs, la région Grand Est a conçu, en partenariat avec la chambre de commerce et d'industrie et la Banque des territoires - elle-même très impliquée dans la sensibilisation des collectivités à cette question -, un cycle de formations à destination des acheteurs, afin d'accompagner ces derniers dans leurs démarches.
À l'échelon européen, il serait opportun que les États membres favorisent, dans leur commande publique, les entreprises européennes innovantes, voire, dans la mesure où c'est compatible avec leurs finances publiques, acceptent de surpayer leurs prestations afin de soutenir leur développement. Le chemin à parcourir est encore long, comme en témoigne la politique de l'État allemand en matière de lanceurs spatiaux : celui-ci a mis en concurrence Arianespace avec les autres fabricants mondiaux de lanceurs pour envoyer ses satellites dans l'espace et a retenu finalement SpaceX comme prestataire.
Adopter un small business act , le promouvoir à l'échelon européen et soutenir les entreprises européennes dans les achats publics .
f) Promouvoir le partenariat d'innovation
« Le partenariat d'innovation est un marché qui a pour objet la recherche et le développement de produits, services ou travaux innovants ainsi que l'acquisition ultérieure des produits, services ou travaux en résultant et qui répondent à un besoin ne pouvant être satisfait par l'acquisition de produits, services ou travaux déjà disponibles sur le marché. » 149 ( * )
Cet outil, instauré en 2014 150 ( * ) et codifié en 2018 151 ( * ) , vise à remédier aux difficultés posées par le dispositif antérieur de l'achat public avant commercialisation et du marché de recherche et développement, qui imposaient deux mises en concurrence, l'une pour la phase de recherche et développement et l'autre pour l'acquisition de la solution. Le partenariat d'innovation est un dispositif intégré, qui comprend à la fois la phase de recherche et développement et l'acquisition finale du produit, avec une seule mise en concurrence et une contractualisation possible avec plusieurs entreprises en parallèle 152 ( * ) .
On observe que, malgré l'intérêt du dispositif, tant pour l'acheteur public que pour les entreprises innovantes, encore peu de partenariats de ce type ont été conclus . Il serait donc opportun de mieux sensibiliser les acheteurs publics à cette faculté, mais également d'étudier les raisons de ce faible recours et d'envisager une adaptation du dispositif.
Promouvoir le partenariat d'innovation auprès des acheteurs publics et envisager son éventuelle évolution pour l'adapter aux besoins de la commande publique .
g) Prendre en compte les spécificités du soutien à l'innovation en santé
Le secteur de la santé est particulier : comme dans les autres domaines, les start-up bénéficient du soutien amont de la puissance publique, mais dans « le domaine de la santé, il y a un seul client : c'est la sécurité sociale. Si nous ne sommes pas capables de discuter avec ce client et de lancer des projets avec lui, rien n'est possible » 153 ( * ) . La question du remboursement des médicaments ou dispositifs médicaux innovants, donc de l'implication de l'assurance maladie, est donc primordiale. C'est pourquoi il est nécessaire de s'assurer que l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie (ONDAM) soit défini de façon à permettre le financement de produits innovants, potentiellement coûteux : l'« innovation, pour se développer, a besoin d'être intégrée rapidement dans l'Ondam » 154 ( * ) .
À cet égard, l'innovation dans le domaine de la santé devrait bénéficier de la création (prévue pour le premier semestre 2022) de l'Agence d'innovation en santé. Celle-ci aura trois objectifs : définir une stratégie globale et en assurer la mise en oeuvre ; simplifier les processus existants ; et accompagner les porteurs d'innovation. Elle sera l'interlocutrice naturelle de la future Health Emergency Response Authority (HERA) de l'Union européenne.
S'assurer que l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie permette le financement de produits innovants.
B. LEVER LES OBSTACLES RÉGLEMENTAIRES ET ADMINISTRATIFS ET RACCOURCIR LES DÉLAIS D'INSTRUCTION
1. Une insuffisante culture industrielle de l'administration qui aboutit à des délais d'instruction souvent plus longs que ceux de nos concurrents
De nombreux intervenants ont mis en avant la difficulté de l'administration et des organismes publics à comprendre les contraintes des entreprises et ont souligné le handicap que les procédures administratives peuvent représenter pour ces dernières .
a) Un manque de culture technique et industrielle de l'administration
Plusieurs orateurs, tels Patrice Caine 155 ( * ) , PDG de Thales, ou Romain Soubeyran 156 ( * ) , directeur général de CentraleSupélec, ont insisté sur l'insuffisante culture technique, scientifique et industrielle de l'administration, exception faite de la direction générale de l'armement (DGA) . La perte progressive d'influence du ministère de l'industrie jusqu'à sa dilution dans le ministère de l'économie et des finances, via la création d'une simple direction générale des entreprises (DGE), s'est accompagnée d'une perte de compétences. Comme l'a fait remarquer Patrice Caine : « la DGE ne dispose pas de la richesse intellectuelle et du potentiel de la DGA. Or nous aurions besoin d'une direction générale de l'industrie ou d'une DGE possédant cette richesse humaine et cette capacité d'intervention. [...] Il y a beaucoup de bonne volonté mais, sans les compétences et les moyens, il y a peu de chances que nous parvenions à faire émerger des filières puissantes ». À cet égard, il s'est inquiété de la réforme de la haute fonction publique qui risque d'entraîner la suppression des corps techniques de l'État : « Nous aurions donc des profils d'une diversité culturelle plus large mais moins de personnes très spécialisées dans certains domaines, ce dont nous avons besoin. »
Cette perte de compétences a des répercussions dans l'efficacité de la politique de soutien aux industries innovantes. Comme l'ont regretté Sylvain Boucher et Patrick Robert, respectivement président et vice-président de France Clusters, les comités d'experts réunis pour sélectionner les offres ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux industriels : « le processus est trop léger, par manque d'expertise technique » 157 ( * ) .
Même les équipes de Bpifrance semblent affectées par le manque d'expertise dans le domaine industriel. Tous les représentants de fonds d'investissement rencontrés ont insisté sur la nécessité de disposer de compétences techniques pour analyser et accompagner les investissements. Célia Hart, general partner du fonds Supernova Invest 158 ( * ) , elle-même docteur de l'université d'Oxford en chimie et biologie moléculaire et forte d'une expérience dans le domaine des biotechnologies, indique ainsi que toutes « les personnes que [Supernova] recrut[e] ont cette triple compétence : elles ont une forte technicité - elles sont soit ingénieurs, soit docteurs, soit pharmaciens -, elles sont passées presque systématiquement par l'industrie ou ont travaillé dans des start-up, et elles ont travaillé dans l'investissement [...]. De telles compétences sont indispensables pour être en mesure de mener un examen critique d'une feuille de route et d'en faire l'analyse de risques » . Or l'équipe du fonds Société de projets industriels de Bpifrance n'est composée que de profils généralistes (issus de Sciences Po ou d'une école de commerce), à l'exception d'un ingénieur. On peut se demander si leurs investissements auront la même pertinence et bénéficieront de la même qualité de suivi que ceux des fonds privés disposant de profils pluridisciplinaires.
L'absence de compétences techniques internes oblige en outre à recourir à des experts privés pour analyser les dossiers des entreprises sollicitant un soutien public, ce qui peut les mettre dans une situation délicate au regard du secret des affaires . Comme l'a expliqué Julien Cantegreil 159 ( * ) , « Pour obtenir la moindre aide, nous devons dévoiler nos projets aux experts, qui sont issus de la concurrence. [...] On s'expose à nos concurrents directs, ce n'est pas possible... »
b) Des délais administratifs trop longs et des procédures séquentielles plutôt que simultanées
Un rapport récent 160 ( * ) s'inquiète des délais nécessaires pour implanter un site industriel en France par rapport à ceux de nos concurrents en raison de la longueur des procédures administratives, notamment environnementales 161 ( * ) . De même, le risque de contentieux contre le permis de construire est évoqué par des industriels « comme un frein à l'implantation en France » 162 ( * ) , en raison de délais de jugement élevés.
Le secteur de la santé - healthtech , medtech , biotech 163 ( * ) -, qui représente 40 % des investissements français réalisés dans les technologies innovantes, semble particulièrement affecté par les lenteurs administratives, comme l'illustre l'exemple cité par Stéphane Bancel 164 ( * ) , PDG de Moderna, à propos d'un projet de vaccin : « la phase d'étude s'est achevée en Angleterre avant qu'elle ne démarre en France ! C'est un énorme problème. Pour toute société, le temps c'est de l'argent, et pour une société qui n'a pas de revenus, donc pas de profits, la contrainte de temps est encore plus forte. »
Les procédures d'autorisation du remboursement d'un médicament ou d'un dispositif médical innovant traînent également en longueur. Pour Élodie Chapel 165 ( * ) , conseillère de Wandercraft, l'enjeu est « la souplesse et la rapidité d'exécution dans l'intégration de l'innovation. Le rôle de l'État, en l'espèce, est de ne pas nuire. Cela veut dire accélérer les autorisations et, pour ce qui est des innovations en santé, l'accès au remboursement, qui est le nerf de la guerre. Sur ce dernier point, il reste du travail, même si beaucoup a été fait 166 ( * ) pendant le dernier quinquennat ». Alexia Perouse 167 ( * ) , PDG du fonds d'investissement Ibionext, a indiqué qu'il fallait attendre quatre à cinq ans pour obtenir un accord de l'assurance maladie concernant le remboursement d'un médicament ou d'un dispositif médical, contre quatre à six mois en Allemagne ! 168 ( * )
L'organisation séquentielle, plutôt que parallèle, des étapes administratives visant à valider le lancement d'une activité de recherche appliquée est l'une des causes de l'allongement des délais . Le tableau présenté par Philippe Chambon 169 ( * ) , PDG d'EG 427, comparant les étapes d'autorisation d'un laboratoire en thérapie génique entre la France et la Suisse est éclairant : un laboratoire installé en Suisse démarre son activité neuf mois et demi avant son concurrent implanté en France, en raison, notamment, de la simultanéité des différentes procédures d'autorisation mise en place par l'administration suisse .
Chronologie de démarrage d'un laboratoire de thérapie génique
Étapes réglementaires 170 ( * )
c) Des rythmes trop contrastés entre l'administration et l'entreprise
Le présent rapport a déjà souligné le décalage entre l'horizon temporel des laboratoires de recherche publics et celui des entreprises . Les dispositifs de soutien à l'innovation sont également concernés, que ce soit :
- au moment de l'élaboration des dispositifs : Julien Cantagreil 171 ( * ) a ainsi regretté que « les plans de soutien de l'État mettent plusieurs années à aboutir, quand nos levées de fonds se font sur dix-huit mois. Tout ce qui dépasse six mois pose problème » ;
- au moment du versement des aides : Claude Grison 172 ( * ) a ainsi indiqué : « On subit continuellement une absence de réactivité, voire une incompréhension. Par exemple, au bout de quatre mois, les fonds ne sont toujours pas reçus et les recrutements sont toujours impossibles. Or une start-up n'a pas de temps à perdre. Au début, elle vit sur des fonds, mais ce n'est pas possible éternellement. La concurrence est très forte. Le rythme ralenti est en décalage complet avec [s]es besoins. »
D'après cette chercheuse, cela « n'est pas de la mauvaise volonté de la part de la direction administrative ou scientifique, mais l'effet d'un manque de connaissance du milieu industriel ». Sa collègue Amanda Silva-Brun 173 ( * ) confirme cette analyse : « Les chercheurs gagneraient à connaître plus précisément les contraintes de l'industrialisation et les contraintes réglementaires propres à chaque domaine. »
2. Poursuivre et renforcer les initiatives de facilitation des démarches et de raccourcissement des délais
De nombreuses évolutions positives ont eu lieu au cours des dernières années en la matière . Il convient de les poursuivre et de les amplifier .
a) Raccourcir les délais
Plusieurs intervenants ont souligné les efforts réalisés par les autorités administratives pour raccourcir les délais . L'ANSES s'est ainsi félicitée de respecter les objectifs fixés par la réglementation européenne en matière de délais de traitement des dossiers. Elle y est notamment parvenue en étant plus rigoureuse dans ses interactions avec les entreprises, qui, selon son directeur général, Roger Genet 174 ( * ) , « jouaient de la lenteur de l'instruction : en cas de conclusion défavorable, [elles] fournissaient des données supplémentaires et les produits restaient sur le marché tant que l'Agence n'avait pas statué de nouveau ».
Franck Mouthon 175 ( * ) , président de France Biotech, a également indiqué que les « délais administratifs et réglementaires s'améliorent en France. [...] Le fonctionnement des comités de protection des personnes (CPP) s'améliore de manière considérable, notamment pour les recherches impliquant la personne humaine (RIPH) de niveaux 1 et 2, qui concernent les médicaments et les dispositifs médicaux. D'ailleurs, un règlement européen impose désormais qu'en cas de non-réponse dans un certain délai la réponse soit réputée positive. En outre, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ASNM) rend un avis global, à la fois réglementaire et éthique, sur l'autorisation de l'essai, ce qui permet une bonne synchronisation du processus ».
Par ailleurs, la mise en place de l'autorisation temporaire d'utilisation 176 ( * ) a été saluée, car elle permet, sous certaines conditions, l'utilisation et le remboursement de médicaments n'ayant pas reçu d'autorisation de mise sur le marché 177 ( * ) . Toutefois, ces dispositifs sont d'un usage restreint et ne permettent pas de régler la question des délais d'autorisation et de remboursement des médicaments ou dispositifs n'entrant pas dans leur champ d'application .
De même, si plusieurs intervenants se sont félicités de l'instauration du dispositif de l'article 51 de la loi 178 ( * ) de financement de la sécurité sociale pour 2018, qui permet d'expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits, ils sont nombreux à en souligner également les limites. En particulier, les porteurs de projet déplorent la complexité et la longueur des procédures.
Il convient donc de raccourcir considérablement les délais de traitement « de droit commun », afin de limiter la comparaison défavorable à la France en la matière.
Réduire les délais des procédures administratives, en se fixant des objectifs chiffrés .
Comme il a été dit précédemment, la « France ne brille pas par la simplicité de son système : beaucoup d'acteurs et d'interlocuteurs sont mobilisés » 179 ( * ) . C'est d'ailleurs ce constat qui a conduit à la création de l'Agence de l'innovation de santé, laquelle pourra justement « centraliser et paralléliser les demandes ». Cela permettra en outre d'éviter certaines lourdeurs, liées par exemple au fait que plusieurs interlocuteurs posent les mêmes questions.
L'autre piste d'amélioration soulevée par le président de France Biotech est la dimension « engageante » des réponses des agences , comme le fait la Food and Drug Administration américaine. Cette autorité fournit « la liste des courses [que les entreprises] ont à faire pour passer d'une étape à une autre, ce qui est très précieux ». Par conséquent, un « avis scientifique ou réglementaire américain peut être opposé aux investisseurs en cas de due diligence ». En effet, dès lors que les actions requises ont été faites par un candidat pour valider une étape, celui-ci est certain que cette étape est franchie. Il en résulte une meilleure efficacité et une plus grande sécurité.
Systématiser la pratique des procédures menées en parallèles et imposer que les administrations soient engagées par leurs réponses antérieures.
b) Faciliter l'implantation d'installations industrielles
L'une des difficultés soulevées par des entrepreneurs, notamment ceux que la mission a rencontrés lors de ses déplacements à Troyes et à l'École polytechnique, réside dans la rareté du foncier à vocation économique. Il est en effet de plus en plus compliqué de trouver des espaces disponibles, suffisamment vastes et pouvant accueillir une implantation industrielle. Cette difficulté s'accroît avec l'objectif de « zéro artificialisation nette » des sols en 2050 180 ( * ) , qui, pour légitime qu'il soit, entraîne forcément une concurrence dans l'usage des sols.
Comme l'indique Louis Fleuret 181 ( * ) , directeur adjoint de French Tech, le « foncier est aussi important que le financement, car c'est un élément de risque, donc un frein au financement. Si l'on dérisque les sujets, l'argent viendra. Cela relève à la fois du réglementaire et de l'organisation entre l'État et les collectivités territoriales ».
Plusieurs initiatives ont été prises pour remédier à cette difficulté et faciliter l'implantation des industries. En particulier, la Banque des territoires 182 ( * ) a créé le dispositif Territoires d'industrie, dont l'une des quatre priorités est précisément « l'aménagement industriel et la maîtrise du foncier, avec l'aménagement de zones industrielles et la construction d'immobilier industriel » . Cet établissement « développ[e] des solutions pour permettre aux industriels d'économiser leurs fonds propres et de concentrer leurs ressources sur la production », en recourant, quand c'est possible, au compactage d'usine pour économiser de la surface. Cette initiative intègre évidemment les collectivités territoriales, notamment les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui ont la maîtrise du foncier. French Tech, qui élargit son action au-delà du numérique pour accompagner les start-up industrielles, est partie prenante au projet.
Les régions 183 ( * ) sont également fortement impliquées dans la recherche de foncier pour les entreprises. Sylvain Dorschner, directeur général de Grand E-nov, a insisté sur le fait qu'« il est essentiel de pouvoir offrir à ces entreprises [...] un parcours foncier adapté. Une start-up industrielle passe par plusieurs phases de croissance : elle peut avoir besoin d'un ou de deux hectares au départ puis avoir une option d'achat sur un terrain de dix hectares pour pouvoir passer à l'échelle, tout en libérant les hectares de la première phase pour une autre start-up industrielle... »
Afin de faciliter l'implantation d'installations industrielles sur notre territoire, Bruno Bonnell a proposé de renforcer et d'étendre le dispositif des zones franches urbaines-territoire d'entrepreneurs (ZFU-TE). L'objectif visé est de créer de véritables zones franches industrielles, sur le modèle de ce qui existait en matière commerciale. Ce dispositif d'exonération fiscale et/ou sociale permettrait de relancer l'industrialisation du pays. Le SGPI souhaiterait s'appuyer sur les sous-préfets à la relance, dont les postes avaient été créés au moment du lancement du plan France Relance, pour en faire « des sous-préfets à l'investissement » 184 ( * ) , à même de prendre en main ce chantier.
À la suite de la remise du rapport du député Guillaume Kasbarian 185 ( * ) , la démarche de labellisation de « sites industriels clés en main » a été instaurée , qui a permis d'identifier 127 sites à ce jour. Laurent Guillot souligne que ce « dispositif est à juste titre la pierre angulaire de la politique du Gouvernement en faveur de la simplification et l'accélération des implantations d'activités, [car les] investisseurs doivent pouvoir s'y fier sans rencontrer de délais "cachés" à la suite de leur décision d'implantation » 186 ( * ) . Néanmoins, il alerte contre la dégradation de la qualité du label, qui doit demeurer fiable, sous peine de saper la confiance des investisseurs.
Par ailleurs, il invite l'exécutif à cartographier le foncier disponible et à en planifier l'usage, afin de répondre efficacement aux besoins des entreprises, et à améliorer la visibilité du foncier productif disponible . Cela nécessite, notamment pour la sanctuarisation de très grands sites, d'inclure les régions et les intercommunalités dans la démarche, afin de les amener à répondre à un « appel à propositions "grands sites" », permettant d'identifier les implantations possibles. Enfin, il insiste sur la nécessité absolue, dans le contexte de raréfaction du foncier productif, d'accroître les opérations de recyclage des sites industriels .
Augmenter le nombre de « sites industriels clés en main » au travers d'une meilleure planification de leur utilisation, en collaboration avec les collectivités territoriales et les autorités déconcentrées de l'État, et en privilégiant les opérations de recyclage des sites industriels .
c) OEuvrer pour un marché européen plus intégré
L'un des ressorts de l'installation aux États-Unis de nos entreprises innovantes, au-delà de la question du plus grand dynamisme du financement privé de ce pays, réside dans la volonté d'accéder à un marché vaste et unifié : même langue, mêmes règles (ou à peu près), totale liberté de circulation des marchandises, des personnes et des capitaux. Le marché français étant assez restreint, alors que les évolutions économiques et technologiques s'accélèrent et que la prime bénéficiant au premier acteur sur le marché est de plus en plus importante, l'enjeu de l'approfondissement du marché unique européen et de l'harmonisation des procédures à l'échelle de l'Union se fait donc plus crucial.
Dans la réponse au questionnaire qui lui avait été envoyé par la mission d'information, la direction générale Grow 187 ( * ) de la Commission européenne constate que l'« obligation d'obtenir des autorisations dans plusieurs États membres, les difficultés d'application du principe de la reconnaissance mutuelle, qui n'est pas un principe absolu, les problèmes liés à l'équivalence des tests et certificats à défaut d'un référentiel commun, les problèmes liés aux labels, la nécessité des traductions, les frais administratifs, de traduction ou de certificats additionnels, etc . constituent des obstacles qui découragent les investisseurs et empêchent la création et le développement des entreprises ».
Elle ajoute que l'une « des 6 priorités de la Commission pour 2019-2024 est d'établir une économie au service des personnes en créant des conditions d'investissement plus attrayantes et une croissance créatrice d'emplois de qualité, en particulier pour les jeunes et les petites entreprises dans un marché intérieur plus approfondi et plus équitable ».
Néanmoins, si elle affirme que des « solutions existent afin de faire véritablement un marché unique », elle admet également qu' « il serait difficile d'obtenir l'accord et la collaboration nécessaire des États membres. [En effet, les] multiples autorisations nationales pourraient être [remplacées] par une autorisation valide pour toute l'UE accordée par les instances nationales en collaboration au niveau européen, avec des frais administratifs fixes par catégorie, l'établissement d'un référentiel commun pour les tests et certificats qui aurait comme résultat leur reconnaissance mutuelle automatique, l'utilisation approuvée par les autorités nationales compétentes d'un code digital par lequel l'acheteur pourrait, via son téléphone mobile, trouver toutes les informations relatives aux labels et à la composition du produit dans sa langue nationale, [mais] ces solutions nécessitent le consentement et la coopération étroite des États membres au niveau européen et un niveau de digitalisation de la société européenne très élevé ».
Par conséquent, eu égard au handicap que représente l'absence d'un vaste marché unifié et en dépit du défi qu'une telle évolution représente, l'objectif d'une intégration européenne croissante doit être poursuivi avec constance et application . Cet objectif de plus long terme et qui ne dépend pas que de l'État français doit rester en ligne de mire, car sa réalisation aura un impact puissant sur le dynamisme de notre industrie.
Accélérer l'intégration du marché européen .
