C. RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE POUR LES APPRENANTS, POUR LES FAMILLES ET POUR LES PERSONNELS

1. Développer la connaissance de l'enseignement agricole dans les collèges, promouvoir l'enseignement agricole auprès du grand public, agir à l'échelon départemental : trois pistes d'amélioration en faveur d'une meilleure orientation vers l'enseignement agricole
a) Améliorer la connaissance de l'enseignement agricole dans les collèges
(1) Familiariser les enseignants

La mission d'information a acquis une conviction : pour attirer de nouveaux élèves dans l'enseignement agricole, il est vital de mieux faire connaître cette filière de formation et les métiers auxquels elle prépare dans les collèges, point stratégique de l'orientation.

Cela passe tout d'abord par une action en direction de la communauté éducative, et notamment des enseignants relevant de l'Éducation nationale.

Comme en témoigne Michel Sinoir, directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt d'Auvergne-Rhône-Alpes, « nous avons rencontré cette année tous les DASEN et nous constatons également un déficit de connaissance par les équipes pédagogiques, qui sont au plus près du conseil en matière d'orientation aux jeunes » .

D'autres personnes auditionnées, à l'image de Victor Grammatyka, président de l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP), ont indiqué la difficulté qu'avaient les établissements agricoles de pouvoir mener des campagnes de promotion au sein des collèges et lycées environnants : « Notre faculté à capter l'attention des jeunes collégiens varie selon les territoires. Dans certains départements, certains de nos collègues parviennent à mener des campagnes de promotion au sein des collèges et lycées environnants. Sur le secteur des Hauts-de-France par exemple, la situation est nettement plus difficile. Pourtant, une convention-cadre a été signée entre l'Éducation nationale, l'Enseignement agricole et l'association des départements de France afin d'effectuer la promotion de nos enseignements et d'orienter les jeunes vers ceux-ci » 55 ( * ) .

La mission d'information préconise de renforcer l'information des enseignants sur le contenu des métiers proposés par l'enseignement agricole, y compris hors champ agricole, en prévoyant, par exemple une présentation systématique de l'enseignement agricole voire, en fonction des territoires, une association directe de l'enseignement agricole dans les collèges et lycées de l'Éducation nationale - par le biais d'une présence au sein du conseil d'administration par exemple. Une telle présence serait de nature à familiariser la communauté éducative à l'existence de cette filière et à la percevoir comme un partenaire possible pour l'orientation des élèves, y compris ceux ne rencontrant pas de difficultés scolaires.

Proposition n° 28 : renforcer l'information des enseignants sur le contenu des métiers proposés par l'enseignement agricole, y compris hors champ agricole, en prévoyant, par exemple une présentation systématique de l'enseignement agricole, voire en fonction des territoires, une association directe de l'enseignement agricole par le biais des conseils d'administration des collèges et lycées.

(2) Accentuer et anticiper la présentation de l'enseignement agricole dans les temps dédiés à l'orientation des élèves

La réforme du lycée a profondément modifié le processus d'orientation des élèves. En effet, les spécialités choisies jouent un rôle plus important sur Parcoursup et le choix de la filière d'enseignement supérieur. Or, comme le remarquait Pierre Mathiot devant la commission de la culture du Sénat le 16 juin dernier, de nombreux élèves émettent des voeux très différents et ne réfléchissent à leurs orientations que lorsqu'ils obtiennent des réponses positives.

La prise en compte de l'enseignement agricole
sur la plateforme Parcoursup

L'enseignement agricole est un partenaire historique de Parcoursup, puisque les BTSA étaient déjà présents dans APB « admission post-bac ». Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a suivi la construction et les différentes saisons de Parcoursup comme un partenaire essentiel et contributeur à la réflexion et aux évolutions de la plateforme. Il est étroitement associé au pilotage de la plateforme (comité de pilotage interministériel, comité de pilotage hebdomadaire de pilotage des SAIO, comité de pilotage technique informatique...).

L'offre de formation relevant du ministère de l'agriculture et de l'alimentation a été ainsi étendue au fil des saisons de Parcoursup (inclusion des certificats de spécialisation, des écoles d'ingénieur recrutant post-bac...), et couvre depuis le recrutement 2019, 100 % de l'offre de formations post-bac relevant de ce ministère.

Plus de 1 100 formations de l'enseignement supérieur agricole sont accessibles via Parcoursup, dont 84% en BTSA-BTS. La moitié de ces formations concernent la voie de l'apprentissage (Source : Parcoursup, MESRI, au 22 janvier 2020). En 2019, plus de 145 000 voeux ont été enregistrés pour des formations de l'enseignement supérieur agricole (Source : Parcoursup, MESRI, au 7 juin 2019).

Certaines formations permettent de préparer, en 2 ans, aux concours communs (A ou A-TB) d'entrée dans les écoles publiques d'agronomie ou vétérinaires :

• pour les bacheliers généraux : classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) « biologie, chimie, physique et sciences de la terre » (BCPST) ;

• pour les bacheliers technologiques : classes préparatoires aux grandes écoles « technologie et biologie » (A-TB).

Via Parcoursup, certaines écoles recrutent directement après le bac. C'est notamment le cas de l'Institut Agro - Agrocampus Ouest, en spécialités « agroalimentaire », « horticulture » et « paysage » ; d'Oniris, en spécialité « agroalimentaire » ; d'AgroSup Dijon (Geipi Polytech) ; de Bordeaux Sciences Agro (CPBx) ; de l'École nationale supérieure de paysage de Versailles (ENSP).

