C. SÉCURISER L'ACCÈS DES PME ET PMI DE LA BITD AU FINANCEMENT BANCAIRE
Enfin, les rapporteurs ont souhaité revenir sur l'impact tangible pour les industries de défense des difficultés d'accès au financement bancaire par les entreprises de la BITD pour le financement de l'innovation.
Au regard de l'absence de progrès réalisé entre les industries de défense, l'État et les banques autour de cette question, un nouveau tour de table a été réalisé pour faire le point sur les constats effectués à l'occasion de l'examen du PLF 2021 concernant les difficultés rencontrées en particulier par les PME et PMI auprès du secteur bancaire et les 3 préconisations visant :
- à ouvrir un dialogue entre l'Etat, principalement la DG Trésor, le Médiateur national du crédit, l'Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (APCR), les entreprises de la BITD et les banques ;
- à assumer une pédagogie et une communication autour de l'autonomie stratégique de la France au travers de son industrie de défense ;
- et à la soutenir par divers moyens : souveraineté économique, actions concertées au niveau européen pour s'affranchir des sanctions extraterritoriales américaines, constitution d'une BITD européenne, etc.
Depuis l'an dernier, on peut clairement discerner une pression accrue du contexte international sur la sphère bancaire . Sont à l'oeuvre des mécanismes classiques tels que le retrait officiel de certains pays (la Norvège) de certaines banques (HSBC) du financement d'opérations d'armement . Sur le front des ONG, la pratique du « name and shame » se développe tout particulièrement pour l'application du traité sur l'interdiction des armements nucléaires (TIAN) qui est entrée en vigueur le 22 janvier 2021, mais dont il faut rappeler que les pays détenteurs de l'arme nucléaire ne sont pas signataires. Cette pratique vise à désigner les industries d'armement et les banques qui les financent .
S'il ne faut pas négliger l'impact de ces pratiques, quel que soit le soutien qui puisse être attribué à leur cause, la DG Trésor a confirmé qu'en aucun cas les banques françaises ne s'étaient retirées, du moins officiellement du financement des industries de défense . À la demande insistante des rapporteurs pour avis, l'administration a toutefois livré les conclusions d'une enquête qui confirme et objective le phénomène :
• 40 % des entreprises ne rencontrent pas de difficultés de financement ;
• 60 % en rencontrent avec dans la moitié des cas des difficultés dues à la nature du pays de destination des exportations d'armes (pays sensibles, situation des droits humains, etc.) et dans l'autre moitié des cas des difficultés inhérentes à la surface ou la fragilité financière de l'entreprise (petits contrats, prestations de maintenance, etc.).
Parmi les causes de ce phénomène figure en premier lieu une « inflation des exigences bancaires », sous l'effet du développement de l'analyse du risque coût/image et des procédures internes de conformité ( compliance, due diligence, know your customer , etc.), mais aussi d'un « double langage » défavorable aux PME et PMI : oui aux « gros contrats qui rapportent », mais non aux petits contrats qui présentent un risque réputationnel supérieur au gain escompté. Les rapporteurs pour avis ont annoncé « ne pas lâcher l'affaire » et poursuivre leurs consultations sur ce sujet vital pour l'industrie de défense française .
L'autonomie stratégique en matière de BITD impose une réflexion, d'une part, sur le respect bancaire des autorisations d'exportation délivrées par la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), d'autre part, sur la constitution d'un fonds souverain de défense fédérant et allant au-delà des dispositifs actuels : DEFINVEST et Fonds d'innovation de la défense (FID) 7 ( * ) .
* 7 Le FID a été lancé en 2021 (il est trop tôt pour en dresser un premier bilan) et s'articule dans son organisation avec le fonds « French Tech Souveraineté » du programme d'investissements d'avenir (PIA) et prévoit un co-investissement avec BPI d'une part et des industriels d'autre part pour un montant pouvant aller jusqu'à 400 M€. Le ministère des Armées participe à hauteur de 200 millions d'euros sur 6 ans pour prendre des participations dans des entreprises innovantes en phase de croissance, start-ups, petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) développant des technologies duales et transverses intéressant le monde de la défense. Il vise à compléter l'action publique et l'investissement privé de soutien aux entreprises innovantes présentant un intérêt pour la défense en complémentarité avec le fonds DEFINVEST, plus centré sur le soutien des entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD).