II. UNE RÉFORME QUI N'A PAS RÉPONDU AUX ATTENTES DES ÉLUS
Reposant sur des règles nationales s'appliquant sans discernement à l'ensemble du territoire, la DECI faisait l'objet de reproches de la part des élus et la réforme de 2011 devait y remédier. Ainsi, cette réforme visait plusieurs grands objectifs au rang desquels figuraient une approche territorialisée et adaptée aux enjeux réels, un assouplissement des règles, le renforcement de la concertation des élus, ainsi qu'une couverture adéquate des risques. Nombre de ces espoirs ont malheureusement été déçus.
A. LA LENTE ENTRÉE EN APPLICATION DE LA RÉFORME
Entrée en vigueur par la loi en 2011, la réforme de la DECI était attendue des élus depuis le début des années 2000. Dans ces conditions, il était donc légitime d'espérer une mise en oeuvre, cette fois sans délai excessif, des nouvelles règles. Or, le processus de maturation de ce texte et sa concrétisation sur le terrain ont été émaillés de retards.
1. Une longue gestation
À compter de l'adoption de la loi précitée du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration du droit, le processus de concertation des acteurs institutionnels concernés par le DECI a pris quatre ans .
Durant ce laps de temps, l'Exécutif a été questionné à plusieurs reprises sur le calendrier de mise en application de la réforme. Ce fut ainsi par exemple le cas de votre rapporteur, Hervé Maurey, le 31 janvier 2013 14 ( * ) , puis le 10 avril 2013 15 ( * ) , et de notre collègue alors sénateur, Marcel Rainaud, le 19 juin 2014 16 ( * ) . Ces questions traduisaient l'attente forte des élus locaux quant à la traduction effective de la volonté exprimée en 2011.
Ce long délai est aujourd'hui justifié par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du fait de la complexité du sujet et de l'échec de précédentes tentatives de réforme , qui incitaient à la prudence et au soin attaché à la consultation.
La méthode de consultation retenue par la DGSCGC
En charge du pilotage de la rédaction des règlements d'application, la DGSCGC a opté pour une consultation large et sans objectif calendaire trop contraignant . Elle est, en particulier, partie du principe que le silence en réponse d'un partenaire ne valait pas acceptation.
Ont été parties prenantes à ces échanges :
- l'AMF, avec des échanges écrits, des présentations en commission des territoires et l'attente d'avis exprès ;
- la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) , qui s'est particulièrement investie sur les problématiques d'articulation entre la DECI et les réseaux d'eau ;
- l'Assemblée des départements de France (ADF) ;
- la Fédération nationale des sapeurs-pompiers ;
- l'association des directeurs de SDIS ;
- la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau ;
- des fabricants de matériel de lutte contre l'incendie.
Source : réponse de la DGSCGC à vos rapporteurs, le 4 mars 2021
Le décret n° 2015-235 du 27 février 2015 relatif à la DECI a finalement été publié près de quatre ans après la promulgation de la loi. Ce décret prévoyait notamment l'élaboration d'un cadre général de la DECI posé par le RNDECI (cf. annexe 2). À compter de la sortie du décret, le référentiel national a, lui aussi, fait l'objet d'une concertation avec les mêmes partenaires pour aboutir à une publication avec l'arrêté NOR : INTE1522200A du 15 décembre 2015 fixant le référentiel national de la défense extérieure contre l'incendie.
Ce temps accordé à la consultation initiale contraste avec une concertation souvent beaucoup plus sommaire, et en tout cas très inégale, des élus dans la phase de rédaction des RDDECI dans les départements, ainsi que vos rapporteurs auront l'occasion de le mettre en lumière infra (cf. partie II. B.). Par ailleurs, la consultation des associations d'élus, au demeurant indispensable et utile, ne garantit pas toujours une représentativité suffisante des attentes des élus .
2. Les premiers arrêtés et schémas départementaux publiés six ans après l'adoption de la loi
Le décret précité du 27 février 2015 relatif à la DECI prévoyait un délai de deux ans pour la mise en place des RDDECI et, en effet, la plupart d'entre eux ont été publiés en 2017, soit six ans après l'adoption de la loi .
Cette publication marque une étape important e dans le cours de la réforme, car le RNDECI n'était pas opposable, seuls les RDDECI l'étant.
Il convient par ailleurs de souligner que la publication du RDDECI n'emporte pas la réalisation des schémas communaux, qui restent une option non obligatoire pour les communes. Et de fait, interrogés dans le cadre de l'enquête conduite par vos rapporteurs, 71 % des maires indiquent que leur commune ne s'est pas dotée d'un tel schéma .
Pour justifier cette absence, les maires font valoir quatre séries d'arguments :
- le schéma communal est en cours de réalisation (43 % des maires ayant justifié l'absence de schéma communal) ;
- leur commune rencontre des difficultés pour le réaliser (27 %) ;
- la compétence DECI n'est plus communale et a été transférée à un EPCI ou à un syndicat des eaux (15 %) ;
- une méconnaissance de ce qu'est supposé être un schéma communal de DECI (15 %).
À ces explications, on doit ajouter le coût d'élaboration du schéma à la charge des communes. Les plus petites d'entre elles ne disposent pas des moyens humains ni de l'expertise technique nécessaires et se retrouvent dans l'obligation de s'adjoindre des compétences extérieures onéreuses (cf. partie II. D. 2.).
Au regard de ces éléments d'appréciation , on ne peut que s'étonner du manque de suivi des schémas communaux par l'État : dans les réponses des préfets au questionnaire de vos rapporteurs, 63 % indiquent ne pas avoir connaissance des schémas communaux et 45 % reconnaissent ne pas inciter les communes à réaliser ces schémas. Vos rapporteurs reviendront sur cette nécessité d'un meilleur suivi et d'une évaluation de la politique de DECI (cf. partie III. B. 2.).
Au total, la mise en oeuvre de la réforme aura donc pris une décennie , ce qui est long dans un domaine (la lutte contre l'incendie) où sont censées prévaloir la réactivité et la gestion de l'urgence.
* 14 Question orale n° 0317S (JO Sénat du 31 janvier 2013 - page 298).
* 15 Question orale (JO Sénat du 10 avril 2013 - page 2962).
* 16 Question écrite n° 12172 (JO Sénat du 19 juin 2014 - page 1421).