Depuis la rentrée 2020, l'ENSP, en partenariat avec l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles (ENSAV) et l'École nationale supérieure d'art de Paris-Cergy (ENSA-PC), recrute post-bac sur Parcoursup pour un cycle préparatoire d'études en paysage, ouvrant également sur les études d'art et d'architecture. En 2020, le recrutement a été paramétré comme un cycle préparatoire d'études en paysage classique, avec seulement un descriptif des spécificités de la formation dans la fiche descriptive. Les écoles ont constaté que trop de profils « paysagiste » étaient présents dans cette première année commune, et pas assez de profils « artiste » ou « architecture ». Le service Parcoursup a été à l'écoute de ce bilan réalisé par le MAA et les écoles qui ont demandé un paramétrage spécifique pour cette année, identifié « art architecture paysage ». Ce nouveau paramétrage a été réalisé pour la session 2021.

Les inscriptions dans les écoles privées sous contrat avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation sont également intégrées sur Parcoursup. C'est ainsi le cas des écoles du réseau France Agro 3 (EI Purpan, Junia Isa, ISARA, ESA d'Angers) et d'UniLaSalle.

À partir de la session 2021, la nouvelle voie du concours vétérinaire est accessible aux élèves de terminales via Parcoursup. Pour tous les renseignements, Parcoursup est la référence ainsi que le site internet d'information dédié. Les 160 étudiants recrutés en 2021 sur Parcoursup accéderont au diplôme d'État de docteur vétérinaire après six ans d'études au sein d'une des quatre écoles nationales vétérinaires (Alfort, Lyon, Nantes et Toulouse). Ils seront rejoints en deuxième année d'études vétérinaires par les étudiants recrutés par les autres voies du concours vétérinaire, notamment celle organisée à l'issue de la classe préparatoire « biologie-chimie-physique-sciences de la terre » (BCPST). Comme l'ont souligné à la mission le directeur de l'ENVA et la directrice générale par intérim de VetAgro Sup, cette nouvelle voie d'accès entre dans la stratégie gouvernementale de diversification sociale du recrutement des grandes écoles et devrait permettre aux écoles nationales vétérinaires de recruter des élèves prometteurs sur des critères d'aptitudes futures à exercer un métier de vétérinaire, et non sur des critères uniquement académiques propres aux concours post classe préparatoire.

Par ailleurs, le BTSA à distance d'Eduter-CNPR et les certificats de spécialisation agricole sont également accessibles sur la plateforme Parcoursup.

Source : à partir de la réponse adressée par le service Parcoursup
au questionnaire de la rapporteure et des visites d'établissement

Tirant les conséquences de la réforme du lycée, un temps plus important dédié à la construction du parcours de formation de l'élève est prévu au cours de sa scolarité. Ainsi, au collège, 12 heures annuelles en classe de quatrième et 36 heures annuelles en classe de troisième doivent désormais être dédiées à l'orientation. Ensuite, 54 heures annuelles consacrées à l'orientation sont prévues en lycée général et technologique, et 265 heures sur trois années en voie professionnelle sous statut scolaire.

Pour la mission d'information, les profonds bouleversements que connaissent actuellement le lycée et l'orientation sont une occasion à saisir pour faire connaître le plus tôt possible la diversité des métiers proposés.

Il en va d'ailleurs de la survie de l'enseignement général dans l'enseignement agricole. Comme le note le rapport du CGAAER, « Les chefs d'établissement attribuent principalement cette diminution [des effectifs ces deux dernières années à l'entrée en seconde] à l'offre trop réduite d'enseignements de spécialité. En effet, les familles ont la préoccupation de permettre à leur enfant d'accéder au maximum de choix en fin de seconde GT. Elles ont donc tendance à choisir, pour l'admission de leur enfant en seconde GT, le lycée de secteur qui proposera un panel nettement plus large que celui du LEGTA » . Si, pour la mission d'information, il est indispensable que plus de spécialités et d'options soient proposées dans les lycées agricoles ( cf. ci-après), elle est également consciente qu'en raison de leurs tailles plus petites, la très grande majorité des lycées agricoles ne pourront pas proposer autant d'options et spécialités que les lycées de l'Éducation nationale du bassin. Il y a donc nécessité d'agir en amont pour montrer la diversité des débouchés possibles grâce à l'enseignement agricole, y compris dans la filière générale.

La mission préconise de prévoir, dans le cadre de ces heures obligatoires, la venue d'un proviseur de lycée agricole ou d'un directeur de maison familiale rurale devant les élèves pour permettre de présenter l'enseignement agricole. Dès lors que l'enseignement agricole recrute à partir de la 4 ème , elle suggère en outre, à la suite de l'échange qu'elle a eu avec Rachel-Marie Pradeilles-Duval, cheffe du service de l'instruction publique et de l'action pédagogique à la direction générale de l'enseignement scolaire, d'expérimenter une anticipation de cette présentation en 5 ème , dans le cadre d'un partenariat entre un rectorat et une DRAAF devant faire l'objet d'une évaluation circonstanciée.

Proposition n° 29 : prévoir en 4 ème et en 3 ème , dans le cadre des heures annuelles d'orientation, la venue d'un proviseur de lycée agricole et d'un directeur de maison familiale rurale devant les élèves des collèges relevant de l'Éducation nationale pour permettre une présentation de l'enseignement agricole.

Proposition n° 30 : expérimenter une anticipation de cette présentation en 5 ème , dans le cadre d'un partenariat entre un rectorat et une DRAAF devant faire l'objet d'une évaluation circonstanciée.

(3) Rapprocher la plateforme Chlorofil de l'ONISEP

Le rapport précité du CGAAER sur l'orientation préconisait de rapprocher la plateforme Chlorofil, plateforme « par et pour les professionnels de l'enseignement agricole » dépendant du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, de la plateforme numérique de l'ONISEP.