C. RÉORIENTER, À MOYENS CONSTANTS, LES AIDES FISCALES POUR MIEUX ACCOMPAGNER LE PASSAGE À L'ÉCHELLE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES INNOVANTES
1. Des dispositifs fiscaux perfectibles...
Les principaux dispositifs fiscaux d'aide à l'innovation sont le crédit d'impôt recherche et le crédit d'impôt innovation, dont les mécanismes sont proches, mais les assiettes différentes.
Principes de fonctionnement du crédit
d'impôt recherche
et du crédit d'impôt
innovation
Le crédit d'impôt recherche (CIR), institué en 1983 et profondément réformé en 2008, consiste en un crédit d'impôt imputable sur l'impôt sur les sociétés ou sur le revenu ; il est assis sur les dépenses de recherche et développement et son taux est de 30 % jusqu'à 100 millions d'euros et de 5 % au-delà, sans limite de montant. Il est décrit à l'article 244 quater B du code général des impôts.
Le dispositif du crédit d'impôt innovation (CII), instauré en 2013, a été calqué sur celui du CIR et relève du même article du code général des impôts. Il vise les dépenses d'innovation (conception de prototypes et installations pilotes de produits nouveaux), son taux est de 20 % (30 % à compter du 1 er janvier 2023 188 ( * ) ), avec un plafond de 400 000 euros par an. En revanche, à la différence du CIR, ce crédit d'impôt est ciblé sur les PME (moins de 250 personnes, chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros ou total du bilan inférieur à 43 millions d'euros et entreprise non détenue par un grand groupe 189 ( * ) ). Il vise donc à favoriser l'industrialisation de solutions innovantes par les PME.
a) Le crédit d'impôt recherche : une efficacité limitée en dépit d'un coût élevé
En France, l'aide à l'innovation passe principalement par le crédit d'impôt recherche. En 2020, cette dépense fiscale, qui concernait quelque 21 000 sociétés, représentait un coût de 6,6 milliards d'euros 190 ( * ) , soit 86 % de l'ensemble des incitations fiscales en faveur de l'innovation et les deux tiers environ (contre 16,5 % en 2000 191 ( * ) ) des dépenses publiques totales d'encouragement à l'innovation. Cette évolution s'est en partie expliquée par une recherche de neutralité des aides publiques destinée à garantir leur conformité au régime des aides d'État de l'Union européenne, mais la préférence pour l'incitation fiscale est également liée à la volonté de ne pas orienter l'innovation, afin de laisser le marché décider.
La plupart des pays développés ont mis en place des dispositifs fiscaux comparables au CIR ; ainsi, en 2017, 30 des 35 192 ( * ) pays de l'OCDE comptaient un tel mécanisme, de même que nombre de pays n'appartenant pas à cette organisation, dont la Chine. Néanmoins, la France reste le pays dont les aides fiscales à l'innovation sont les plus généreuses .
En dépit de son coût élevé pour les finances publiques, le CIR a une efficacité relativement limitée. L'étude 193 ( * ) de la Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (CNEPI) estime son effet d'entraînement à environ 1, en moyenne : le CIR conduit les entreprises à accroître leur dépense interne de recherche et développement du montant du CIR perçu . On n'observe donc pas d'effet d'aubaine ; l'incidence sur les dépenses de recherche et développement est bien réelle. Toutefois, cette moyenne cache de fortes disparités entre les entreprises de petite taille (pour lesquelles l'effet d'entraînement est estimé à environ 1,4) et les grandes entreprises (pour lesquelles il est de 0,4, ce qui démontre l'existence d'un effet d'aubaine partiel). De même, les effets positifs du CIR sur les variables d'innovation (nombre d'ingénieurs dans les effectifs ou nombre de dépôts de demande de brevet) et d'activité (investissement ou chiffre d'affaires) ne s'observent que sur les PME 194 ( * ) .
Pourtant, les PME, qui constituent 91 % des bénéficiaires du CIR, ne représentent que 32 % de la créance fiscale. Inversement, les 10 % des bénéficiaires les plus importants perçoivent 77 % du montant total de CIR et les 100 plus gros bénéficiaires en perçoivent 33 %, alors que les études montrent également que ce dispositif n'a pas d'effet sur la localisation en France des activités de recherche des groupes étrangers, même s'il semble avoir ralenti la délocalisation des activités de recherche et développement des groupes français .
b) Le crédit d'impôt innovation : un plafond trop faible et un effet de seuil trop brutal pour les ETI
Le montant total de CII perçu s'élevait en 2020 à 200 millions d'euros et concernait plus de 8 000 PME . Peu d'études existent sur ce dispositif, mais l'une 195 ( * ) d'elles a démontré une corrélation avec un accroissement de l'emploi, du chiffre d'affaires et de la probabilité de déposer des demandes de brevet, bien que la relation de causalité entre le recours au CII et ces phénomènes ne soit « pas établie » 196 ( * ) .
Certains orateurs entendus par la mission d'information, notamment les représentants de France Innovation 197 ( * ) , ont toutefois souligné deux limites de ce dispositif.
D'une part, le plafond de dépenses éligibles est trop faible . S'il est sans doute adapté à certaines industries, le coût d'un démonstrateur dans certains secteurs, comme l'énergie, est tel que le plafond de 400 000 euros est largement dépassé et que l'aide devient marginale au regard de l'investissement .
D'autre part, le fait de ne cibler que les PME (conditions d'effectif, de chiffre d'affaires ou de total du bilan et d'indépendance) est préjudiciable à de nombreuses entreprises innovantes qui ont dépassé depuis peu le stade de la PME. Le « coût du 250 e salarié » est déjà important 198 ( * ) et l'exclusion des ETI du bénéfice du CII peut contribuer à ne pas les inciter à se développer. En outre, en dépit de leur statut d'ETI, le CII peut constituer pour ces entreprises une aide importante pour l'industrialisation de leurs innovations.
2. Dont l'efficacité doit être renforcée
Quelles que soient les imperfections de ces crédits d'impôt, la mission d'information a la conviction qu'il ne faut pas les remettre en cause . Elle souhaite toutefois proposer certaines modifications afin d'accroître leur efficacité.
a) Mieux cibler le crédit d'impôt recherche
Tous les intervenants entendus par la mission d'information ont insisté sur l'importance du CIR pour les acteurs économiques et sur la nécessité de son maintien 199 ( * ) . Toutefois, la quasi-totalité des interlocuteurs de la mission d'information - notamment ceux qui représentaient les petites entreprises - et la totalité des économistes ont insisté sur la nécessité de cibler davantage les PME au travers du CIR.
Le Conseil des prélèvements obligatoires a fait récemment des propositions 200 ( * ) dans le sens d'une évolution assez forte du crédit d'impôt.
Toutefois, la mission d'information est sensible au besoin de prévisibilité des acteurs de l'innovation, ce qui passe notamment par la stabilité fiscale. Dans un pays prompt à faire varier les règles fiscales, le CIR représente un îlot de stabilité apprécié par les entreprises.
Cela étant dit, les règles du CIR n'ont pas évolué depuis douze ans et l'on pourrait objecter que la générosité du dispositif se justifiait initialement par le différentiel de coût de production entre la France et les autres pays ; or, depuis lors, ce différentiel s'est partiellement résorbé, sous l'effet notamment de la baisse de l'impôt sur les sociétés et des impôts de production, sans compter l'effet du crédit d'impôt compétitivité emploi et des baisses de charges, qui ont réduit le coût du travail .
Aussi, la mission d'information, soucieuse à la fois de garantir une certaine forme de stabilité et de maintenir inchangée l'enveloppe totale consacrée au CIR, mais désireuse d'orienter davantage le CIR vers les entreprises sur lesquelles il a un effet puissant, propose deux évolutions possibles.
La première consiste à supprimer le taux de 5 % au-delà du plafond de 100 millions d'euros et, à coût total inchangé, à augmenter à due concurrence le taux en deçà de ce plafond . D'après les calculs de Xavier Jaravel 201 ( * ) , la suppression du CIR au-delà de 100 millions d'euros entraînerait une économie de 750 millions d'euros, qui permettrait de financer une augmentation du taux tout en ciblant plus les dépenses des PME. De même, Philippe Aghion a expliqué 202 ( * ) que le montant de l'équivalent britannique du CIR dépend du ratio entre les dépenses de recherche et développement et la taille de l'entreprise afin de mieux cibler les PME et ETI. Il considère pour sa part que le CIR actuel est trop favorable aux grandes entreprises, ce qui en amoindrit les effets macroéconomiques.
Une seconde évolution est envisagée, qui pourrait se cumuler à la première proposition : calculer, pour les groupes recourant à l'intégration fiscale, le crédit d'impôt à l'échelon de la holding . En effet, nombre de grandes entreprises consolident leurs résultats pour le calcul de leur bénéfice global, afin que les pertes de certaines filiales compensent les résultats positifs des autres et que l'impôt sur les sociétés soit, au total, plus faible. Or, même dans cette hypothèse, le CIR peut être calculé, selon le choix de l'entreprise, au niveau de chaque filiale. Aussi la mission préconise-t-elle de viser le même échelon pour les deux procédures. Selon les calculs du Comité Richelieu, une telle réforme pourrait engendrer une économie de 530 millions d'euros par an, qui pourrait, là encore à enveloppe globale inchangée, financer une augmentation à due concurrence du taux du CIR .
En toute hypothèse, l'une et l'autre de ces mesures devraient être soumises à l'approbation de la Commission européenne, afin de garantir le respect du régime des aides d'État. Toutefois, s'agissant d'un simple redimensionnement du dispositif et non de son remplacement par un système complètement différent, le risque juridique est assez limité.
Supprimer le CIR au-delà du plafond de 100 millions d'euros en ramenant le taux de 5 % à 0 % et augmenter à due concurrence le taux sous ce plafond .
Calculer le CIR à l'échelon de la holding pour les groupes qui pratiquent l'intégration fiscale et augmenter à due concurrence le taux sous ce plafond .
b) Doubler le plafond du crédit d'impôt innovation
La mission d'information juge que les dispositifs de soutien à l'innovation, s'ils ont fait leurs preuves pour le secteur numérique, doivent désormais s'adapter aux contraintes de l'industrie . Or, comme indiqué plus haut, le dispositif du CII est encore trop limité pour produire pleinement ses effets .
Afin que ce dernier contribue à financer les gros démonstrateurs, dont le coût est très élevé, il conviendrait d'en doubler le plafond. En effet, la réalisation d'un démonstrateur est un moment clef du processus d'industrialisation de produits innovants. Or, comme le montre l'association France Innovation, si le financement de la recherche amont est relativement accessible, celui de la preuve de concept puis de l'industrialisation est beaucoup plus complexe. Il s'agit pourtant d'étapes stratégiques dans la valorisation d'une innovation. Cette mesure pourrait être financée par l'économie de crédit d'impôt engendrée par les réformes du CIR proposées supra . Le CII bénéficie d'une dérogation de la Commission européenne à l'interdiction des aides d'État au titre des aides accordées aux PME. Cette évolution, dans la mesure où elle instaure une différence de traitement en fonction des situations, est susceptible de contrevenir aux limites instituées par cette dérogation ; aussi est-il nécessaire de s'assurer de la conformité d'une telle mesure à la réglementation européenne relative aux aides d'État.
Doubler le plafond du CII pour le porter à 800 000 euros afin de permettre le financement de gros démonstrateurs industriels, dans le respect des règles européennes relatives aux aides d'État .
c) Instaurer un « coupon recherche-innovation » au bénéfice des PME
L'Association française des centres de ressources technologiques (AFCRT) 203 ( * ) a évoqué l'idée d'un coupon-innovation, inspiré du chèque technologique wallon, qui serait destiné uniquement aux PME et dédié au financement de l'innovation. L'emploi de cette enveloppe serait laissé à la libre appréciation de l'entreprise bénéficiaire pour mener des projets d'innovation en interne ou par le biais de prestataires extérieurs. Selon Hervé Pichon, président de l'AFCRT, avec une enveloppe de 120 millions d'euros et un coupon de 30 000 euros 204 ( * ) par PME ou start-up, le dispositif permettrait de toucher 4 000 PME innovantes. Cette disposition pourrait être financée par l'économie de dépense fiscale réalisée grâce aux mesures décrites supra , relatives au CIR. Un tel dispositif présente l'avantage de la simplicité et permettrait d'élargir le vivier des bénéficiaires d'aides à l'innovation à des PME que la bureaucratie associé aux dispositifs de soutien à l'innovation rebute.
Instituer un coupon recherche-innovation de 30 000 euros, à destination des PME, dans la limite d'une enveloppe globale de 120 millions d'euros, financée par l'économie engendrée par les mesures portant sur le CIR .
D. AMÉLIORER LA VALORISATION POUR LEVER LES FREINS À L'ESSOR DES START-UP LES PLUS INNOVANTES
1. La valorisation perçue comme une source de financement pour la recherche publique...
a) Une erreur d'appréciation sur les finalités des politiques de la valorisation
S'il existe plusieurs structures de valorisation de la recherche en France, créées à des périodes différentes, ces dispositifs « reposent sur la croyance selon laquelle les organismes de transfert peuvent financer le transfert de technologie grâce aux revenus perçus sur les brevets d'origine publique », comme l'explique Didier Roux, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies 205 ( * ) .
Cette croyance, qui demeure dominante aujourd'hui, a largement orienté l'élaboration du modèle économique des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), créées dans le cadre du premier programme d'investissements d'avenir (PIA) en 2010 afin de répondre à certaines lacunes du système français de valorisation, en particulier le manque de financement de la maturation et de la « preuve de concept ». Un objectif d'autofinancement à dix ans leur avait été fixé lors de leur création, qui a été réévalué et repoussé à quinze ans, soit en 2024, au regard de leurs difficultés à atteindre cet objectif.
En effet, comme le précise un rapport de la commission des finances du Sénat 206 ( * ) , « toutes les SATT enregistrent, depuis leur création, une perte dans leur résultat d'exploitation et à l'heure actuelle, il est l argement admis que les SATT ne parviendront pas à atteindre l'équilibre financier à 10 ans ».
Si la logique de l'autofinancement est spécifique au réseau des treize SATT, il est tout de même attendu que les revenus issus de la valorisation financent en partie le modèle économique d'autres structures de soutien au transfert de technologies.
Par exemple, le modèle économique des huit instituts de recherche technologique (IRT) et des sept instituts pour la transition énergétique (ITE) continue d'évoluer et la contribution de l'État, qui représentait environ 50 % de leur budget à leur création, décroît progressivement. Comme l'a expliqué Vincent Marcatté, président de l'association French Institutes of Technology (FIT), à « l'horizon 2025 - nous avons-nous-mêmes proposé cet objectif -, nous souhaitons aboutir, en matière de financement, au modèle dit « des trois tiers » : un tiers venant de l'État, un tiers venant des membres privés et un tiers issu soit des revenus de la propriété intellectuelle, soit des projets européens, soit d'appels à projets compétitifs » 207 ( * ) .
b) Une approche qui entrave l'efficacité et le retour sur investissement de la valorisation
De nombreux intervenants ont critiqué la logique de rentabilité qui sous-tend le dispositif de valorisation et le modèle économique des sociétés d'accélération de transfert de technologies (SATT) a été unanimement contesté . Selon Didier Roux, les « structures de transfert de technologies créées par les PIA s'appuient sur un business model qui exige l'autonomie financière grâce aux revenus générés par les brevets. Ce système ne fonctionne pas, c'était évident dès le début. L'État essaie d'en combler les défaillances, mais il restera inadapté tant que la mission de ces structures sera d'abord d'assurer leur rentabilité financière, plutôt que d'aider la recherche publique et les start-up et PMI-PME » 208 ( * ) .
L'illusion selon laquelle la valorisation pourrait constituer une source de financement a plusieurs effets pervers .
En matière de propriété intellectuelle, la répartition demeure complexe entre les différents organismes de tutelle dans les laboratoires communs , malgré les avancées permises par la mise en place du mandataire unique. Pour Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, « nous avons parfois des discussions surréalistes avec des partenaires publics, au cours desquelles on s'écharpe pendant six mois pour savoir ce qui se passera le jour où on gagnera au loto... » 209 ( * ) . Par conséquent, il en résulte des délais inacceptables pour l'élaboration des contrats d'exploitation des brevets, alors que les enjeux financiers sont limités . Selon les chiffres communiqués par le CNRS, entre 2010 et 2020, il s'est passé en moyenne 4,9 ans entre le dépôt d'un brevet et la signature de son contrat d'exploitation. Sur la même période, les contrats d'exploitation ont rapporté 183 millions d'euros alors que 130 millions d'euros ont été dépensés en frais de propriété intellectuelle, ce qui limite fortement le retour sur investissement des stratégies de valorisation des brevets.
En matière d'innovation, les projets financés par les SATT ne sont pas forcément les plus innovants, compte tenu des critères de sélection qu'elles appliquent et de leurs exigences de rentabilité à court terme , comme l'explique Philippe Lénée, directeur du partenariat et du transfert pour l'innovation de l'Inrae : « nous nous posons des questions sur les critères de sélection appliqués par les SATT, qui cherchent un retour sur investissement court, de trois à cinq ans. Or nous avons étudié, avec la méthode Asirpa (analyse socio-économique des impacts de la recherche publique agricole) une cinquantaine de résultats et d'inventions valorisables produits par l'Inrae et l'on se rend compte que la plupart des innovations qui sont sur le marché, qui ont été adoptées, proviennent de collaborations de recherche de long terme. Entre le début de la collaboration de recherche partenariale et l'impact pour la société, il s'écoule dix à quinze ans. Nous travaillons sur un temps très long, beaucoup plus long que dans le numérique. Cela ne correspond pas aux critères des SATT. » 210 ( * )
L'obligation de rentabilité économique imposée aux SATT les conduit à proposer aux start-up innovantes deux modèles de rémunération du transfert de technologie :
- soit le versement d'une commission initiale ( upfront ) puis de redevances ( royalties ) directement proportionnelles au chiffre d'affaires réalisé grâce au transfert de technologie ;
- soit un modèle hybride composé d'une commission initiale ( upfront ) convertie en parts au capital dans la société et de redevances ( royalties ).
Toutefois, ces constructions financières, si elles sont acceptables pour des entreprises déjà établies, peuvent pénaliser le développement des start-up .
Le chiffre d'affaires est un élément clé dans la décision d'investir ou non dans une entreprise. Par conséquent, comme l'a fait remarquer Matthieu Masselin, président-directeur général de la société française Wandercraft, « Une boîte qui vient de se monter est évidemment dans l'impossibilité d'assurer la rentabilité d'une SATT, laquelle construit pourtant son KPI (indicateur clef de performance) sur cette perspective... Un entrepreneur qui se lance n'a pas envie d'être amputé de 5 % de son chiffre d'affaires ! » 211 ( * )
De même, la demande par les SATT de commissions convertibles en parts de capital peut dissuader des investisseurs d'entrer dans le capital de la start-up, dans la mesure où les perspectives de valorisation de l'entreprise seront amoindries par la créance de la SATT sur la start-up. Comme le rappelle François Jamet dans un rapport récent 212 ( * ) , « Les SATT justifient souvent le montant d' up-front demandé par le coût de la maturation et de la PI. Cette pratique peut donner l'illusion d'une valeur objective de ce montant mais elle n'est pas économiquement fondée : si on se place dans une logique de remboursement, pourquoi s'intéresser aux seules dépenses de maturation et de PI et non aux coûts de la recherche qui est à l'origine de la technologie ? » Ce rapport conclut ainsi : « Les SATT doivent se placer dans un dialogue avec l'entreprise sur son plan d'affaires et sur la valeur apportée réellement par la PI transférée, et non, par facilité, dans une approche de remboursement de dépenses ».
Par ailleurs, les universités, notamment les plus intensives en recherche et celles qui ont développé leurs propres centres de valorisation, restent assez critiques sur le principe de structures de valorisation créées en dehors de leur périmètre, dans la mesure où le modèle économique des SATT les pénalise. En effet, les revenus récupérés auprès des start-up dans le cadre de la valorisation leur permettent d'embaucher de nouveaux doctorants et de faire du ressourcement. Toutefois, tant que la SATT n'a pas récupéré l'ensemble des coûts directs et indirects qu'elle a engagés dans le processus de maturation, la répartition des revenus entre SATT et organismes de recherche dont le laboratoire de recherche est à l'origine du transfert de technologie est très inégale : 35 % pour le laboratoire et 65 % au profit de la SATT de Saclay par exemple. Par conséquent, le retour sur investissement pour les laboratoires à l'origine de la valorisation est décalé dans le temps.
Globalement, le modèle économique et les exigences de rentabilité fixées aux principaux dispositifs français de valorisation de la recherche tendent à décourager la prise de risque, à dissuader les entrepreneurs de recourir à ces structures et à favoriser l'investissement dans des projets aux perspectives de rentabilité de court ou moyen terme. Par conséquent, l'investissement dans les projets de rupture technologique à dimension industrielle est insuffisant, car leurs perspectives de rentabilité sont plus lointaines, mais aussi plus incertaines, alors que ce sont ces projets qui permettront à la France de devenir un « leader de l'innovation » et qui seront les plus pourvoyeurs d'emplois sur nos territoires .
2. Alors qu'elle doit être appréhendée comme un investissement et évaluée en mesurant son impact économique, écologique et social
a) Penser la valorisation comme un investissement de long terme appelant une programmation pluriannuelle
La mission d'information considère qu'il est indispensable de changer de paradigme pour la mise en oeuvre des dispositifs de soutien à la valorisation de la recherche, qui ne doit plus être considérée comme un moyen de soutenir la recherche publique à court terme ou comme une source de revenus décorrélée du temps des entreprises, mais qui doit au contraire être pensée comme une politique d'investissement de long terme .
Comme le résume Bruno Sportisse, président-directeur général de l'Inria, « la politique de transfert et d'innovation doit d'abord être considérée comme un investissement public au même titre que la recherche. Elle va coûter aux établissements publics qui la mettent en oeuvre ; c'est un poste de dépenses, non de recettes » 213 ( * ) .
Pour entamer ce changement de paradigme, la mission d'information propose une mesure radicale : modifier le modèle économique des SATT et abandonner la chimère de la rentabilité, afin de leur permettre de mieux accomplir leur politique de maturation.
Supprimer l'objectif de rentabilité assigné aux SATT .
Conditionner le soutien financier aux start-up à des obligations en matière d'implantation industrielle, y compris en cas de rachat par une société étrangère .
Si la politique de transfert et d'innovation est un investissement, celui-ci doit, pour être mené à bien, faire l'objet d'une planification pluriannuelle visant à définir des priorités, à garantir une stabilité dans les choix opérés et à apporter de la visibilité pour les chercheurs, les entrepreneurs et les investisseurs.
