VI. ENSEIGNANT : UN MÉTIER EN MANQUE D'ATTRACTIVITÉ ?

A. UNE RÉFORME DE LA FORMATION INITIALE : LA CRÉATION DES INSPÉ

1. Les INSPÉ : la volonté de réaffirmer le rôle de l'État-employeur

La loi pour une école de la confiance a créé les instituts nationaux du professorat et de l'éducation (INSPÉ), en remplacement des écoles supérieures du professorat et de l'éducation. Cette modification sémantique traduit la volonté du Gouvernement de réaffirmer le rôle de l'État-employeur et l'unicité de la formation dispensée . Les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale ont arrêté un référentiel commun de formation aux métiers d'enseignant des premier et second degrés. Il doit conduire à une harmonisation des nouvelles maquettes des INSPÉ. Deux arrêtés ont été pris en ce sens :

- l'arrêté du 24 juillet 2020 modifiant l'arrêté du 27 août 2013 fixant le cadre national des formations dispensées au sein des masters « métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (MEEF). Il prévoit notamment deux stages d'une durée totale de 18 semaines et 800 heures d'enseignement et d'encadrement pédagogique hors stage, avec des pourcentages d'heures déterminés pour les savoirs fondamentaux, la polyvalence et gestion de classe, la recherche et aux innovations propres à chaque INSPÉ ;

- l'arrêté du 25 novembre 2021 fixant le cahier des charges relatif aux contenus de la formation initiale pour les étudiants et les fonctionnaires stagiaires se destinant aux métiers du professorat et de l'éducation concernant la scolarisation des enfants à besoins particuliers.

2. Une réforme au déploiement perfectible

Lors de leur audition, les représentants du réseau des INSPÉ ont fait part d'un certain nombre de points positifs du fait de cette réforme. En déplaçant le concours à la fin de la deuxième année de M2, cela laisse plus de temps à la formation des étudiants . Jusqu'à présent, selon Alain Fruguière, président du réseau des INSPÉ, les étudiants de M1 sont obnubilés par la préparation au concours, et en M2 par leur titularisation.

Néanmoins, les rapporteurs ont pu constater, notamment à l'occasion de cette audition, que le déploiement de cette réforme rencontre des difficultés dans sa mise en oeuvre .

• La sortie tardive des textes réglementaires

Les textes réglementaires relatifs aux nouvelles épreuves du concours de recrutement sont sortis tardivement , avec des informations arrivant au compte-goutte. Alors que les maquettes des INSPÉ devaient sortir en janvier, les arrêtés relatifs aux nouveaux concours sont parus en janvier et les sujets types en avril.

• Un premier bilan mitigé des périodes de stages

La nouvelle maquette du master MEEF prévoit une période de stage d'une durée de six semaines au cours de la première année de master, sous la forme d'un stage d'observation et de pratique accompagnée, suivi d'un deuxième stage de 12 semaines qui peut être un stage en responsabilité, en tiers temps devant les élèves sous un statut de contractuel ou un nouveau stage d'observation. L'étudiant a également la possibilité de faire son master MEEF en alternance intégrant une période de 18 semaines en établissement.

Cette partie de la réforme dépend des moyens des rectorats pour proposer des stages dans les établissements . Si dans le premier degré, les rectorats arrivent plus ou moins à proposer autant de stages qu'il y a d'étudiants inscrits en M2, c'est moins vrai pour le second degré : dans certaines disciplines, aucun stage de terrain n'est possible. Enfin, pour les étudiants se destinant au métier de conseiller pédagogique d'éducation, très peu de rectorat ont fourni des tiers temps. Selon le réseau des INSPÉ, les rectorats ont proposé en moyenne un contrat pour 1,6 étudiant pour le premier degré, un contrat pour 1,5 étudiant pour le second degré - avec des différences fortes selon les disciplines -, et un contrat pour 3,2 formations CPE .

