II. LA DPR A ASSURÉ UN SUIVI DE L'ACTUALITÉ DU RENSEIGNEMENT, QUI A RÉVÉLÉ LA NÉCESSITÉ D'UNE CLARIFICATION JURIDIQUE DU CHAMP DE SON CONTRÔLE

A. LA DÉLÉGATION S'EST DOTÉE DE NOUVELLES PRÉROGATIVES

1. Les missions originelles de la DPR étaient très limitées...

Créée par la loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007, la délégation parlementaire au renseignement (DPR) avait, à l'origine, pour seule mission « de suivre l'activité générale et les moyens des services spécialisés à cet effet placés sous l'autorité des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l'économie et du budget » .

Aux termes de la loi, la délégation était dépourvue de pouvoir de contrôle, son rôle étant circonscrit au suivi des services de renseignement (activité générale, organisation, budget et moyens). Elle ne pouvait solliciter la communication de documents ou d'éléments d'information qui semblaient utiles à l'exercice de sa mission ; les informations qui lui étaient transmises étaient d'ordre très général, et laissées à la discrétion des ministres dont relevaient lesdits services - en l'espèce, les ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l'économie et du budget.

Le rapporteur pour le Sénat du projet de loi précité, M. René Garrec, soulignait à cet égard que « si une affaire du type du “Rainbow warrior” survenait demain, la délégation parlementaire pour le renseignement ne serait par conséquent pas compétente . Les commissions permanentes ou une commission d'enquête pourraient en connaître mais dans la limite de leurs pouvoirs. » 2 ( * )

Enfin, la liste des personnes pouvant être auditionnées par la délégation était limitativement définie. Ainsi, seuls le Premier ministre, les ministres compétents, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et les directeurs en fonction des services de renseignement, pouvaient être entendus. Dès lors, la DPR ne disposait que d'un nombre très restreint d'interlocuteurs.

2. ...mais se sont progressivement étendues

La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, a sensiblement étendu les prérogatives de la délégation. La France était jusqu'alors l'une des dernières démocraties occidentales à ne pas être dotée d'un organe parlementaire ad hoc dédié au contrôle des services de renseignement.

Cette loi a ainsi mis en place un contrôle parlementaire destiné notamment à évaluer la politique publique de renseignement, permis une meilleure information de la délégation, étendu la liste des personnalités pouvant être entendues et acté l'absorption de la CVFS par la DPR.

En définissant la politique publique de renseignement, la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement a, quant à elle, permis de mieux préciser le champ d'évaluation de la délégation parlementaire au renseignement, d'étendre une nouvelle fois la liste des personnes pouvant être auditionnées et d'augmenter son pouvoir d'information.

3. Les apports de la loi de juillet 2021

Les deux lois susmentionnées avaient accru les moyens, tant humains que financiers, des services de renseignement ; le renforcement de leur contrôle démocratique apparaissait donc nécessaire pour trouver un juste équilibre.

La loi de juillet 2021 a permis d'accroître les moyens juridiques mis à la disposition des services de renseignement. Ainsi, suivant la même logique, il paraissait naturel de renforcer les pouvoirs de la DPR, au regard des lacunes qu'elle avait mises en lumière dans ses derniers rapports. Ainsi, l'article 21 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement a, entre autres, complété les missions de la délégation en prévoyant qu'elle « assure un suivi des enjeux d'actualité [en matière de renseignement] et des défis à venir qui s'y rapportent » .

L'objet de l'amendement adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale était d'élargir « le champ d'action de la DPR en lui reconnaissant explicitement la possibilité de traiter des enjeux d'actualité liés au renseignement . Il s'agit, sans interférer sur les opérations en cours , de souligner l'intérêt pour la DPR de mener des travaux en prise avec l'actualité, en usant de droit d'accès à des informations classifiées , ce qui n'est permis à aucun autre organe parlementaire. »

Lors de la discussion générale du texte à l'Assemblée nationale, le 1 er juin 2021, le ministre de l'intérieur, M. Gérald Darmanin, avait déclaré que : « le renseignement [...], apanage des grandes démocraties, est toujours contrôlé par la délégation parlementaire , quelle que soit sa forme. Le Gouvernement donnera un avis favorable [...] aux demandes d'une transparence accrue sur l'action du Gouvernement et d'un renforcement des pouvoirs de la DPR : assorties d'un respect des pouvoirs constitutionnellement dévolus à chacun, de telles demandes sont bien légitimes en démocratie. »


* 2 Rapport n° 337 (2006-2007) de M. René Garrec, fait au nom de la commission des lois du Sénat, sur le projet de loi portant création d'une délégation parlementaire au renseignement.

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