Les auditions menées par la mission d'information ont mis en évidence un « besoin de temps long » . Il a en effet été question du temps long de la recherche fondamentale, de l'innovation technologique de rupture, de la rentabilité industrielle et du soutien des pouvoirs publics. Ces « temps longs » doivent désormais être alignés.
Au niveau de l'État, une réponse à ce « besoin de temps long » doit s'inscrire au niveau budgétaire, avec l'élaboration d'une loi de programmation pluriannuelle de l'innovation , appelée de leurs voeux par plusieurs acteurs majeurs de la recherche, de l'innovation et de l'enseignement supérieur dans le cadre de cette mission d'information, mais également lors de l'examen de la loi de programmation pour la recherche (LPR).
Les parlementaires ont souligné déjà, en 2020, l'articulation peu lisible de la loi de programmation de la recherche (LPR) avec le plan de relance et le quatrième plan d'investissement d'avenir (PIA 4), alors même que les montants de ces derniers sont considérables. La commission des finances du Sénat les a estimés, sur le périmètre stricto sensu de la LPR, à 459 millions d'euros en 2021 puis 314 millions d'euros en 2022 et, avec le PIA 4, à 1,47 milliard d'euros en 2021 puis 1,3 milliard d'euros en 2022 214 ( * ) .
La commission des affaires économiques déplorait également l'absence de stratégie globale et cohérente permettant d'appréhender le « continuum » entre la recherche et l'innovation 215 ( * ) .
Aujourd'hui, les crédits alloués aux politiques d'innovation sont plus dispersés que jamais (plan de relance, PIA 3, PIA 4, France 2030, lois de finances annuelles, etc.) figurant dans divers textes budgétaires, sans véritable visibilité, compliquant d'autant plus les travaux de contrôle parlementaires.
Si une telle démarche a commencé à être engagée par la loi de finances pour 2022 avec l'intégration du PIA 4 dans le plan France 2030 sous l'égide du Secrétariat général pour l'investissement (SGPI), afin de faciliter « la cohérence de la gestion, de l'allocation et du pilotage des moyens de soutien à l'investissement dans les domaines de l'innovation et de l'industrie » 216 ( * ) , cette démarche n'est que partielle et seule une loi pluriannuelle de programmation de l'innovation permettra d'assurer une démarche globale, lisible et cohérente de planification budgétaire .
Élaborer une loi pluriannuelle de programmation de l'innovation pour les années 2022 à 2030 .
b) Mesurer l'efficacité de la valorisation de la recherche à l'aune des critères d'impact économique, écologique, social et de souveraineté
Ce changement de paradigme implique également d'adopter une évaluation systématique de l'impact économique et social des projets de recherche faisant l'objet d'une valorisation . En effet, la mission d'information considère que les critères d'évaluation utilisés, en premier lieu les recettes issues de la valorisation de la recherche, ne permettent pas d'avoir une approche juste, efficace et souveraine des politiques de transfert de technologies.
Selon Bruno Sportisse, président-directeur général de l'Inria, le rapport budgétaire de la mission interministérielle sur la recherche et l'enseignement supérieur (MIRES) témoigne de cette vision selon laquelle « la politique de transfert et d'innovation n'est pas considérée comme visant, en premier lieu, un impact économique, mais comme une source de financement de la recherche [...] Ce rapport comprend deux indicateurs : l'impact du crédit impôt recherche (CIR) et le financement des opérateurs publics par le secteur privé. Tout est dit... » 217 ( * ) .
Plus précisément, le deuxième objectif « promouvoir le transfert et l'innovation » du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » de la MIRES comprend seulement ces deux indicateurs, alors que selon une logique plus orientée vers l'évaluation socio-économique des politiques de transfert et de valorisation, d'autres critères pourraient être fixés, par exemple :
- le nombre d'entreprises créées , ce qui permettrait de valoriser la création de start-up comme mode d'organisation des transferts d'innovation ;
- le nombre d'emplois directs et indirects créés , ce qui permettrait d'apprécier les effets des politiques de valorisation sur l'emploi national ;
- l'évolution du chiffre d'affaires et du nombre d'emplois des start-up cinq ans après leur création, afin de vérifier si les start-up soutenues avaient un véritable potentiel de croissance ;
- le nombre de brevets activement utilisés , car le critère du nombre de brevets déposés est insuffisant à plusieurs égards : un brevet déposé qui n'est pas transféré à une entreprise, qui ne fait pas l'objet d'une valorisation économique et qui ne permet pas, à terme, de répondre à un besoin du marché est un « brevet perdu » ;
- le nombre de brevets issus de la recherche publique française qui sont valorisés par des entreprises françaises , afin d'intégrer des considérations de souveraineté dans la démarche d'évaluation ; en effet, de nombreux exemples ont été cités d'entreprises étrangères valorisant et tirant les bénéfices des brevets et innovations permis par le financement et le soutien financés par les pouvoirs publics français, à l'image de certains médicaments développés par Inserm Transfert mais commercialisés par des sociétés américaines 218 ( * ) .
Un tel changement de méthodologie dans l'élaboration du rapport budgétaire de la MIRES serait par ailleurs cohérent avec l'adoption d'une loi pluriannuelle de programmation de l'innovation : la posture de l'État est celle d'un investisseur de long terme qui évalue son retour sur investissement pour le bénéfice de l'écosystème français de la recherche et de l'innovation .
Adopter des critères économiques, sociaux et de souveraineté pour évaluer l'objectif de promotion du transfert et de l'innovation du programme 172 de la MIRES.
Privilégier la collaboration et le transfert de technologie entre organismes de recherche et entreprises françaises et européennes.
Au-delà d'une prise en compte au travers de l'élaboration du budget de l'État, ce changement de paradigme par la promotion d'une culture de l'évaluation économique et sociale doit également être mis en oeuvre par et au sein des organismes publics de recherche . Si des organismes de recherche procèdent déjà en interne à de telles évaluations socio-économiques, il s'agirait de les renforcer, d'agréger leurs données à un niveau macroéconomique et de rendre ces évaluations systématiques.
L'évaluation peut également se faire en fonction de l'alignement des politiques de transfert avec les priorités politiques fixées pour l'innovation et la recherche , à l'image de la méthode d'analyse socio-économique des impacts de la recherche publique agricole (Asirpa) développée par l'Inrae, qui prend par exemple en considération les effets des innovations sur l'environnement, la transition écologique agricole étant l'une des grandes priorités politiques des prochaines années.
Les auditions menées par cette mission d'information ont mis en évidence la nécessité de renforcer l'évaluation ex post des politiques de transfert et de valorisation . Le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCÉRES), chargé d'évaluer les organismes de recherche et les établissements d'enseignement supérieur, commence à s'intéresser à cette question, mais de façon très timide 219 ( * ) , alors que les principaux acteurs de la recherche et de l'innovation auditionnés par cette mission d'information souhaitent un renforcement des évaluations ex post .
Confier au Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur une nouvelle mission d'évaluation ex post des politiques de transfert et de valorisation menées par les organismes publics de recherche et les établissements d'enseignement supérieur.
E. FAVORISER LA STRUCTURATION D'UN ÉCOSYSTÈME DE FONDS D'INVESTISSEMENT À TOUTES LES ÉTAPES DU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES INDUSTRIELLES INNOVANTES
1. Les effets délétères de la politique des « petits pas »
a) Un continuum de soutien mal adapté au financement des entreprises à vocation industrielle
Les dispositifs publics de financement, d'accompagnement et de soutien en vigueur ne permettent pas toujours d'appréhender les spécificités des entreprises innovantes à vocation industrielle.
Premièrement, la durée de l'accompagnement financier, les exigences de rentabilité à court ou moyen terme, la faible appétence pour le risque et le manque de connaissance des enjeux industriels ne permettent pas de s'adapter à la durée inhérente au développement de certaines innovations .
Par exemple, comme l'a indiqué Pascale Augé, présidente du directoire d'Inserm Transfert, « un médicament, c'est au minimum dix ou quinze ans de développement, un dispositif médical, sept à neuf ans, et les innovations en santé digitale, cinq à sept ans. En d'autres termes, les médicaments qui sortent aujourd'hui ont émergé voilà plus de quinze ans » 220 ( * ) .
Deuxièmement, le développement des entreprises innovantes à vocation industrielle est intensément capitalistique , requérant dès les premières étapes de développement des investissements importants, notamment en raison des infrastructures à financer.
En France, des efforts significatifs ont été consentis par les pouvoirs publics pour développer les fonds d'amorçage, et le relais est assuré par l'investissement privé. Toutefois, le volume des financements accordés reste plus faible que dans d'autres pays européens et insuffisant pour financer des projets de dimension industrielle . Selon le baromètre du capital-risque élaboré par le cabinet de conseil Ernst & Young, le montant moyen d'une levée de fonds était de 14,76 millions d'euros en France en 2021 (avec 80 % des investissements en valeur pour l'Île-de-France !), alors qu'il est de plusieurs dizaines de millions d'euros dans des pays comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne.
Par ailleurs, les auditions menées lors de cette mission d'information mettent en évidence un manque de fonds de croissance capables de financer des innovations industrielles à hauteur de plusieurs dizaines de millions d'euros et surtout pour effectuer des levées de fonds supérieures à 100 millions d'euros .
Troisièmement, le développement d'innovations en matière industrielle et technologique présente des risques spécifiques et continus , comme le résume par exemple Célia Hart, associée chez Supernova Invest : « il faut pouvoir accompagner les projets sur des durées très longues. Les phases se succèdent : risque lié à la technologie mobilisée, puis risque lié au produit, puis problématiques d'industrialisation, de commercialisation, de mise sur le marché » 221 ( * ) .
Enfin, le développement d'une innovation industrielle sur plusieurs années représente également un défi en matière de ressources humaines , à la fois pour la constitution des équipes de chercheurs chargés du développement, mais également pour les investisseurs et les fonds d'investissement, qui ont besoin de recruter des profils sensibilisés aux enjeux industriels (cf infra ).
b) Le risque d'une « fuite » des innovations françaises
Au regard des spécificités et des difficultés inhérentes au développement des innovations à vocation industrielle, il apparaît que le continuum de financement de l'écosystème français présente des lacunes qui peuvent être préjudiciables, car les bénéfices tirés des brevets, inventions et innovations françaises profitent à des sociétés étrangères capables de mobiliser massivement des capitaux pour les commercialiser et de les développer à plus grande échelle.
D'une part, du point de vue de l'amorçage des sociétés, si les montants levés sont importants à un niveau agrégé, ils demeurent limités à l'échelon de chaque société . Selon Franck Mouthon, président de France Biotech, « depuis quelques années, on estime que l'amorçage fonctionne plutôt correctement, mais les fonds d'amorçage n'ont pas la même capacité que d'autres écosystèmes, car nos tours A représentent quelques millions, quand, au Royaume Uni ou en Allemagne, on parle de 10 à 20 millions. Nous n'avons pas suffisamment d'amorceurs spécialisés en HealthTech, en particulier dans les biotechnologies, en France » 222 ( * ) .
D'autre part, à l'étape des fonds de croissance, il y a un risque que des sociétés françaises, dont la création et l'amorçage auront été financés par des investisseurs français et dont les innovations sont parfois issues de la recherche publique, soient rachetées par des investisseurs étrangers, qui capteront les bénéfices de la commercialisation et donc du retour sur investissement .
Ces risques sont d'autant plus importants lorsqu'il s'agit d'entreprises à vocation industrielle. En effet, faire financer le développement d'innovations issues de la recherche française par des fonds d'investissement étrangers lors des phases de croissance et d'industrialisation, c'est prendre le risque que l'implantation industrielle se fasse à l'étranger plutôt qu'en France .
Enfin, au moment de l'introduction en bourse, il est indispensable d'assurer le dernier maillon de la chaîne de financement que représente la cotation des sociétés innovantes, en permettant notamment aux 26 licornes françaises d'être cotées et de se financer auprès de systèmes boursiers français et européens : c'est l'objectif de l'initiative « Tech Leaders » mise en place cette année par Euronext. Toutefois, le Nasdaq américain est toujours considéré comme plus prestigieux et plus performant qu'Euronext. Delphine d'Armarzit, présidente-directrice générale d'Euronext Paris a constaté : « peu d'entreprises de droit français sont cotées au Nasdaq. Il existe quelques doubles cotations. En revanche, la cotation au Nasdaq est le but de beaucoup d'entrepreneurs » 223 ( * ) .
2. Massifier les fonds de croissance et assurer le continuum de financement jusqu'à la constitution d'un écosystème boursier adapté
a) Adapter l'écosystème de financement des start-up aux enjeux industriels dès les premières levées de fonds
En complément des initiatives prises par les pouvoirs publics au début de l'année pour soutenir le développement des start-ups industrielles et deep tech , pour lequel un budget de 2,3 milliards d'euros est alloué dans le cadre de France 2030, plusieurs initiatives et adaptations sont nécessaires du côté de l'investissement privé.
Premièrement, la montée en compétence des fonds français, en particulier ceux qui interviennent dès le stade de la création et de l'amorçage de sociétés , est nécessaire pour adapter l'écosystème de financement aux enjeux industriels, scientifiques et technologiques. En effet, les équipes des fonds d'investissement ne sont pas toujours dotées de connaissances sectorielles, la composante technique d'un dossier de financement étant souvent sous-estimée au profit de sa composante financière, comme l'a expliqué Célia Hart : « Financer l'accélération industrielle n'est pas uniquement un problème d'investisseurs à profil financier : il ne suffit pas de savoir manipuler Excel. Pour monter à l'échelle industrielle une usine comme celle d'Aledia à côté de Grenoble, il faut investir des dizaines et des dizaines de millions d'euros : il est alors nécessaire de comprendre quelles machines il faut acheter, combien cela va coûter, etc. Et, si l'on ne comprend pas la technologie sous-jacente, on ne peut pas porter le bon jugement » 224 ( * ) .
Par conséquent, il est important de favoriser les équipes pluridisciplinaires de haut niveau au sein des fonds d'investissement, que ce soit ceux de Bpifrance ou des sociétés privées, afin de croiser les expertises financière, scientifique, technologique et industrielle, ce qui suppose de diversifier les recrutements, par exemple en embauchant des doctorants en sciences de la vie ou des ingénieurs.
Soutenir la création de fonds d'amorçage spécialisés dans les technologies de rupture, l'industrie et les biotechnologies à travers la mise en place de cursus pluridisciplinaires et de doubles cursus dans la formation des analystes financiers .
L'adaptation de l'écosystème de financement des start-up aux enjeux industriels suppose également de déconcentrer les financements . En effet, 82 % des financements restent concentrés à Paris, alors que 50 % des start-up sont créées en dehors de l'Île-de-France. Selon les estimations du Gouvernement, il y aurait 1 500 start-up industrielles en France, dont les deux tiers sont situées en dehors de l'Île-de-France 225 ( * ) . Au contraire, les start-up numériques sont majoritairement implantées dans cette région , tout comme les fonds d'investissement. Il convient donc d'encourager leur présence au sein des écosystèmes locaux afin de leur faire découvrir les start-up industrielles, les projets et les pépites technologiques d'avenir. Le maillage territorial développé par la Mission French Tech pourrait être utilisé à cet effet.
Utiliser le maillage territorial de la mission French Tech pour attirer les financements privés vers les start-ups industrielles et les entreprises innovantes implantées en dehors de l'Île-de-France.
En outre, la France pourrait davantage s'inspirer de l'Allemagne où les familles industrielles sont davantage mobilisées , par l'intermédiaire de leurs gestionnaires de patrimoine, dans le soutien à l'écosystème d'innovation industrielle. Ainsi, selon une analyse du cabinet Ernst & Young, les « Family Offices » deviennent des investisseurs de référence, même s'ils ne représentent que 2,5 % du marché global des fusions-acquisitions et bénéficient de plusieurs avantages : une stratégie d'investissement plus souple, des compétences sectorielles et des périodes de détention et d'allocation plus longues que dans les autres fonds 226 ( * ) .
Inciter les gestionnaires de patrimoine de familles industrielles à investir dans le développement des start-ups industrielles.
Enfin, on pourrait envisager d'assigner aux fonds fiscaux - fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et fonds d'investissement de proximité (FIP) - un objectif, sous la forme d'un quota, d'investissement dans les entreprises industrielles innovantes.
b) Augmenter la capacité nationale à mobiliser rapidement des fonds de croissance
Les différentes auditions menées dans le cadre de cette mission d'information ont mis en évidence le besoin de massifier les fonds de croissance . Il faut désormais augmenter la capacité à mobiliser des capitaux importants . Comme l'a indiqué Jean-Louis Constanza, directeur du développement de Wandercraft, « Attention à la culture du « c'est déjà bien » : il faut mettre le paquet » 227 ( * ) .
Ce constat a été partagé par de nombreux intervenants, en particulier par les acteurs intervenant dans les domaines des biotechnologies, de la médecine connectée, des sciences de la vie et des innovations thérapeutiques et médicales. De ce point de vue, même si un écosystème de financements privés commence à se structurer, la France est en retard. Par exemple, en Belgique, il y a déjà au moins deux fonds d'investissement spécialisés dans l'amorçage de la biotech thérapeutique à plus de 100 millions d'euros, alors qu'il n'y en a qu'un seul en France, comme l'ont observé les représentants d'AdBio Partners 228 ( * ) .
Afin d'augmenter le volume des fonds de croissance en France, l'initiative Tibi 229 ( * ) recommandait de transformer l'investissement dans le secteur technologique grâce à de plus nombreux fonds late stage et « global tech », pour un total de 20 milliards d'euros, avec un objectif pour la France de disposer de dix fonds late stage gérant au moins un milliard d'euros d'ici 2022 . Avec déjà 18 milliards d'euros levés par les fonds labellisés en juin 2021 dont 3,5 milliards d'euros investis par les acteurs institutionnels, l'objectif initial de financement a été rehaussé à 30 milliards d'euros pour la fin de l'année 2022 230 ( * ) , témoignant du succès de cette initiative pour les acteurs numériques et technologiques.
Toutefois, les auditions ont mis en évidence les difficultés persistantes de certaines entreprises et fonds d'investissement à travailler avec des acteurs institutionnels, en particulier dans le domaine de la santé 231 ( * ) , comme l'illustre le témoignage de Franck Mouthon, président de France Biotech : « des fonds ont bien été labellisés « Tibi », mais ils ont plus de mal à collecter auprès des 21 investisseurs institutionnels [...] que les fonds qui collectent dans le secteur des technologies de l'information de manière générale. Il y a plusieurs raisons à cela : le cycle de vie est plus long, l'intensité capitalistique est plus forte, le profil de risque est plus élevé. C'est pourquoi nous avons prévu d'organiser, avec Philippe Tibi, une formation pour inciter ces investisseurs, les Limited Partners (LP), à investir dans le domaine de la santé et pour les sensibiliser au cycle de vie de nos entreprises et aux enjeux de la santé, qui semblent évidents après ce que nous avons vécu » 232 ( * ) .
Élargir l'initiative Tibi au financement des start-up industrielles, des entreprises de rupture technologique et de biotechnologies par la mobilisation, dès 2023, des investisseurs institutionnels (compagnies d'assurance-vie, mutuelles, caisses de prévoyance, etc.) pour soutenir la création de fonds late stage sensibilisés aux spécificités des projets à vocation industrielle.
c) Structurer un écosystème européen d'envergure afin d'éviter l'exclusivité de la cotation à l'étranger de nos licornes technologiques et industrielles
Pour assurer la dernière étape de la chaîne de financement des entreprises innovantes, il est indispensable de disposer d'un écosystème européen adapté et d'envergure, qui soit mis en place au bon moment.
Au regard de la croissance des entreprises technologiques et numériques en France et de la hausse du nombre de licornes dans ce domaine, le moment semble venu de créer un écosystème boursier européen capable d'accompagner et d'assurer la cotation de ces sociétés en France et au sein de l'Union européenne .
Il n'y pas forcément de consensus sur la bonne méthode à adopter. D'une part, il y a ceux qui considèrent que l'offre d'Euronext est suffisante, même s'il y a une méfiance des entrepreneurs et des investisseurs liée à des introductions en bourse réalisées trop précocement dans le passé par des entreprises qui n'avaient pas encore la taille critique pour se financer directement sur les marchés financiers. Par exemple, Anne Lauvergeon, co-présidente de la commission innovation du Medef, considère que « Le Nasdaq de l'innovation existe déjà : il s'appelle Euronext Growth » 233 ( * ) .
D'autre part, il y a ceux qui, comme Nicolas Bouzou 234 ( * ) , considèrent que l'offre d'Euronext ne constitue pas une alternative crédible à la cotation des champions technologiques français et européens à l'étranger, et qu'il faudrait plutôt créer un « Nasdaq européen ».
La mission d'information considère qu'il y a désormais des entreprises numériques et technologiques françaises et européennes suffisamment matures et bien financées en amont pour développer une offre de marché dédiée . Elle estime toutefois qu'il est encore trop tôt pour développer une telle offre spécifiquement pour les start-up industrielles .
En effet, le risque est réel que de telles entreprises se tournent trop tôt vers les marchés financiers, alors qu'il y a préalablement besoin de consolider les maillons précédents de la chaîne de financement, en particulier au niveau des fonds de croissance, comme l'a expliqué Delphine d'Armarzit, présidente-directrice générale d'Euronext Paris : « pour les entreprises qui ont des investissements industriels à réaliser, il est plus difficile de trouver une abondance de capitaux en private equity . C'est pourquoi elles se tournent vers la bourse plus tôt que les autres, en particulier si elles sont des Biotech ou des Cleantech, même si celles qui sont des Cleantech peuvent faire appel à quelques fonds spécialisés » 235 ( * ) .
Il semble donc important de procéder par étapes, en complétant premièrement la phase d'amorçage par des fonds mieux formés aux enjeux industriels, puis en massifiant les fonds de croissance, et enfin en créant un segment boursier spécifique à ces entreprises pour leur permettre de se financer au bon moment de leur développement sur les marchés financiers .
Créer un « Nasdaq européen » pour permettre la cotation des licornes technologiques et instaurer ultérieurement une offre boursière spécifique pour la cotation des licornes industrielles.
F. INCITER LES GRANDS GROUPES À S'IMPLIQUER DANS L'ÉMERGENCE ET LA CROISSANCE DES ENTREPRISES INNOVANTES
1. Une attitude des grands groupes souvent peu coopérative
a) Une relation allant de l'indifférence à la domination
Le rapport des grandes entreprises à l'égard des petites entreprises innovantes, start-up ou PME, n'est pas uniforme : certains grands groupes construisent et entretiennent des relations étroites avec un réseau de petites entreprises innovantes qui profite à l'ensemble des parties prenantes. Ainsi, le groupe Air Liquide a mis en place une stratégie de veille active, de soutien et de partenariats avec les start-up pertinentes de son secteur. Il en accueille une dizaine dans son accélérateur de start-up deep tech et tâche de bâtir avec elles des relations durables, fondées sur le développement de ces jeunes pousses en dehors de leurs relations avec Air Liquide.
Toutefois, au cours des auditions de la mission d'information, de nombreux représentants de start-up ou de PME ont déploré l'attitude délétère de la plupart de certains grands groupes à leur égard. Le sentiment général peut être résumé par la formule incisive de l'un d'eux : « Les grands groupes français regardent les start-up avec indifférence, voire avec mépris. » 236 ( * )
L'expérience de Stéphane Bancel 237 ( * ) , le PDG de Moderna, est, à cet égard, éclairante. Quand il a dû industrialiser la production de vaccins début 2020, aucune grande société pharmaceutique ni française ni étrangère n'a accepté de conclure avec cette entreprise un partenariat du type de celui qui a uni BioNTech à Pfizer dans le même domaine.
Par ailleurs, les relations commerciales tissées entre grands groupes et plus petites entreprises non seulement s'inscrivent dans le cadre de conditions générales de vente souvent excessivement complexes et détaillées - qui sont à prendre ou à laisser -, mais elles se résument souvent à une pure relation de client à fournisseur à l'avantage du grand groupe, qui peut faire preuve d'inflexibilité à l'égard de ses fournisseurs . Le PDG d'une PME industrielle entendu en audition a ainsi expliqué avec dépit que, lorsque son entreprise s'était trouvée en difficulté pour fournir à l'un de ses grands comptes son produit dans les conditions contractuelles, en raison de la hausse du coût des matières premières, il lui avait été répondu : « Monsieur, vous avez signé un contrat ? Honorez-le... » 238 ( * )
De même, les grands groupes ont tendance à répercuter sur leurs sous-traitants la clause de compensation 239 ( * ) qui leur est imposée dans certains contrats afin de ne pas exposer leur propre technologie à la concurrence, transférant ainsi le risque de pillage du savoir-faire et de perte d'avance technologique sur les PME 240 ( * ) .
Cette attitude est dommageable à plusieurs titres. Elle nuit à la vitalité et à la longévité des petites entreprises industrielles - PME et start-up -, mais elle est également néfaste à l'écosystème dans lequel s'insèrent les grands groupes. En effet, le réseau de PME qui gravitent autour d'eux est un élément clef de leur compétitivité, ils ont donc tout intérêt à le soutenir et le consolider, notamment en aidant les start-up et les PME à conquérir d'autres marchés au-delà de cet écosystème.
Les pôles de compétitivité ont été créés pour favoriser les interactions entre grands groupes, PME et start-up afin de rendre cet écosystème plus robuste, mais sans grands résultats selon la plupart des intervenants . Philippe Bouquet, secrétaire général du comité Richelieu, a ainsi constaté que « certaines PME qui travaillaient sur des programmes collaboratifs avec des grands groupes se sont même rendu compte qu'elles n'étaient pas référencées auprès de ces groupes et qu'elles n'arrivaient pas à leur proposer leurs services, alors qu'ils avaient travaillé ensemble ! »
Certains intervenants ont estimé que la posture d'indifférence, voire de défiance, des grandes entreprises à l'égard des plus petites, notamment des start-up, procédait d'une méconnaissance du modèle économique de celles-ci. Les cadres dirigeants des grandes sociétés françaises n'auraient pas la culture de la start-up et en comprendraient mal les enjeux, les contraintes et le fonctionnement 241 ( * ) . Cette incompréhension s'avère contre-productive pour l'écosystème.
b) Le rachat d'une start-up par une grande entreprise : chance ou prédation ?
Le sujet du rachat d'entreprises innovantes par des grands groupes est complexe.
Pour un investisseur, la perspective d'un rachat de la société dans laquelle il a investi, une fois celle-ci développée, représente un horizon de sortie . Ainsi, une économie dans laquelle les grandes entreprises sont à l'affût d'entreprises innovantes à acquérir est de nature à rassurer les investisseurs et à les inciter à financer l'amorçage ou le développement d'innovations portées par de petites entreprises.
En outre, une entreprise innovante peut avoir besoin, à un moment de son existence, d'un apport massif et rapide de capital et d'expérience pour industrialiser une solution et la mettre sur le marché . Pouvoir se reposer sur la force de frappe industrielle, financière et commerciale d'un grand groupe peut représenter un véritable atout.
Enfin, l'acquisition d'une start-up par un grand groupe fait profiter ce dernier de la dynamique d'innovation et de l'agilité de la start-up et lui permet d'engendrer des avantages concurrentiels plus forts et plus rapidement qu'au moyen de la seule recherche et développement en interne.
À ce sujet, plusieurs intervenants, notamment des dirigeants de fonds d'investissement spécialisés dans le secteur de la santé, ont regretté l'attitude trop attentiste de grandes sociétés pharmaceutiques, qui diffèrent le rachat des start-up jusqu'à la démonstration de l'efficacité de leur produit, voire jusqu'à l'introduction de ce dernier sur le marché. La start-up et ses investisseurs assument seuls la prise de risque.
Un certain nombre d'intervenants se sont inquiétés la stratégie d'acquisitions prédatrices de certains grands groupes visant à stériliser les innovations qui remettraient en cause leur position dominante sur des marchés technologiques stratégiques . Si votre mission d'information a conscience que cette politique se justifie au niveau microéconomique par le souci du grand groupe de couper court à l'ambition de certaines start-up et PME innovantes de les « détrôner » dans leur secteur d'activité, au niveau macroéconomique, ces acquisitions prédatrices nuisent fortement à la capacité de notre économie de transformer l'innovation en retombées économiques ainsi qu'au renouvellement du tissu industriel.
La proportion d'acquisitions prédatrices est très difficile à évaluer. Les auditions ont donné l'impression d'une pratique assez courante. Pourtant, une étude récente 242 ( * ) de la direction générale du Trésor juge cette pratique très minoritaire : en France, entre 1 % et 6 % des acquisitions de start-up par de grands groupes peuvent être qualifiées de prédatrices 243 ( * ) .
2. Encourager le rôle de « grand frère bienveillant » des grands groupes
a) Enrichir la relation entre grands groupes et entreprises innovantes
La mission d'information est convaincue de la nécessité, pour les grands groupes français, de changer leur regard sur les entreprises innovantes qui les environnent, et de passer du rôle de géant indifférent, voire hostile, à celui de « grand frère bienveillant », comme cela se fait largement dans d'autres pays (Allemagne, États-Unis, Japon, etc . ) .
Le premier levier est celui de l'achat innovant . Les intervenants entendus ont reproché à la commande publique de soutenir insuffisamment l'innovation, mais la politique d'achat des grands groupes n'est en réalité pas tellement plus dynamique. Généralement, la procédure d'achat des grands comptes est à la fois longue, complexe, rigide et, surtout, tout aussi frileuse que celle des pouvoirs publics . Or Microsoft et Intel ont d'abord émergé comme sous-traitants d'IBM, et Boeing soutient aujourd'hui toute l'économie de la filière aéronautique américaine...
De manière plus générale, les grands groupes gagneraient à engager avec les entreprises innovantes une relation plus riche que celle qui unit simplement un client à son fournisseur .
Certains grands groupes français sont déjà sensibilisés à cette question. La compagnie Air Liquide, déjà citée, tâche autant que possible d'entretenir autour d'elle un réseau de start-up dynamiques et quand l'acquisition lui paraît constituer la seule solution pour soutenir l'innovation ou quand celle-ci s'insère directement dans le cadre de sa stratégie générale, elle s'assure que les conditions du rachat sont équilibrées et respectent les intérêts des fondateurs de la société cible. En effet, l'actif d'une start-up innovante réside essentiellement dans son personnel technique et, si celui-ci quitte la société à la suite d'une opération hostile, l'entreprise rachetée se vide largement de sa substance.
Le groupe LVMH a également été cité comme un groupe attentif à soutenir l'écosystème dans lequel il s'insère. Parmi ses fournisseurs figure la dernière PME française à maîtriser le savoir-faire de la dentelle et il veille à anticiper tous les besoins de cette entreprise afin de garantir sa survie.
Malgré ces exemples positifs, plusieurs PME et start-up entendues par la mission ont regretté l'absence de collaboration industrielle ou en matière de recherche et développement avec leurs clients grands comptes .
Plusieurs intervenants ont insisté sur l'intérêt, pour les start-up et les PME, de pouvoir bénéficier des infrastructures des grands groupes pour réaliser l'industrialisation de leurs produits. L'exemple du groupe SEB, qui a mis ses capacités de production à disposition d'une start-up issue de l'École des arts et métiers fabriquant des exosquelettes pendant la crise sanitaire a été mis en avant, mais il reste un cas isolé.
Enfin, les grands groupes gagneraient à engager une réflexion sur leur stratégie d'investissement dans les start-up, soit pour les racheter, soit pour assurer leur développement et bénéficier ainsi de leur technologie, renforçant de cette façon l'écosystème dans lequel ils évoluent : une chaîne n'est jamais plus solide que le plus faible de ses maillons. Le cas de l'entreprise Polymem, rapporté à la mission d'information par France Clusters, est représentatif d'un comportement vertueux de ce type : « Cette entreprise avait des commandes qui nécessitaient de doubler sa capacité de production. Elle [...] n'a pas pu trouver [...] de fonds d'investissement ayant le courage de risquer un investissement industriel. Grâce à son expertise, elle a bénéficié du fait qu'un opérateur américain, intervenant dans la chaîne de production des vaccins, a eu besoin de fiabiliser ce fournisseur essentiel ; elle a pu négocier un partenariat stratégique avec cet opérateur qui l'a rachetée, en garantissant que ses centres de production et de recherche restent en France. Grâce à ce partenariat, Polymem a pu quadrupler sa capacité de production et installer en France la représentation technique et le centre d'expertise de cette entreprise américaine pour l'Europe. » Toutefois, cette situation ne supprime pas le risque associé au rachat d'une entreprise innovante par une entreprise étrangère : l'accès à une technologie de pointe et, potentiellement, la délocalisation.
Certains grands groupes français ont compris l'importance du soutien de leur écosystème et constituent à cette fin des dispositifs d'accompagnement et des fonds d'investissement (« corporate venture ») destinés à investir dans des start-up. La stratégie de Renault en est une bonne illustration. Ce groupe a en effet constitué, avec cinq autres entreprises du CAC 40 244 ( * ) , une alliance - la Software République - abritant un incubateur de start-up actives dans le secteur de la mobilité, qui sont soutenues et accompagnées par les différents membres au travers d'appels à projets. Il a également investi dans un fonds 245 ( * ) devant être doté de 250 à 300 millions d'euros, lancé par un ancien salarié et spécialisé dans l'économie circulaire et dans la mobilité durable. Enfin, il soutient directement des start-up de son écosystème en leur donnant accès à ses lignes de production et en leur passant commande pour équiper certains véhicules électriques 246 ( * ) . Ces initiatives montrent que les mentalités de certaines grandes entreprises évoluent dans le bon sens, mais il faudrait que ce mouvement s'accélère.
Encourager les grands groupes à mettre à disposition des start-up et PME industrielles innovantes leurs lignes de production.
b) Favoriser un comportement vertueux via les critères de responsabilité sociale des entreprises
La responsabilité sociale (ou sociétale) des entreprises (RSE) a été introduite peu à peu dans le droit français, notamment par la loi sur les nouvelles régulations économiques et la loi dite « Grenelle II » 247 ( * ) . Elle a été modifiée par plusieurs autres textes législatifs, notamment par la loi PACTE 248 ( * ) , et elle fait désormais l'objet d'une certification 249 ( * ) . Les textes prévoient principalement la publication de données de performance extra-financière dans sept domaines : gouvernance de l'organisation, protection du consommateur, contribution au développement local, droits de l'homme, conditions de travail, environnement et bonnes pratiques des affaires.
Faire figurer dans les supports de communication relatifs à la RSE des grandes entreprises des données sur les relations partenariales avec les start-up et PME innovantes, quelles qu'en soient les formes - achat innovant, partenariat industriel, respect des délais de paiement, collaboration de recherche et développement... - pourrait constituer une incitation à un changement de regard et de pratiques des grands groupes à l'égard des entreprises innovantes . L'effet réputationnel de la RSE est un élément stratégique auquel les entreprises attachent de l'importance, car il peut faciliter ou compliquer leurs relations avec les investisseurs, le régulateur, les consommateurs, les candidats, etc .
Le rapport 250 ( * ) Beylat-Tambourin de 2013 contenait déjà une proposition similaire, en suggérant l'ajout, au sein des documents de RSE, d'indicateurs de comportement à l'égard de PME innovantes . Les auteurs de ce rapport insistaient notamment sur l'atout que pourraient représenter les grands groupes français pour le développement de l'innovation, s'ils étaient plus nombreux à adopter une politique de soutien aux PME innovantes. Ils préconisaient donc une évolution des mentalités et des pratiques des grandes entreprises à l'égard des PME de leur secteur, afin de renforcer la robustesse de leur écosystème.
Intégrer, au sein des critères de la RSE, la collaboration avec les start-up et PME innovantes .
G. FAIRE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE ET DE LA NORMALISATION DES SOURCES DE COMPÉTITIVITÉ
La propriété intellectuelle (PI), notamment la propriété industrielle, est une source majeure de compétitivité pour les entreprises et pour l'économie . Cet enjeu est pourtant méconnu des entreprises et des pouvoirs publics en France .
1. Une connaissance insuffisante des enjeux majeurs de propriété industrielle
Les entreprises françaises, singulièrement les PME et les ETI, mais également les pouvoirs publics ont insuffisamment pris la mesure du caractère stratégique de la protection des innovations au moyen de la PI.
a) La propriété industrielle comme source de compétitivité économique et comme avantage concurrentiel
Une étude 251 ( * ) conjointe de l'Office européen des brevets (OEB) et de l'Office de l'Union européenne pour la protection de la PI (EUIPO) démontre que le chiffre d'affaires par salarié des titulaires de droits de PI est supérieur de 20,2 % à celui d'entreprises non titulaires, et que le salaire moyen de leurs employés est supérieur de 19,3 % par rapport aux employés d'entreprises non titulaires . Ces écarts s'élèvent respectivement à 36,3 % et à 52,6 % pour les seuls titulaires de brevets (c'est-à-dire en excluant les titulaires de marques ou de dessins et modèles). Enfin, si l'on ne considère que les PME, le chiffre d'affaires par salarié est 68 % plus important au sein des entreprises titulaires de droits de PI qu'au sein des entreprises non titulaires.
La protection de la PI est un puissant facteur de compétitivité.
D'abord, le brevet accorde immédiatement à son titulaire un atout considérable sur son marché, en lui conférant un avantage temporel - le premier innovateur sur le marché prend une position dominante - et financier , puisque les concurrents devront dépenser au moins autant que lui en recherche et développement pour parvenir à trouver une solution performante, mais suffisamment différente de celle qui est protégée par le brevet.
Ensuite, le nombre de brevets est, pour les partenaires de l'entreprise, un bon indicateur du caractère innovant de l'activité de celle-ci , puisqu'un brevet ne peut entériner qu'un procédé ou un produit nouveau et inventif. L a PI est alors un signal de l'efficacité de la stratégie industrielle .
Enfin, la protection de la PI est un élément moteur de l'innovation pour l'entreprise . En effet, s'inscrire dans une démarche de protection de la PI oblige à se confronter aux brevets des concurrents. On peut ainsi soit se rendre compte que l'on est en train de « réinventer la roue », soit, si l'on démontre de réels éléments différenciants par rapport à la concurrence, approfondir ces derniers pour accroître les gains de valeur.
Les conseils en propriété industrielle (CPI) accompagnent leurs clients pour les aider à adopter la meilleure stratégie de PI et à protéger au mieux leurs avantages compétitifs. La Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI), reçue en audition par le rapporteur 252 ( * ) , a souligné le caractère fondamental, bien que négligé, de la PI en France et a insisté sur la nécessité de mieux protéger la PI des acteurs économiques, en particulier des PME.
b) Un enjeu pourtant sous-estimé par les entreprises...
L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle publie chaque année un panorama de la performance des pays en matière d'innovation. L'une des grandeurs observées est le nombre de demandes de brevet déposées rapporté au PIB, en parité de pouvoir d'achat. En 2021, ce rapport s'élevait, en France, à 7,5 demandes par milliard d'euros, contre 15,7 253 ( * ) en Allemagne, soit un rapport de 1 à 2 .
Par ailleurs, sur les quelque 15 000 demandes de brevet déposées par an en France - chiffre stable depuis une vingtaine d'années -, seuls 2 500 environ émanent des PME innovantes 254 ( * ) alors que 20 000 PME bénéficient du CIR. En comparaison, les PME et surtout les ETI allemandes déposent un très grand nombre de demandes de brevet, puisque les « petits déposants » allemands (dont le nombre de dépôts est inférieur à 10 par an) sont à l'origine de 32 % des dépôts - environ 13 500 -, soit un rapport de 1 à 5 .
Même au sein des grands groupes, la matérialisation de l'innovation au travers des brevets obtenus n'est pas aussi importante que ce que l'on pourrait attendre. Ainsi, parmi les champions français des dépôts de demandes de brevet, figurent des sociétés du secteur aéronautique (Airbus, Safran, Thales) ou automobile (Renault, Stellantis, Valeo), mais aucune société française de l'énergie ou des télécoms n'est présente. À l'échelon international, 80 % des 50 premières sociétés déposant des demandes de brevets relèvent du domaine des technologies de l'information. Sur ces 50 sociétés, aucune n'est française .
Pourtant, les pays les plus innovants au monde - États-Unis, Japon, Corée du Sud, Chine - sont aussi ceux qui déposent le plus de demandes internationales de brevet, quelles que soient les technologies. Le nombre de demandes de brevet déposées auprès de l'Office européen des brevets par la Chine a ainsi augmenté de 25 % entre 2020 et 2021.
c) ... et les pouvoirs publics
Les pouvoirs publics eux-mêmes ont longtemps négligé cet enjeu et n'ont pas développé une politique cohérente en matière de brevets, notamment en direction des opérateurs de recherche.
Ainsi, il a fallu attendre la loi de programmation de la recherche 255 ( * ) pour que « le transfert de connaissances et leur utilisation dans tous les domaines contribuant au progrès économique, social et culturel » soient reconnus comme faisant partie des fonctions des enseignants-chercheurs.
C'est également cette loi qui impose que les activités de transfert des connaissances et leur application dans les entreprises doivent être prises en compte pour l'évaluation des personnels de recherche.
Pourtant, sur le terrain, les mentalités mettent du temps à évoluer 256 ( * ) . Comme l'a reconnu Christine Clerici, présidente d'Udice 257 ( * ) , en « ce qui concerne la capacité à établir du lien avec le monde industriel, les universités n'ont pas forcément intégré dans l'évaluation et la promotion des enseignants-chercheurs la création de brevets ou de start-up. Les indicateurs majeurs restent l'investissement pédagogique et le nombre des publications. Les choses sont néanmoins en train de changer, car l'innovation est devenue un sujet phare pour l'université ».
La priorité donnée aux publications peut non seulement constituer un frein au transfert technologique, dans la mesure où elle empêche le dépôt de demandes de brevet, mais elle peut également favoriser la concurrence en lui permettant d'exploiter librement les résultats publiés des travaux de nos chercheurs.
Au niveau de l'État français, le PIA 1 a financé la création de France Brevets, chargé d'accompagner les entreprises dans la valorisation de leurs innovations.
Par ailleurs, la loi PACTE 258 ( * ) a permis de prendre une série de mesures assurant une plus grande sécurité juridique pour les titulaires de brevets français. Pour autant, la France ne dispose pas d'une stratégie nationale de soutien à la protection de la propriété industrielle (PI), à l'instar de ce qui existe dans d'autres pays .
Ainsi, en Corée du Sud, un secrétariat général à la PI a été placé auprès du Premier ministre. De même, lorsque le Japon a souhaité changer d'échelle en matière de dépôts de demandes de brevet, il a institué un comité de la PI présidé par le Premier ministre. En Chine, l'État a conçu une politique volontariste d'encouragement de dépôt de demandes de brevet à l'échelon des régions, avec une incitation financière.
2. Instaurer une véritable stratégie de la protection industrielle
Compte tenu du rôle des actifs incorporels dans la compétitivité des entreprises, il est vital de sensibiliser les PME et ETI françaises à la dimension stratégique de la PI.
a) Sensibiliser davantage les entreprises à l'importance de la propriété industrielle
Le manque de dynamisme des entreprises françaises en matière de protection de la PI procède principalement de la sous-estimation de l'importance économique des brevets, à telle enseigne que nombre d'entre elles admettent, lorsqu'elles demandent à Bpifrance une aide à l'innovation, ne pas avoir de stratégie industrielle.
Afin de développer une vision de long terme du sujet, les pouvoirs publics doivent engager une politique volontariste en faveur de la protection de la PI .
Bpifrance a commencé à se saisir de la question, notamment au travers de son diagnostic « Stratégie propriété intellectuelle et valorisation des actifs immatériels », qu'elle propose aux start-up, PME et ETI innovantes et qu'elle prend en charge à hauteur de 80 % . Avec cet outil, elle ambitionne de « faire émerger une stratégie de PI pertinente au sein des entreprises et [de] permettre aux dirigeants de mieux évaluer la valeur de leurs actifs immatériels » 259 ( * ) . Cet outil, témoignant d'un début de prise de conscience, constitue une première étape dans la sensibilisation de nos entreprises à l'importance de la propriété industrielle.
Engager une action volontariste de sensibilisation à l'enjeu de la propriété industrielle, notamment auprès des PME .
b) Intégrer la dimension de la propriété industrielle dans la stratégie globale de soutien à l'innovation
Il serait en outre opportun que l'exécutif se saisisse, au plus haut niveau, de cet enjeu, afin de concevoir et de mettre en oeuvre une stratégie nationale en la matière.
Actuellement, les questions de PI sont réparties entre de multiples acteurs : Bercy - tutelle de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), office français des brevets et des marques -, le Mesri, mais également les ministères de la justice et de l'éducation nationale, ainsi que la CNCPI et France Brevets . Cet éclatement empêche l'émergence d'une vision d'ensemble, nécessaire pour définir une stratégie en matière de PI .
