EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 16 février 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de MM. Vincent Eblé et Didier Rambaud sur les services à compétence nationale du ministère de la culture dédiés à la recherche patrimoniale.
M. Albéric de Montgolfier , président . - Nous en venons maintenant à la communication de Vincent Éblé et Didier Rambaud sur les résultats de leurs travaux de contrôle sur le financement de la recherche patrimoniale par le ministère de la culture et sur l'enseignement supérieur du spectacle vivant.
M. Didier Rambaud , rapporteur spécial . - Dans la lignée de notre rapport sur l'enseignement supérieur en arts plastiques, qui reprenait une partie des conclusions de l'enquête menée par la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances , nous avons souhaité mener, avec Vincent Éblé, un contrôle budgétaire sur l'enseignement supérieur des disciplines du spectacle vivant, en ciblant plus précisément les quatre opérateurs du ministère de la culture chargés de cette mission : les conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse de Paris et Lyon, le conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris, et le centre national des arts du cirque, implanté à Châlons-en-Champagne.
L'enseignement supérieur de la musique et de la danse repose aujourd'hui sur deux conservatoires nationaux supérieurs situés à Lyon et Paris (constitués en établissements publics administratifs) et sur 13 pôles d'enseignement supérieur dont trois pôles pluridisciplinaires Arts Plastiques et Spectacle Vivant (Isdat à Toulouse, Hear à Strasbourg, Esal à Metz).
S'agissant de l'enseignement de l'art dramatique et de la marionnette, 13 établissements y participent : le conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris (constitué en établissement public administratif), l'école du Théâtre national de Strasbourg (constituée en établissement public industriel et commercial), l'école nationale supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT), placée sous tutelle du ministère de l'éducation nationale, et dix écoles sous statut associatif (9 écoles d'art dramatique et l'Institut international de la Marionnette-IIM).
En ce qui concerne le cirque, trois établissements sont habilités à délivrer le diplôme national supérieur professionnel : le Centre national des arts du cirque (CNAC) opérateur sous statut associatif, l'Académie Fratellini et l'école supérieure des arts du cirque Toulouse-Occitanie (Ésacto'Lido).
La subvention apportée par le ministère de la culture aux quatre opérateurs s'élève, au sein de la loi de finances pour 2022, à 48,6 millions d'euros (AE=CP), soit 19,25 % des crédits dédiés aux opérateurs de l'enseignement supérieur culture au sein du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Le programme 361 retrace également les financements du ministère de la culture en direction des autres structures dédiées à l'enseignement du spectacle vivant : établissements d'enseignement supérieur en musique, danse et théâtre, conservatoires territoriaux, pôles d'enseignement supérieur, et organismes de formation aux techniques du spectacle.
L'ensemble forme un réseau dense de structures de formation réparties partout sur le territoire et dont les quatre opérateurs du ministère de la culture peuvent apparaître, à des degrés divers, comme les plus beaux fleurons.
Les 380 conservatoires territoriaux relèvent, en principe, de la compétence des collectivités territoriales. La participation de l'État à leur financement est motivée par une dynamique d'aménagement culturel du territoire, dans un souci de développer un véritable maillage territorial et de favoriser l'accès aux contenus culturels pour le plus grand nombre. Dans ces conditions, le réseau des conservatoires est soutenu directement par le ministère de la culture, qui exerce un contrôle pédagogique.
La loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP), adoptée en 2016, a, en principe, clarifié le cadre juridique applicable aux conservatoires. La crise sanitaire n'a cependant pas permis d'engager les transformations réglementaires sur les établissements d'enseignement spécialisé relevant des collectivités territoriales.
En attendant, la loi de finances pour 2022 prévoit différents financements pour les conservatoires territoriaux, dont le montant total atteint 27,3 millions d'euros. Si le montant versé demeure relativement stable d'une année à l'autre, les modalités d'attribution des aides semblent cependant manquer de clarté et sont jugées inégales selon les directions régionales des affaires culturelles.
