II. LES LEÇONS À TIRER DU PLAN DE RELANCE

A. DES DIFFICULTÉS EXACERBÉES PAR LES CONTRAINTES DU PLAN DE RELANCE

1. Des contraintes lourdes pour le choix des projets

Les différentes contraintes du plan de relance ont lourdement pesé dans la répartition de ses crédits et dans ses modalités de mise en oeuvre.

Même si les crédits de paiement sont échelonnés jusqu'en 2023 pour tenir compte des délais de réalisation des chantiers, toutes les opérations doivent impérativement être engagées avant la fin de l'année 2022 . Cette contrainte temporelle a conduit le ministère de la culture à sélectionner, parmi les projets justifiant d'une urgence sanitaire :

- des chantiers de grande taille : le coût des opérations est rarement inférieur à 500 000 euros ;

- des opérations suffisamment matures pour garantir qu'elles puissent être lancées rapidement : la plupart des opérations sélectionnées avaient déjà obtenu l'autorisation de travaux ;

- des projets susceptibles d'être achevés d'ici 2023.

Ces impératifs ont eu pour effet :

- d'inciter l'État à privilégier ses monuments dans la mesure où il avait la certitude de maîtriser le bon déroulement du chantier en sa qualité de maitre d'ouvrage ;

- d'intégrer au plan de relance un certain nombre de chantiers de restauration déjà lancés afin d'en achever la réalisation sans financement par tranches successives ;

- d' exclure, de facto , les communes rurales du bénéfice du plan. C'est principalement le patrimoine des villes moyennes qui a profité de ses crédits.

L'urgence imposée par le plan de relance a été lourde à gérer pour les services du ministère de la culture, en particulier ses services déconcentrés. Leur surcharge de travail ne s'est accompagnée d'aucun moyen humain pérenne supplémentaire, alors qu'ils sont déjà en tension. La présélection des projets a été réalisée dans des délais trop courts pour envisager une quelconque forme de concertation préalable au niveau local .

2. Une illustration de dysfonctionnements déjà identifiés

Par sa cadence et ses différentes contraintes, le plan de relance a clairement mis en exergue un certain nombre de dysfonctionnements et de biais déjà identifiés par la commission de la culture et qui lui paraissent nuire à l'efficacité des politiques de l'État dans le domaine du patrimoine.

Ø La co-construction avec les collectivités territoriales des politiques dans le domaine du patrimoine demeure insuffisante.

La politique nationale du patrimoine demeure trop centralisée. La consultation des élus locaux, organisée en septembre dernier sur le site internet du Sénat au sujet du plan de relance pour la culture, a clairement fait apparaitre le manque d'association des collectivités territoriales à l'élaboration comme à la mise en oeuvre du plan de relance . Le fonctionnement des nouveaux conseils locaux des territoires pour la culture (CLTC) n'était pas jugé satisfaisant par 75 % des répondants. La création d'instances au niveau départemental apparaissait souhaitable à 74 % d'entre eux, témoignant du besoin des élus locaux d'un dialogue de proximité pour que soient mieux prises en compte leurs attentes au niveau local.

Les commissions chargées du patrimoine au niveau local doivent devenir de véritables lieux d'échanges et de co-construction des politiques et ne pas se réduire à de simples lieux où les collectivités sont informées des projets conduits par l'État. Une telle évolution garantirait une meilleure prise en compte de la situation particulière et des difficultés des territoires ruraux.

Ø Le déficit d'ingénierie des collectivités territoriales et des propriétaires privés demeure un problème majeur.

Il parait évident qu'il a une nouvelle fois pesé dans la décision de l'État de privilégier les opérations portant sur les monuments qui lui appartiennent.

Même si le code du patrimoine prévoit la possibilité d'une assistance à maîtrise d'ouvrage des services de l'État, seules quelques directions régionales des affaires culturelles (DRAC) sont encore en mesure de proposer ce service, faute de moyens. Ni l'offre privée, ni l'offre proposée par certaines collectivités territoriales ne sont aujourd'hui suffisantes pour répondre aux demandes des propriétaires.

Cette question constitue un véritable frein pour la réalisation de nombreux projets patrimoniaux dans les territoires et mériterait un examen attentif de la part du ministère de la culture pour identifier des solutions permettant de sortir de cette impasse.

Ø La faiblesse des effectifs des services en charge du patrimoine au sein des DRAC est alarmante.

Les modalités particulières de gestion du plan de relance, qui reposent sur la transmission de rapports d'exécution à Bercy sur un rythme très régulier, mobilisent les équipes au point de les tenir éloignées du terrain et de leurs missions régaliennes, tel le contrôle scientifique et technique sur les monuments historiques.

Le recrutement d'ingénieurs et de techniciens pour le suivi des travaux doit faire figure de priorité, même en période normale d'activité, au risque que l'État ne soit sinon bientôt plus capable de contrôler que les interventions menées sur un édifice garantissent sa conservation et sa transmission aux générations futures.

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