L'ONISEP a indiqué à la rapporteure utiliser Chlorofil comme source d'information de référence pour la veille sur l'enseignement agricole, notamment afin de trouver les arrêtés de création ou rénovation de diplômes, les référentiels de diplômes ou des données statistiques d'insertion.

Pour autant, le rapprochement plus large préconisé par le CGAAER n'a pas encore été initié. La mission d'information recommande donc de procéder à ce rapprochement préconisé par le CGAAER.

Proposition n° 31 : rapprocher la plateforme Chlorofil de la plateforme numérique de l'ONISEP, tel que préconisé par le CGAAER.

(4) Mieux utiliser l'obligation de stage en 3ème pour faire découvrir le potentiel des métiers de l'agriculture et de l'enseignement agricole

La découverte des métiers de l'enseignement agricole passe également par une découverte en dehors du cadre scolaire classique, à travers des stages notamment. Des stages de découverte du monde professionnel sont prévus lors de la scolarité de l'élève. Tel est notamment le cas des stages obligatoires de troisième, de cinq jours. Ceux-ci doivent être, pour l'élève, l'occasion de découvrir le monde du travail, partager le quotidien des professionnels et bénéficier d'une expérience concrète. La mission d'information appelle à un travail, en lien avec les chambres d'agriculture et les établissements de l'enseignement agricole, à utiliser cette obligation scolaire pour faire découvrir les métiers de l'agriculture et de l'enseignement agricole : communications ciblées dans les établissements scolaires en fin de quatrième ou en tout début d'année scolaire - ce stage étant parfois effectué, selon les établissements avant ou après les vacances de la Toussaint -, proposition de stages dans des entreprises des métiers de l'agriculture et du vivant, situées à proximité de l'établissement scolaire, adaptées à des adolescents de 14 ans... Il en est de même pour les stages d'initiation et les stages d'application.

Outre ces stages obligatoires, les élèves ont également la possibilité, à partir de 14 ans, d'effectuer des stages dans une entreprise, pendant les vacances scolaires, pour une durée maximale d'une semaine, en vue de l'élaboration de leur projet d'orientation. L'article L. 332-3-1 du code de l'éducation prévoit explicitement que « dans l'exercice de leurs compétences, les chambres consulaires apportent leur appui à l'organisation de ces périodes » . Il paraît important de saisir cette opportunité offerte par le code de l'éducation pour mieux faire connaître les métiers du vivant - dans le respect de la sécurité du mineur et de l'intérêt pédagogique du stage.

Proposition n° 32 : utiliser pleinement l'obligation de stage en troisième pour mieux faire connaître les métiers du vivant et l'enseignement agricole, en proposant des stages de proximité aux élèves des collèges du bassin, en lien avec les chambres consulaires.

(5) Développer un réseau d'« ambassadeurs métiers »

Des actions en direction des élèves doivent également être menées . De très nombreuses personnes auditionnées ont mentionné la méconnaissance de la réalité des métiers pratiqués .

Gilbert Guignand, secrétaire-adjoint de l'APCA et président de la Chambre régionale d'agriculture Auvergne-Rhône-Alpes, juge ainsi « indispensable de poursuivre le travail d'intervention dans les écoles et les collèges afin de présenter nos métiers aux jeunes en sortant du discours négatif généralement véhiculé, selon lequel les agriculteurs travaillent trop et ne gagnent pas assez bien leur vie. Je crois que nous devons présenter nos métiers avec passion pour attirer les nouvelles générations qui assureront la relève ».

Ce constat vaut également pour le supérieur, comme le relève Christophe Fachon, directeur général délégué à Junia pour ISA Lille, qui observe que « les lycéens ne sont pas suffisamment informés de la diversité des métiers qu'offrent nos écoles. Ils nous rejoignent en étant motivés, mais souvent avec des stéréotypes qu'ils se sont construits avec les enseignants du secondaire, qui méconnaissent nos activités. Nous dépensons d'ailleurs beaucoup d'énergie à entrer en contact avec les enseignants, notamment les professeurs de SVT, qui ont une influence extrêmement importante sur nos futurs étudiants. La connaissance de la diversité de nos métiers par les professeurs de SVT constitue par conséquent une voie de progrès . » La rapporteure a également fait le même constat en rencontrant des étudiants de Bordeaux Sciences Agro se présentant comme des « vétérinaires déchus », qui n'avaient pas connaissance auparavant des possibilités offertes par les écoles d'ingénieur agronome, mais qui s'y épanouissaient pleinement.

À plusieurs reprises, les membres de la mission ont ainsi entendu des apprenants exprimer le fait qu'ils avaient choisi leur orientation par défaut, du fait d'une méconnaissance des métiers proposés, mais aussi faire part de leur enthousiasme et de leur satisfaction d'avoir découvert des formations leur convenant réellement.

Face à ce constat, il semble nécessaire à la mission de développer un réseau d' ambassadeurs métiers capables d'expliquer leur quotidien, les contraintes, mais aussi les opportunités.

Proposition n° 33 : développer un réseau « d'ambassadeurs métiers ».

b) Mieux structurer l'organisation de l'enseignement agricole à l'échelon départemental

De nombreuses personnes auditionnées ont regretté dans l'organisation décentralisée de l'enseignement agricole l'absence d'un échelon départemental - sur le modèle des DASEN (directeur académique des services de l'éducation nationale).

La nomination d'un équivalent DASEN pour l'enseignement agricole permettrait d'une part de renforcer la coordination des actions menées par chaque établissement agricole , pour mieux défendre et promouvoir, collectivement cette filière de formation, publique ou privée. D'autre part, cette désignation permettrait d'avoir à l'échelon local une personne identifiée, représentant l'enseignement agricole . En effet, comme l'indique avec justesse Michel Sinoir, DRAAF de la région Auvergne-Rhône-Alpes, les DRAAF, par le biais des services régionaux de la formation et du développement, « n'ont pas les moyens humains de se démultiplier, notamment dans les régions aussi importantes que la Nouvelle-Aquitaine ou Auvergne-Rhône-Alpes ».