La mise en place de « pôles d'enseignement supérieur » constitués en établissements publics de coopération culturelle (EPCC) régionaux ou interrégionaux participe, quant à elle, du processus de structuration juridique, administrative, financière et scientifique de l'enseignement supérieur du spectacle vivant souhaité par le ministère de la culture. 13 établissements sont concernés. 11,3 millions d'euros sont dégagés pour le financement de ces pôles en loi de finances pour 2022.
Restent plusieurs écueils s'agissant de ces pôles.
Le premier tient à leur identité et à leur positionnement par rapport aux conservatoires nationaux et aux conservatoires territoriaux à rayonnement régional (CRR).
Le second écueil tient à leurs moyens : les pôles ont ainsi additionné les missions, sans réelle consolidation des moyens, au risque de connaitre une réelle crise de croissance.
Enfin, la principale difficulté de ces pôles concerne l'absence de locaux dédiés ou de locaux en propre. Il en résulte un éclatement des activités préjudiciable à la bonne organisation des cursus mais aussi à l'identité et à la visibilité de ces pôles.
Mais revenons aux quatre opérateurs. Nous avons identifié trois défis communs à ces structures.
Le premier a trait à l'insertion professionnelle. Selon les prévisions du ministère, 94 % des diplômés de l'enseignement supérieur dans le domaine du spectacle vivant et du cinéma devaient obtenir un emploi dans leur secteur de compétence en 2021 dans les trois ans suivant l'obtention de leur titre, contre 89 % en 2020.
Le ralentissement de l'activité culturelle lié à la crise sanitaire fragilise bien évidemment l'entrée sur le marché du travail. Les incertitudes entourant une reprise pleine et entière de l'activité dans le domaine du spectacle vivant supposeraient un suivi renforcé de cette question. Nous relevons qu'aucun dispositif particulier n'a été proposé au sein de la mission « Culture » ou de la mission « Plan de relance ».
Le taux global d'insertion doit par ailleurs être affiné et mieux documenté, s'agissant des revenus perçus notamment. Le Jeune théâtre national (JTN), chargé du suivi de l'insertion professionnelle des élèves issus du 1 er cycle du CNSAD pourrait à ce titre constituer un exemple à suivre pour les autres enseignements.
Le deuxième sujet tient à l'ouverture sociale de ces opérateurs. Elle ne peut simplement être saisie au travers du sujet des bourses. Le nombre de préparations publiques permet d'affiner en effet ce raisonnement. Le ministère a octroyé son agrément à une quarantaine d'établissements proposant des cycles préparatoires aux concours des écoles d'enseignement supérieur. Ils sont pour l'essentiel publics.
L'offre publique ne saurait occulter l'attractivité des formations privées. Ainsi pour le CNSAD, les candidatures pour l'entrée en 1 er cycle sont en moyenne issues à 55 % des cours privés et à 45 % des cours publics. Cette attractivité reste cependant insuffisamment documentée pour en tirer des conclusions. Les établissements ne communiquent pas en effet sur le parcours des candidats acceptés aux concours. Il en résulte une difficulté à apprécier l'efficience de l'offre préparatoire publique.
Dernier sujet, et non des moindres, celui de la mise à niveau des sites. Les quatre opérateurs ont en commun un recours significatif aux fonds publics en vue de financer d'importants investissements destinés à la mise à niveau de sites parfois anciens et à leur extension : 14,5 millions d'euros ont ainsi été consommés entre 2017 et 2020. Le Plan de relance prévoit par ailleurs 18,9 millions d'euros pour mener à bien des projets jusqu'alors non financés.
Cette somme ne couvre pas le très coûteux projet de Cité du théâtre, destiné à rassembler sur le site des Ateliers Berthier dans le 17 ème arrondissement de Paris, les salles de la Comédie Française et de l'Odéon et le Conservatoire national supérieur d'art dramatique.
