EXAMEN EN DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 17 février 2022, la délégation aux collectivités territoriales a autorisé la publication du présent rapport.

COMPTE-RENDU DE LA REUNION DU JEUDI 17 FÉVRIER 2022

Examen du rapport sur la démocratie locale

Mme Françoise Gatel, présidente . - La démocratie locale est un sujet lancinant et préoccupant. Il est nécessaire de la revivifier.

Au cours de plusieurs séances plénières, nous avons recueilli les points de vue de politologues, de directeurs de rédaction... Le directeur de rédaction du journal Ouest France a d'ailleurs décidé de ne plus publier de sondages. En revanche, il publie des témoignages de Français, qui s'adressent aux candidats ou plus généralement à la France. Les personnes interviewées sont issues de différents milieux et expriment leurs attentes.

Nous avons aussi rencontré et auditionné des think tanks , des responsables associatifs et naturellement des élus locaux. Nous avons besoin de tout le pays et de tous ses citoyens pour entretenir et revivifier la démocratie.

Avec Jean-Michel Houllegatte, nous avons réalisé des auditions complémentaires. En particulier, nous avons auditionné des membres de conseils citoyens, conseils créés dans le cadre de la politique de la ville. Ces membres nous ont fait part de leur expérience, de leurs suggestions et parfois de leurs insatisfactions sur la question de la démocratie.

Au Sénat, une mission d'information sur la redynamisation de la culture citoyenne a été lancée à l'initiative du groupe RDSE. Nous avons rencontré les rapporteurs de cette mission. À l'Assemblée nationale, une mission a été réalisée sur l'engagement local et la parité, par deux députés. Cette mission a déjà fait l'objet d'une proposition de loi.

Compte tenu des travaux déjà menés sur la démocratie locale, nous pourrions nous demander quel est l'intérêt des travaux de la notre délégation. Avec Jean-Michel Houllegatte, nous avons souhaité apporter un éclairage particulier. Nous avons notamment travaillé sur les bonnes pratiques et leur diffusion.

Conformément au rapport de la vice-présidente Pascale Gruny sur les lignes directrices des travaux de contrôle, nos propositions ont été mises à votre disposition, mardi dernier, sur Demeter.

Durant nos travaux, nous avons toujours gardé à l'esprit les questions suivantes : comment remédier au désintérêt croissant chez certains de nos concitoyens pour la chose publique ? Par quels moyens retisser le lien entre les Français et leurs représentants élus au niveau local ? Le Président de l'Assemblée des départements de France (ADF), François Sauvadet, a regretté devant notre délégation que les Français eussent le sentiment qu'aucune élection n'influe sur leur vie. De ce fait, il est difficile de les intéresser à la chose publique. Comment redonner du sens au débat public et le replacer au plus proche des habitants, afin que la vie de la cité transcende les seuls intérêts particuliers, sans contester la légitimité de la démocratie représentative ?

Pour répondre à ces interrogations, il nous est apparu nécessaire de passer en revue les trois formes de démocratie.

La démocratie représentative est la garante d'une société de droit et de l'intérêt général.

Pour ce qui est de la démocratie participative, son émergence est récente à l'échelle de notre histoire politique, mais les injonctions à son égard envahissent quelque peu l'espace public. Dans le cadre de cette démocratie, les élus, issus de la démocratie représentative, écoutent les citoyens. Cette démocratie génère parfois de la frustration chez les citoyens, qui estiment qu'ils devraient prendre eux-mêmes les décisions.

Il existe enfin une troisième forme de démocratie. Avec Jean-Michel Houllegatte, nous l'avons appelée « démocratie implicative ». Cette démocratie nous paraît riche d'avenir. En effet, elle amène le citoyen, par de petits engagements locaux, à participer concrètement à l'action publique, à l'échelle de la commune, du quartier ou du voisinage. Elle donne au citoyen un intérêt à s'investir.

M. Jean-Michel Houllegatte, corapporteur . - Les dispositifs de démocratie participative foisonnent. En effet, il existe les conseils de quartier, les comités consultatifs, les conseils de jeunes, les conseils de sages, les conseils de femmes... Ces instances permettent de favoriser la citoyenneté et la participation des habitants à la vie de la cité. Elles constituent aussi une véritable ressource d'informations sur le fonctionnement de la commune. Le conseil citoyen illustre cet apport dans les quartiers de la politique de la ville. Nous avons entendu des témoignages sur le fonctionnement de cette instance à Sarcelles, Elbeuf ou encore Corbeil-Essonnes. Au regard de ces témoignages, il nous semble qu'il serait utile de dispenser des formations communes aux élus locaux et aux conseillers citoyens autour des enjeux et des outils de la démocratie participative.