Michel Sinoir a indiqué avoir désigné dans chaque département de sa région un chef d'établissement du public sur les questions de défense et de sécurité, et identifié en tant que tel auprès du préfet et du DASEN, ce qui constitue « un début de désignation départementale ».

D'ailleurs, le ministère de l'agriculture, par la voix de sa directrice générale de l'enseignement et de la recherche, reconnait la nécessité de cet échelon départemental : « Dans notre plan d'action, nous devons renforcer notre capacité à nous faire connaître et reconnaître à l'échelle du département, car les directeurs académiques des services de l'Éducation nationale (DASEN) interviennent à cette échelle » .

Pour la mission d'information, il est nécessaire de nommer, dans chaque département, un représentant de l'enseignement agricole, dans un double but de coordination des actions des établissements et d'identification par l'ensemble des acteurs de la formation . Cette recommandation appelle deux remarques :

- d'une part, une telle désignation nécessite des moyens humains supplémentaires ;

- d'autre part, en raison de l'importance particulière de l'enseignement privé dans l'enseignement agricole, la mission d'information ne voit pas d'opposition à ce que ce représentant soit nommé parmi le personnel d'un lycée agricole privé ou d'une MFR . Elle rappelle d'ailleurs que ces établissements privés participent au service public de l'enseignement agricole. Les dotations qu'ils reçoivent de l'État le prouvent.

Proposition n° 34 : instaurer un correspondant de l'enseignement agricole à l'échelle du département pour faire pendant au DASEN.

c) Améliorer la connaissance de l'enseignement agricole et des métiers auxquels il prépare auprès du grand public

Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a lancé en 2019 une campagne de communication à destination du grand public, intitulé « l'Aventure du vivant ». Si cette campagne - qui a été perturbée par la pandémie de la covid - a le mérite d'exister, pour reprendre les termes du SGEN-CFDT, les résultats sont mitigés. Pour le CGAAER, « l'initiative de la campagne de communication «l'Aventure du vivant», saluée en interne, a eu en définitive un impact peu perceptible ». Plusieurs raisons expliquent ce constat :

- le tour de France avec le camion du vivant a été percuté par la crise sanitaire et a dû s'arrêter rapidement. Certes, lors des étapes, il y avait du monde pour visiter le camion, mais le CNEAP dresse un constat plus mitigé : il a constaté une difficulté à mobiliser les établissements de l'Éducation nationale pour y amener des classes, les journées grand public étaient porteuses, mais souvent les personnes découvraient le camion en passant, sans avoir eu connaissance de sa présence en amont. Enfin, alors que le but initial de ce camion était de toucher les jeunes en cours d'orientation, une part importante des visiteurs comprenait des personnes en recherche de reconversion - et donc un message à adapter ;

- le site Internet a été qualifié par plusieurs intervenants de peu intuitif, avec un moteur de recherche peu performant, des établissements non référencés, mais aussi des portraits de jeunes percutants à mieux valoriser. La mission d'information note néanmoins une progression dans l'utilisation du site Internet (+ 30 % chaque année), ainsi que la mise en ligne de nouveaux contenus sous forme de capsules ;

- la présence sur les réseaux sociaux reste pour le moment assez confidentielle : la chaine Youtube de l'Aventure du vivant a moins de 200 abonnés, certaines vidéos de promotion de l'enseignement agricole ont moins de 200 vues. Au final, l'une des vidéos ayant reçu le plus de vues date de 2019 et concerne non pas « l'Aventure du vivant » en tant que telle, mais l'annonce de la mise en place d'une campagne sur les réseaux sociaux - sans donner d'informations sur les métiers du vivant à proprement parler 56 ( * ) .

Le plan de relance prévoit 10 millions d'euros sur plusieurs années au titre de la communication pour l'enseignement agricole. La mission d'information approuve la volonté affichée par le Gouvernement de poursuivre la promotion de l'enseignement agricole et prend acte des nouvelles campagnes lancées au premier semestre 2021 (#CestFaitPourMoi ; campagne conjointe de promotion des métiers lancée par le ministère de l'agriculture et celui de la mer dans le cadre du plan France Relance, intitulée #EntrepreneurDuVivant).

Changer le regard de la société sur l'enseignement agricole nécessite une action à long terme. La mission propose ainsi trois axes pour la communication :

- lancer une nouvelle campagne ambitieuse d'information grand public, à l'image d'autres secteurs souhaitant recruter comme l'artisanat ou l'armée de terre, en tirant les leçons des résultats mitigés des campagnes précédentes et en tirant le meilleur parti des opportunités en cours d'année.

Les membres de la mission d'information regrettent que l'enseignement agricole soit systématiquement oublié par les médias au moment de la rentrée scolaire - qui se focalisent sur l'Éducation nationale - mais aussi au moment du baccalauréat qui commence « traditionnellement » par l'épreuve de philosophie. Or, certaines épreuves techniques de l'enseignement agricole et des baccalauréats professionnels se déroulent plus tôt. Des marges de progrès en termes de communication existent en la matière et contribueraient à la fierté des élèves de l'enseignement professionnel, comme l'ont confié certains interlocuteurs.

- Accorder plus de moyens aux établissements pour qu'ils puissent, localement ou par des actions concertées à l'échelle d'un territoire, promouvoir l'enseignement agricole.

Les journées portes ouvertes, la présence des établissements sur les salons de l'orientation et le bouche à oreille sont les principales sources de recrutement de nombreux établissements d'enseignement agricole.