Le projet est financé sur les crédits du programme 131 « Création ». Le budget travaux de la Cité du théâtre a été initialement évalué à 86 millions d'euros toutes dépenses confondues (TDC) hors-taxe. Cette somme couvre l'acquisition d'une partie du terrain auprès de la Ville de Paris qui a évalué son prix à 12 millions d'euros. La livraison des travaux est prévue à l'horizon 2025. Reste que l'avant-projet sommaire (APS) consolidé, remis en avril 2021 par les architectes sélectionnés en 2018, laisse apparaître un montant d'opération plus élevé que l'estimation initiale. Les origines de ces surcoûts sont diverses, liées en grande partie à la prise en compte de diagnostics remettant en cause des hypothèses d'études initiales trop optimistes. Des pistes d'économies sont donc en cours d'examen par la maîtrise d'ouvrage.
Un état des lieux précis nous semble indispensable dans l'optique de la prochaine loi de finances comme nous souhaitons que soit détaillée l'utilisation des crédits du Plan de relance.
Ces observations font partie des huit recommandations que nous vous proposons d'adopter aujourd'hui.
M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - La deuxième mission de contrôle budgétaire que nous avons souhaité mener relève d'un tout autre sujet.
La recherche en faveur des patrimoines regroupe les recherches menées sur le patrimoine archéologique, le patrimoine ethnologique, le patrimoine immobilier et mobilier, le patrimoine muséographique, le patrimoine archivistique, écrit et oral, ainsi que les recherches en conservation et restauration.
Trois services à compétence nationale (SCN) du ministère de la culture et de la communication sont spécifiquement dédiés à la recherche patrimoniale : le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH), le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM).
Créé en 1967, le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) dépend de la direction générale des patrimoines et de l'architecture du ministère de la culture.
Le LRMH est organisé autour de 9 pôles thématiques : grottes ornées, vitrail, métal, béton, peinture murale, pierre, bois, textile et microbiologie. Il répond à deux objectifs : apporter une assistance scientifique et technique aux travaux de conservation et de restauration des monuments historiques et développer une activité de recherche.
Le LRMH réalise environ 300 opérations par an. Il intervient toujours à titre gracieux.
Installé depuis 1970 dans les communs du château de Champs-sur-Marne, il est composé de 36 agents, dont 23 à vocation scientifique. Versée via les programme 175 « Patrimoines » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », la dotation au LRMH s'élève à 0,89 million d'euros en AE et 0,96 million d'euros en CP en 2022, après mise en réserve.
Mis en place le 1 er janvier 1999, le C2RMF est issu du regroupement du laboratoire de recherche des musées de France (LRMF), créé en 1931, et des services de restauration des musées de France, progressivement développés à partir de 1966. Le C2RMF est implanté sur deux sites : le palais du Louvre (laboratoires et ateliers de restauration) et la petite écurie du Roi au sein du château de Versailles (ateliers de restauration).
Le C2RMF participe principalement à la mise en oeuvre de la politique de la direction générale des patrimoines en matière de recherche, de conservation préventive et de restauration des collections des musées de France. Il constitue, à cet effet, une documentation sur les matériaux, les techniques et la restauration des oeuvres des musées afin d'approfondir la connaissance des matériaux constitutifs des oeuvres. Il met également en oeuvre des stratégies en conservation et restauration du patrimoine des musées à l'échelle nationale. Il dispose, en matière de recherche, d'outils innovants, à l'image de l'accélérateur de particules AGLAE. Le C2RMF est, en principe, une structure uniquement dédiée à la valorisation des collections des musées de France. Il ne procède pas à la formation stricto sensu des restaurateurs. Celle-ci relève de l'Institut national du patrimoine. Les étudiants de cet institut peuvent néanmoins effectuer des stages au sein du Centre. Service technique compétent en matière de restauration, le C2RMF participe, en outre, à la mise en oeuvre du contrôle technique et scientifique de l'État.
La dotation versée au Centre par le ministère de la culture, via les programmes 175 et 361 s'élève à 4,69 millions d'euros en AE et 4,02 millions d'euros en CP en 2022, après mise en réserve. Ses effectifs sont plafonnés à 151 ETP. Peuvent être associés aux travaux du Centre des doctorants et des chercheurs du CNRS.
