II. L'APPLICATION LABORIEUSE DE LA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE 2018-2022 PAR LES ENTREPRISES DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC
La principale décision prise lors du précédent quinquennat concernant l'audiovisuel public a été la mise en oeuvre d'une trajectoire budgétaire en baisse sur la période 2018-2022. L'effort demandé a représenté une baisse d'environ 5 % de la ressource publique ce qui constitue à la fois un effort significatif ayant demandé des choix et une exigence raisonnable compte tenu de la taille des deux plus grandes entreprises concernées, France Télévisions et Radio France.
L'absorption de la baisse de la dotation publique n'a pas été le seul défi pour ces entreprises qui doivent par ailleurs tenir compte de la hausse structurelle de leur masse salariale et de l'inflation. Par ailleurs, la priorité donnée au développement numérique a nécessité la mobilisation de moyens nouveaux tout comme le choix fait dans certaines entreprises de mettre en oeuvre des plans de départs volontaires comportant des incitations financières. L'effort réalisé in fine pour dégager des marges de manoeuvre est donc sensiblement plus important que l'objectif assigné par la trajectoire budgétaire.
Les entreprises de l'audiovisuel public sont unanimes à considérer aujourd'hui que l'effort budgétaire réalisé au cours du précédent quinquennat ne pourra pas être reconduit de la même manière dans les années qui viennent sans changements majeurs . Selon les dirigeants auditionnés, un nouvel effort demandé par l'actionnaire devrait dans ces conditions s'accompagner soit d'une réduction du périmètre des entreprises dans le cadre d'une remise à plat de leurs missions, soit d'une refonte de la gouvernance permettant de mutualiser les moyens et de supprimer les doublons.
A. FRANCE TÉLÉVISIONS : UNE TRANSFORMATION DE L'ENTREPRISE IMPOSÉE PAR LA CONTRAINTE BUDGÉTAIRE
Le groupe France Télévisions occupe une place centrale dans l'audiovisuel public du fait de son chiffre d'affaires, du nombre de ses salariés et de la part du produit de CAP qui lui est attribuée. Il n'est donc pas surprenant qu'il ait eu à supporter l'essentiel de la baisse de la dotation publique à hauteur de 160 millions d'euros en niveau sur quatre ans dont 123 millions d'euros sur la période 2018-2021 faisant l'objet de comptes définitifs.
Outre la baisse de la dotation publique, le groupe France Télévisions a dû également faire face à d'autres charges parmi lesquelles l'inflation et les charges inertielles (+ 40 millions d'euros), l'augmentation de 20 millions d'euros de l'effort en faveur de la création audiovisuelle, une hausse de 100 millions d'euros de l'investissement dans le numérique, le financement des droits de retransmission des jeux Olympiques et Paralympiques et le coût des matinales de France 3. La totalité des charges nouvelles est estimée par l'entreprise à 410 millions d'euros sur la période 2018-2022 .
Ces dépenses ont été « compensées » par des efforts tous azimuts qui ont pris en particulier la forme de renégociations de contrats (hors programmes) et de gains de productivité (- 100 millions d'euros), de renégociations de contrats avec les producteurs et d'une baisse des programmes de flux (- 120 millions d'euros), d'une baisse de la masse salariale, d'une contribution en hausse des filiales, d'une contribution accrue du CNC (+ 18 millions d'euros), d'une hausse des recettes commerciales, d'un accroissement des recettes publicitaires et de parrainage (+ 31 millions d'euros) et d'une aide exceptionnelle dans le cadre du plan de relance (+ 45 millions d'euros).
Concernant les recettes publicitaires, les rapporteurs constatent une nette évolution au bénéfice du parrainage et au détriment des messages classiques, les parrainages représentant en 2021 plus du quart des revenus publicitaires qui se sont élevés à 380,9 millions d'euros.
Les recettes publicitaires de France Télévisions en 2021
Au cours de la période 2018-2021, le groupe a réduit ses charges d'exploitation de 2 593,6 millions d'euros à 2 544,7 millions d'euros soit une baisse de 48,9 millions d'euros.
