B. ÉVITER LES LECTURES EN SILO ET CONCILIER LES DIFFÉRENTS OBJECTIFS DE LA POLITIQUE D'URBANISME

La stratégie de réduction de l'artificialisation doit être articulée avec les autres objectifs de politique publique, au service d'un projet global de territoire.

Alors même que les mesures du projet de loi « Climat et résilience » proposent une approche uniquement quantitative de la sobriété foncière, son étude d'impact n'aborde aucunement ses effets sur la construction de logements, sur les prix du foncier, ou encore sur l'offre de services de proximité. Aucune mesure de coordination des différentes politiques publiques n'est prévue dans le texte.

Les « effets de bord » ou liés à l'impact cumulatif des législations sont pourtant bien identifiés, comme l'ont démontré les auditions conduites par le groupe de travail.

a) Un impact cumulatif des obligations liées à la préservation du littoral, de la montagne et de la protection des zones naturelles et agricoles

Plusieurs milliers de communes, souvent au sein des mêmes territoires, sont déjà particulièrement impactés par la législation relative à l'utilisation des sols.

Plus de 1200 communes françaises situées en bordure de côte ou de rivages de lacs sont soumises aux règles de la loi dite « Loi Littoral », qui prévoit une constructibilité en continuité des zones déjà urbanisées. 5000 communes sont également soumises aux dispositions de la loi dite « Loi Montagne », d'effet équivalent.

L'effet cumulé de ces restrictions et d'une cible supplémentaire de réduction de l'artificialisation pourrait conduire à un quasi-gel du développement des communes concernées.

En outre, l'impact des contraintes législatives est particulièrement concentré au niveau local, et inégal à l'échelle du territoire français, puisque par nature ciblé sur des zones contiguës.

COMMUNES SOUMISES AUX DISPOSITIONS DES LOIS MONTAGNE ET LITTORAL

Source : Observatoire des territoires, ANCT, 2021.

À ces législations s'ajoutent les protections spécifiques des milieux naturels, édifiées à l'impulsion de l'Union européenne, de l'État, et souvent à l'initiative des collectivités territoriales : les 11 parcs nationaux (environ 3,7 % du territoire français), les 56 parcs régionaux (13,3 %), les plus de 4000 espaces naturels sensibles (ENS) délimités par les départements, les plus de 1500 sites Natura 2000 ; ainsi que les zones agricoles protégées (ZAP).

Une nouvelle restriction de la constructibilité et de la consommation d'espace n'aura donc pas le même impact sur l'ensemble du territoire français, qu'elle touche une zone peu concernée par les législations Littoral ou Montagne existantes, ou par les réserves naturelles ; ou qu'elle vienne frapper un territoire déjà contraint.

Il ne faudrait pas que les efforts de sobriété foncière conduisent à « mettre sous cloche » des pans entiers de territoires au titre du potentiel de développement de zones historiquement plus urbanisées et artificialisées.

b) Des injonctions contradictoires de la politique du logement et de la politique de sobriété foncière
(1) Le projet de loi « Climat » : près de 100 000 logements en moins chaque année ?

En matière d'habitat, la France continue de connaître une importante crise du logement. En dépit des efforts de construction, notamment de logement social, près de 4 millions de personnes sont aujourd'hui mal logées en France, selon la Fondation Abbé-Pierre. Le besoin de construction de logements reste fort, en raison à la fois des évolutions de la composition des ménages et de la démographie. En parallèle, le coût du logement ne cesse d'augmenter , représentant désormais entre 20 et 40 % du budget moyen des Français.

À raison d'une artificialisation totale moyenne de 28 400 hectares par an environ, le groupe de travail estime qu'un objectif uniforme de réduction de 50 % de l'artificialisation nouvelle, tel que proposé par le projet de loi « Climat et résilience » représenterait chaque année un manque à construire de plus de 100 000 logements (dont 88 % de logements individuels), soit plus du tiers des logements construits chaque année (et la moitié des logements individuels).

ESTIMATION DE L'IMPACT D'UNE CIBLE DE RÉDUCTION PAR DEUX
DE L'ARTIFICIALISATION SUR LA PRODUCTION ANNUELLE DE LOGEMENTS

Surface artificialisée chaque année
(moyenne 2009-2018)

Environ 28 400 hectares

Surface artificialisée dédiée à l'habitat chaque année (moyenne 2009-2018)

Environ 68 % de la surface totale artificialisée, soit 19 300 hectares

Surface artificialisée dédiée à l'habitat collectif chaque année (moyenne 2005-2013)

Environ 4 % de la surface artificialisée totale, soit 1 130 hectares

Surface artificialisée annuellement pour l'habitat individuel

Environ 18 200 hectares

Surface moyenne d'un terrain à bâtir pour le logement individuel (2018)

934 m 2 , soit 0,0934 hectares

Surface moyenne artificialisée par logement dans l'habitat collectif (2013)

437 m 2 , soit 0,0437 hectares

Nombre de logements collectifs construits en artificialisation par an

Environ 26 000 logements

Nombre de terrains artificialisés annuellement pour l'habitat individuel

Environ 195 000 terrains

Différentiel annuel du nombre de logements construits par artificialisation dans le cas d'une réduction de l'artificialisation de 50 % (à due proportion et réparti annuellement)

Environ 13 000 logements collectifs et 97 000 logements individuels, soit au total 110 000 logements

Source : Commission des affaires économiques, données INSEE, Cerema, MTES 20 ( * )

Certes, une partie de ces 100 000 logements pourrait être compensée par des projets nouveaux en zones déjà artificialisées. Si des initiatives comme BIMBY, ou des projets de densification menés par les collectivités, peuvent combler une partie de ce différentiel, cela ne saurait répondre à l'ensemble du besoin. Dans certaines zones déjà particulièrement denses ou tendues, le logement nouveau ne pourra pas être réalisé sur des terres déjà artificialisées.