Le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) a pour mission principale la préservation du patrimoine archéologique subaquatique et sous-marin. Il est compétent pour toutes les recherches archéologiques impliquant un recours à la plongée. Il est l'héritier de la direction des recherches archéologiques sous-marines (DRASM), mise en place en 1966 au sein du ministère de la culture.
En matière d'archéologie préventive, le DRASSM peut participer aux évaluations concernant principalement la construction des champs éoliens off-shore et la pose des câbles numériques et électriques immergés d'interconnexion. Le DRASSM est en effet compétent pour prescrire des travaux d'aménagement dans ce domaine, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) intervenant en principe en tant qu'opérateur. Sa zone d'intervention est extrêmement étendue, comprenant 11 millions de km² de zone économique exclusive. Son champ d'intervention est large puisqu'il couvre la grotte Cosquer (- 28 000 ans) comme les épaves du Débarquement (1944). Entre 100 000 et 150 000 épaves seraient ainsi sous sa juridiction.
Le DRASSM est composé de 36 agents, chercheurs et administratifs. Après avoir occupé depuis 1966 le fort Saint-Jean de Marseille, il est actuellement implanté sur le site de l'ancien stade de l'Estaque à Marseille. Il disposait jusqu'en 2021 d'une flotte composée de l'André Malraux, navire hauturier de 36 mètres, et du Triton, navire côtier (14 mètres). Il compte, depuis le 2 juillet 2021, un second navire hauturier, l'Alfred Merlin.
La loi de finances pour 2022 prévoit une dotation de 1,209 million d'euros en AE et 1,08 million d'euros en AE, versée via le programme 175 « Patrimoines ». Un fonds de concours abondé presque exclusivement par le produit des conventions d'évaluation archéologiques signées entre le DRASSM et les aménageurs en mer vient compléter ce financement. La loi de finances initiale 2021 prévoyait ainsi 0,93 million d'euros (AE=CP) de dotation complémentaire via ce fonds de dotation.
L'examen des crédits dédiés à la recherche patrimoniale au sein du programme 175 « Patrimoines » et du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » souligne, au-delà des trois services à compétence nationale, la multiplicité des acteurs publics dans ce domaine.
Deux groupements d'intérêt public à caractère culturel (CICRP et Arc'Nucléart) et un laboratoire départemental (Arc'Antique) concourent ainsi à des missions couvertes par le LRMH et le C2RMF. Deux établissements publics ont un rôle moteur en matière de recherche patrimoniale : l'Institut national de l'histoire de l'art - INHA et l'Institut national de recherches archéologiques préventives - INRAP.
Il y a, dans ces conditions, lieu de s'interroger sur l'efficacité de l'allocation de moyens à un nombre important de guichets, sans que ne soient définis les axes d'un projet global en matière de recherche patrimoniale. Nous redoutons ainsi un morcellement des moyens accordés, rendant le soutien public insuffisant.
La création de la Fondation des sciences du patrimoine aurait dû être le prélude à un rapprochement des structures publiques dédiées à la recherche patrimoniale. Ce pôle commun permettrait de mettre en place une logique de guichet pour les acteurs extérieurs, confrontés pour certains d'entre eux à des difficultés d'accès au C2RMF et au LRMH. Il répondrait aux défis auxquels ils font face, qu'il s'agisse des questions de personnels ou de la mutualisation des moyens, sans gommer les spécificités de chacune des entités.
Créée en 2015 et réunissant 14 États membres de l'union européenne, E-RIHS ( European Research Infrastructure for Heritage Sciences ) vise à changer de dimension, en prévoyant la mise en place d'une véritable infrastructure commune. Les perspectives ouvertes par E-RIHS et la mise en place d'une coordination au niveau national incitent à un rapprochement plus étroit des entités publiques en vue de favoriser la mutualisation des moyens et l'interopérabilité attendues.