Or, certains responsables d'établissements rencontrés par la mission ont relevé le coût que représente la participation à ces salons, souvent organisés par des structures privées.

La mission préconise donc la mise en place, dans chaque DRAAF, d'une enveloppe dédiée afin d'aider les établissements publics et privés sous contrat de l'enseignement agricole à se faire connaître des élèves et de leur famille. Cela pourrait notamment prendre la forme d'un soutien financier à la participation de l'établissement à un salon d'information et d'orientation, qui est une source importante de recrutement d'élèves.

- Inclure davantage les élèves, les apprentis et les étudiants de l'enseignement agricole dans la promotion dans cette voie de formation.

Dans les échanges qu'ils ont eus avec des apprenants de l'enseignement agricole, les membres de la mission d'information ont noté qu'ils étaient souvent enthousiastes e t ravis de la formation reçue , même s'il s'agit parfois à l'origine d'une orientation par défaut. La mission d'information, lors de ses déplacements, a pu également voir, lors de la visite des établissements, des projets d'élèves qui constituent de véritables étendards de l'enseignement agricole.

De son côté, dans une étude réalisée par le CNEAP pour ses établissements, près de 50 % des personnes qui viennent à une journée portes ouvertes ou contactent un établissement le font sur recommandation.

L'une des principales clé de recrutement de l'enseignement agricole est donc la force du témoignage des apprenants ou anciens apprenants. Aussi, la mission d'information recommande d'inclure davantage les élèves, apprentis et étudiants dans la promotion de leurs voies de formation. Un concours de communication à destination du public et des élèves en quête d'orientation , au sein des établissements de l'enseignement agricole, pourrait ainsi être lancé, sur le modèle de concours existant au sein de l'Éducation nationale 57 ( * ) .

Enfin, parce qu'elles sont ancrées dans les territoires et participent à leurs animations, de nombreuses structures de l'enseignement agricole ont des échanges réguliers avec le public. Parce que bien souvent ces établissements doivent fonctionner toute l'année, y compris l'été (présence d'animaux, cultures...), la mission d'information invite les structures à s'ouvrir au maximum, par exemple par l'accueil de colonies de vacances dans les internats. Certaines structures le font déjà, notamment les MFR, ce qui participe d'ailleurs à leur fonctionnement financier.

Dans le prolongement de la proposition précédente, et dès lors qu'on admet la dimension stratégique de l'agriculture pour remplir les objectifs de souveraineté alimentaire et de résilience, la mission considère que le cadre du service national universel (SNU) pourrait également être mis à profit par les apprenants et les établissements de l'enseignement agricole pour promouvoir l'enseignement agricole. Le parcours de certains apprenants de l'enseignement agricole dans le cadre du SNU a d'ailleurs été mis en valeur par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Les missions d'intérêt général éligibles au dispositif du SNU ne couvrent pas explicitement l'agriculture mais intègrent à la fois l'éducation, l'environnement et le développement durable. Compte tenu de l'inscription de l'enseignement agricole dans la transition agro-écologique, il paraît légitime de permettre la prise en compte de missions d'intérêt général proposées par les établissements d'enseignement agricole.

Une telle démarche, outre qu'elle est pleinement en phase avec l'accent mis par l'enseignement agricole sur l'éducation socioculturelle et la citoyenneté, pourrait être un élément complémentaire utile dans le cadre d'une stratégie globale visant à faire découvrir et promouvoir l'enseignement agricole.

Proposition n° 35 : lancer une nouvelle campagne ambitieuse de promotion de l'enseignement agricole à destination du grand public, à l'image d'autres secteurs souhaitant recruter comme l'artisanat ou l'armée de terre, en tirant les leçons des résultats mitigés des campagnes précédentes et en tirant le meilleur parti des opportunités en cours d'année.

Proposition n° 36 : faire des élèves, apprentis et étudiants de l'enseignement agricole des acteurs de la promotion de cette voie de formation (concours de promotion de l'enseignement agricole par exemple, recueil dynamique de témoignages...).

Proposition n° 37 : sanctuariser dans chaque DRAAF une enveloppe dédiée afin d'aider les établissements publics et privés sous contrat de l'enseignement agricole à se faire connaître des élèves, par exemple en leur apportant un soutien financier pour participer à un salon d'information et d'orientation.

Proposition n° 38 : encourager les établissements agricoles à s'ouvrir au maximum au grand public (colonies de vacances dans les internats, visite des exploitations, fermes, filière hippique).

Proposition n° 39 : encourager les apprenants et les établissements de l'enseignement agricole à s'engager dans le service national universel (SNU).

2. Mettre fin à une distorsion d'images entre les appellations et la réalité des formations proposées
a) Une filière de formation à renommer

Si, historiquement, l'enseignement agricole est intrinsèquement lié à la volonté de la France d'être une puissance agricole européenne et d'assurer sa souveraineté et son autonomie alimentaires, le champ des formations s'est progressivement élargi. Désormais seul un tiers de l'offre de formation est constitué par des formations purement agricoles. Comme l'indique la DRAAF d'Auvergne-Rhône-Alpes dans sa contribution écrite : « le terme « enseignement agricole » porte souvent à confusion chez les jeunes et leurs familles qui ne cernent pas la richesse de l'offre de formation que l'on trouve dans les établissements relevant du ministère de l'agriculture et de l'alimentation » .

Interpellé à de nombreuses reprises à ce sujet, et notamment parce que la campagne de communication du ministère de l'agriculture lancée en 2019 a choisi comme slogan « l'Aventure du vivant », la mission d'information s'est interrogée sur l'opportunité de faire évoluer le nom de cette voie de formation. Elle note d'ailleurs que plusieurs établissements d'enseignement agricole ont déjà fait ce choix dans leur dénomination.