Le développement de cette forme de démocratie se trouve simplifié et amplifié par l'introduction du numérique dans les processus de consultation, ainsi que l'a souligné Katarina Zuegel, représentante d'un think tank travaillant sur les technologies citoyennes. Toutefois, la fracture numérique, l'illectronisme et le caractère très impersonnel de ce type de consultations représentent autant d'écueils difficilement surmontables. La sécurité de ces dispositifs est également sujette à caution. Pour cette raison, il serait nécessaire d'évaluer la fiabilité et la sécurité des technologies disponibles pour le vote électronique et la concertation citoyenne.

Notre conception de la participation s'étend au rôle que jouent les sondages dans le champ démocratique. Les sondages relatifs à des personnalités politiques occupent en effet une place croissante dans le processus électoral, comme l'ont montré les dernières élections locales. Ils encouragent et amplifient les comportements stratèges de certains électeurs. Or, les conditions de réalisation de ces études ne satisfont pas pleinement à un critère de rigueur, tandis que certains professionnels du journalisme tendent à estimer que le rôle des sondages est disproportionné, au point de ne plus les commenter, comme l'a d'ailleurs annoncé le journal Ouest France. Nous sommes donc favorables à un encadrement plus rigoureux de la méthodologie des instituts de sondage.

Les discours autour de la démocratie participative tendent parfois à véhiculer la représentation d'un système dans lequel le « citoyen participant » s'érigerait par opposition aux élus. D'ailleurs, la démocratie participative est parfois mal perçue par les élus eux-mêmes, qui peuvent avoir le sentiment que leur légitimité, acquise par l'élection, est remise en question dans et par les démarches participatives.

Tel n'est pas le cas de la démocratie implicative. Dans cette version, chacun reste à sa place et aucune remise en question n'est à l'ordre du jour. La démocratie implicative vise un effet d'entraînement. L'objectif est de rechercher l'implication des citoyens sur des projets très locaux, afin de susciter leur intérêt, voire leur adhésion, pour aboutir à des implications plus fortes par la suite : de la participation au scrutin électoral à l'acte de candidature sur une liste, en passant par l'engagement sur d'autres projets. Les ressorts de cet engagement local, voire micro-local, résident dans l'adhésion à des valeurs partagées, la proximité et l'existence d'enjeux réels lors de la prise de décision. Pour renforcer l'implication, de nouveaux outils et de nouvelles pratiques se sont mis en place dans les communes ces dernières années. En voici quelques exemples :

- organiser régulièrement dans les communes un temps informatif et convivial, dédié à l'accueil des nouveaux habitants ;

- tenir occasionnellement des conseils municipaux « hors les murs » de la mairie ;

- rendre compte annuellement, en réunion publique et localisée dans les quartiers, du mandat de la municipalité et de l'avancée des projets.

Dans ce cadre, nous estimons importante la reconnaissance que la collectivité peut alors témoigner aux citoyens qui s'impliquent dans une action ou un projet aux côtés de l'équipe municipale, par exemple. Loin d'être anecdotique, il s'agit d'un geste fort qui contribue à conforter le pacte social qui est le nôtre. À cet égard, nous jugerions pertinent d'étendre le Compte Engagement Citoyen (CEC) - qui ouvre droit à formation pour les bénévoles associatifs - aux acteurs qui s'impliquent dans la vie de leur cité.

Afin de favoriser la mise en place de ces logiques implicatives et de leur cercle vertueux, certains outils peuvent venir enrichir l'arsenal de l'élu local. Il en est ainsi de la technique dite du jugement majoritaire, qui permet de renouveler la pratique du choix démocratique. Il ne s'agit plus de procéder à un choix alternatif et binaire, mais d'exprimer des préférences. Une telle technique permet de dégager des consensus, ce qui peut être précieux dans le cadre d'un choix d'aménagement controversé ou d'un projet urbanistique sensible pour une collectivité territoriale.