E-RIHS pose cependant la question du maintien pour les acteurs extérieurs nationaux des conditions d'accès aux outils du C2RMF et du LRMH, qui devraient être sollicités par nos partenaires européens au risque de générer un manque de disponibilité, voire une saturation. La question de l'utilisation de l'accélérateur de particules du C2RMF Aglaé est notamment posée.
S'agissant du DRASSM, trois points ont retenu notre attention.
Le premier a trait à sa complémentarité à parfaire avec l'INRAP, dès lors qu'une opération de vérification lui est confiée. Une mise à disposition des moyens matériels conséquents dont dispose le DRASSM via sa flotte apparaît indispensable. Il s'agirait ainsi de rentabiliser celle-ci. Les travaux d'entretien et d'adaptation de cette flotte ont atteint 2,54 millions d'euros entre 2015 et 2021. Ce montant apparaît relativement important au regard de la date relativement récente d'acquisition des bâtiments. Ainsi, s'agissant du Triton acquis en 2016, les coûts d'entretien représentent déjà près de 30 % du prix d'acquisition. Une telle flotte peut d'ailleurs apparaitre disproportionnée. Nous avons ainsi un nombre limité du nombre de jours en mer de l'André Malraux depuis 2014, qui ne dépasse jamais 140 par an.
Au-delà du coût de la flotte, nous nous interrogeons également sur l'importance des versements effectués aux associations. Le DRASSM subventionne certaines opérations menées par des associations qui disposent de moyens plus légers. Reste que le montant des subventions versées par le DRASSM entre 2015 et 2020 atteint 791 664 euros. Il s'élevait à 124 960 euros en 2020, soit 14 % des crédits de fonctionnement du DRASSM lors de cet exercice.
Ces observations font partie des huit recommandations que nous vous proposons d'adopter aujourd'hui.
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Merci Monsieur le Président, et merci à nos deux rapporteurs qui ont réalisé un vrai travail d'immersion dans ce secteur, avec un certain nombre d'acronymes et, en ce qui me concerne, en tous les cas, d'instituts et d'institutions dont je découvre pour une part la réalité et l'existence.
J'aurai des questions à la fois pour le rapporteur Didier Rambaud et pour le rapporteur Vincent Éblé.
Pour M. Rambaud, au sujet des pôles d'enseignement supérieur constitués en établissements publics de coopération culturelle, qu'ils soient régionaux ou interrégionaux, il est souligné qu'une des difficultés majeures relève du fait qu'ils ne disposent pas de locaux dédiés ou propres. Au-delà de la recommandation, quel choix serait, du point de vue du rapporteur spécial, le plus judicieux, et je pose la question puisque nous sommes en commission des finances : qui devrait être l'opérateur et notamment le financeur ? Je pose la question en allant encore plus loin, puisque cela me rappelle les équipements culturels ou sportifs des années 60, avec des biens qui, une fois payés, sont dévolus à une collectivité. Alors on est content quand le bien est neuf mais quand on le récupère et qu'il faut, au-delà de l'entretenir, le rénover ou faire une grosse remise en état, souvent les moyens manquent.
Je souscris par contre complètement à l'axe 3 sur la question de l'ouverture sociale. Je pense qu'il serait intéressant d'aller un peu plus loin pour voir à la fois comment le rayonnement se fait bien dans le territoire et comment, cela a été évoqué, il y a une accessibilité à l'ensemble des Français, dans leur diversité de moyens et de condition sociale.
Et pour Vincent Éblé, je vois dans la recommandation n° 6 qu'il y a une exonération qui existe depuis 2019 de la redevance d'archéologie préventive pour les projets d'installation de câbles numériques. Je voulais savoir quelle était la raison et surtout l'origine de cette exonération qui, en 2022, me paraît assez atypique. Je ne suis pas spécialement favorable aux taxes multiples et diverses mais on sait que dans ce secteur d'activité, comme pour le gaz et l'électricité, ce n'est pas illogique qu'il y ait une taxe puisqu'au fil du temps, les opérateurs, un peu comme dans le foncier, tiennent le lien et notamment là le câble, ce qui me paraît être un moyen pour eux d'avoir des rentrées économiques liées au droit de passage ou de location. Cela ne risque-t-il pas, ce qui serait dommage, de mettre en difficulté l'équilibre économique et notamment celui de l'INRAP ?