Outre la référence au « vivant », notion plus large que « l'agriculture », la mission d'information souhaite qu'il soit fait référence au lien avec les territoires. En effet, l'enseignement agricole participe profondément à l'animation et à la vie des territoires sur lesquels se trouve l'établissement. En outre, et c'est également ce qui plaît dans cet enseignement, il s'agit d'une formation bâtie sur la pratique, l'expérimentation, et donc ancrée dans le territoire dans lequel il se trouve. Aussi préconise-t-elle de renommer l'enseignement agricole « enseignement agricole, des sciences du vivant et des territoires ».

Proposition n° 40 : renommer l'enseignement agricole « enseignement agricole, des sciences du vivant et des territoires ».

b) Des noms de diplômes peu explicites et donc peu attractifs

Les noms des formations offertes par l'enseignement agricole, souvent présentés en acronyme, sont peu parlants pour des élèves et leurs familles ne connaissant pas l'enseignement agricole. En effet, comment savoir, au premier regard, que le baccalauréat SAPAT concerne les services à la personne et comporte une option « santé - bien-être » et une autre « animation », ou que le baccalauréat technologique STAV permet de s'orienter vers des métiers de l'agroalimentaire, l'environnement, mais aussi en lien avec les analyses biologiques et biochimiques, ou encore que le bac GMNF renvoie à la gestion des milieux naturels et de la faune.

Cette problématique de dénomination a d'ailleurs été signalée par la MFR de Villeneuve de Berg à la sénatrice Anne Ventalon, membre de la mission d'information : il lui a notamment été indiqué que le CAPA SAPVER, proposé par l'établissement, est en concurrence relative avec des formations plus spécifiques en restauration collective et aide à domicile. Si la spécificité des stages est un atout pour la MFR, cette formation souffre d'un défaut de lisibilité par son appellation.

La mission d'information note d'ailleurs, de manière anecdotique mais d'une certaine manière révélatrice, le manque constant d'attention sur l'attractivité véhiculée par la dénomination des diplômes. Ainsi, il y a quelques années, le baccalauréat général ne s'appelait-il pas, dans l'enseignement agricole, le bac « D' » dit bac « D prime » , par référence au bac scientifique D de l'Éducation nationale ? Il y a sans doute mieux pour attirer les élèves que de leur proposer un bac « D' » ...

Proposition n° 41 : revoir la dénomination des diplômes pour mettre fin à l'utilisation d'acronymes peu parlants et peu attractifs.

3. Appliquer pleinement la philosophie de la réforme du lycée dans l'enseignement agricole en permettant à chaque élève de construire son parcours en fonction de son projet professionnel

L'application de la réforme du lycée, en l'état, porte préjudice à l'enseignement agricole, celui-ci devenant moins attractif en raison du faible nombre d'options et de spécialités proposées. La raison est double :

• un problème structurel

Seules les spécialités physique/chimie, mathématiques et biologie-écologie (spécialité n'existant pas dans l'Éducation nationale) sont proposées. Elles sont au nombre de 14 dans l'éducation nationale, chaque lycée devant en proposer au moins 7.

Quant aux options, s'il existe des options spécifiques à l'enseignement agricole, comme hippologie et équitation, agronomie-économie-territoires ou encore pratiques sociales et culturelles, le choix reste limité pour les options communes avec l'éducation nationale aux mathématiques (expertes ou complémentaires), langue vivante C et EPS. Ils n'ont par exemple pas accès à l'option « droit et grands enjeux du monde contemporains ».

De même, l'option « sciences économiques et sociales » n'est pas possible. Or, d'une part, cette option serait de nature à rassurer les élèves - et leurs parents - sur un élargissement des débouchés possibles , lorsque l'orientation est encore indécise à la fin de la troisième. D'autre part, et comme le souligne le CGAAER, cet enseignement aurait tout son sens pour la poursuite d'études en BTS agricole : « les sciences économiques constituent une discipline importante au sein des référentiels de formation des 16 options de BTSA. C'est le cas notamment du BTSA ACSE (analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole), option la plus représentée en terme d'effectifs, dont le référentiel prévoit 444 heures de cours d'économie sur deux ans, soit plus du quart de la formation globale » 58 ( * ) . Cela répondrait également à la demande du monde professionnel constatant qu'il y a un manque dans la formation des élèves en matière de gestion d'exploitation et d'économie.

• Un problème de moyens

Alors même que la réforme du lycée propose une offre déjà réduite pour les lycées agricoles, ceux-ci sont confrontés à des problèmes de moyens humains et de dotations globales horaires pour pouvoir la mettre en oeuvre. Bon nombre de lycées n'ont pas les moyens de proposer au moins 2 doublettes de spécialités ou 2 options ( cf. II. A).

À titre d'exemple, dans la région centre-Val de Loire 59 ( * ) , sur les six lycées d'enseignement général et technologique agricoles de la région, et alors que les trois spécialités biologie-écologie/mathématiques/physique-chimie sont proposées systématiquement en classe de première, pour la classe de terminale :

- 3 lycées - soit la moitié - ne proposent qu'une seule doublette (biologie/Physique-chimie),

- la doublette physique-chimie/mathématiques n'est possible que dans un seul lycée agricole,

- la doublette biologie-écologie/mathématiques ne peut être choisie que dans deux lycées de la région.

Pour la mission d'information, il est impératif d'augmenter le nombre d'options et de spécialités proposées dans les baccalauréats généraux et technologiques des lycées agricoles. Dans ces conditions, le schéma actuel de diminution du nombre d'ETP ne peut être maintenu.

La mission d'information est consciente du coût budgétaire d'une telle augmentation. Mais elle estime que celui-ci pourrait être réduit par un renforcement des coopérations des enseignements avec les lycées de l'Éducation nationale et entre lycées agricoles.