La mise en place d'une instance de coordination ad hoc , agile et efficace, placée sous l'autorité du Premier ministre, serait de nature à faciliter la définition d'une stratégie nationale de propriété industrielle visant à accroître le nombre et les retombées économiques des brevets détenus par des acteurs français de l'innovation. Cette instance pourrait prendre la forme d'un Haut-commissariat à la propriété industrielle.
La mission d'information plaide également pour une centralisation des informations sur les brevets afin d'élaborer une cartographie des brevets en France selon les filières technologiques . Une gestion active des données en matière de brevets présente de nombreux intérêts : elle offre à tous les acteurs de l'innovation (entreprises, opérateurs de recherche, organismes de valorisation...) une vision consolidée sur les brevets existants dans leur(s) domaine(s) d'activité et facilite le travail de veille ; elle facilite la constitution de grappes de brevets ou encore peut servir de base à la mise en place d'alliances entre entreprises françaises par filière, afin d'acheter des brevets conjointement et ainsi diviser les coûts.
Au cours des cinq prochaines années, 20 milliards d'euros doivent être consacrés par l'État au soutien à l'innovation. Si, en 2027, le nombre de demandes de brevets déposées avoisine toujours les 15 000 par an, on pourra légitimement se demander si cette somme aura réellement été investie dans l'innovation...
Créer un Haut-commissariat à la propriété industrielle auprès du Premier ministre afin d'intégrer, au plus haut niveau, cette dimension dans la stratégie globale de soutien à l'innovation.
3. Renforcer la participation française aux organismes internationaux de normalisation
Les auditions ont fait ressortir une implication insuffisante des acteurs français, tant publics que privés, au sein des instances européennes et internationales de normalisation, qui constituent pourtant un levier puissant de soutien à l'innovation et à l'industrie .
En effet, selon la façon dont les normes sont définies, on peut favoriser une technologie particulière et, par conséquent, l'ensemble des industries qui ont fait le choix de cette technologie. Plusieurs intervenants ont fait remarquer que certains pays, comme l'Allemagne, ont parfaitement perçu l'enjeu d'une participation active à de telles instances. Même si une entreprise titulaire de brevets essentiels liés à une norme (BEN) est tenue de conclure, avec ses concurrents, des licences à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires 260 ( * ) , la détention d'un tel brevet représente néanmoins un avantage pour son détenteur. Or l'indifférence des acteurs français à l'égard de cette activité nuit aux intérêts de nos entreprises.
Impliquer plus fortement les organismes publics et privés auprès des instances européennes et internationales de normalisation.
ANNEXES
ANNEXE 1 : LISTE DES RECOMMANDATIONS CLASSÉES PAR AXE ET PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE DE MISE EN oeUVRE
Axe |
Recommandation |
Acteur chargé de la mise en oeuvre |
Échéance |
Vecteur |
1. Faire de la commande publique un levier essentiel de croissance pour les entreprises industrielles innovantes : |
Utiliser toutes les souplesses du droit de la commande publique |
Toutes administrations et toutes juridictions |
Immédiat et permanent |
Bonnes pratiques |
Intégrer le soutien à l'innovation parmi les principes généraux du droit de la commande publique, au même niveau que le principe de la concurrence |
Parlement national / Parlement européen |
Immédiat et permanent |
Loi / Directive |
|
Tripler le plafond de l'achat innovant à 300 000 euros |
Gouvernement |
D'ici à fin 2022 |
Décret |
|
Former les acheteurs publics à l'achat innovant afin d'introduire la culture du risque et les sensibiliser à une interprétation moins frileuse des règles |
Toutes collectivités publiques |
Immédiat |
Politique de formation |
|
Adopter, au niveau européen, un small business act afin de soutenir les entreprises européennes dans les achats publics |
Union européenne |
D'ici à l'été 2024 |
Règlement ou directive |
|
2. Faire converger temps administratif et temps économique : |
Fixer des objectifs chiffrés pour les procédures administratives (instruction des dossiers, délivrance des autorisations de mise sur le marché, etc.) |
Toutes collectivités publiques |
Immédiat |
Circulaire / note de service |
Systématiser la pratique des procédures menées en parallèle et imposer que les administrations soient engagées par leurs réponses antérieures |
Parlement |
D'ici à l'été 2023 |
Loi |
|
Augmenter le nombre de « sites industriels clés en main » par une meilleure planification de leur utilisation, en collaboration avec les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l'État, et en privilégiant les opérations de recyclage des sites industriels |
Acteurs publics et parapublics en charge de la cohésion du territoire |
D'ici à l'été 2023 |
États généraux de la cohésion des territoires |
|
3. Réorienter les aides fiscales pour mieux accompagner le passage à l'échelle des petites et moyennes entreprises innovantes : |
Supprimer le crédit d'impôt recherche (CIR) au-delà du plafond de 100 millions d'euros de dépenses de R&D tout en augmentant à due concurrence le taux en deçà de ce plafond |
Parlement |
Automne 2022 |
Dépôt d'amendements au PLF ou proposition de loi |
Calculer le plafond du CIR au niveau de la holding de tête pour les groupes qui pratiquent l'intégration fiscale et augmenter à due concurrence le taux en deçà du plafond de 100 millions d'euros de dépenses |
Parlement |
Automne 2022 |
Dépôt d'amendements au PLF ou proposition de loi |
|
Doubler le plafond du crédit d'impôt innovation (CII) pour le porter à 800 000 euros |
Parlement |
Automne 2022 |
Dépôt d'amendements au PLF ou proposition de loi |
|
Instituer un « coupon recherche innovation » de 30 000 euros, à destination des PME, dans la limite d'une enveloppe globale de 120 millions d'euros |
Parlement |
Automne 2022 |
Dépôt d'amendements au PLF ou proposition de loi |
|
4. Élaborer, dès 2022, une loi pluriannuelle de programmation de l'innovation, pour renforcer l'efficacité de la politique de valorisation, visant à : |
Adopter des critères économiques, écologiques, sociaux et de souveraineté pour évaluer l'objectif de promotion du transfert technologique et de l'innovation du programme 172 de la MIRES |
Gouvernement |
Été 2023 |
Loi de programmation d'origine gouvernementale |
Fixer des objectifs chiffrés en matière de collaboration et de transfert de technologie entre organismes de recherche et entreprises françaises et européennes |
Gouvernement |
Été 2023 |
Loi de programmation d'origine gouvernementale |
|
Supprimer l'objectif de rentabilité assigné aux SATT |
Gouvernement |
Été 2023 |
Loi de programmation d'origine gouvernementale |
|
Conditionner le soutien financier des start-up à des obligations en matière d'implantation industrielle, y compris en cas de rachat par une société étrangère |
Gouvernement |
Été 2023 |
Loi de programmation d'origine gouvernementale |
|
Confier au Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur une nouvelle mission d'évaluation ex post des politiques de transfert et de valorisation menées par les organismes publics de recherche et les établissements d'enseignement supérieur |
Gouvernement |
Été 2023 |
Loi de programmation d'origine gouvernementale |
|
5. Faire émerger un écosystème de fonds d'investissement dédiés aux entreprises industrielles innovantes : |
Élargir les sources de financement, selon deux axes : |
|||
côté institutionnel : étendre l'initiative Tibi au financement des entreprises industrielles innovantes, de rupture technologique et de biotechnologie, via la mobilisation, dès 2023, des investisseurs institutionnels (compagnies d'assurance-vie, mutuelles, caisses de prévoyance, etc.) pour soutenir la création de fonds de croissance sensibilisés aux spécificités des projets à vocation industrielle |
Gouvernement (ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) |
D'ici à la fin 2022 pour mise en application au 1 er janvier 2023 |
Contractualisation avec les investisseurs institutionnels |
|
côté acteurs privés : sensibiliser l'ensemble des acteurs, notamment en incitant les gestionnaires de patrimoine de familles industrielles à investir dans le développement des start-up industrielles |
Gestionnaires privés de patrimoine |
Immédiat |
Bonnes pratiques |
|
Former les analystes financiers aux problématiques spécifiques des entreprises industrielles innovantes et à la nécessité de mieux répartir leurs investissements sur le territoire |
Établissements d'enseignement supérieur et organismes de formation professionnelle |
Rentrée 2023 |
Programmes de formation |
|
Accélérer la création d'un « Nasdaq européen », dédié, dès maintenant, aux licornes du numérique et permettant, dans un second temps, d'accueillir les licornes industrielles. |
Euronext |
D'ici à la fin 2022 |
Création d'un nouveau marché |
|
6. Inciter les grands groupes à s'impliquer dans l'émergence et la croissance des entreprises innovantes : |
Encourager les grands groupes à mettre à disposition des start-up leurs lignes de production |
Organisations patronales |
D'ici à la fin 2022 pour application en 2024 |
Code de bonnes pratiques (type AFEP/MEDEF) |
Intégrer, au sein des critères de la RSE, la collaboration avec les start-up et PME innovantes |
Parlement |
D'ici à la fin 2022 |
Modification de la loi Pacte |
|
7. Faire de la propriété industrielle et de la normalisation des sources de compétitivité : |
Créer un Haut-Commissariat à la propriété industrielle, afin d'intégrer, au plus haut niveau, cette dimension dans la stratégie globale de soutien à l'innovation |
Premier ministre |
D'ici à l'automne 2022 |
Création d'un Haut-Commissariat à la propriété industrielle |
Mener une action volontariste de sensibilisation à l'enjeu de la propriété industrielle, notamment auprès des PME |
Premier ministre |
D'ici à l'été 2023 |
États généraux |
|
Impliquer plus fortement les organismes publics et privés auprès des instances européennes et internationales de normalisation |
Haut-Commissariat à la propriété industrielle (instance à créer) |
À partir de l'été 2023 |
Tout moyen à l'initiative du Haut-Commissaire |
ANNEXE 2 : LISTE DES SIGLES
AAP |
Appel à projet |
ANCT |
Agence nationale de cohésion des territoires |
ANR |
Agence nationale de la recherche |
ANRT |
Association nationale de la recherche et de la technologie |
ASNM |
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé |
BARDA |
Biomedical Advanced Research and Development Authority |
CEA |
Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives |
CDT |
Centre de diffusion technologique |
CII |
Crédit d'impôt innovation |
CIR |
Crédit d'impôt recherche |
CNCPI |
Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle |
CNEPI |
Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation |
CNES |
Centre national d'études spatiales |
CNRS |
Centre national de la recherche scientifique |
CPGE |
Classes préparatoires aux grandes écoles |
CPME |
Confédération des petites et moyennes entreprises |
CPP |
Comité de protection des personnes |
CRT |
Centre de ressources technologiques |
DARPA |
Defense Advanced Research Projects Agency |
DGA |
Direction générale de l'armement |
DGE |
Direction générale des entreprises |
DGRI |
Direction générale de la recherche et de l'innovation |
DIE |
Dépense intérieure d'éducation |
DIRDA |
Dépense intérieure de recherche et développement des administrations |
EIC |
European Innovation Council (Conseil européen de l'innovation) |
EPCI |
Établissement public de coopération intercommunale |
ESPCI |
École supérieure de physique et de chimie industrielles de Paris |
ETI |
Entreprise de taille intermédiaire |
GENCI |
Grand équipement national de calcul intensif |
HCÉRES |
Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur |
IFP EN |
Institut français du pétrole Énergies nouvelles |
IHEDN |
Institut des hautes études de défense nationale |
IHEST |
Institut des hautes études en sciences et technologies |
INRAE |
Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement |
INRIA |
Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique |
INSEE |
Institut national de la statistique et des études économiques |
INSERM |
Institut national de la santé et de la recherche médicale |
IRT |
Institut de recherche technologique |
LPR |
Loi de programmation de la recherche |
MEDEF |
Mouvement des entreprises de France |
MESRI |
Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation |
MIRES |
Mission interministérielle sur la recherche et l'enseignement supérieur |
NASA |
National Aeronautics and Space Administration |
ONDAM |
Objectif national de dépenses de l'Assurance maladie |
OST |
Observatoire des sciences et techniques |
PEPR |
Programme et équipement prioritaire de recherche |
PIA |
Programme d'investissement d'avenir |
PIB |
Produit intérieur brut |
PISA |
Programme international de suivi des acquis |
PME |
Petites et moyennes entreprises |
PSL |
Paris Sciences et Lettres |
R&D |
Recherche et Développement |
SATT |
Société d'accélération du transfert de technologies |
SGPI |
Secrétariat général pour l'investissement |
SMIC |
Salaire minimum de croissance |
SPI |
Société de projets industriels |
STS |
Sections de technicien supérieur |
TIMSS |
Trends in International Mathematics and Science Study |
TLR |
Technology Readiness Level |
EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le mercredi 8 juin 2022, la mission d'information sur le thème « Excellence de la recherche/innovation, pénurie de champions industriels : cherchez l'erreur française » a procédé à l'examen du rapport de Mme Vanina Paoli-Gagin.
M. Christian Redon-Sarrazy , président . - Dans le prolongement de notre échange de vues informel de la fin avril, notre réunion de ce jour marque la dernière étape juridique de notre mission.
Il s'agit, sur le fondement du projet de rapport qui a été mis à votre disposition hier, de procéder à l'adoption formelle du rapport de notre mission d'information.
Permettez-moi, à titre liminaire, de remercier très vivement notre collègue Vanina Paoli-Gagin de nous avoir donné l'occasion de nous pencher sur un sujet capital pour l'avenir de notre pays et que je résumerai de la manière suivante : pourquoi notre politique de soutien à l'innovation ne permet-elle pas l'essor de nouveaux champions industriels dans des secteurs innovants ? Notre pays dispose de nombreux atouts : une recherche de qualité, des dispositifs de valorisation qui financent la création de nombreuses jeunes pousses innovantes. Toutefois, et je reprendrai l'expression particulièrement pertinente de notre rapporteur, nous ne sommes pas capables de « transformer l'essai de l'innovation » et nos jeunes pousses, faute de financements suffisants, soit sont rachetées par des sociétés étrangères, soit dépendent de fonds d'investissements étrangers qui peuvent leur imposer de se délocaliser. Pour dire les choses de manière quelque peu caricaturale : nous fournissons de l'innovation bon marché à nos concurrents, payée par les contribuables français, que nous importons ensuite, aggravant ainsi notre déficit budgétaire et notre bilan carbone.
La mission d'information s'est donc attachée à analyser les « erreurs françaises » en matière de politique de soutien à l'innovation et à faire des recommandations opérationnelles pour mettre un terme à cette « fatalité » de notre pays.
Pour nous permettre d'avoir aujourd'hui un échange de vues complet sur le fondement du projet de rapport de notre collègue Vanina Paoli-Gagin, je vous propose d'organiser le débat en deux temps.
Tout d'abord, une sorte de discussion générale qui donnera l'occasion à chacun, après avoir entendu notre rapporteur, de s'exprimer sur la thématique d'ensemble des travaux de notre mission. Pour permettre une expression pluraliste, je donnerai d'abord la parole à un représentant par groupe, puis à tous ceux qui se seront inscrits.
Dans un deuxième temps, je vous demanderai de nous présenter, si vous en avez, vos éventuelles propositions de modification du projet de rapport, afin que nous puissions statuer dessus. Pour la parfaite fluidité de nos échanges, je vous demanderai de nous préciser la page et le paragraphe sur lequel porte votre intervention, de sorte que chacun ait un niveau d'information égal et parfaitement clair.
Enfin, nous nous prononcerons sur le titre que le rapporteur souhaite donner à son rapport et sur l'adoption de l'ensemble du rapport.
J'en termine en précisant qu'un petit-déjeuner de presse est organisé demain à 8 heures 45. Par conséquent, nous attendrons la fin de cette conférence de presse pour mettre en ligne le rapport. Je vous demanderai également de maintenir, d'ici à jeudi, la plus absolue confidentialité sur nos travaux.
Mme Vanina Paoli-Gagin , rapporteur . - Le rapport que je vais vous présenter part du constat de la grande désindustrialisation de notre pays, fruit d'idéologies délétères et de l'impuissance publique à garder des unités productives dans notre pays. De « l'entreprise sans usine » à « la France sans usine », en passant par la « mondialisation heureuse », nous avons perdu, entre 1995 et 2015, la moitié de notre outil productif industriel et plus d'un tiers de nos emplois industriels. L'objectif de notre mission d'information était de trouver les voies du sursaut ; l'exécutif a d'ailleurs récemment pris conscience du problème...
Il s'agissait non pas de proposer un catalogue de mesures nombreuses, mais de cibler des prérequis systémiques afin de sauvegarder notre valeur ajoutée et d'identifier quelques mesures permettant de réindustrialiser nos territoires. Il nous faut en effet choisir : voulons-nous que la France soit un pays de sous-traitance ou un pays de production ? On a longtemps fait l'erreur de décorréler la production manufacturière des services ; or les produits et les services sont toujours imbriqués.
L'incapacité de notre pays à développer un vaccin contre la Covid-19 a rappelé brutalement que la France ne faisait plus partie des États leaders dans l'innovation. Est-elle donc condamnée à se cantonner au rôle de fournisseur d'innovations technologiques de qualité et bon marché, transformées par des entreprises étrangères en innovations industrielles qui lui reviendront sous forme d'importations, dégradant encore davantage son budget et sa balance commerciale ? Je remercie donc mon groupe, Les Indépendants - République et Territoires, d'avoir permis, dans le cadre de l'article 6 bis du règlement du Sénat, la création de cette mission d'information.
Depuis janvier 2022, nous avons entendu 125 intervenants au travers de 57 auditions plénières et de 10 auditions en format rapporteur, effectué 3 déplacements - Saclay, Limoges, Troyes - et reçu 25 contributions écrites.
De 2010 à 2030, 110 milliards d'euros auront été engagés par les pouvoirs publics en faveur du soutien à l'innovation. Pourtant, les performances industrielles sont mitigées. L'effort de l'État en la matière s'est accru et s'est accéléré à partir de 2010 avec le lancement des 4 programmes d'investissements d'avenir (PIA). Les trois premiers de ces programmes ont mobilisé 57 milliards d'euros, tandis que 54 milliards d'euros d'investissements supplémentaires seront engagés dans les prochaines années au travers du PIA 4 et du plan France 2030. Pourtant, les difficultés à faire émerger de nouveaux champions industriels sont persistantes. Nos champions industriels de classe mondiale - il en existe - sont anciens et sont souvent d'anciennes sociétés nationales.
Les dispositifs mis en place ont permis l'essor d'un écosystème dynamique de start-up. La French Tech en compte 20 000, contre 1 000 en 2013, et 11,6 milliards d'euros ont été levés en capital-risque en 2021. Notre pays transforme donc l'essai de l'innovation à cet égard. Néanmoins, les principaux bénéficiaires de ces dispositifs et investissements sont essentiellement des entreprises du numérique ainsi que des technologies de l'information et de la communication, et non pas des start-up industrielles. Je rappelle que, sur les 26 licornes françaises, une seule est une société industrielle.
Nos travaux nous ont permis d'identifier quatre prérequis indispensables à l'efficacité d'une politique d'innovation au service de notre avenir industriel.
En premier lieu, il nous faut investir plus massivement dans l'éducation et la recherche, matières premières indispensables si nous voulons de nouveau figurer parmi les puissances industrielles. Les investissements dans la recherche fondamentale sont essentiels pour déterminer notre capacité à anticiper les ruptures technologiques de demain. Une recherche fondamentale de haut niveau requiert d'investir en amont dans l'enseignement supérieur et la formation, en particulier dans les disciplines technologiques et scientifiques. Pourtant, depuis plus de vingt ans, les dépenses en recherche et développement (R&D) de la France stagnent aux alentours de 2 % du produit intérieur brut (PIB), bien loin de l'objectif de 3 % fixé par le conseil européen de Lisbonne, tandis que la dépense moyenne par étudiant baisse chaque année de 0,8 % depuis 2010, avec des conséquences désastreuses sur la qualité de la recherche et des apprentissages.
Une revalorisation massive des rémunérations des enseignants et des chercheurs ainsi qu'une loi de programmation de l'enseignement supérieur sont indispensables pour relever le niveau des enseignements, susciter des vocations d'ingénieurs et de scientifiques, attirer et conserver les talents sur notre territoire.
Rappelons-le, 70 % des dépenses privées de R&D sont portées par l'industrie manufacturière. La désindustrialisation massive de la France, encouragée par le mythe funeste des « entreprises sans usine », explique donc en grande partie la faiblesse de ces dépenses. Il nous faut donc - c'est le deuxième prérequis - réindustrialiser par l'innovation, notamment en favorisant les partenariats de recherche et de transfert de technologie avec des entreprises françaises et européennes, et en fixant des conditions de localisation sur le territoire lorsqu'une entreprise bénéficie d'investissements publics et de brevets français.
En 1967, le taux d'industrialisation de la France était de 28 % ; en 2018, il était de 10 %, contre 20 % en Allemagne et 15 % en Italie.
Troisième prérequis : il nous faut renforcer la culture de l'innovation et de l'entrepreneuriat, laquelle implique la prise de risques et l'acceptation sociale de l'erreur en tant que phénomène normal dans le processus d'apprentissage. Or notre système éducatif inculque la peur de l'échec. Alors que les capacités d'innovation technologique des entreprises reposent en grande partie sur leurs liens avec la recherche académique, la France se situe seulement au 31 e rang mondial en matière de synergies entre recherche académique et entreprises, en dépit des progrès accomplis depuis vingt ans.
Il est donc nécessaire de modifier la perception française de l'échec dès le plus jeune âge, au travers d'une réforme des méthodes pédagogiques, d'élargir le vivier des innovateurs potentiels via des politiques ciblées en direction des filles et des jeunes issus des milieux défavorisés et de généraliser les formations à l'entrepreneuriat dans l'enseignement supérieur. Il faut aussi revoir les critères d'évaluation des chercheurs, revaloriser la recherche technologique, augmenter le nombre de doctorants en entreprise, multiplier les lieux de frottement entre le monde académique et le monde économique.
Quatrième prérequis, enfin : il convient de mettre en place une véritable stratégie de l'innovation, laquelle fait défaut. La France a une vision trop linéaire de l'innovation. Celle-ci est soutenue par les pouvoirs publics au travers d'appels à projets, qui ne permettent pas de construire des feuilles de route industrielles et technologiques. En outre, le nombre de dispositifs de soutien à l'innovation, qui sont passés de 30 à plus de 60 entre 2000 et 2015, nuit à la lisibilité desdits dispositifs et conduit à un saupoudrage des aides publiques, incompatible avec le développement rapide des secteurs technologiques innovants fortement capitalistiques. Enfin, le soutien public à l'innovation se caractérise par une culture de l'évaluation ex ante à la fois pesante, inadaptée et inefficace.