M. Rémi Féraud . - J'ai une question sur la partie du rapport présenté par Didier Rambaud sur la Cité du théâtre dans le 17 ème arrondissement de Paris. C'est un projet qui, je crois, date de la présidence de François Hollande et qui aujourd'hui a pris beaucoup de retard dans sa mise en oeuvre. Donc en tant qu'élu parisien, cela m'intéresse de voir que cela est dû aussi à une dérive des coûts qui étaient évalués de manière très optimiste au début. J'ai bien vu la recommandation n° 8 qui est d'avoir un point actualisé au moment de la présentation du PLF 2023 et je crois que c'est en effet important. Cependant, j'ai une question sur la remise en question de ce projet si son coût s'avérait déraisonnable par rapport aux finances publiques et par rapport aux besoins ou si le ministère de la culture, en tout cas aujourd'hui, y accorde suffisamment d'importance pour dégager à l'avenir les crédits nécessaires ? C'est par ailleurs un très beau projet qui faisait consensus.
M. Albéric de Montgolfier , président . - Concernant l'enseignement supérieur de la musique, existe-t-il des financements privés qui lui seraient affectés, venant par exemple du téléchargement (« streaming ») ?
S'agissant de l'organisation de la recherche patrimoniale, je partage l'idée d'un regroupement des compétences, même si certaines d'entre elles ne doivent pas être concernées. Un grand laboratoire de recherche ne serait pas forcément plus pertinent. En revanche, les synergies avec les universités, avec le CNRS et les laboratoires de collectivités locales doivent être encouragées. On a le sentiment d'un fonctionnement cloisonné, qui pourrait être surmonté par davantage d'axes communs de recherche.
M. Didier Rambaud , rapporteur spécial . - Comme vous l'avez relevé, Monsieur le rapporteur général, les pôles d'enseignement supérieur sont constitués en établissements publics de coopération culturelle (EPCC) régionaux ou interrégionaux. Leur financement associe collectivités territoriales et État. La volonté de les faire rayonner et de favoriser la mise en place d'une nouvelle cartographie de l'enseignement supérieur du spectacle vivant suppose aujourd'hui un soutien plus important de l'État.
S'agissant de l'insertion professionnelle, les chiffres de 2020 et ceux attendus en 2021 sont bons. Reste désormais à mesurer l'impact de la crise sanitaire et notamment les conditions de recrutement dans un secteur pour partie sinistré.
En ce qui concerne le projet de Cité du théâtre qu'a abordé Rémi Féraud, nous ne pouvons que constater retard et surcoûts. Il n'existe pas pour autant de réelle alternative, la surélévation actuelle du bâtiment du Conservatoire national supérieur d'art dramatique serait ainsi génératrice de coûts très importants, alors que le gain de fonctionnalité est jugé réduit.
Une des raisons du retard tient notamment aux tensions entre la ville de Paris et le ministère de la culture au sujet du prix du terrain sur lequel une partie de la Cité devrait être bâtie... Le projet n'est pas pour autant remis en cause, comme nous l'avaient confirmé les représentants de la direction générale à la création artistique lorsque nous les avions auditionnés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022.
Enfin, pour répondre à Albéric de Montgolfier, il n'existe pas, dans le domaine de la musique en géneral et de son enseignement en particulier, de dispositif proche de celui mis en place récemment pour la production audiovisuelle et cinématographique, qui prévoit la participation des plateformes au financement de la création.
M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - S'agissant de la redevance d'archéologie préventive (RAP), j'en rappellerai brièvement les contours. Mise en place en 2001, elle permet de financer les diagnostics archéologiques réalisés par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) et par les collectivités territoriales qui ont choisi d'exercer cette compétence.
