B. CRÉDITS DÉDIÉS À L'INDUSTRIE DE LA MISSION ÉCONOMIE : UN BUDGET « ORDINAIRE » EN MANQUE D'ANTICIPATION
À l'inverse de la multiplication des annonces gouvernementales rivalisant de milliards, le budget de la mission « Économie » dédié à l'industrie traduit un retour à la normale qui tranche avec sa mobilisation dans le cadre de la relance.
La forte hausse des autorisations d'engagement et crédits de paiement (+ 58 et + 44 % respectivement) de la mission n'est due qu'à l'important abondement de deux lignes budgétaires, dédiées respectivement à une subvention au profit de La Poste et à l'ouverture de crédits à destination du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (520 millions et 748 millions d'euros respectivement). En dehors de ces efforts budgétaires très spécifiques, dont l'incidence sur le secteur industriel reste à démontrer, le reste des crédits de la mission poursuit sa tendance baissière.
Le rapporteur souhaiterait souligner deux points d'attention , sur lesquels le budget pour 2022 apparaît manquer d'anticipation :
• Quel accompagnement des entreprises en difficulté, des filières en transition et de leur personnel en 2022 ?
Les moyens humains de l'administration centrale, lorsqu'ils ne poursuivent pas leur baisse, se stabilisent. Ce plateau interroge la capacité de l'État à faire face, le cas échéant, à une nouvelle dégradation de la situation économique. La plupart des services et opérateurs chargés de la mise en oeuvre des mesures d'urgence, puis de la relance, ont renforcé leurs effectifs au cours de l'année 2020 ou 2021. Si ces deux types de mesures arrivent désormais à leur terme, il est nécessaire d'anticiper au mieux tant la transition hors des soutiens publics que les éventuelles difficultés qui en résulteront.
Par ailleurs, la politique publique devra prendre en compte tant les difficultés d'entreprises qui seraient susceptibles d'intervenir au cours de l'année 2022 - à la suite des faillites précitées notamment - que l'impact de ces dynamiques sur le personnel.
Part d'entreprises déclarant des pénuries
de main-d'oeuvre
limitant leur activité dans l'industrie
manufacturière (en %)
Source : Rapport du comité d'évaluation du plan France Relance, octobre 2021.
L'industrie se caractérise par une situation paradoxale : environ 80 000 emplois seraient aujourd'hui vacants, et le taux d'entreprises industrielles déclarant rencontrer des difficultés de recrutement n'a jamais été aussi élevé. Dans le même temps pourtant, de nombreux emplois industriels (notamment à temps partiel) ont été détruits sous l'effet de la crise, dont environ 20 000 emplois dans le seul secteur de la fabrication de matériels de transport, et ce en dépit des mesures de chômage partiel.
Les grands défis qui se profilent - au premier rang desquels le développement d'une filière intégrée du véhicule électrique en France - amplifieront ces tendances : on estime que 60 000 emplois, voire 100 000 emplois à l'horizon 2035 pourraient être détruits dans la filière automobile, en raison des évolutions technologiques impliquées (notamment au regard du déclin du bloc moteur). Repenser et réorganiser la chaîne de valeur est un enjeu existentiel pour la filière automobile, tandis qu'il est du ressort de l'État d'assurer l'attractivité de la terre de production française dans cette nouvelle distribution des rôles au niveau européen.
Cependant, les employés des entreprises industrielles ne sont pas égaux face à l'enjeu de reconversion et de formation : à titre d'exemple, les travailleurs du secteur de la fabrication de matériels de transport sont assez peu mobiles, et seuls 3 % d'entre eux changent de secteur au cours de leur carrière (Trésor Eco, n° 287, juin 2021, « Compétences et réallocations sectorielles des emplois après la crise ») .
Le rapporteur estime donc qu'il faut miser gros sur la formation. C'est là une formidable opportunité de réconcilier les jeunes Français avec l'industrie, tout en assurant la transmission des savoir-faire et en soutenant la réindustrialisation du territoire.
Or, ce pan de politique publique est réellement sous-dimensionné et ne fait pas l'objet d'un accompagnement suffisant de l'État. Beaucoup de fonds sont dédiés à la « modernisation des entreprises », pour le capital ou l'investissement, mais trop peu s'adressent directement à la formation des salariés. La filière automobile, par exemple, a mis en place un fonds de 50 millions d'euros pour les salariés des entreprises en procédure collective : c'est un exemple à suivre, mais qu' il convient d'amplifier et d'accompagner de moyens publics. Il conviendrait d'élaborer des stratégies détaillées par filière, identifiant des feuilles de route de transformation et offrant un soutien spécifique pour la formation et la reconversion des personnels.
• Pas de budgétisation du financement de la garantie de Bpifrance
Le rapporteur souligne par ailleurs, à nouveau, que le Gouvernement propose également l'extinction de la ligne budgétaire dédiée à l'activité de garantie de Bpifrance , qui avait pu être conservée en 2021 uniquement à l'initiative du Parlement pour maintenir la possibilité de financer, en tant que de besoin, cette activité. Là aussi, avec la fin projetée des prêts garantis par l'État (PGE) et la fin des enveloppes budgétaires de la mission « Plan de relance », il apparaît imprudent de supprimer le financement de Bpifrance en matière de garantie, qui n'est aujourd'hui ni assuré, ni transparent. Afin de soutenir les entreprises françaises qui feraient face à des difficultés d'accès au crédit, il est préférable de maintenir une forme de budgétisation des moyens d'action de Bpifrance.