Pour ancrer cette version de la démocratie locale, lui offrir la visibilité qu'elle mérite et diffuser les bonnes pratiques, nous considérons qu'il serait bienvenu d'instaurer des trophées annuels des bonnes pratiques de la démocratie implicative. Ces trophées valoriseraient les initiatives prises par les collectivités territoriales dans ce domaine.

En conclusion, si la démocratie locale a longtemps été cantonnée à la reproduction d'un modèle unique, elle s'ouvre désormais à de nouvelles formes d'expression et de manifestation de la volonté générale. Certes, la démocratie représentative demeure la pierre angulaire de notre système, mais elle subit les contrecoups de la défiance à l'encontre des politiques. Aussi a-t-on assisté à l'irruption à ses côtés, ces dernières années, de la démocratie participative, qui propose un autre mode d'organisation du débat public et invite à revisiter les conditions de la prise de décision par les pouvoirs publics en général, notamment les collectivités territoriales.

Cette orientation participative présentant cependant certaines limites, les collectivités et leurs élus tendent à imaginer des modalités encore différentes pour intéresser et associer le citoyen au débat démocratique. L'objectif consiste alors à sortir de la caricature d'un face-à-face stérile entre l'élu et l'administré, pour entrer dans une relation exigeante, plus mature et équilibrée, nouant un partenariat « gagnant-gagnant » entre ces deux figures indépassables de la démocratie locale que sont l'élu local et le « citoyen-habitant ». Il s'agit de la voie de la démocratie implicative.

Avec Françoise Gatel, nous sommes fermement convaincus que cette forme de démocratie est porteuse de sens et qu'elle doit être encouragée en ce qu'elle ouvre une approche différente, pragmatique et directement opérationnelle pour ramener certains de nos compatriotes, aujourd'hui éloignés des grands choix politiques, dans le jeu de la démocratie, à commencer par le niveau local.

Mme Françoise Gatel, présidente . - En ce qui concerne la démocratie représentative, il est important de faciliter l'adhésion de nos concitoyens à la chose publique. Des outils devraient être mis en place et la culture devrait évoluer.

En particulier, les démarches de déménagement et les démarches administratives devraient être mieux articulées avec l'inscription sur les listes électorales. Dans le projet de loi 3DS, Madame Amélie de Montchalin souhaitait renforcer le principe « dites-le-moi une fois ». Dès lors qu'un citoyen donne une information à une administration, l'information devrait être reprise par toutes les administrations utiles à la vie du citoyen.

Hier, en Commission des lois, nous avons rediscuté de la double procuration, dans le cadre de la proposition de notre collègue Philippe Bonnecarrère et de collègues centristes. J'entends les réserves à ce sujet : la double procuration pourrait inviter des personnes à détourner le vote de sa neutralité. Nous devons toutefois nous intéresser à cette question.

Nous pourrions aussi expertiser le vote par correspondance. Il avait été pratiqué dans notre pays, puis abandonné en raison de problématiques de confidentialité et de respect de la liberté des électeurs.

Lors des dernières élections intermédiaires, la propagande électorale a été livrée tardivement. Nous devons absolument garantir la réception de la propagande électorale une semaine avant le premier tour du scrutin. Pour les élections régionales, un problème s'était aussi posé entre les deux.

Enfin, une partie des assesseurs des bureaux de vote pourrait être tirée au sort parmi les inscrits sur la liste électorale, ce qui aurait pour vertu d'associer étroitement le citoyen à la fabrique du suffrage universel et de lui faire prendre la mesure de la symbolique du bureau de vote. Des citoyens pourraient certes se montrer réticents à ce sujet. Ceci étant, nombreux sont les citoyens qui ne pensent pas à proposer leur participation. Il serait ainsi opportun de les solliciter, sachant que de nombreux maires éprouvent des difficultés à constituer les bureaux de vote.

Par ailleurs, la parité a progressé (les femmes représentent actuellement un peu moins de 20 % des maires, contre 16 % en 2014). Toutefois, elle reste insuffisante. La volonté d'améliorer la parité est désormais, je pense, partagée par les associations d'élus. La question de l'abaissement du nombre d'habitants pour les scrutins de liste est désormais évoquée de manière plus apaisée. Un tel abaissement permettrait d'atteindre la parité et permettrait aussi d'éviter le « bashing » des représentants des communes non concernées par les scrutins de liste.

