C. DÉVELOPPER LES USAGES NUMÉRIQUES EN PLEINE CONFORMITÉ AVEC LE PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ

1. Un principe général : déterminer l'échelon pertinent d'intervention

En application du principe de subsidiarité inscrit à l'article 72 de la Constitution depuis 2003 21 ( * ) , « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent être mises en oeuvre à leur échelon ». Le principe de subsidiarité implique ainsi d'organiser les politiques publiques à l'échelon le plus proche des citoyens, au plus près des territoires. Ainsi, la commune doit, en principe, être préférée à l'intercommunalité et au département, sauf s'il est établi que l'action de ces derniers est plus efficace. Ce principe a naturellement toute sa pertinence dans la conduite des projets numériques.

Ainsi, le rapport précité, intitulé « les collectivités territoriales face au défi de la cybersécurité » souligne la nécessité de réfléchir à l'application du principe de subsidiarité en matière de politique de sécurité numérique .

Deux critères doivent être pris en compte pour apprécier le niveau pertinent d'intervention et la « taille critique » : la soutenabilité financière et la technicité requise par le projet. En effet, il apparait nécessaire de confier la compétence numérique à l'échelon qui assure la meilleure veille technologique et qui dispose des meilleures compétences . Cette exigence se justifie d'autant plus dans un contexte marqué par un foisonnement de l'offre numérique , foisonnement qui a été souvent relevé lors des auditions.

Ce principe de subsidiarité, indique le rapport, permettrait aux petites collectivités, identifiées comme des « maillons faibles », de bénéficier, par l'effet de la mutualisation, d'une protection numérique renforcée . L'échelle de pertinence doit être appréciée in concreto selon les réalités territoriales. Il peut s'agir soit du niveau intercommunal, soit départemental .

Comme l'a souligné Mme Françoise GATEL, présidente de notre délégation, lors de la table-ronde précitée du 28 octobre 2021, « il n'est pas possible de définir a priori une échelle de pertinence. L'intercommunalité peut être extrêmement pertinente alors que, dans d'autres cas, le sujet est porté par les départements. Il est surtout important que le sujet soit traité au niveau du territoire le plus pertinent, en confiant le sujet à des collègues compétents sur les sujets de cybersécurité ».

Le principe de subsidiarité vaut non seulement pour les projets de sécurisation des données, mais aussi pour ceux visant à développer les usages en matière de protection des populations. La mutualisation répond ainsi à l'objectif de renforcement de l'expertise locale , « d'interopérabilité » et de « sobriété » des outils numériques. Vos rapporteurs ont souhaité, en particulier, insister sur l'intérêt de mutualiser les centres de supervision urbain .

2. mutualiser les centres de supervision urbain

Le rapport précité de notre délégation consacré à l'« ancrage territorial de la sécurité intérieure » préconise de mettre en commun des agents de police municipale dans le cadre des centres de supervision urbain . L'objectif est double : d'une part, amortir le coût de réalisation de ces centres, d'autre part, de suivre des images dans une zone géographique aussi étendue que possible. Toutefois, cette nécessité se heurte à certaines réticences liées à la crainte des maires de se voir dépossédés de leur pouvoir de police 22 ( * ) .

Contactée par vos rapporteurs, l'association « Villes de France » a ainsi souligné le faible nombre de villes moyennes qui mènent des projets mutualisés de centres de supervision urbain 23 ( * ) . L'association a simplement cité des projets en cours au sein des communautés d'agglomération d' Ajaccio et de Mont-de-Marsan .

De même l'association n'a constaté, à ce stade, aucun effet positif résultant de la simplification opérée par la loi du 25 mai 2021 dite « sécurité globale ». En  effet, dans sa rédaction antérieure à cette loi, le code de la sécurité intérieure prévoyait un seuil de 80.000 habitants au-delà duquel des communes formant un seul tenant 24 ( * ) mais non membres d'un même EPCI, ne pouvaient pas mettre en commun leurs agents de police municipale (art 512-1 du code de la sécurité intérieure). Dès lors que cette mutualisation fonctionne sur la base du volontariat, ce seuil démographique a été opportunément supprimé par le législateur. Les possibilités de mutualisation des centres de supervision urbains ont donc été élargies. Vos rapporteurs encouragent donc les communes à faire un usage actif de ces nouvelles dispositions qui ne semblent pas encore utilisées.

Enfin, vos rapporteurs encouragent les élus à mobiliser le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) ainsi que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

En premier lieu, il y a lieu de rappeler que le FIPD, créé par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, est géré essentiellement par les préfets. Il a vocation à financer des actions qui déclinent localement la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024. La circulaire du ministère de l'intérieur en date du 5 mars 2020 25 ( * ) souligne l'intérêt de financer, via ce fonds, des projets de vidéo-protection : « Le développement de la vidéo-protection depuis ces dernières années s'est inscrit dans le cadre d'une politique de modernisation des outils au service de la sécurité . Elle peut également permettre aux enquêteurs de s'appuyer sur les images enregistrées dans le cadre d'une enquête judiciaire. (...) Pourront être soutenus dans ce cadre les projets d'installation de caméras sur la voie publique ou aux abords de lieux ouverts au public [et] les projets de centre de supervision urbain (..). Une attention particulière sera portée aux projets de vidéo protection disposant d'innovations technologiques ».

En second lieu, cette même circulaire recommande également aux préfets de « mobiliser la dotation d'équipement des territoires ruraux (...) pour le financement de ces systèmes de vidéo protection ».

Ajoutons que la circulaire du 30 avril 2021 relative aux orientations budgétaires du FIPD pour l'année 2021 invite les préfets à consacrer au moins 75 % des crédits qui leur sont délégués au titre du programme S (sécurisation) à des projets de vidéo-protection 26 ( * ) . Cette même instruction insiste sur la nécessité de « subventionner les projets portés par les collectivités intégrant nécessairement les transferts d'images vers les commissariats et brigades ». Enfin, cette circulaire recommande aux représentants de l'État « d'expérimenter le traitement automatisé de l'image (...), par exemple grâce à des logiciels de détection des situations comportant un danger manifeste (mouvement de foule inhabituel, intrusion dans un espace interdit, départ d'incendie...) ». Cette recommandation correspond à l'initiative menée, par exemple, par le syndicat mixte « Seine et Yvelines Numériques » dont le dispositif de surveillance ne s'allume que lorsque les algorithmes détectent une situation anormale dans l'un des lieux surveillés, comme indiqué supra .


* 21 Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République.

* 22 Voir la recommandation n°9 du rapport « ancrage territorial de la sécurité ».

* 23 L'association « Villes de France » regroupe les villes et intercommunalités de taille infra-métropolitaine (villes moyennes dont la population est comprise entre 10.000 et 100.000 habitants).

* 24 La notion « d'un seul tenant » a été définie en référence au principe de continuité territoriale : chaque commune doit être limitrophe d'au moins une des autres communes qui composent l'ensemble.

* 25 Voir la circulaire-cadre du 5 mars 2020 relative à la déclinaison territoriale des politiques de prévention de la délinquance et de prévention de la radicalisation pour les années 2020 à 2022 ainsi que la circulaire du 30 avril 2021 relative aux orientations budgétaires du FIPD pour l'année 2021.

* 26 Ce programme bénéficie de crédits de 15 millions d'euros pour l'année 2021.

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