Afin d'adopter une stratégie de l'innovation globale et cohérente, il est nécessaire de s'appuyer sur les écosystèmes territoriaux pilotés par les régions, de privilégier une approche holistique combinant les dispositifs de soutien à des projets en amont avec une capacité à appuyer les phases aval d'industrialisation, de coordonner la stratégie nationale avec les dispositifs européens de soutien public à l'innovation et de mettre en place des gouvernances agiles et resserrées, capables d'exécuter des décisions en « circuit court » fondées sur une évaluation régulière de l'impact économique des projets soutenus et sur une veille stratégique et prospective permanente.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, notre objectif est d'en finir avec une pratique consistant à financer très fortement l'amont et à rester ensuite au milieu du gué. En effet, en agissant ainsi, nous permettons à des sociétés étrangères de réaliser une forme de prédation, en captant à un coût relativement faible ce que nous avons développé sur les deniers publics.
Pour transformer l'essai de l'innovation et réindustrialiser notre pays, nous avons dégagé trois axes d'actions concernant trois acteurs différents, car chacun doit prendre sa part au développement des entreprises industrielles innovantes .
Premièrement, le Parlement, notamment le Sénat, chambre des territoires, doit jouer son rôle et soutenir l'innovation.
Le crédit d'impôt recherche (CIR), qui représente tout de même 6,6 milliards d'euros par an, soit les deux tiers des dépenses publiques de soutien à l'innovation, a démontré son efficacité - nous ne le remettons pas en cause -, mais celle-ci est inversement proportionnelle à la taille des entreprises concernées. En effet, si 91 % des bénéficiaires du CIR sont des PME, ces dernières ne représentent que 32 % de la créance fiscale. À l'inverse, les 10 % des bénéficiaires les plus importants perçoivent 77 % du montant total du crédit d'impôt recherche ; enfin, sur les 21 000 bénéficiaires, les 100 plus importants captent les deux tiers du CIR. Or 1 euro de CIR versé aux PME entraîne un accroissement de 1,4 euro des dépenses de R&D, alors que 1 euro de CIR versé aux grands groupes entraîne un accroissement de 0,4 % des mêmes dépenses. Ce delta dans l'effet de levier doit nous obliger à penser une nouvelle ventilation de l'enveloppe du CIR, à moyens constants.
Aussi, pour concilier stabilité fiscale et renforcement de l'efficacité du crédit d'impôt recherche, nous proposons d'apporter les modifications fiscales suivantes : supprimer le crédit d'impôt-recherche au-delà du plafond de 100 millions d'euros de dépenses de R&D, tout en augmentant à due concurrence le taux en deçà de ce plafond ; calculer le plafond du crédit d'impôt recherche au niveau de la holding de tête pour les groupes qui pratiquent l'intégration fiscale, tout en augmentant, là encore, à due concurrence le taux en deçà du plafond de 100 millions d'euros de dépenses de R&D ; doubler le plafond du crédit d'impôt innovation - en effet, certaines innovations, y compris de rupture, ne sont pas éligibles au crédit d'impôt recherche -, pour le porter à 800 000 euros, afin de mieux accompagner le passage à l'échelle des PME industrielles innovantes, en leur permettant de financer des démonstrateurs plus coûteux ; instituer un coupon recherche-innovation de 30 000 euros à destination des PME, dans la limite d'une enveloppe globale de 120 millions d'euros.
Enfin, une loi de programmation pluriannuelle de l'innovation, dont l'élaboration associerait pleinement le Parlement, nous semble indispensable pour répondre aux besoins de temps long des acteurs industriels et assurer une démarche globale et cohérente de planification budgétaire, dans un contexte de dispersion des crédits et de manque de lisibilité de la gouvernance de l'innovation.
Deuxièmement, le Gouvernement doit lui aussi assumer les tâches qui lui incombent pour transformer l'essai de l'innovation, en mobilisant la commande publique, en réformant son approche administrative et en élaborant une vision stratégique et de long terme.
Je le rappelle, la commande publique représente 111 milliards d'euros en 2020. Il s'agit d'un instrument majeur de soutien aux industries innovantes dans de nombreux pays, y compris dans ceux que l'on nous présente comme les plus libéraux. Or, en France, cet outil est très peu utilisé. Nous avons une approche extrêmement frileuse du droit de la commande publique et, dans la pratique, nous privilégions outrageusement les grands groupes, plutôt que les PME innovantes ; en outre, les résultats de l'expérimentation de l'achat innovant sur les achats publics sont assez décevants. Nous devons faire de la commande publique un levier essentiel de croissance des entreprises industrielles innovantes. Je le rappelle, dans un pays aussi libéral que les États-Unis, des entreprises comme SpaceX ou Blue Origin, qui ne dégageaient pas un euro de chiffre d'affaires, ont pu devenir des leaders du lancement de fusées grâce aux commandes de la NASA. Cette démarche industrielle audacieuse constitue d'ailleurs une menace pour l'Union européenne, car SpaceX a l'intention d'obtenir le déréférencement d'Ariane. Ce problème est proprement essentiel pour la sauvegarde de notre souveraineté européenne ; selon les réponses qui lui seront apportées, nous existerons ou non demain sur la scène internationale.
Pour cela, il faut utiliser toutes les souplesses du droit de la commande publique et intégrer le soutien à l'innovation parmi les principes généraux de ce dernier afin que d'autres objectifs de nature économique, écologique et sociale viennent contrebalancer le respect du légitime principe de libre concurrence, en appliquant une règle de proportionnalité. C'est d'ailleurs ce que font nombre de nos voisins au sein même de l'Union européenne.
La hausse du plafond de l'achat innovant permettrait de passer plus de marchés publics sans publicité ni mise en concurrence préalable. Nous proposons de le tripler, en le portant de 100 000 euros - un montant trop faible pour l'innovation industrielle - à 300 000 euros. Il faut former les acheteurs publics à l'achat innovant pour introduire une culture de l'innovation et du risque et les sensibiliser aux souplesses qui existent dans notre droit de la commande publique, mais qui sont souvent méconnues ou ignorées par les pouvoirs adjudicateurs. Pour parfaire ce dispositif, il faudra adopter un small business act européen, qui permettrait de réserver une partie de la commande publique aux acteurs européens de moindre taille.
Face au manque de culture économique et industrielle de l'administration, ainsi qu'à la lenteur des délais d'instruction et des procédures administratives, il est impératif de renforcer les initiatives de facilitation des démarches et de raccourcissement des délais. Nous devons en effet aligner le temps administratif et le temps économique et industriel, en fixant des objectifs chiffrés pour les procédures administratives - instructions des dossiers, autorisations de mise sur le marché, etc. -, en systématisant la pratique des procédures menées en parallèle et en garantissant que les administrations soient engagées par leurs réponses antérieures. Exemple particulièrement saisissant, en Suisse, un laboratoire en thérapie génétique peut entamer son activité dès la demande d'autorisation ; en France, le délai commence au moins neuf mois et demi après le dépôt de la demande. Idem pour les biotechs, domaine industriel s'il en est : un mois en Allemagne représente une année chez nous... Si nous voulons conserver des foyers de compétitivité dans l'industrie, il va falloir changer notre approche administrative dans ce secteur.
Il convient également d'augmenter le nombre de sites industriels clés en main - le Gouvernement a commencé à le faire dans les territoires, et cela fonctionne bien -, mais aussi à planifier leur utilisation. Il faut agir en collaboration étroite avec les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l'État, en privilégiant le recyclage des friches industrielles. Nous avons tous de telles friches dans nos territoires ; voyons lesquelles peuvent être réservées à la transformation en sites clés en main pour de nouvelles activités industrielles.
Enfin, la propriété intellectuelle, notamment la propriété industrielle, constitue une source majeure de compétitivité pour les entreprises et l'économie. Hélas, en France, ce sujet est insuffisamment pris en compte, à la fois par les pouvoirs publics et par les PME. À l'instar de ce qui existe dans d'autres pays, je propose la création d'un Haut-Commissariat à la propriété industrielle, qui serait placé auprès du Premier ministre afin d'intégrer au plus haut niveau cet enjeu à la stratégie globale de soutien à l'innovation.
Troisièmement, le secteur privé est aussi un acteur majeur. Il faut que nous fassions émerger un écosystème de fonds d'investissement privés dédiés au financement des entreprises industrielles innovantes.
En outre, à l'instar de ce qui existe en Italie ou en Allemagne, nos grands groupes doivent avoir une attitude plus bienveillante à l'égard des start-up et des PME industrielles. Trop souvent, en effet, ils font preuve d'indifférence, voire cherchent à stériliser ou à s'approprier de façon contestable les innovations développées par des start-up.
Le secteur privé doit prendre le relais et soutenir toutes les étapes du développement des entreprises industrielles innovantes, de l'amorçage jusqu'à l'introduction en bourse. Pour cela, il convient d'étendre l'initiative Tibi, qui nous paraît extrêmement intéressante, au financement des entreprises industrielles innovantes, de rupture technologique, de Deep Tech et de biotechnologie, via la mobilisation, dès 2023, des investisseurs institutionnels. L'idée est de soutenir la création de fonds de fonds qui soient sensibles aux spécificités des projets à vocation industrielle ; ces derniers, je le rappelle, ont pour caractéristique de nécessiter du temps long, des investissements massifs et des taux de rendement internes (TRI) moindres. Il faut que les institutionnels - caisses de retraite, mutuelles, etc., qui bénéficient par ailleurs de régimes fiscaux favorables - s'engagent de façon citoyenne pour aider au financement de ces fonds dédiés à l'abondement en capitaux des champions de demain, dans les domaines de la biotech et de l'industrie.
Il convient également de sensibiliser les gestionnaires de patrimoine, notamment ceux qui gèrent les fortunes des familles industrielles, aux investissements dans les start-up industrielles. Au sein même de l'écosystème existant, qui est très performant, nous devons inciter le secteur privé à améliorer la formation des analystes financiers aux enjeux de l'industrie et aux spécificités du temps industriel. Quelque 80 % des financements des fonds d'investissement sont localisés à Paris ; or les deux tiers des jeunes pousses sont situés en dehors de l'Île-de-France. De nombreuses pépites se trouvent dans les territoires, que nous représentons. Les acteurs du capital-risque doivent donc regarder ailleurs qu'en Île-de-France.
Il faut accélérer la création d'un Nasdaq européen qui soit dédié dès maintenant aux licornes du numérique et qui permette, dès demain, d'accueillir des licornes industrielles.
Il faut aussi inciter les grands groupes à s'impliquer dans l'émergence et la croissance des entreprises innovantes, en intégrant au sein des critères de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) la collaboration des grands groupes avec des PME ou des start-up industrielles innovantes. Ainsi pourra-t-on aboutir à un code de bonne conduite plus musclé et à une attitude plus bienveillante que celle dont nous avons pu avoir vent au gré des auditions d'un certain nombre de jeunes pousses industrielles.
L'intitulé de la mission se voulait volontairement un poil à gratter, mais c'est parce que nous sommes optimistes : nous savons que nous avons les ressorts pour faire autrement et mieux. Simplement, dans ce basculement du siècle, le sursaut, c'est maintenant. L'innovation va extrêmement vite, en Asie comme aux États-Unis. Si nous ne voulons pas rater ce train, si nous souhaitons, comme Nicolas Dufourcq l'appelle de ses voeux, « écrire une belle page industrielle d'ici à 2030 » en France, il faut agir maintenant.
M. Christian Redon-Sarrazy , président . - Merci de ces propos qui vont à l'essentiel, mais qui n'oublient rien de nos auditions, lesquelles ont été particulièrement riches et ont concerné des domaines d'excellence.
Mme Laure Darcos . - Je me joins aux félicitations du président. Ce coup de projecteur et le rappel des prérequis à tout développement de l'innovation sont les bienvenus. La loi de programmation de la recherche (LPR) apportera des réponses, mais une loi de programmation de l'enseignement supérieur (LPES) serait aussi nécessaire. Les décrets de la LPR ont été publiés tardivement : les mesures, dont les effets seront différés, notamment en matière de rémunération des enseignants-chercheurs, devraient porter leurs fruits.
Vous soulignez la nécessité d'un Nasdaq européen : Nicolas Bouzou l'a dit, c'est essentiel pour pouvoir coter en bourse nos futures licornes.
Les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) sont des instruments essentiels pour favoriser le transfert entre les universités et établissements de recherche d'une part et la pré-industrialisation de l'autre. Vous préconisez à raison de mettre fin à leur objectif de rentabilité, afin qu'elles puissent exercer correctement leur mission.
Le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres) doit aussi compter dans ses missions l'évaluation du transfert de l'innovation.
Le CIR a déjà subi une réforme, la fin du doublement du plafond pour les missions de R&D confiées à un laboratoire public de recherche. Madame le rapporteur, je suis d'accord avec votre proposition de réforme, car nous devons d'abord aider les PME.
Notre groupe votera en faveur de ce rapport.
Il y a cependant un bémol : je regrette que nous n'ayons disposé du rapport que vingt-quatre heures avant cette réunion, alors que seules les commissions d'enquête sont soumises à un embargo strict, comme j'ai pu le vérifier dans le règlement.
M. Christian Redon-Sarrazy , président . - Compte tenu de la proximité avec les élections, nous avions souhaité conserver le plus longtemps possible le contenu du rapport entre nos mains, pour éviter que certains éléments ne soient repris au cours de la campagne.
Mme Laure Darcos . - Je comprends, mais les précédents existent ; nous le rappellerons au Bureau.
M. Jean-Pierre Moga . - Je partage l'analyse du rapporteur ; je pourrais même être plus sévère : dès 1995, nous avons commencé à délocaliser notre industrie, notamment notre industrie lourde. Nous avons perdu des savoir-faire et appauvri notre innovation et notre recherche en matière industrielle. Cependant, nous avons aussi su garder certains fleurons.
Je suis très attaché au CIR, mais je partage vos recommandations à son sujet, car nous savons que, dans les grands groupes, l'argent n'est pas toujours fléché vers l'innovation, au contraire de ce qui se passe dans les PME. Concernant les SATT, je suis aussi entièrement d'accord, de même que pour ce qui concerne la commande publique : le code permet d'être plus audacieux ; simplement, nous n'utilisons pas, lors de la rédaction des cahiers des charges, toutes les possibilités qu'il offre. Il faut donc mieux former les acheteurs.
La LPR apporte des améliorations, malgré ses insuffisances. Les Allemands consacrent 3 % de leur PIB, lequel est en outre bien plus important que le nôtre, à la recherche et à l'innovation. Nous ne jouons pas dans la même cour.
Nous voterons pour le rapport, et j'espère que l'optimisme prévaudra, car on démolit plus facilement que l'on ne construit...
Mme Gisèle Jourda . - Je salue également le rapporteur. Ce rapport a su offrir une synthèse efficace, et les préconisations sont particulièrement agiles et précises. Les propositions phares constituent un aiguillon utile pour les collectivités territoriales, les ministères et les entreprises. La création d'un Haut-Commissariat à la propriété industrielle permettra de remettre la question au coeur du jeu. Je ne reviens pas sur la commande publique et le rôle des collectivités territoriales, mais je suis d'accord avec le rapport sur ces questions.
Je salue surtout votre manière d'insérer ces sujets dans une prise de conscience à l'échelle européenne. Nasdaq européen et small business act seront des signes de confiance essentiels pour soutenir toutes les actions en amont.
Ce rapport, que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra, constitue le maillon qui faisait défaut. Les chercheurs se sentiront soutenus, et ils le méritent.
M. Christian Redon-Sarrazy , président . - Je me fais l'écho de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann, qui approuve le rapport, en insistant sur deux points : premièrement, la nécessité d'une loi de programmation de l'innovation, adossée à une LPR plus ambitieuse ; deuxièmement, la prise en compte des enjeux humains, pour maintenir ou attirer les chercheurs français en France - à ce titre, la question des rémunérations est cruciale. Elle rappelle aussi que le levier des bourses Cifre (convention industrielle de formation par la recherche) est essentiel pour se rapprocher des PME et PMI.
Mme Vanina Paoli-Gagin , rapporteur . - Je vous propose le titre suivant : Transformer l'essai de l'innovation : un impératif pour réindustrialiser la France . Ce titre sera plus positif et plus efficace auprès des médias.
Concernant le délai de mise à disposition du rapport, tout ce qui n'est pas interdit par le règlement est permis et le rapporteur a toute latitude pour organiser la publicité des travaux.
Mon département, l'Aube, est un territoire qui était très industrialisé et qui s'est dévitalisé peu à peu. Aujourd'hui, toutefois, des fleurons renaissent, comme Le Coq Sportif ou Petit Bateau, et relocalisent certaines de leurs activités. Tout est donc possible...
M. Serge Babary . - Madame le rapporteur, je vous félicite pour votre travail. Nous n'avons pas encore lu la totalité du rapport, mais je souhaite insister sur la situation des PME, qui constituent le tissu essentiel de nos territoires. En tant que président de la délégation aux entreprises, ce sujet m'est cher.
La formation à l'entrepreneuriat est en effet essentielle. Relancer l'esprit d'entreprise est crucial, dans un pays livré à la pente dangereuse de l'assistanat. La simplification des procédures administratives est tout aussi nécessaire, notamment en matière de dispositifs de soutien.
Beaucoup de vos recommandations concernant les PME trouveront notre assentiment, par exemple la nouvelle répartition du CIR ou le coupon innovation-recherche, pour 30 000 euros, en faveur des PME. Il en va de même de la commande publique : nous devons simplement copier les États-Unis, en adoptant un small business act européen. Les PME pourront enfin accéder à la commande publique, qui représente des montants astronomiques. Le triplement du plafond de l'achat innovant irait également dans le bon sens.
La posture de nos grandes entreprises vis-à-vis de nos start-up et PME doit évoluer, c'est vrai. Les grands groupes n'aident pas nos petites entreprises. L'inscription de ce critère dans la RSE serait une excellente chose, pour que ces grands groupes soient même plus que des « grands frères bienveillants ».
En ce qui concerne la propriété intellectuelle, nous avons besoin d'une autorité pour développer ce réflexe, mais en gardant une forme de simplicité. Espérons que le Haut-Commissariat puisse jouer ce rôle.
Je soutiendrai donc, comme le reste de mon groupe, ce rapport.
M. Christian Redon-Sarrazy , président . - Y a-t-il des demandes de modification ?...
Tel n'est pas le cas.
Avant de nous prononcer sur l'ensemble du rapport, nous allons voter sur le titre : Transformer l'essai de l'innovation : un impératif pour réindustrialiser la France . Ce titre est plus positif que le précédent, d'autant plus que les fondamentaux de la recherche française sont bons. En rugby, quand on transforme l'essai, celui-ci est déjà marqué ! Il s'agit bien, ici, de transformer.
Le titre du rapport est adopté à l'unanimité.
Mme Vanina Paoli-Gagin , rapporteur . - Je remercie l'ensemble des membres de la mission d'information pour leurs propos et les services du Sénat pour leur expertise. Nous avons su nous en tenir à la substantifique moelle en matière de recommandations. Il s'agit d'une épure opérationnelle, j'en suis ravie.
L'enjeu est vital pour notre pays. Il doit transcender nos divergences politiques, et je compte sur chacun d'entre vous pour que nos initiatives législatives futures en matière d'innovation et de recherche soient soutenues par vos groupes.
Les recommandations sont adoptées à l'unanimité.
La mission d'information autorise la publication du rapport.
M. Christian Redon-Sarrazy , président . - Chaque groupe peut nous adresser d'ici à vendredi midi ses positions divergentes, qui seront annexées au rapport de notre mission d'information.
J'espère que les perspectives que nous dessinons pour l'innovation et la recherche serviront nos territoires et nos concitoyens.
La réunion est close à 11 h 30.
LISTE DES DÉPLACEMENTS
Jeudi 3 mars 2022 : déplacement à Limoges
- Accueil à l'Université de Limoges : Mme Isabelle KLOCK-FONTANILLE , présidente, MM. Vincent COUDERC , vice-président valorisation et partenariat, Dominique CROS , vice-président recherche, et Youssef BOUGHLEM , directeur de l'AVRUL (Agence de valorisation de la recherche universitaire du Limousin).
- Visite du laboratoire CAPTuR (contrôle de l'activation cellulaire, progression tumorale et résistance thérapeutique ; UMR Inserm U1308) : M. Fabrice LALLOUÉ , directeur, Mme Marie-Odile JAUBERTEAU , directrice adjointe, MM. François GALLET , maître de conférences, Thomas NAVES , chercheur universitaire, Alexis SAINTAMAND (Projet DYAMEO), François-Xavier GUILLON (Projet miRNA Sensor) et Serge BATTU (Projet DAMOCLES).
- Visite de XLIM (UMR CNRS 7252) : MM. Stéphane BILA , directeur de XLIM, Stéphane MERILLOU , directeur adjoint, Mme Laure HUITEMA , directrice déléguée en charge de la valorisation, MM. Arnaud POTHIER , directeur de la plateforme PLATINOM, Jean-Marc BLONDY , responsable du domaine Fibre sur la plateforme PLATINOM, et Arnaud PASSELERGUE , agent en charge de l'entretien de la tour de fibrage.
- Visite du laboratoire commun Safran/Université de Limoges : MM. Francis MONERIE-MOULIN , expert senior au sein de Safran rattaché à la division Safran Tech dédiée à la R&T et mis à disposition de la plateforme Safir sur Limoges, et Alain DENOIRJEAN , chargé de recherche CNRS.
- Visite de l'AVRUL (Agence pour la Valorisation de la Recherche Universitaire du Limousin) : MM. Jean-Yves GOMEZ , fondateur de ISORG, et Richard GAIGNAN , président-directeur général de 3DCERAM.