La redevance répond au principe de l'« aménageur-payeur ». Elle est due par les aménageurs qui projettent de mettre en oeuvre des travaux affectant le sous-sol, qu'il soit terrestre ou marin. Le taux de cette redevance est fixé à 0,40 % de la valeur d'un ensemble immobilier si celui-ci est soumis à une autorisation ou à une déclaration préalable en application du code de l'urbanisme. Ce taux passe à 0,58 euro par mètre carré lorsqu'elle cible des travaux donnant lieu à une étude d'impact en application du code de l'environnement ou, dans le cas des autres travaux d'affouillement, lorsqu'ils sont soumis à une déclaration administrative préalable. Ce montant est indexé sur l'indice du prix de la construction.
Les travaux et aménagements dont la surface au sol est inférieure à 3 000 mètres carrés ne donnent pas lieu au paiement de cette redevance.
Prenant acte du caractère disproportionné du montant de la redevance s'agissant des travaux maritimes, la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a précisé les modalités de calcul et d'établissement de la RAP pour les opérations d'aménagements réalisées en mer .
Deux zones sont distinguées. Au sein de la zone côtière, le montant de la redevance est établi à 0,58 euro par mètre carré. Ce montant est identique à celui applicable aux opérations terrestres, compte tenu de la facilité d'accès de cette zone dite « côtière » et de la probabilité élevée de découvertes archéologiques en son sein. S'agissant de la zone de pleine mer, deux options sont ouvertes : l'opération peut être exonérée si elle est située dans cette zone et si elle fait l'objet d'une opération d'évaluation archéologique réalisée dans le cadre d'une convention conclue entre l'État et l'aménageur, les moyens mis en oeuvre étant à la charge de l'aménageur. La loi de finances pour 2019 précise que cette exonération s'applique dans « tout ou partie » de cette zone ; en l'absence d'une évaluation archéologique réalisée dans le cadre de la convention précitée, le montant de la redevance est fixé à 0,10 euro par mètre carré.
La loi de finances pour 2019 prévoit également d'exonérer de RAP l'installation des câbles sous-marins numériques qui contribuent à la résilience des communications en France, à la continuité des activités vitales, et sont des atouts majeurs en matière de souveraineté numérique et d'autonomie stratégique sur les télécommunications. Cette exonération a été adoptée par voie d'amendement à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
La redevance est établie par les services de l'État chargés de l'archéologie sous-marine, en l'espèce le DRASSM. La liquidation de la RAP maritime a commencé de manière effective en octobre 2020, faute de ressource interne pour le faire avant cette date. D'octobre 2020 à octobre 2021, le total des montants liquidés s'élève à environ 2,32 millions euros.
La mise en place d'un régime alternatif pour le domaine maritime et l'extension des possibilités d'exonération en 2019 n'ont pas conduit à une diminution des ressources du DRASSM. La RAP ne constitue plus une taxe affectée depuis la loi de finances pour 2016. Elle ne l'était pas pour autant avant, le DRASSM n'ayant pas, à la différence de l'INRAP, le statut d'opérateur.
Pour en revenir à l'exonération des projets d'installation de câbles numériques, ceux-ci ne sont pas pour autant libérés de la procédure d'archéologie préventive, au risque de créer un réel déséquilibre financier pour l'État. L'INRAP doit en effet intervenir en cas de prescription de diagnostic par le DRASSM dans le cadre d'opérations qui engendrent des coûts non négligeables. C'est pourquoi nous demandons la systématisation de conventions d'évaluation archéologique tarifées entre les opérateurs et le DRASSM.
La remarque d'Albéric de Montgolfier rencontre notre préoccupation sur le manque de synergies entre les établissements dédiés à la recherche patrimoniale. Sans gommer les spécificités de chacun d'entre eux, il convient d'oeuvrer à un rapprochement entre ces structures afin d'éviter un morcellement des soutiens financiers et mettre en commun les ressources.
M. Albéric de Montgolfier , président . - Je vous remercie pour ces réponses.
La commission a adopté les recommandations des rapporteurs spéciaux et a autorisé la publication de leurs communications sous la forme de deux rapports d'information.