CHAPITRE 4
LES CRÉDITS CONSACRÉS À
L'INDUSTRIE
(RAPPORTEUR POUR AVIS :
M. FRANCK
MONTAUGÉ)
Le budget pour 2022 devrait être celui de « l'après » : celui d'après la pandémie de Covid-19, d'après la crise économique, surtout celui d'après la relance dont les montants sont aujourd'hui largement engagés et qui touche à sa fin.
Pourtant, le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement, en particulier la mission budgétaire « Économie », apparaît comme un budget du passé.
Il traduit un retour à l'ordinaire et révèle un manque de vision stratégique, au vu des défis immenses révélés par la crise économique et que devront relever les industriels dans les années à venir : numérisation, évolution du modèle énergétique, sécurisation des intrants, mutation des filières... Pour ce qui concerne les crédits « Industrie », le projet de loi de finances pour 2022 n'est pas à la hauteur des enjeux en matière de puissance économique, d'emploi et de transition.
I. L'INDUSTRIE FRANÇAISE A FAIT PREUVE DE RÉSILIENCE MAIS DOIT DÉSORMAIS AFFRONTER DE NOUVEAUX DÉFIS TANT CONJONCTURELS QUE STRUCTURELS
A. L'INDUSTRIE A RÉSISTÉ À LA CRISE ET LA REPRISE EST LÀ, MAIS DES FACTEURS DE FRAGILITÉ SUBSISTENT ET LES DEUX PRINCIPALES FILIÈRES SONT EN DIFFICULTÉ
L'année 2021 a permis à l'industrie française de démontrer sa résilience et de rebondir, retrouvant des niveaux de performance proches de l'avant-crise :
- l'activité est inférieure de 3 % environ à celle de la fin de l'année 2019, alors qu'elle avait plongé de plus de 18 % au coeur de la crise. Les carnets de commandes sont aujourd'hui généralement bien remplis ;
- la trésorerie des entreprises a été préservée , en lien avec les prêts garantis par l'État et le chômage partiel notamment. Seules 7 % des entreprises déclarent des difficultés à cet égard, contre 14 % en moyenne de long terme ;
- le taux de marge s'est fortement redressé en début d'année 2021 (38 % contre 29 % en 2020), bien que l'INSEE attende une baisse en fin d'année ;
- en conséquence, les défaillances d'entreprises ont été, durant toute la crise, moins nombreuses que d'ordinaire, limitant les destructions d'emplois et de capacités productives. En général, la confiance des entreprises se maintient ;
- l'investissement dans l'industrie manufacturière s'est maintenu : il a légèrement baissé en 2020 (- 4,5 %), mais a rebondi en 2021 (+ 10 %), grâce aux mesures de soutien à l'investissement du plan de relance et à la reprise de la production notamment. Il dépasse désormais son niveau d'avant-crise ;
- à la mi-2021, l'emploi dans l'industrie manufacturière française était inférieur de 1,5 % environ à son niveau d'avant-crise. Ce recul apparaît limité au regard de l'ampleur du choc économique, des comparaisons internationales (- 9 % en Espagne, - 6 % aux États-Unis) et qui témoigne du soutien précieux offert par l'activité partielle durant la crise. Les recrutements se situent à des niveaux record à l'automne 2021.
Toutefois, des facteurs d'inquiétude persistent :
- la reprise du secteur industriel apparaît moins importante que celle des autres secteurs économiques . Ainsi, la valeur ajoutée du secteur industriel est celle qui connaît toujours le plus grand écart par rapport à sa valeur de 2019. La reprise industrielle apparaît aussi moins importante que celle des autres pays européens ;
- ces chiffres s'expliquent par le fait que deux secteurs structurants pour l'industrie française restent en grande difficulté : les filières automobile et aéronautique , qui exercent elles-mêmes un fort effet d'entraînement sur l'économie, outre leur impact sur la balance commerciale ;
- selon certains économistes, un « rattrapage » des faillites évitées grâce aux mesures d'urgence pourrait intervenir au cours de l'année 2022 , provoquant une hausse des défaillances qui pourrait atteindre 40 % et un report de l'impact social et économique de la crise.