Elle salue ainsi l'initiative pris localement par le lycée agricole du Valentin et le lycée général et technologique des Trois sources (qui dépend de l'Éducation nationale), voisins l'un de l'autre, de permettre un échange d'élèves pour les options « mathématiques expert » et « mathématiques complémentaires ». Si cette coopération est, dans ce cas précis, facilitée par la proximité géographique des deux établissements qui se font face et par une collaboration ancienne 60 ( * ) , la mission d'information est convaincue que d'autres coopérations de ce type sont possibles, non pas dans une optique de suppression de postes mais bien pour étoffer et renforcer la palette d'options ou spécialisations offertes par l'enseignement agricole.

Par ailleurs, elle appelle à capitaliser sur l'expérience acquise à la suite de la pandémie sur les cours en hybride (la moitié de la classe en présentiel, l'autre à distance) pour réfléchir à recourir à ce système afin d'élargir la palette des cours proposés. Bien évidemment, la qualité de l'enseignement délivré ne doit pas en pâtir et des modalités d'accompagnement des élèves qui suivent les cours à distance doivent être prévues : suivi du cours à distance dans une salle de classe sous la surveillance d'un AED qui gère les interactions et questions que les élèves souhaitent poser à distance, présence régulière de l'enseignant dans chaque établissement (un cours sur deux en présentiel),....

La mission d'information note d'ailleurs que les familles ne semblent pas opposer à cette idée, et même l'encouragent . Ainsi la Peep Agri estime « qu'il devait y avoir des mutualisation des moyens pour pouvoir faire des regroupements d'enseignement. Or c'est encore plus compliqué car les établissements sont éloignés. Il devait y avoir de l'enseignement à distance pour les matières non disponibles dans les établissements. Dans la pratique, c'est très marginal, si cela même existe. L'enseignement agricole pourrait trouver là un moyen de recruter des élèves : développer cet enseignement à distance sur les matières non disponibles, dans l'établissement, avec un vrai accompagnement. En tant que parent, quand on entend « enseignement à distance », on comprend « enfant laissé à lui-même ». Mais si on avait la possibilité d'avoir des salles d'études, un suivi des élèves par des enseignants, d'autres élèves, et du personnel pour s'assurer des bonnes conditions d'apprentissage, aider les enfants... » .

Enfin, cette réflexion est également présente dans l'Éducation nationale comme le démontre le récent rapport de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) sur l'évaluation de la mise en oeuvre des enseignements optionnels au sein du nouveau lycée général et technologique 61 ( * ) . Il préconise notamment la piste d'un enseignement hybride pour les options rares et/ou les territoires isolés : « Compte tenu de l'expérience, aussi bien pédagogique que technologique, acquise depuis plusieurs années, mais aussi mise en place, depuis mars 2020, dans le cadre de la continuité pédagogique, il peut être envisagé de construire, dans les territoires concernés par les déserts d'enseignement optionnel, un enseignement hybride qui allierait présentiel et distanciel, synchrone et asynchrone et ce, dans des bassins ou territoires circonscrits, limités à deux ou trois établissements suffisamment proches pour permettre à l'enseignant en charge de cet enseignement optionnel de circuler de l'un à l'autre régulièrement (sur un rythme hebdomadaire), afin d'y assurer des séances en présentiel, en relais de l'agent (AED, ALVE...) habituellement présent » 62 ( * ) .

La crise de la covid-19 a été riche d'enseignements à cet égard : si elle a permis un développement massif du numérique éducatif, et du recours à la visioconférence, comme la rapporteure l'a constaté en échangeant avec des apprenants lors d'un cours à l'Institut d'études technologiques de Hoymille, elle en a aussi montré les limites : certains cours, fondés sur la pratique ou nécessitant un matériel spécifique, ne peuvent avoir lieu en visioconférence. Par ailleurs, rien ne remplace le face à face « enseignants/élèves ». L'enseignement en visioconférence n'a donc pas vocation à se substituer à un enseignement en présentiel, mais bien à le compléter et à le renforcer.

La mission tient ainsi à le souligner : tant la coopération entre établissements que le développement d'options ou de spécialités par enseignement hybride ne doivent pas être utilisés comme argument par le ministère du budget pour réduire le nombre de postes d'enseignant, mais pour offrir à des petits groupes d'élèves, dont le nombre est insuffisant pour former une classe, la possibilité de suivre ces enseignements, qui sans cela ne peuvent être proposés.

Cet ensemble de propositions, outre qu'il accroît l'attractivité de l'enseignement agricole, permettrait en outre à l'objectif de préservation et de valorisation du maillage territorial.

Proposition n° 42 : augmenter le nombre d'options et de spécialités proposées dans les lycées agricoles, notamment par des coopérations avec les lycées de l'Éducation nationale du secteur et le développement de l'enseignement mixte (présentiel/visioconférence), tout en s'assurant de la qualité de l'enseignement ainsi délivrée.

4. Assurer une meilleure prise en compte des établissements dans l'organisation des transports en commun

Du fait de leur histoire et des formations qu'ils proposent, les établissements d'enseignement agricoles sont souvent situés dans des territoires ruraux ou dans des zones péri-urbaines. La question de leur accès en transport en commun est donc essentielle. Or plusieurs personnes auditionnées et rencontrées ont regretté la mauvaise prise en compte de ces établissements dans l'élaboration de la carte des transports scolaires ou des dessertes par les transports en commun.