Mardi 22 mars 2022 : déplacement à Saclay
- Visite du Drahi-X Novation Center (centre d'entrepreneuriat et d'innovation de l'École Polytechnique, incubateur de start-up) : MM. Éric LABAYE , président de l'École Polytechnique et de l'Institut Polytechnique de Paris, et Bruno CATTAN , directeur de l'Entrepreneuriat et de l'Innovation à l'École Polytechnique, Mmes Séverine PILLET , cheffe du Service de la Recherche Partenariale et Propriété Intellectuelle sur la stratégie innovation/valorisation de l'X/IP Paris, et Cécile THARAUD , directrice générale du fonds Polytechnique Ventures ;
Échange avec des start-up : Mmes Carmen DUMITRESCU , CEO de Gamma Pulse, Anna SHIRINSKAYA , CTO et confondatrice d'Omini Labs, Aimée WESSEL , confondatrice et CEO d'Okoméra, MM. Nicolas CRUAUD , CEO et cofondateur de Neolithe, Vincent JACQUEMART , CEO d'iFollow, Jean-Gabriel LEVON , vice-président d'Ynsect, Romain LUCKEN , fondateur et CEO de Sharemyspace, et Samuel PEREZ , cofondateur de Galam Robotics ;
- Visite de la Société d'Accélération du Transfert Technologique (SATT) de Saclay : MM. Xavier APOLINARSKI , président, et Michaël FOURNIER , directeur général adjoint, Mmes Sterenn GERNIGON , directrice de l'investissement, Anne-Laure AURELLE , directrice Marketing & Partenariats, MM. Philippe CHAMBON , cofondateur et CEO d'EG427, Mikaël CONTRASTIN , vice-président Strategy & Engineering d'EG427, et Samer ALFAYAD , professeur des universités, porteur du projet SEHA (Université d'Évry).
Mardi 29 mars 2022 : déplacement à Troyes
- Visites d'entreprises industrielles innovantes : MM. Laurent GARCIA , directeur général de Levisys, André MAY , directeur général délégué de Levisys, Marc FROUIN , directeur général de Bioserenity, et Étienne VIOLEAU , directeur de site chez Woodoo.
- Table ronde « enseignement supérieur et recherche » : MM. Pierre KOCH , directeur de l'Université de Technologie de Troyes, et Jérôme PLAIN , directeur adjoint, MM. Arnaud d'ABOVILLE , directeur de l'École Polytechnique Féminine Campus Troyes, et Hervé GUILLERMET POUPART , directeur de l'École Supérieure des Travaux Publics Campus Troyes, Mmes Anne JUSSIAUME , vice-présidente représentante de l'Université Reims Champagne-Ardenne pour la Champagne Sud et Catherine GUILLEMIN , directrice de la SATT SAYENS, MM. Lucien GOBERT , proviseur du lycée professionnel des Lombards de Troyes et président du Greta Sud Champagne, et Philippe ADNOT , ancien sénateur et ancien président du conseil départemental de l'Aube.
- Table ronde « entrepreneurs » : MM. Philippe Pichery , président du Conseil départemental de l'Aube, André MAY , directeur général délégué de Levisys, Marc FROUIN , directeur général de Bioserenity , Pierre SOLER MY , cofondateur de Carbonex, Laurent ALLARD , président de Degoisey, Guillaume PELLETIER , PDG de Dotvision, Rusell KELLY , président de l'Union des Industries et des Métiers de la Métallurige (UIMM) de l'Aube, et Mme Fadwa SUBE , présidente de Soverency.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
L'ensemble des comptes rendus des auditions peut être consulté à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/mi-excellence-de-la-recherche-innovation.html
Mardi 18 janvier 2022
- École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI Paris) : M. Jacques LEWINER , directeur scientifique honoraire.
Mercredi 19 janvier 2022
- Académie des sciences : M. Didier ROUX , membre.
- Thales : M. Patrice CAINE , président-directeur général.
Mardi 25 janvier 2022
- Cour des comptes : M. Frédéric ANGERMANN , conseiller maître, Mme Mathilde LIGNOT-LELOUP , conseillère maître, et M. Marc FOSSEUX , conseiller référendaire (1 ère chambre).
- Audition conjointe de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et de l'Ademe : MM. Thierry DAMERVAL , président-directeur général (ANR), Arnaud TORRES , directeur des Grands Programmes d'Investissements de l'État (ANR), Mme Anne VARET , directrice exécutive adjointe de la prospective et de la recherche (Ademe), et M. Valentin DEVRIÈS , directeur adjoint de la Direction des entreprises et des transitions industrielles (Ademe).
Mardi 1 er février 2022
- Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres) : M. Thierry COULHON , président.
- Conseil d'analyse économique (CAE) : M. Xavier JARAVEL , professeur d'économie, membre du CAE.
Mercredi 2 février 2022
- Audition conjointe de la Conférence des grandes écoles (CGE) et de CentraleSupelec : MM. Laurent CHAMPANEY , président de la CGE, et Romain SOUBEYRAN , directeur général de CentraleSupélec.
- Joint European Disruptive Initiative : M. André LOESEKRUG-PIETRI , directeur.
Mardi 8 février 2022
- Audition conjointe de l'université Paris Dauphine - PSL et de Télécom Paris : MM. El Mouhoub MOUHOUD , président de Paris Dauphine - PSL, et Nicolas GLADY , directeur de Télécom Paris.
- Conseil national du numérique : M. Gilles BABINET , co-président.
Mercredi 9 février 2022
- Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) : Mme Clarisse ANGELIER , déléguée générale, MM. Pierre BITARD , conseiller de la déléguée générale sur les activités Europe et FutuRIS, et Dominique VERNAY , président du groupe de travail recherche partenariale.
Jeudi 10 février 2022
- IFP Énergies nouvelles : M. Pierre-Franck CHEVET , président, et Mme Nathalie ALAZARD-TOUX , directrice du centre de résultats Développement industriel.
- Comité Richelieu : MM. Jean DELALANDRE , délégué général, et Philippe BOUQUET , secrétaire général.
- Audition conjointe du réseau des Sociétés d'Accélération du Transfert de Technologies (SATT) et de l'Association des Instituts Carnot : Mme Caroline DREYER , présidente (réseau des SATT), MM. Xavier APOLINARSKI , président de la SATT Paris Saclay, et Alain DUPREY , directeur général (Association des Instituts Carnot).
- Centre national d'études spatiales (CNES) : M. Philippe BAPTISTE , président-directeur général.
Mardi 15 février 2022
- Cabinet de conseil Asterès : M. Nicolas BOUZOU , directeur, économiste et essayiste.
- Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) : M. Philippe LÉNÉE , directeur du partenariat et du transfert pour l'innovation.
Mercredi 16 février 2022
- Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) : M. Bruno SPORTISSE , président-directeur général.
- Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) : M. Stéphane SIEBERT , directeur de la recherche technologique.
Jeudi 17 février 2022
- Mme Frédérique VIDAL , ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
- Audition conjointe de la Direction générale des entreprises (DGE) et de la Direction générale du Trésor (DGT) : MM. Arnaud DELAUNAY , sous-directeur de l'innovation (DGE), et Anis MARRAKCHI , adjoint au chef de bureau de l'industrie, de l'économie de la connaissance et de l'innovation (DGT).
- France Stratégie : MM. Philippe AUSSILLOUX , directeur du département Économie-Finances, Philippe FORCRAIN , chef de projet, et Rémi LALLEMENT , chef de projet.
Mardi 22 février 2022
- M. Cédric Perrin , Sénateur du Territoire de Belfort, auteur du rapport « Innovation de défense : dépasser l'effet de mode ».
- Agence de l'innovation de Défense (AID) : M. Emmanuel CHIVA , directeur.
Mercredi 23 février 2022
- Audition conjointe France Universités et de l'Université Paris Sciences et Lettres (PSL) : MM. Manuel TUNON DE LARA , président de France Universités, et Alain FUCHS , président de l'Université PSL.
Mardi 1 er mars 2022
- European Institute of Innovation and Technology (EIT Manufacturing) : M. Joël ROSENBERG , directeur du développement commercial pour la France.
- Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) du ministère de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation : Mme Claire GIRY , directrice générale.
- M. Pierre VELTZ , ingénieur, sociologue et économiste.
- Institut Pasteur : Pr. Stewart COLE , directeur général, Dr. Isabelle BUCKLE , vice-présidente exécutive en charge des applications de la recherche et relations industrielles, et M. François ROMANEIX , directeur général adjoint administration et finances.
Mercredi 2 mars 2022
- Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) : M. Gilles BLOCH , président-directeur général, et Mme Pascale AUGÉ , présidente d'Inserm transfert.
- Audition commune de Mme Anne LAUVERGEON , co-présidente de la commission Innovation du MEDEF, présidente fondatrice d'ALP, MM. Jean-Luc BEYLAT , membre du bureau de la commission Innovation du MEDEF, président de Nokia Bell Labs France, Patrick SCHMITT , directeur recherche innovation, Fabrice CHEVALEYRE , membre de la commission Innovation de la CPME, délégué général de la fédération Amics, et Jérôme NORMAND , économiste.
Mardi 8 mars 2022
- Audition conjointe de France Invest et de Croissance Plus : M. Alexis DUPONT, directeur général (France Invest), Mme France VASSAUX d'AZEMAR de FABRÈGUES , directrice générale adjointe (France Invest), et M. Laurent VRONSKI , secrétaire général (Croissance Plus).
- Audition conjointe de Sofinnova Partners, d'Ibionext et d'Auriga Partners : M. Cédric MOREAU , partner crossover strategy (Sofinnova Partners), Mme Alexia PEROUSE , directrice générale (Ibionext), et M. Jacques CHATAIN , président (Auriga Partners).
- Ardian : MM. Philippe POLETTI , président du directoire d'Ardian France, membre du comité exécutif et responsable d'Ardian Buyout, Laurent FOATA , responsable d'Ardian Growth et managing director, et Laurent FAYOLLAS , deputy head of infrastructure.
- Audition commune du Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et du Comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA) : M. Bruno BONNELL , secrétaire général (SGPI), Mmes Géraldine LEVEAU , secrétaire générale adjointe (SGPI), et Patricia BARBIZET , présidente (CSIA).
- Audition commune de SpaceAble, Withings et EcoMundo : MM. Julien CANTEGREIL , fondateur de SpaceAble, Éric CARREEL , président-directeur général de Withings, et Pierre GARÇON , président-directeur général d'EcoMundo.
Mercredi 9 mars 2022
- Audition conjointe de l'Association française des pôles de compétitivité et du pôle de compétitivité Systematic Paris-Région : M. Jean-Luc BEYLAT , président de l'association, et Mme Fadwa SUBE , vice-présidente du pôle Systematic.
Mardi 15 mars 2022
- France Clusters : MM. Sylvain BOUCHER , président, Patrick ROBERT , vice-président, Xavier ROY , directeur général, et Manuel GEA , directeur général de BMSystems et représentant du cluster Polepharma.
- Audition conjointe de l'association French Institutes of Technology (FIT) et de l'Association française des centres de ressources technologiques (AFCRT) : MM. Vincent MARCATTÉ , président (FIT), Claude ARNAUD , vice-président (FIT), Stéphane CASSEREAU , délégué général (FIT), Hervé PICHON , président (AFCRT), et Philippe CANIAUX , délégué général (AFCRT).
- Audition conjointe de MM. Philippe AGHION , professeur au Collège de France, titulaire de la chaire « Économie des institutions, de l'innovation et de la croissance », et Carlos MORENO , professeur spécialisé dans l'étude des systèmes complexes et dans le développement des processus d'innovation.
Mercredi 23 mars 2022
- France Innovation : MM. Xavier BENOIT , vice-président, et Jérôme BILLÉ , délégué général.
- France Biotech : M. Franck MOUTHON , président.
- Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) : MM. Roger GENET , directeur général, et Nicolas CANIVET , directeur de la stratégie et des programmes.
- Supernova Invest : M. Régis SALEUR , directeur général, et Mme Celia HART , general partner.
- French Tech : Mme Clara CHAPPAZ , directrice, et M. Louis FLEURET , directeur adjoint.
- Audition conjointe de médaillées de l'innovation du CNRS : Mmes Claude GRISON , directrice de recherche et du laboratoire ChimEco, Ane AANESLAND , responsable du groupe Plasmas froids au sein du laboratoire de physique des plasmas et PDG de la startup ThrustMe, Sophie BROUARD , directrice de recherche au centre de recherche en transplantation et immunologie et co-fondatrice de TclandExpression et Effimun, et Amanda SILVA-BRUN , chercheuse au sein du laboratoire Matières et Systèmes complexes (Université Paris Diderot).
Mercredi 30 mars 2022
- Banque des territoires : MM. Gabriel GIABICANI , directeur Innovations et Opérations à la direction de l'Investissement, Nicolas CHUNG , directeur de la mission PIA à la Caisse des dépôts et consignations, et François BLOUVAC , responsable du programme Territoires d'industrie.
- Audition conjointe de MM. Antoine LE ROUX , directeur général adjoint en charge de l'innovation à la Région Auvergne-Rhône-Alpes, et Sylvain DORSCHNER , directeur général de Grand E-nov.
- Air Liquide : M. Régis RÉAU , directeur scientifique Recherche et Développement.
- Audition conjointe d'Antaios et de Wandercraft : MM. Jean-Pierre NOZIÈRES , fondateur et président (Antaios), Matthieu MASSELIN , président (Antaios), Jean-Louis CONSTANZA , directeur du développement (Wandercraft), et Mme Élodie CHAPEL , conseillère (Wandercraft).
- Banque publique d'investissement - Bpifrance : M. Paul-François FOURNIER , directeur exécutif Innovation.
- Moderna : M. Stéphane BANCEL , directeur général.
- Adbio Partners : MM. Alain HURIEZ , fondateur et managing partner, et Clément BERTHOLET , operational investor .
Lundi 4 avril 2022
- Segula Technologies : M. Didier PAGNOUX , vice-président pour l'électronique et le digital.
Mercredi 6 avril 2022
- Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives : M. Gauthier LASOU , secrétaire général UNSA-SPAEN.
- Audition de représentants de la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieur (CDEFI) : Mme Isabelle SCHÖNINGER , directrice exécutive, M. Jean-Baptiste AVRILLIER , directeur, et Mme Laure MOREL , directrice.
- Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle : MM. Jean-Christophe ROLLAND , président, et Marc BETHENOD , membre du bureau.
- Crime Science Technology : M. Cosimo PRETE , président.
- Audition de représentants de la Fédération des établissements d'enseignement supérieur : Mme Delphine BLANC-LE QUILLIEC , déléguée générale, MM. Andreas KAISER , directeur recherche et innovation, et Jean-Philippe BOSSEMART , professeur.
- Udice : Mme Christine CLERICI , présidente.
- Université Panthéon-Assas : M. Stéphane BRACONNIER , président et professeur de droit public.
- Euronext : Mme Delphine D'AMARZIT , présidente-directrice générale d'Euronext Paris.
Jeudi 28 avril 2022
- Université Paris-Saclay : Mme Sylvie RETAILLEAU , présidente, M. Giancarlo FAINI , directeur du centre de nanosciences et de nanotechnologies (C2N), Mmes Cynthia VALLERAND , secrétaire générale du C2N, Catherine BONAZZI , directrice de l'UMR 782 SayFood AgroParisTech-Inrae, Sylvia COHEN-KAMINSKY , vice-présidente du conseil scientifique de la faculté de médecine Labex Lermit (DHU Torino, UMR S 999), et M. Pascal CORBEL , professeur des Universités en sciences de gestion (Laboratoire RITM).
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
I. Contributions écrites
- Commission européenne - Direction générale du marché intérieur, de l'industrie, de l'entrepreneuriat et des PME
- Photonics France
- Syntec Ingénierie
- Université de Pau et des Pays de l'Adour
II. Réponses aux questionnaires
- Agence de l'innovation de défense (AID)
- Agence nationale de la recherche (ANR)
- Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT)
- Bpifrance
- Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
- Centre national d'études spatiales (CNES)
- Comité Richelieu
- Compagnie nationale des conseils en propriété intellectuelle (CNCPI)
- Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)
- Centres de ressources technologiques
- Direction générale des entreprises
- Direction générale du Trésor
- France Biotech
- France Stratégie
- Institut français du pétrole Énergies nouvelles (IFP EN)
- Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae)
- Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria)
- Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
- Mouvement des entreprises de France (MEDEF)
- UNSA-Spaen
* 1 Alain Juppé et Michel Rocard, Investir pour l'avenir : priorités stratégiques d'investissement et emprunt national , 2009.
* 2 Tels qu'Emmanuelle Charpentier en 2020, Pierre Sauvage en 2016 et Yves Chauvin en 2015.
* 3 Tels que Gérard Mounou en 2018, Serge Laroche en 2012 et Albert Fert en 2007.
* 4 Tels que Jules Hoffmann en 2011, Françoise Barré-Sanoussi et Luc Montagnier en 2008.
* 5 « Faire de la France une économie de rupture technologique », rapport au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, 7 février 2020.
* 6 Audition d'André Loesekrug-Pietri du 2 février 2022.
* 7 Commission nationale d'évaluation des politiques publiques, Quinze ans de politiques d'innovation en France , janvier 2016.
* 8 Contribution écrite de la direction générale du Trésor.
* 9 Alain Juppé et Michel Rocard, Investir pour l'avenir : priorités stratégiques d'investissement et emprunt national , 2009.
* 10 À ces investissements significatifs en faveur des politiques d'innovation, pourraient être ajoutés les 25 milliards d'euros supplémentaires qui seront progressivement investis d'ici à 2030 dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (LPR), dont les apports devraient bénéficier, au moins indirectement, à l'écosystème de l'innovation en France et à soutenir l'effort de recherche global de la France.
* 11 Cour des comptes, Les aides publiques à l'innovation des entreprises : des résultats encourageants, un dispositif à conforter , avril 2021.
* 12 1 650 CIFRE ont été signées pour l'année 2022.
* 13 Contribution écrite de la direction générale des entreprises (DGE).
* 14 Commission européenne, Tableau de bord européen de l'innovation 2020.
* 15 Audition du 19 janvier 2022.
* 16 Audition du 30 mars 2022.
* 17 Cour des comptes, Les aides publiques à l'innovation des entreprises : des résultats encourageants, un dispositif à conforter , avril 2021.
* 18 Audition du 30 mars 2022.
* 19 Commission européenne, Tableau de bord européen de l'innovation 2020.
* 20 Cour des comptes, Les aides publiques à l'innovation des entreprises : des résultats encourageants, un dispositif à conforter , avril 2021.
* 21 France Stratégie, Chapitre 5 « Les soutiens à l'innovation », in Les politiques industrielles en France , novembre 2020.
* 22 Cour des comptes, Les aides publiques à l'innovation des entreprises : des résultats encourageants, un dispositif à conforter , avril 2021.
* 23 Contribution écrite de la direction générale des entreprises (DGE).
* 24 Audition du 23 mars 2022.
* 25 Contribution écrite de Bpifrance.
* 26 Ibid.
* 27 Audition du 17 février 2022.
* 28 Ce terme est utilisé dans ce chapitre de manière générique et englobe toutes les formations de l'école primaire à l'enseignement supérieur.
* 29 Cf. pour les dépenses d'éducation Hendren (N.) et Sprung-Keyser (B.) (2020): « A Unified Welfare Analysis of Government Policies », The Quarterly Journal of Economics , vol. 135, n° 3.
* 30 France, portrait social , édition 2020. INSEE Références.
* 31 Elle rassemble toutes les dépenses effectuées par l'ensemble des agents économiques (administrations publiques centrales et locales, entreprises et ménages) pour les activités d'éducation : enseignement scolaire et extrascolaire de tous niveaux, organisation du système éducatif (administration générale, orientation, documentation pédagogique et recherche sur l'éducation), activités destinées à favoriser la fréquentation scolaire (cantines, internats, médicine scolaire, transports) et dépenses demandées par les institutions (fournitures, livres, habillement).
* 32 La DIE en 2020 a atteint 160,6 milliards d'euros, en quasi-stabilité par rapport à 2019. Toutefois, la crise sanitaire liée à la Covid-19 fait de l'année 2020 une année particulière. C'est la raison pour laquelle vos rapporteurs ont préféré retenir l'analyse à long terme réalisée par l'INSEE l'année précédente.
* 33 Institut Montaigne, Enseignement supérieur et recherche : il est temps d'agir , avril 2021.
* 34 Audition du 8 février 2022.
* 35 OCDE : « Regards sur l'éducation », 2020.
* 36 Gabrielle Fack et Elise Huillery : « Enseignement supérieur : pour un investissement plus juste et plus efficace », Les notes du conseil d'analyse économique , n° 68, décembre 2021.
* 37 Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation : note flash du SIES, 01, janvier 2022.
* 38 Observatoire des sciences et techniques, La position scientifique de la France dans le monde entre 2005 et 2018 , février 2021.
* 39 Audition du 1 er février 2022.
* 40 La France a un profil disciplinaire très différent des autres pays intensifs en recherche. Elle est la plus spécialisée en histoire et archéologie, en mathématiques, en sciences de l'univers et en immunité et infection, quatre des domaines où il y a le moins de publications à l'échelle internationale. L'excellence dans les domaines scientifiques les moins fréquentés donne une moindre impression d'excellence.
* 41 Audition du 18 janvier 2022.
* 42 Audition du 23 février 2022.
* 43 Cf. étude précitée de l'OCDE : « Regards sur l'éducation », 2020.
* 44 Audition du 8 février 2022.
* 45 Au cours de son audition, l'ANRT a rappelé que la France faisait partie des pays dans lesquels le financement de la recherche sur projet est le plus faible. C'est également l'un des pays dans lesquels le taux de succès des projets candidats est le plus bas.
* 46 Moins de 10 % pour l'appel à projets générique en 2015.
* 47 Audition du 2 mars 2022.
* 48 Un rapport de l'IGEN de 2006 montrait que 80 % des enseignants du primaire n'ont pas suivi un cursus scientifique dans l'enseignement supérieur.
* 49 Alors que la France a des résultats spectaculaires au niveau mondial en recherche pédagogique en mathématiques, celle-ci n'est pas prise en compte par l'écosystème de l'éducation nationale.
* 50 Le président de la République s'est engagé à réintégrer les mathématiques dans le tronc commun dès la première. Toutefois, pour la rentrée 2023, il s'agira d'une option laissée à la discrétion des élèves.
* 51 Le rôle modèle (role model) est une personne dont le comportement peut être une stimulation pour d'autres personnes. Ainsi, une étude française réalisée par Julien Grenet, Thomas Breda, Marion Monnet et Clémentine Van Effenterre sur le choix des jeunes lycéennes de se tourner vers des classes préparatoires scientifiques a montré que lorsqu'une femme scientifique présente son parcours et sa carrière devant les élèves durant deux heures, le nombre de lycéennes postulant aux classes préparatoires scientifiques augmente de 50 %.
* 52 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020.
* 53 L'étude précitée de Gabrielle Fack et d'Elise Huilery donne des pistes : diminuer les disparités entre formations en augmentant l'investissement en licence et en master ; agir en amont sur l'orientation des élèves pour mieux guider les choix ; améliorer l'accès à l'enseignement supérieur des élèves les plus modestes ; orienter les postes et les moyens supplémentaires vers les filières qui présentent le rendement relatif le plus élevé, à savoir les filières scientifiques et techniques.