Or, l'un des objectifs de la réforme du master MEEF est de mieux préparer l'étudiant à son futur métier, en le mettant en situation devant les élèves avant de passer le concours .

Proposition n° 29 :

Définir et mettre en oeuvre une politique nationale et académique volontariste garantissant à chaque étudiant en MEEF de pouvoir bénéficier d'un stage, tel que le prévoit sa maquette de formation .

Par ailleurs, la moitié des étudiants ont fait le choix de privilégier un stage d'observation plutôt qu'en responsabilité en M2 . La première raison invoquée est la crainte d'une charge de travail trop importante en M2, entre la validation du master , la préparation du concours, et le temps devant les élèves. En l'absence d'informations sur le nouveau concours, ils ne disposent pas d'éléments pour juger si le fait d'avoir effectué un stage en responsabilité - plus chronophage - sera valorisé.

Entre difficultés à trouver un stage en responsabilité et préférence de l'étudiant de M2 pour un stage d'observation, seul un étudiant sur trois dans le deuxième degré est en stage en responsabilité (45 % pour les étudiants en M2 MEEF 1 er degré) . La réforme de la formation initiale est donc un échec sur ce point.

50 % des nouveaux enseignants et conseillers principaux d'éducation qui ont le concours ne sont pas issus des masters MEEF .

Proposition n° 30 :

Mieux prendre en compte, pour les étudiants faisant le choix du master MEEF, les stages de terrain, en valorisant davantage ces expériences devant les élèves dans les concours de recrutement.

• Des difficultés dans la mise à disposition de professionnels de terrain

Les maquettes MEEF prévoient que 33 % des enseignements dans ces masters soient réalisés par des professionnels de terrain . Cette préconisation, déjà présente dans le rapport de la commission sur l'attractivité du métier d'enseignant 24 ( * ) de juillet 2018, est au coeur de la création des INSPÉ. En effet, dans le cadre de la loi pour une école de la confiance, le ministre a justifié sa volonté d'évolution du cadre de formation initiale par le fait que « la formation dispensée ÉSPÉ n'adosse pas suffisamment ses formations à la recherche universitaire, est dispensée par des équipes qui ne sont pas assez plurielles (manque d'intégration des enseignants-chercheurs des autres composantes de l'université), et ne s'appuie pas suffisamment sur l'expérience des professeurs de terrain . Il en résulte que la formation dispensée en ÉSPÉ ne répond pas suffisamment aux attentes du futur employeur des diplômés ».

Or, la mise à disposition de ces professionnels dépend de la capacité et des moyens des rectorats à les mettre à disposition, et donc de les remplacer devant leurs élèves pendant qu'ils interviennent en INSPÉ. Il y a des disparités importantes entre INSPÉ qui sont tributaires des rectorats et des universités - pour la mise à dispositions d'enseignants-chercheurs. Pour les rapporteurs, la volonté affirmée du ministre de reprendre en main la formation des futurs enseignants reste en partie lettre morte , par manque de moyens dans sa mise en oeuvre.

Proposition n° 31 :

Définir une politique nationale et académique volontariste pour mettre à disposition en master MEEF des professionnels de terrain afin de respecter l'objectif de la réforme des INSPÉ .

Enfin, les rapporteurs appellent à labelliser, dès la licence, des filières de formation à privilégier par les bacheliers et étudiants souhaitant déjà se destiner aux métiers de l'enseignement.

Proposition n° 32 :

Labelliser dès la licence des parcours d'études permettant de préparer aux métiers de l'enseignement .


* 24 Accroître la part des professionnels et des enseignants-chercheurs parmi les formateurs des ÉSPÉ. À terme, transformer celle-ci en structures sans formateurs propres, faisant appel aux ressources de l'éducation nationale (enseignants-formateurs) et de l'enseignement supérieur (enseignants-chercheurs), proposition du rapport d'information n° 690 de Max Brisson et Françoise Laborde : « métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité », 2017-2018.

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