La question de la parité dans les intercommunalités a été évoquée, dans le cadre de la proposition de loi sur l'engagement et la proximité examinée par le Sénat. Le gouvernement lui-même a indiqué qu'il était très difficile d'atteindre la parité dans les intercommunalités. La représentation de chaque commune est déterminée en fonction du poids de sa population. Les communes ne comptent souvent qu'un représentant. Selon la loi, le représentant doit être le maire, sauf si celui-ci souhaite déléguer sa représentation à un de ses adjoints. Exiger la parité dans les exécutifs pourrait déséquilibrer la composition des intercommunalités : la représentation des plus grandes communes pourrait être renforcée, tandis que celle des plus faibles communes pourrait être affaiblie (celles-ci ne comptent qu'un représentant et le maire est encore très souvent un homme).

L'enjeu est d'encourager les femmes à devenir maires.

Les lignes directrices pour les travaux de contrôles issues des propositions de notre collègue Pascale Gruny nous amènent à soumettre ses propositions à la sagacité de nos collègues.

Mme Catherine Di Folco . - Merci Madame la Présidente pour le travail réalisé. J'ai pris connaissance du tableau qui reprend vos 23 préconisations.

Il me semble que la démocratie implicative s'exerce déjà, notamment à travers la vie associative. Dans les territoires ruraux, c'est d'abord au sein des associations que les citoyens s'engagent. Souvent les citoyens s'impliquent ensuite au sein du conseil municipal. En effet, nous nous adressons fréquemment à ces citoyens quand nous constituons une liste pour les prochaines élections municipales. Le milieu associatif constitue un vivier de personnes impliquées.

Je ne sais pas si ce point pourrait apparaître dans vos travaux.

M. Jean-Michel Houllegatte, corapporteur . - Merci pour cette réflexion. Le sujet n'est toujours pas épuisé. Plusieurs institutions s'y intéressent. Nos collègues députés ont réalisé un rapport d'information intitulé « Renforcer la participation électorale et la confiance dans la démocratie représentative ».

Nos collègues du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sont, eux, en train de mener une mission sur l'engagement de la vie associative. Ils estiment que cet engagement est peut-être le premier pas de l'engagement citoyen.

À travers l'usage du concept de démocratie implicative, nous souhaitons mettre en avant l'appropriation par les citoyens de leur cadre de vie. Dans le cadre de la politique de la ville, des « diagnostics en marchant » sont réalisés. Ils permettent aux habitants et aux élus de découvrir ensemble leur cadre de vie. Nous souhaiterions aussi que les citoyens s'approprient un espace relationnel de proximité. Dans les quartiers, toutes les personnes ne se connaissent pas. Nous souhaitons favoriser les relations de voisinage. In fine, l'objectif est que les citoyens adhèrent à un système de valeurs communes et partagent les valeurs de la République.

Nous souhaitons favoriser les engagements complémentaires aux engagements associatifs.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Il existe un écosystème actif dans les territoires. La chose publique est fabriquée par les élus bénévoles et par les personnes engagées dans la vie associative. Les activités sportives et culturelles proposées aux enfants par les associations permettent de renforcer la vie sociale.

Toutefois, nous proposons un dispositif complémentaire. Des personnes n'ont pas le temps de s'engager ou n'y pensent pas. Ceci étant, certaines d'entre elles pourraient se tourner vers la chose publique en raison de leurs propres centres d'intérêt. Par exemple, dans le cadre de l'établissement d'un plan vélo, un diagnostic pourrait être partagé par la commune, l'association de cyclistes et les personnes qui se déplacent en vélo. La participation des personnes à un projet spécifique pourrait éveiller leur esprit citoyen.

Les citoyens pourraient aussi participer à la rénovation de l'espace public. Dans ma commune, alors que nous rénovions une rue, trois habitants ont fait part de leur souhait de participer au choix des plantations et à leur entretien. Nous avons alors créé le « Jardinons citoyen ». Dans la rue concernée, qui compte 40 habitations, 30 personnes participent une fois par mois à la matinée « Jardinons citoyen ». Elles enlèvent les mauvaises herbes, puis déjeunent ensemble. Par ailleurs, les nouveaux habitants participent bien volontiers à cette initiative mise en place il y a plusieurs années. En outre, certains des habitants concernés se sont engagés dans la vie associative, puis dans le conseil municipal.