* 54 Jean-Claude Daumas, Une France sans usines : comment en est-on arrivé là ? (1974-2012) . Jean-Claude Daumas, Ivan Kharaba, Philippe Mioche. La désindustrialisation : une fatalité ? Presses universitaires de Franche-Comté, pp. 17-42, 2017, Les Cahiers de la MSHE .
* 55 Audition du 17 février 2022.
* 56 Cette formule fait référence à l'allocution de Serge Tchuruk en 2001, souhaitant faire d'Alcatel une entreprise sans usine.
* 57 Audition du 17 février 2022.
* 58 Philippe Aghion et al, Le Covid et comment repenser notre politique industrielle , janvier 2021.
* 59 Michel Hau, France-Allemagne : chronologie d'un décrochage, Revue française d'histoire économique , 2014/2.
* 60 Haut-commissariat au plan, Reconquête de l'appareil productif : la bataille du commerce extérieur , 7 décembre 2021.
* 61 En 2021, le déficit commercial de la France a atteint 84,7 milliards d'euros.
* 62 Audition du 8 février 2022.
* 63 Cf. Martial Bourquin, rapport d'information fait au nom de la mission commune d'information sur Alstom n° 551 (2017-2018) : Faire gagner la France dans la compétition industrielle mondiale : « L'industrie paraît en effet victime de stéréotypes parfois largement dépassés (travail à la chaîne, pénibilité, saleté, usine perçue comme un "lieu d'exploitation", etc.) ainsi que d'une culture tendant à dévaloriser le travail manuel. [...] La tendance des médias à se focaliser sur les entreprises en difficultés (plans sociaux, délocalisations, etc.) et à négliger les "success stories", beaucoup plus nombreuses qu'on ne le croit », renforce ce « phénomène de "stigmatisation" de l'industrie, souvent présentée uniquement sous le prisme de la crise et du déclin ».
* 64 L'acceptation sociale des implantations industrielles doit également être renforcée par un travail en amont de sensibilisation et d'explication auprès des populations concernées afin d'éviter de lutter contre le syndrome « NIMBY » (not in my back yard).
* 65 Audition du 8 mars 2022.
* 66 La désindustrialisation a conduit à la perte de pans entiers de savoir-faire qui ne concernent pas forcément la haute technologie, mais dont les industries de haute technologie ont besoin pour développer leurs produits. Eric Carreel, fondateur de Withings, a ainsi souligné la difficulté de rapatrier la fabrication de ses pèse-personnes connectés faute de compétence dans le domaine de la mini-robotique d'assemblage.
* 67 70 000 emplois industriels ne sont pas pourvus actuellement et une multitude d'autres le sont avec grandes difficultés.
* 68 L'image négative des métiers de l'industrie provient en partie de celles des formations qui y conduisent : enseignement peu satisfaisant de la technologie au collège, image sociale négative des lycées professionnels.
* 69 Plusieurs intervenants se sont plaints de la vétusté des zones industrielles et du manque d'infrastructures (transports en commun, fibre optique, etc.), alors même qu'elles devraient contribuer à réduire l'empreinte environnementale des entreprises qu'elles accueillent.
* 70 La compétitivité-coût de la France s'était largement détériorée à partir du début des années 2000, notamment vis-à-vis de l'Allemagne. Depuis le milieu des années 2010, l'écart du coût salarial s'est globalement résorbé. Par ailleurs, en 2021, les impôts de production ont été baissés de 10 milliards d'euros tandis que le taux d'imposition sur les sociétés a été réduit à 25 % . En 2022. Selon France Stratégie, l'écart de fiscalité sur la production avec l'Allemagne demeure, ce qui plaide pour une poursuite de la baisse des impôts de production.
* 71 Audition du 10 février 2022.
* 72 Audition du 9 février 2022.
* 73 Qui pose le principe que les inventions soutenues par un dollar du contribuable américain induisent qu'elles sont prioritairement exploitées à l'échelle industrielle sur le territoire national.
* 74 Audition du 30 mars 2022.
* 75 Résultats de 2019 du Programme international de l'OCDE pour le suivi des acquis des élèves (PISA).
* 76 Audition du 22 mars 2022.
* 77 Audition du 22 février 2022.
* 78 Audition du 19 janvier 2022.
* 79 Defense Advanced Research Projects Agency.
* 80 Dépense intérieure de recherche et développement des administrations.
* 81 Rapport précité « Faire de la France une économie de rupture technologique ».
* 82 Lors de son audition le 19 janvier 2019, Didier Roux, membre de l'académie des sciences a rappelé qu'il y a trente ans, « le monde de la recherche fondamentale et celui de la recherche privée ne se parlaient quasiment pas. » A contrario , le rejet du projet soumis par l'Université de Pau et des Pays de l'Adour à l'AAP IDEES sous prétexte que la gouvernance proposée donnait trop de pouvoir aux industriels au détriment de la liberté académique témoigne de la persistance de résistances fortes même au niveau des jurys à l'idée d'une collaboration étroite entre monde académique et monde économique.
* 83 Audition du 23 mars 2022.
* 84 Audition du 23 mars 2022.
* 85 Audition du 23 février 2022.
* 86 Audition du 15 mars 2022.
* 87 Audition du 16 février 2022.
* 88 AVIESAN (alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé), ANCRE (Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie), ALLISTENE (Alliance des sciences et technologies du numérique), AllEnvi (Alliance nationale de recherche pour l'environnement) et ATHENA (Alliance nationale des sciences humaines et sociales).
* 89 Institut des hautes études de défense nationale.
* 90 Audition du 23 février 2022.
* 91 Jean-Pierre Leac, Vers le market-push ? Cahiers de l'innovation .
* 92 Audition du 19 janvier 2022.
* 93 Jean-Pierre Leac (article précité).
* 94 Réponse au questionnaire de l'ANRT.
* 95 Stephen J. Kline et Nathan Rosenberg, « Studies on Science and the Innovation Process, 2009.
* 96 Sylvie Retailleau, alors présidente de l'Université Paris Saclay, audition du 27 avril 2022.
* 97 Audition du 16 février 2022.
* 98 Audition du 16 février 2022.
* 99 Audition du 16 février 2022.
* 100 Rapport précité : « Le programme d'investissements d'avenir : un outil à préserver, une ambition à refonder ».
* 101 Commission nationale d'évaluation des politiques publiques, Quinze ans de politiques d'innovation en France , janvier 2016.
* 102 Audition du 2 mars 2022.
* 103 Audition du 8 mars 2022.
* 104 Audition du 23 mars 2022.
* 105 Les stratégies d'accélération sont ciblées sur des secteurs technologiques dans lesquels la France est en capacité de se positionner comme leader. Elles mobilisent l'ensemble des leviers pour constituer une filière compétitive (de la formation initiale au financement des projets innovants, en passant par l'accompagnement des dirigeants) afin de donner aux entreprises françaises les moyens de devenir leaders dans leur secteur d'activité et d'assurer la souveraineté économique de la France.
* 106 Audition du 2 février 2022.
* 107 Les régions sont chargées de fixer les grandes orientations stratégiques en matière économique à travers le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII).
* 108 Elles fixent également les grandes orientations stratégiques dans les domaines de l'enseignement supérieur et la recherche à travers le schéma régional de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (SRESRI).
* 109 Même si la loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel leur a ôté leurs pouvoirs en matière de subvention aux centres de formation des apprentis.
* 110 Les régions françaises sont incitées depuis plusieurs années à développer des spécialisations intelligentes par la Commission européenne. En effet, afin de promouvoir une approche stratégique et intégrée de l'innovation dans l'ensemble des États membres, la Commission a fixé un objectif de « spécialisation intelligente » dans le cadre de la programmation 2014-2020 du fonds européen de développement régional (Feder). Le bénéfice des fonds européens est désormais conditionné à l'élaboration par chaque région d'une stratégie de spécialisation intelligence (ou smart specialisation strategy - S3) afin de concentrer ses efforts et ressources sur les domaines d'innovation dans lesquels elle dispose d'atouts (tissu économique, établissements universitaires ou de recherche, ressources humaines...) par rapport aux autres régions européennes.
* 111 Audition du 2 février 2022.
* 112 Audition du 30 mars 2022. Le programme « territoire d'innovation » vise à soutenir le potentiel d'innovation des acteurs territoriaux pour développer les territoires du futur ; le programme « territoires d'industrie » vise à accélérer le développement industriel des territoires à travers l'aménagement des zones industrielles et la maîtrise du foncier, la réduction de l'impact environnemental des activités industrielles, la mise à disposition de ressources humaines qualifiées et l'accompagnement des acteurs locaux pour les aider à affiner leur stratégie territoriale.
* 113 Audition du 30 mars 2022.
* 114 Rapport précité, Faire de la France une économie de rupture technologique .
* 115 Audition du 30 mars 2022.
* 116 Dans le cadre de la stratégie d'accélération sur les technologies quantiques, cet « oubli » a été rattrapé, et l'État s'est engagé, à travers le GENCI (grand équipement national de calcul intensif), à investir26 millions d'euros dans une plateforme de calcul hybride.
* 117 Appelé également « plan Juncker », il s'agit d'un programme de 500 milliards d'euros pour financer la réalisation de projets industriels, dont des projets innovants portés par des PME et des ETI.
* 118 Plan de relance européen de 750 milliards d'euros validé par les 27 chefs d'État et de Gouvernement le 21 juillet 2020.
* 119 Audition du 2 mars 2022.
* 120 Audition du 16 février 2022.
* 121 Audition du 2 février 2022.
* 122 Audition du 16 février 2022.
* 123 Audition du 22 février 2022.
* 124 Les PEPR constituent le volet amont des stratégies d'accélération de l'innovation et visent à financer des programmes de recherche sur plusieurs années.
* 125 Le programme d'investissements d'avenir, un outil à préserver, une ambition à refonder.
* 126 La stratégie quantique : audition publique du 21 octobre 2021.
* 127 Audition du 1 er février 2022.
* 128 Audition du 30 mars 2022.
* 129 Biomedical Advanced Research and Development Authority.
* 130 National Aeronautics and Space Administration.
* 131 Audition du 10 février 2022.
* 132 « Ensemble des contrats conclus à titre onéreux par un acheteur public ou une autorité concédante ayant une mission de service public (pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices), pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques », Fiche « La Commande publique » de la DGCCRF.
* 133 Selon l'Observatoire économique de la commande publique, dans son recensement de 2020.
* 134 Décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique, notamment l'article 1 er .
* 135 Le décret n° 2021-1634 du 13 décembre 2021 relatif aux achats innovants et portant diverses autres dispositions en matière de commande publique pérennise cette mesure (article 2).
* 136 Article 2 du décret n° 2021-1634, codifié à l'article R. 2122-9-1 du code de la commande publique.
* 137 42 % n'en ont pas l'intention et 32 % ne savent pas ; Étude sur les pratiques des acheteurs en matière d'accès des TPE/PME à la commande publique, d'achats innovants et d'achats durables de l'OECP.
* 138 Dans cette étude, 70 % des acheteurs publics indiquent ne pas être formés à l'achat innovant.
* 139 Rapport précité de la Cour des comptes, Les Aides publiques à l'innovation des entreprises . L'achat innovant est défini comme l'ensemble des dépenses annuelles d'achat réalisées par les ministères ou des établissements publics auprès des entreprises dites innovantes, car percevant le CIR, le CII ou ayant le statut de JEI.
* 140 Audition du 6 avril 2022.
* 141 Rapport d'information n° 655 (2018-2019), Innovation de défense : dépasser l'effet de mode , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 10 juillet 2019.
* 142 Décret n° 2016-361 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics de défense ou de sécurité.
* 143 Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME ; commissaire : Thierry Breton.
* 144 Audition du 10 février 2022.
* 145 Audition du 28 mars 2022.
* 146 Audition du 23 février 2022.
* 147 Audition du rapporteur du 15 février 2022.
* 148 La région Grand Est et la région Auvergne-Rhône-Alpes, audition du 30 mars 2022.
* 149 Article L. 2172-3 du code de la commande publique.
* 150 Décret n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 portant mesures de simplification applicables aux marchés publics (article 7).
* 151 Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique.
* 152 Pour davantage de détails sur la procédure, se référer à la fiche technique sur les partenariats d'innovation de la direction des affaires juridiques de Bercy.
* 153 Matthieu Masselin, PDG de Wandercraft, audition du 30 mars 2022.
* 154 Élodie Chapel, conseillère de Wandercraft, audition du 30 mars 2022.
* 155 Audition du 19 janvier 2022.
* 156 Audition du 2 février 2022.
* 157 Audition du 15 mars 2022.
* 158 La même remarque peut être faite à l'égard des représentants des autres fonds que votre rapporteur et votre président ont rencontrés : Ibionext, Auriga et Sofinova, le 8 mars 2022, ou encore AdBio Partners, le 30 mars 2022.
* 159 Audition du 8 mars 2022.
* 160 Guillot (Laurent), Simplifier et accélérer les implantations d'activités économiques en France , rapport au Gouvernement, janvier 2022.
* 161 Ce rapport montre par exemple que l'administration française attend presque systématiquement que l'étude faune/flore réalisée par le pétitionnaire porte sur quatre saisons, quelle que soit l'ampleur du projet, alors que cette étude porte sur quatre à six mois en moyenne en Allemagne, douze au maximum pour une usine. La durée et le périmètre de l'étude devraient être proportionnés au projet.
* 162 Ibidem , page 24.
* 163 Healthtech : logiciels de médecine, numérique de santé, télémédecine, etc. Medtech : équipements médicaux, machines, logiciels de traitement et de diagnostic, etc. Biotech : biologie, médicaments, molécules, etc .
* 164 Audition du 30 mars 2022.
* 165 Audition du 30 mars 2022.
* 166 Voir infra, III.B.2, les procédures accélérées de mise sur le marché.
* 167 Entendue par votre rapporteur et votre président, le 8 mars 2022.
* 168 La mission d'information a entendu une voix discordante. Lors de son audition, le 8 mars 2022, Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement, s'est appuyé sur son retour d'expérience en tant qu'entrepreneur pour affirmer que « les procédures administratives prennent le même temps ici ou ailleurs, mais pas au même stade ».
* 169 Rencontré par la mission d'information lors de son déplacement à la SATT de Saclay.
* 170 Schéma fourni par EG 427.
* 171 Audition du 8 mars 2022.
* 172 Audition du 23 mars 2022.
* 173 Audition du 23 mars 2022.
* 174 Audition du 23 mars 2022.
* 175 Audition du 23 mars 2022.
* 176 L'autorisation temporaire d'utilisation a été supprimée et remplacée par l'autorisation d'accès précoce et l'autorisation d'accès compassionnel par l'article 78 de la loi du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
* 177 Et même n'ayant pas vocation à en recevoir pour ce qui concerne l'accès compassionnel.
* 178 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017.
* 179 Franck Mouthon, audition du 23 mars 2022.
* 180 Loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, article 191.
* 181 Audition du 23 mars 2022.
* 182 Audition du 30 mars 2022.
* 183 Audition de la région Grand Est et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, le 30 mars 2022.
* 184 Évolution préconisée également par Laurent Guillot, dans son rapport cité supra .
* 185 Rapport au Premier ministre, 5 chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles , septembre 2019.
* 186 Ibidem , pp. 37 et suivantes.
* 187 Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME ; commissaire Thierry Breton.
* 188 Article 83 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022. Le dispositif est prorogé, au même article, jusqu'à fin 2024.
* 189 Critère d'indépendance défini à l'article 3 de l'annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.
* 190 Cour des comptes, avril 2021, page 20.
* 191 CNEPI et France Stratégie, 2016, Quinze ans de politiques d'innovation en France .
* 192 À l'époque.
* 193 L'impact du crédit d'impôt recherche , mars 2019.
* 194 Ces conclusions convergent avec celles des travaux de l'OCDE sur le sujet.
* 195 « Évaluation du crédit d'impôt innovation : dynamique des bénéficiaires depuis son introduction », Insee Références , 2019.
* 196 Page 11.
* 197 Audition du 23 mars 2022.
* 198 Il est estimé à 1 million d'euros sur trois ans par France Innovation, compte non tenu du salaire.
* 199 Plusieurs intervenants, notamment des laboratoires publics, ont regretté la suppression au 1 er janvier 2022 du doublement de l'assiette pour les opérations de recherche menées par des organismes publics de recherche. Ce mécanisme est remplacé par le crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative (CICo), qui respecte la réglementation européenne en matière d'aides d'État.
* 200 Option a : suppression du taux de 5 % et abaissement du plafond de 100 à 20 millions d'euros, taux de 30 % inchangé (économie pour les finances publiques) ; option b : suppression du taux de 5 %, abaissement du plafond de 100 à 20 millions d'euros et taux porté à 40 % (enveloppe totale inchangée) ; option c : suppression du taux de 5 % et du plafond de 100 millions d'euros et instauration de trois taux : 40 % pour les PME, 25 % pour les ETI et 10 % pour les grandes entreprises. Rapport Redistribution, innovation, lutte contre e changement climatique : trois enjeux fiscaux majeurs en sortie de crise sanitaire , février 2022, pp. 35 à 68, notamment page 62.
* 201 Audition du 1 er février 2022.
* 202 Audition du 15 mars 2022.
* 203 Audition du 15 mars 2022.
* 204 L'AFCRT recommande une prise en charge de 60 % des dépenses, dans la limite de 50 000 euros. Les dépenses dépassant ce plafond seraient prises en charges par le bénéficiaire.
* 205 Audition du 19 janvier 2022.
* 206 Philippe Adnot au nom de la commission des finances Sénat, Les SATT : des structures de valorisation de la recherche publique qui doivent encore faire la preuve de leur concept , 2017.
* 207 Audition du 15 mars 2022.
* 208 Audition du 19 janvier 2022.
* 209 Audition du 18 janvier 2022.
* 210 Audition du 15 février 2022.
* 211 Audition du 30 mars 2022.
* 212 François Jamet, Rapport remis à la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'innovation, Le transfert de technologie aux start-ups , mars 2019.
* 213 Audition du 16 février 2022.
* 214 Avis de la commission des finances sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.
* 215 Avis de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.
* 216 Contribution écrite de la direction générale des entreprises (DGE).
* 217 Audition du 16 février 2022.
* 218 Audition du 2 mars 2022.
* 219 Audition du 1 er février 2022.
* 220 Audition du 2 mars 2022.
* 221 Audition du 23 mars 2022.
* 222 Audition du 23 mars 2022.
* 223 Audition du 6 avril 2022.
* 224 Audition du 23 mars 2022.
* 225 Dossier de presse, France 2030 : start-ups industrielles et deep tech , janvier 2022.
* 226 EY, Pourquoi les Family Offices deviennent-ils des investisseurs de référence dans les stratégies Private Equity , février 2022.
* 227 Audition du 30 mars 2022.
* 228 Audition rapporteur du 30 mars 2022.
* 229 À la demande du ministre de l'économie, des finances et de la relance, Philippe Tibi a remis en 2019 un rapport intitulé Financer la quatrième révolution industrielle : lever le verrou du financement technologique . L'objectif était d'identifier les leviers permettant d'assurer le financement des entreprises technologiques afin d'améliorer la compétitivité de la France et sa capacité à maîtriser les innovations technologiques de rupture. D'une part, en incitant les investisseurs institutionnels à soutenir les levées de fonds de capital-innovation français focalisés sur le segment du late stage (10 milliards d'euros) afin que ceux-ci puissent atteindre la taille critique nécessaire pour financer de très importantes levées de start-up. D'autre part, en incitant à l'émergence de fonds d'actions cotées « global tech » (10 milliards d'euros) qui seront abondés par la création de mandats institutionnels pour les allocataires d'actifs publics et privés (8 milliards) et par la mobilisation de l'épargne salariale et la création de supports spécifiques en unités de compte pour les particuliers (2 milliards).
* 230 Direction générale du Trésor, Financer la IV e révolution industrielle : premier bilan de l'initiative Tibi à 18 mois , juin 2021.
* 231 Notamment les mutuelles et les organismes de prévoyance.
* 232 Audition du 23 mars 2022.
* 233 Audition du 2 mars 2022.
* 234 Audition rapporteur du 15 février 2022.
* 235 Audition du 6 avril 2022.
* 236 Jean-Pierre Nozières, fondateur et président d'Antaios, audition du 30 mars 2022.
* 237 Audition du 30 mars 2022.
* 238 Laurent Vronski, secrétaire général de Croissance Plus, audition du 8 mars 2022.
* 239 Clause qui impose la localisation d'une partie de la production dans l'État signataire.
* 240 Audition du 10 février 2022.
* 241 Julien Cantegreil, PDG de SpaceAble, audition du 8 mars 2022.
* 242 « Prise de participation dans les start-up françaises ; prédation ou développement ? », in Documents de travail , n° 2021/1, février 2021.
* 243 Et seulement 6,4 % des acquisitions dans le secteur pharmaceutique aux États-Unis, d'après Cunningham (Colleen), Ederer (Florian) et Ma (Song), « Killer Acquisitions », in SSRN Working papers , 2019, citée par l'étude de la direction du Trésor.
* 244 Atos, Dassault, STMicroelectronics, Orange et Thales.
* 245 Shift4good.
* 246 Les batteries de la start-up Verkor doivent équiper le futur moteur de l'Alpine.
* 247 Loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques et loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.
* 248 Loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
* 249 Norme ISO 26 000.
* 250 Beylat (Jean-Luc) et Tambourin (Pierre), L'Innovation, un enjeu majeur pour la France. Dynamiser la croissance des entreprises innovantes , rapport aux ministres de l'enseignement supérieur et de la recherche et du redressement productif et à la ministre déléguée aux PME à l'innovation et à l'économie numérique, avril 2013, pp. 101 et suivantes.
* 251 Droits de propriété intellectuelle et performances des entreprises dans l'Union européenne , février 2021, notamment le tableau 3, page 31.
* 252 Audition du 6 avril 2022.
* 253 World Intellectual Property Organization, Global Innovation Index , 2021, notamment pp. 82 et 84.
* 254 Informations chiffrées fournies par la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI).
* 255 Article 33 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.
* 256 Cf. II.C.1.b.
* 257 Audition du 6 avril 2022.
* 258 Loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
* 259 Cahier des charges du Diagnostic stratégie PI et valorisation des actifs immatériels.
* 260 Ou « FRAND », pour « fair, reasonable and non-discriminatory ». La Cour de justice de l'Union européenne vérifie la volonté du titulaire du BEN comme du licencié potentiel de négocier de bonne foi pour conclure un contrat de licence conclu dans des conditions FRAND.