VI. LE TÉLÉTRAVAIL, UNE BONNE AFFAIRE POUR L'ENVIRONNEMENT ?

A. LE TÉLÉTRAVAIL, BON POUR LA QUALITÉ DE L'AIR

1. Le constat d'une amélioration de la qualité de l'air durant le confinement

« La fin du métro-boulot-dodo pour sauver la planète ? » : c'est en ces termes que Cyprien Batut s'interrogeait sur les effets du télétravail généralisé dans la note précitée du Groupe d'études géopolitiques. En effet, les déplacements pour raisons professionnelles seraient amenés à être fortement réduits avec le télétravail. Ces déplacements se faisant principalement en voiture, encore équipées massivement de moteurs thermiques, il pourrait en résulter une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) . L'enjeu n'est pas mince, puisque sur les 120 millions de tonnes de CO 2 émises en France chaque année, plus de la moitié proviennent du secteur du transport, et plus précisément, environ 25 % des véhicules automobiles.

On a d'ailleurs constaté une réelle amélioration de la qualité de l'air dans les grandes agglomérations soumises au confinement à partir du printemps 2020 . Dans une note de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques du 14 mai 2020 61 ( * ) , le député Jean-Luc Fugit indiquait ainsi que les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO 2 ), principal GES avec le méthane (CH 4 ), avaient baissé sur les premiers mois de 2020 de 6 à 7 % par rapport à la même période de 2019. A l'exception des particules fines, les principaux polluants atmosphériques comme les oxydes d'azote (NOx) et le monoxyde de carbone (CO) ont vu leur concentration dans l'air se réduire un peu partout.

Or, la pollution de l'air a des effets puissants sur la santé, les études avançant le chiffre de 48 000 morts prématurées en France, chiffre revu par une étude récente de l'université d'Harvard à 100 000 morts par an.

A côté de ces avantages en matière de santé environnementale, le télétravail pourrait conduire à nécessiter moins d'investissements ou encore moins d'entretien des infrastructures de transport, qu'il s'agisse de routes ou de transports collectifs. Or, l'argent public investi dans ces domaines est considérable. L'absence de besoin d'investissements pour renforcer les réseaux de transports pourrait donc alléger la pression sur les finances publiques.

2. Les perspectives d'une réduction modeste mais réelle de la congestion automobile et des émissions polluantes

La période de confinement du printemps 2020 n'est pas représentative d'une situation normale de télétravail. Il s'agissait alors, face au risque de contagion du Covid-19, de limiter au maximum l'ensemble des déplacements de personnes, y compris non professionnels.

Dans une étude publiée en juillet 2020 intitulée télétravail, mobilité et modes de vie 62 ( * ) , l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), a calculé la réduction des émissions de CO 2 qui seraient envisageables avec un développement du télétravail hors situation de crise sanitaire . En faisant l'hypothèse (raisonnable) qu'environ 35 % des actifs pourraient télétravailler, cette étude estime que les déplacements professionnels par semaine seraient réduits d'environ 20 à 25 % pour chaque télétravailleur. Or, les actifs en situation d'emploi sont responsables de 56 % de l'ensemble des déplacements quotidiens (tous modes confondus) et de 52 % du kilométrage associé. En retenant le chiffre actuel de 66 % des déplacements domicile-travail effectués en voiture, on peut estimer que ce sont 17 millions de kilomètres par jour qui pourraient ne plus être effectués, soit, sur l'année l'équivalent de 817 000 tonnes de CO 2 . A l'échelle individuelle, l'ADEME a chiffré la réduction des émissions de CO 2 à 271 kg par an pour une journée de télétravail par semaine.

Au final, le gain en matière de rejet de CO 2 par les véhicules automobiles serait modeste, de l'ordre de 1,3 % de l'ensemble des émissions de CO 2 par les voitures. Mais l'ADEME souligne dans son étude que cette réduction serait ciblée sur les périodes de congestion. La réduction de la fréquentation des transports en commun et des routes aux heures de pointe limiterait également les embouteillages et l'inconfort dans les transports collectifs.

Une évaluation plus optimiste encore est fournie par le rapport de l'Institut Sapiens sur le télétravail. Celui-ci chiffre la réduction des émissions de CO 2 par an et par télétravailleur à 244 kg, pour une économie d'environ 2 200 km par an, en retenant l'hypothèse d'une journée de télétravail par semaine. Mais, dès lors que de nombreux actifs pourraient passer en télétravail, et pas seulement pour un jour par semaine, le gain en matière de rejets de CO 2 pourrait être plus élevé et est estimé à 2,3 millions de tonnes par an 63 ( * ) . Le télétravailleur économiserait en outre entre 200 € et 800 € par an de frais de carburant, selon les cas, et gagnerait un temps moyen de 100 heures de déplacement non effectuées par an.


* 61 http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/opecst/quatre_pages/OPECST-Note_pollution_covid19.pdf

* 62 https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/314-teletravail-immobilite-et-modes-de-vie.html

* 63 Selon l'édition 2021 des « chiffres clés du Climat », publiés par le ministère de la transition écologique ( https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2020-12/datalab_81_chiffres_cles_du_climat_edition_2021.pdf ), les émissions de GES s'élèvent en France à 445 Mt CO 2 eq dont les ¾ proviennent du CO 2 , dont un tiers à cause des transports. Au sein des transports, le véhicule individuel représente un peu plus de la moitié des émissions, soit environ 70 millions de tonnes de CO 2 eq.

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