II. DES RISQUES MULTIPLES POUR UN EFFET SUR LES FINANCES PUBLIQUES ENCORE TRÈS INCERTAIN

A. DES RISQUES TANT MICRO QUE MACROÉCONOMIQUES ET DES SITUATIONS COMPLEXES À PRENDRE EN COMPTE

1. Des risques microéconomiques pour les producteurs et macroéconomiques pour la filière photovoltaïque

Sur le plan micro-économique , la mesure fait peser des risques sur la continuité de l'activité des producteurs concernés par les baisses de tarifs. Le secteur alerte sur les risques de défauts de paiement et de faillites . La réaction du secteur bancaire à la publication des textes puis à la notification des tarifs révisés devra être scrutée attentivement. Les banques auront-elles la patience d'attendre l'issue de la procédure de réexamen individuelle susceptible d'aboutir à une correction des tarifs révisés ?

Sur le plan macroéconomique , c'est l'ensemble de la filière photovoltaïque, voire même celle des EnR, qui pourrait souffrir de cette mesure qui s'apparente à une remise en cause de la parole de l'État. La crédibilité du soutien public aux EnR en France pourrait être affectée et les investisseurs pourraient se détourner de l'hexagone.

D'après le syndicat des énergies renouvelables (SER) de premiers signes de fragilisation des conditions de financement de la filière seraient perceptibles. Les producteurs concernés par la mesure de révision tarifaire feraient déjà l'objet de mesures restrictives prises par les banques gelant notamment toutes leurs demandes de financement pour de nouveaux projets photovoltaïques. Le rapporteur n'a pas pu vérifier ces dires.

2. Des cas particuliers complexes : les exploitants agricoles, les zones non-interconnectées ou les contrats cédés

Le dispositif de révision tarifaire doit proposer des modalités de traitement adaptées à plusieurs cas complexes. La situation des exploitations agricoles mérite une attention particulière du fait de l'imbrication étroite entre le projet photovoltaïque et l'activité agricole . Le projet photovoltaïque ainsi que les flux de revenus futurs associés conditionnent bien souvent la continuité de l'ensemble de l'activité de l'exploitation agricole. Les emprunts contractés par ces exploitations et destinés à financer des investissements agricoles ont été souscrits en intégrant les revenus futurs attendus des tarifs d'achat prévus dans les contrats.

Dans un premier temps, le projet photovoltaïque initial a le plus souvent été conçu en lien avec la construction d'un bâtiment d'élevage ou de stockage. Dans un second temps, la promesse des revenus futurs a été le support de souscriptions à de nouveaux emprunts utilisés pour financer des investissements agricoles divers : achats de matériel agricole, achat de terres, développement d'une activité d'entreprise de travaux agricoles, etc.

La situation des exploitations situées en zones non-interconnectées (ZNI) nécessite aussi une approche spécifique compte-tenu de coûts de production d'électricité sensiblement supérieurs à ceux de la métropole continentale.

Zones non interconnectées au réseau métropolitain continental (ZNI)

Les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental (ZNI) - à savoir la Corse, les départements et régions d'outre-mer (Guadeloupe, La Réunion, Mayotte), les collectivités territoriales d'outre-mer (Martinique, Guyane, Saint-Martin, Saint-Barthélemy), certaines collectivités (Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna) et les îles du Ponant et de Chaussey, sont des territoires isolés du réseau électrique de la France continentale. Ils se caractérisent par un coût de production énergétique plus élevé et bénéficient de dérogations de nature réglementaire (la règle de dissociation des gestionnaires de réseaux des entreprises intégrées d'électricité qui approvisionnent de tels réseaux ne s'applique pas aux « petits réseaux isolés » en vertu de la directive européenne n°2009/72/CE du 13 juillet 2009) et tarifaire.

La petite taille de ces réseaux et les contraintes géographiques de ces territoires génèrent des problématiques en termes de raccordement au réseau électrique, d'approvisionnement des matériaux et de mix énergétique qui entraînent des coûts finaux de production plus élevés . En 2013 , sur ces territoires, le coût moyen de production d'électricité est de 225 euros/MWh, contre 55 euros en métropole continentale .

En vertu du principe de péréquation à l'échelle nationale , les consommateurs de ces territoires se voient appliquer la même grille tarifaire qu'en France continentale. Les surcoûts sont compensés au titre des charges de service public de l'énergie via des crédits retracés au sein de l'action 11 « Soutien dans les ZNI » du programme 345 « Service public de l'énergie ».

Source : commission des finances du Sénat

De nombreux contrats ont changé de main , parfois plusieurs fois, depuis leur conclusion. Les développeurs initiaux étaient souvent des sociétés de projet qui ont par la suite revendu au prix fort leurs contrats à des producteurs . Cette situation sera particulièrement complexe à traiter dans la mesure où le détenteur actuel du contrat ne peut plus se prévaloir de la totalité de la sur-rentabilité . En effet, tout ou partie de celle-ci a été captée par le développeur à travers le prix de cession du contrat.

Aujourd'hui, l'administration et la CRE ne disposent toujours pas d'une vision précise du phénomène et n'ont pas une visibilité suffisante sur les détenteurs des contrats ainsi que sur leur qualité . Si un chiffre global de contrats cédés avoisinant les 50 % est avancé, elles déclarent attendre la procédure de réexamen pour avoir une vision précise . La répartition des détenteurs de contrats entre EDF, Engie, Total-Énergie ou des PME n'est pas connue . Les implications potentielles de la mesure ne seront pourtant pas les mêmes entre ces différents acteurs. La connaissance de telles informations aurait été déterminante tant en amont de l'examen du PLF 2021 que de la préparation des textes règlementaires d'application. Le rapporteur s'étonne de ce manque de visibilité regrettable.

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