Ainsi le lycée agricole-pôle d'enseignement Terre d'Horizon de Romans-sur-Isère souffre-t-il d'un problème d'accessibilité à la suite des modifications de la desserte par les bus de l'agglomération : les passages y sont moins fréquents et à des horaires ne correspondant plus aux horaires de cours. Des élèves qui, jusque-là, pouvaient rentrer chez eux tous les soirs doivent désormais devenir internes - ce qui pour des raisons de coût, accentué par une inquiétude sanitaire en période de pandémie - décourage certaines familles.

Dans d'autres cas, établissements et transporteurs se renvoient la balle, l'établissement indiquant avoir transmis les horaires au transporteur qui dit ne pas les avoir reçus.

La mobilité des lycéens et des étudiants est une problématique essentielle ; elle l'est d'autant plus pour des établissements situés dans des territoires peu ou mal desservis par les transports en commun. Aussi la mission d'information appelle-t-elle à la prise en compte par les autorités organisatrices des transports de ces établissements lors de l'élaboration de la carte des transports scolaires et des horaires de desserte par les transports en commun classique (TER, réseau de bus).

Proposition n° 43 : engager une action au niveau des DRAAF afin de s'assurer de la correcte prise en compte des établissements d'enseignement agricole dans l'élaboration de la carte des transports scolaires et des horaires de desserte par les transports en commun.

5. Assurer des conditions d'accueil attractives

Les conditions d'accueil, les structures proposées, un établissement à taille humaine sont pour de nombreuses familles un critère de choix. L'entretien des locaux, leur rénovation et les subventions attribuées pour cela sont essentiels. La mission a ainsi pu constater à la MFR de Gelles la qualité des infrastructures d'hébergement, qui contribue à l'attractivité de la structure.

Tout en respectant l'autonomie des collectivités territoriales, la mission d'information appelle celles-ci, et en particulier les régions compte tenu de leurs différentes compétences, à se mobiliser en faveur de l'enseignement agricole, à le soutenir et à accroître le partage d'informations avec le ministère de l'agriculture afin d'éviter de trop grandes disparités entre les territoires.

Elle attire en particulier l'attention sur l'enseignement agricole privé, qui accueille une proportion d'apprenants plus importante que dans l'Éducation nationale.

Proposition n° 44 : dans le respect de l'autonomie des collectivités territoriales, inviter celles-ci, et en particulier les régions, à se mobiliser en faveur de l'enseignement agricole, à le soutenir, qu'il soit public ou privé, et à accroître le partage d'informations avec le ministère de l'agriculture afin d'éviter de trop grandes disparités entre les territoires.

6. Redonner envie d'enseigner et de travailler dans les lycées agricoles en revalorisant les personnels de manière équitable par rapport à leurs homologues de l'Éducation nationale

Au regard des constats posés précédemment, la mission juge nécessaire d'engager un effort de revalorisation des traitements accordés aux personnels de l'enseignement agricole afin d'assurer une pleine effectivité au principe de parité avec l'Éducation nationale posé comme horizon par l'article L. 811-4 du code rural et de la pêche.

La mission souligne en particulier l'importance d'apporter une réponse à la situation des AVS et des AESH.

Compte tenu de leur statut d'agents contractuels de droit public régi par le décret n° 89-406 du 20 juin 1989 relatif aux contrats liant l'État et les personnels enseignants et de documentation des établissements mentionnés à l'article L. 813-8 du code rural, la revalorisation accordée aux personnels des EPLEFPA doit avoir des répercussions pour les enseignants de l'enseignement agricole privé à temps plein.

En revanche, s'agissant des personnels des établissements en rythme approprié, afin d'éviter un décrochage d'attractivité ou de trop grandes disparités, il conviendrait par mesure d'équité de prévoir un ajustement en conséquence des subventions accordées dans le cadre de la convention financière pluriannuelle signée avec l'État.

La mission prend acte des premières annonces du ministère de l'agriculture et de l'alimentation faisant état d'un transfert de crédits, en provenance du budget de l'Éducation nationale, afin de financer plusieurs mesures du Grenelle de l'éducation, comme la prime d'équipement informatique, la prime d'attractivité et la revalorisation des CPE. Sous réserve d'une analyse approfondie lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, ces mesures vont dans le bon sens.

Proposition n° 45 : affirmer la nécessité de respecter le principe de parité salariale entre l'Éducation nationale et l'enseignement agricole posé par l'article L. 811-4 du code rural et de la pêche et revaloriser en particulier rapidement les auxiliaires de vie scolaire (AVS) et les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).


* 55 Audition du 12 mai 2021.

* 56 L'Aventure du vivant : une nouvelle campagne à découvrir sur les réseaux sociaux !, youtube, vidéo du 22 février 2019, près de 6 000 vues.

* 57 Par exemple le concours national de la résistance et de la déportation, ou encore le concours « non au harcèlement » où les élèves sont invités à imaginer et proposer des affiches et vidéos de prévention et de lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.

* 58 Rapport n° 19069 sur l'orientation des élèves vers l'enseignement agricole et son attractivité, conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, juin 2020.

* 59 http://draaf.centre-val-de-loire.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/DECISION_V2_signee_07_02_2019_
Bac_general_specialite_-_option_cle4e1afd.pdf

* 60 Certaines années, le lycée agricole du Valentin accueille des élèves du lycée des trois sources dans son internat lorsqu'il y reste des places.

* 61 Évaluation de la mise en oeuvre des enseignements optionnels au sein du nouveau lycée général et technologique, rapport n° 2021-106, IGESR, juin 2021.

* 62 Et d'ajouter comme recommandation : « lutter contre les déserts d'option en assurant la présence dans chaque académie, le cas échéant dans chaque département, d'une offre d'enseignements optionnels qui reflète la multiplicité des demandes des élèves, et la diversité des besoins de la nation , en l'appuyant lorsque c'est nécessaire par la création d'un enseignement hybride pour les territoires isolés ».

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