Nous souhaitons ainsi donner aux citoyens des occasions de « faire » et de « fabriquer ». Les « diseurs » et les « faiseurs » sont distingués, car s'il est important que chacun puisse « faire entendre sa voix », la possibilité de « faire » offerte aux citoyens représente une grande valeur citoyenne.

En tout cas, l'engagement associatif et celui des élus comptent parmi les fondements de la vie citoyenne.

M. Jean-Michel Houllegatte, corapporteur . - Le titre du rapport du CESE est précisément « L'engagement bénévole, indispensable facteur de cohésion sociale et de citoyenneté ». Notons que les associations rencontrent actuellement des difficultés à mobiliser des bénévoles.

Mme Agnès Canayer . - Je vous félicite pour les travaux réalisés sur l'implication de nos concitoyens. Je pense aussi que c'est l'engagement par le « faire » qui permettra d'impliquer au mieux les citoyens. D'ailleurs, nous sommes nombreux dans cette assemblée à nous engager dans la vie associative.

Ceci étant, je suis dubitative quant aux questions du tirage au sort. Nous avons tenté la mise en place du tirage au sort pour les conseils citoyens, dans le cadre de la politique de la Ville. Les résultats des tests n'ont jamais été très probants. Je serais davantage favorable à l'engagement volontaire et à la reconnaissance de la place des bénévoles, sachant que nos associations rencontrent en effet des difficultés.

Pour favoriser l'éducation à la citoyenneté, des passerelles devraient être créées entre les écoles et les institutions. Les élus locaux devraient se rendre dans les écoles pour expliquer leur travail. De même, les écoles devraient visiter les mairies.

Mme Françoise Gatel, présidente . - L'intéressement à la démocratie est lié à notre éducation. Chacun devrait être intéressé par l'action publique, qui concerne des moments essentielles de notre vie (la petite enfance, l'éducation, la mobilité...). Le gène de l'appartenance à une communauté devrait être introduit à l'école et dans la famille. Quand la famille est engagée sur le plan associatif ou citoyen, l'engagement fait partie de la culture des enfants.

Si la famille ne s'engage pas dans la communauté, elle doit toutefois porter un regard respectueux sur la chose publique et ne pas prendre l'attitude d'un consommateur. La mairie ne doit pas être critiquée dans le cercle familial.

Par ailleurs, l'éducation civique est obligatoire à l'école.

De nombreuses communes comptent des conseils des jeunes. Ces conseils permettent de créer des liens entre les élus adultes et les enfants. Ils fonctionnent sur la base du volontariat et de l'engagement des élus et des écoles. Ils sont particulièrement riches quand ils sont portés par des enseignants qui travaillent en étroite collaboration avec la mairie. Nous devons encourager les initiatives de ce type à l'école, afin de développer le sentiment d'appartenance à une communauté. Des enseignants proposent à des classes de visiter l'Assemblée nationale ou le Sénat ou invitent des élus jeunes.

Pour construire une démocratie active, le virus de la démocratie doit être inoculé chez les jeunes.

M. Jean-Michel Houllegatte, corapporteur . - Nos collègues de l'Assemblée nationale ont émis plusieurs propositions, notamment la proposition 22 - renforcer l'éducation à la citoyenneté dans le parcours scolaire.

Depuis quasiment vingt ans, aucune loi sur la démocratie locale ou sur la manière de la vivifier n'a été publiée. La loi dite « Vaillant », qui a mis en place les conseils de quartier, date de 2002. Compte tenu des travaux en cours à l'Assemblée nationale et au Sénat, des évolutions pourraient être apportées dans les prochaines années.

M. Guy Benarroche. - Merci pour vos travaux. La question de la démocratie sera de plus en plus préoccupante. La recherche de solutions est toujours la bienvenue. Nous devons être ouverts à toutes les propositions, sachant que nous avons déjà reçu des maires qui proposaient des solutions originales.

Les dispositifs mis en place pour favoriser la démocratie citoyenne ne fonctionnent pas toujours. Dans ma commune, la mise en place des conseils des jeunes, il y a quinze ans, n'a pas permis d'augmenter la participation électorale.