S'agissant plus particulièrement des charges de personnel, le groupe a mis en oeuvre une politique de maîtrise de sa masse salariale à travers des réformes structurelles afin, en particulier, d'investir les nouveaux modes de fonctionnement et de production induits par la transformation numérique et technologique. Le dispositif de rupture conventionnelle mis à l'oeuvre depuis l'été 2019 vise selon la direction du groupe à diminuer la masse salariale à l'horizon 2022 tout en rééquilibrant la structure des compétences internes.
Le nombre des salariés s'établit fin 2021 à 9 050 ETP 28 ( * ) en baisse de 568 depuis 2018 (- 5,8 %). Entre 2018 et 2021, la masse salariale est passée de 899,3 millions d'euros à 873,8 millions d'euros, ce qui représente une baisse de 2,8 %, l'impact de la diminution des effectifs compensant les effets des glissements salariaux mécaniques.
L'évolution de la masse salariale de France Télévisions
La dégradation des résultats de France Télévisions en 2021 (- 20,8 millions d'euros de résultat d'exploitation) s'explique en particulier par le financement de la plateforme SALTO (contribution de FTV de 27,8 millions d'euros en 2022) dont les résultats demeurent décevants. Les rapporteurs estiment que le groupe public aurait tout intérêt à mettre un terme à sa participation à ce projet quelle que soit l'issue du projet de rapprochement entre TF1 et M6 pour s'engager sans délai dans une nouvelle stratégie numérique fondée sur l'agrégation des différentes offres publiques en commençant par celles de France Télévisions et de l'INA . La forte hausse des investissements du groupe dans le numérique constitue un socle utile pour déployer une nouvelle stratégie coordonnée avec les autres entreprises de l'audiovisuel public.
L'évolution des dépenses consacrées au numérique
Le compte de résultat de France Télévisions (2017-2021)
Les ressources de France Télévisions (2017-2021)
en M€ |
Réel 2017 |
Réel 2018 |
Réel 2019 |
Réel 2020 |
Réel 2021 |
Contribution à l'audiovisuel public HT |
2 383,7 |
2 431,7 |
2 491,3 |
2 431,3 |
2371,7 |
Crédits budgétaires de l'État - TOCE |
164,4 |
85,5 |
|||
Plan de relance |
22,5 |
||||
Total ressources publiques |
2 548,1 |
2 517,3 |
2 491,3 |
2 431,3 |
2 394,2 |
Publicité et parrainage |
348,4 |
347,7 |
351,9 |
333,1 |
380,9 |
Autres recettes |
17,5 |
14,1 |
16,9 |
20,0 |
18,7 |
Total ressources propres FTVSA |
365,8 |
361,8 |
368,8 |
353,1 |
399,6 |
Résultat d'exploitation régies publicitaires (**) |
11,1 |
11,8 |
12,4 |
7,9 |
15,0 |
Résultat d'exploitation FTD (**) |
2,4 |
1,7 |
1,9 |
2,1 |
6,2 |
Résultat d'exploitation FTVSVOD (**) |
-1.0 |
-3.2 |
-1,1 |
-0,3 |
1,0 |
Résultat net France.tv Studio (**) |
2,7 |
3,6 |
4,5 |
6,9 |
4,2 |
Reversements FTD recettes de diversification |
4,0 |
4,6 |
5,2 |
5,7 |
5,3 |
Recettes commerciales(*) |
19,2 |
18,5 |
22,9 |
22,4 |
31,8 |
(*) Résultats d'exploitation des filiales commerciales et reversements de FTD à FTV au titre des activités sur lesquelles FTD a été mandatée par FTV.
(**) Pour FTP, FTD et FTVSVOD, sont pris en compte les résultats d'exploitation. Pour France.tv Studio est pris en compte le résultat net.
* 28 Le nombre d'ETP a augmenté de 28 en 2021 par rapport à 2020, année marquée par la crise sanitaire ayant généré une baisse exceptionnelle et non reconductible des ETP.