Les « faiseurs » et les « diseurs » sont distingués. Toutefois, certaines personnes réalisent des actions, dans le cadre de leur vie personnelle, mais pas dans le cadre de la vie politique. Lors de mon parcours écologiste, j'ai constaté que de nombreuses personnes ont changé leur vie personnelle et leur rapport à leur société. Elles mènent des actions, mais pas au niveau du pays, de la commune ou du département, parce qu'elles ne font plus confiance à l'action publique pour changer leur vie. La politique et la commune sont considérées comme des biens de consommation. Dans notre société, tous les sujets (la santé, la sexualité, la politique...) sont considérés comme des biens de consommation. Tant que cette conception perdurera, il sera difficile de lutter uniquement dans le domaine politique.

Mme Françoise Gatel, présidente . - La démocratie ne sera pas revivifiée par la loi.

Si le vote devient obligatoire, le taux de participation aux élections sera bien sûr élevé. Toutefois, le sentiment d'appartenance à la communauté ne sera pas forcément accru. La démocratie doit être portée, sur le territoire, par les familles, les élus, les écoles et les associations.

Notre rapport à la société est en effet un rapport de consommation. Le remède est dans l'amélioration de l'efficacité de l'action publique. Les personnes auront confiance en elle une fois que les élus réaliseront des actions qui servent les citoyens.

La gratuité des services ne permet pas de responsabiliser les citoyens. Chacun doit contribuer à la vie de la commune, sans remettre en cause le principe de la solidarité.

M. Jean-Michel Houllegatte, corapporteur . - Nous devons distinguer les lieux et les liens.

La commune est notre lieu d'habitation. À partir de notre lieu d'habitation, des liens doivent être créés et partagés autour des valeurs républicaines.

Actuellement, nous privilégions les liens, notamment des liens virtuels, qui créent d'autres lieux, externes à la commune.

Nous souhaitons réhabiliter le terme « habitat ». L'habitat n'est pas seulement le lieu où nous habitons, il est aussi l'endroit où nous exerçons notre citoyenneté.

Nous avons insisté, dans nos travaux, sur la nécessité de reconnaître les personnes qui s'impliquent quotidiennement dans des actions et qui créent des liens.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Je vous propose d'adopter nos propositions. Êtes-vous favorables à ce que nous votions sur l'ensemble des propositions, plutôt que sur chaque proposition ? Puis-je considérer que ces propositions font consensus ?

Les membres de la délégation se prononcent en faveur d'un vote global.

Les propositions sont adoptées à l'unanimité.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mercredi 3 novembre 2021

• Elodie JACQUIER-LAFORGE et Raphaël SCHELLENBERGER,

députés, suite à leur rapport d'information flash sur « la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal ».

Jeudi 4 novembre 2021

• Table ronde sur « les élus aujourd'hui »

M. Martial FOUCAULT, directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) ;

M. Olivier ROUQUAN, chercheur en sciences politiques.

Jeudi 2 décembre 2021

• Mme Katharina ZUEGEL, co-directrice du Think tank « Décider ensemble » ;

• Table ronde sur « les médias et la démocratie locale »

M. François-Xavier LEFRANC, rédacteur en chef du journal « Ouest-France » ;

M. Luc BRONNER, grand reporter au journal « Le Monde ».

Jeudi 9 décembre 2021

• Table ronde sur « la parité dans les exécutifs locaux »

Mme Cécile GALLIEN, maire de Vorey (Haute-Loire) et référente du groupe de travail pour la promotion des femmes dans les exécutifs locaux à l'Association des Maires de France (AMF) ;

Mmes Danièle BOUCHOULE et Reine LEPINAY, coprésidentes de l'association « Elles aussi » ;

Mme Nadine KERSAUDY, vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) en charge de la parité.

Jeudi 16 décembre 2021

• Table ronde sur « comment les collectivités territoriales redynamisent-elles l'engagement citoyen au niveau local ? »

M. Yvan LUBRANESKI, maire de Les Molières, vice-président de l'AMRF et président des Maires ruraux de France en Essonne ;

MM. Hervé CHARNALET, maire d'Orgeval et Éric BERDOATI, maire de Saint-Cloud, représentants de l'Association des maires d'Île-de-France (AMIF) ;

M. Gilles MENTRE, co-fondateur de l'association Electis.

Mercredi 19 janvier 2022

• Echange de vues avec la mission d'information du Sénat sur « comment redynamiser la culture citoyenne ? »

MM. Stéphane PIEDNOIR et Henri CABANEL, sénateurs et, respectivement, président et rapporteur de la mission d'information.

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