Alors que les Français continuent de plébisciter l'habitat individuel , a fortiori dans une période marquée par un fort besoin de proximité à la nature et de retour vers la ruralité , une cible uniforme de réduction de l'artificialisation, sans prise en compte des potentiels locaux, pourrait donc aggraver le déséquilibre entre offre et demande de logements.

Cette contrainte nouvelle sur l'offre emporte en outre des enjeux économiques conséquents pour la filière du bâtiment, qui représente près de 8 % du PIB français et - directement et indirectement - près de 7 % des emplois du pays.

(2) Un risque pour l'atteinte des objectifs de mixité sociale de la loi SRU

Des objectifs uniformes, mal calibrés, de limitation de l'artificialisation pourraient compromettre l'atteinte des objectifs de la loi dite « SRU » en matière de logement social .

La plupart des rapports relatifs à l'artificialisation en France mettent en avant le chiffre d'environ 40 % d'artificialisation liée à l'habitat. Les rapporteurs du groupe de travail soulignent toutefois que ce chiffre concerne les sols déjà artificialisés (en stock) , et non l'artificialisation nouvelle (en flux) .

En réalité, les deux tiers des sols consommés sont artificialisés à destination de l'habitat. Selon le Cerema, cette part représente de 60 % à 70 % des surfaces entre 2008 et 2018. Dans les territoires les plus tendus et aux prix fonciers les plus élevés, une restriction de la construction nouvelle pourrait encore compliquer l'atteinte des cibles fixées par la loi SRU, nuire à l'effort de mixité et aggraver la crise du logement.

En 2020, 1 100 communes urbaines françaises n'ont pas encore réussi à atteindre les objectifs de la loi SRU , en dépit d'efforts importants de construction. Près de 600 000 logements sociaux seraient aujourd'hui « manquants », particulièrement en Île-de-France, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, puis en Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie.

Restreindre fortement l'artificialisation nouvelle reviendrait à stopper la construction en dehors des centres déjà denses, et pour les communes déjà tendues, à raréfier encore davantage le foncier. Alors que le récent rapport de Thierry Repentin et le projet de loi dit « 4D » prévoient de prolonger et de renforcer le dispositif SRU, en veillant à une « fermeté accrue » dans le contrôle des obligations 21 ( * ) , il serait dommageable de compliquer dans le même temps l'atteinte de ses objectifs.

Il faut en outre rappeler que les communes dites « carencées » sont soumises à plusieurs sanctions, parmi lesquelles la majoration du prélèvement financier, des obligations de mixité dans les opérations de construction autorisées, et l'intervention accrue du préfet dans la politique du logement et de l'urbanisme.

L'addition des obligations au titre de la loi SRU et des engagements au titre de la réduction de l'artificialisation pourrait donc s'apparenter, pour certaines communes, à une « double peine ». À terme, elle pourrait aboutir à une mise sous tutelle des communes et intercommunalités , le préfet exerçant un contrôle accru tant sur l'atteinte des objectifs de logement social que sur l'artificialisation, pouvant aller jusqu'à invalider les documents d'urbanisme et rejeter certains projets communaux.

(3) Une fiscalité aux objectifs parfois contradictoires

Plus généralement, il apparaît nécessaire de mener une revue globale de l'ensemble du cadre fiscal du logement et de l'urbanisme .

Dans son rapport de 2019, France Stratégie soulignait déjà la conception « en silo » des dispositifs fiscaux existants. Ainsi, la plupart des aides en faveur de la construction neuve ne prennent aucunement en compte l'état initial du sol accueillant la nouvelle emprise, et soutiennent de la même manière la construction d'un lotissement sur des sols agricoles que la construction d'un logement collectif sur une friche.

Le levier incitatif pourrait également être mieux mobilisé. Par exemple, la taxe d'aménagement n'est que rarement modulée en fonction du type d'opération conduite, bien que des évolutions limitées aient récemment été introduites (par exemple en faveur de la réhabilitation de friches ou la construction de parkings verticaux).

LES MESURES DE LA LOI DE FINANCES POUR 2021
EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE L'ARTIFICIALISATION

La loi de finances pour 2021 a modifié à la marge certaines dispositions fiscales afin de faciliter la réalisation d'opérations vertueuses en termes de consommation d'espace et de lutte contre l'artificialisation.

Son article 43 a prévu que :

• La part départementale de la taxe d'aménagement puisse être employée en vue d'opérations de renaturation , en lien avec la compétence des départements en matière d'espaces naturels ; cette part étant aujourd'hui régulièrement sous consommée. Elle peut désormais être utilisée pour l'acquisition de terrains afin de les convertir en espaces naturels, en les dépolluant, aménageant et entretenant ;

• Les parkings verticaux soient exonérés de la taxe d'aménagement , afin de désenchérir le coût de ces constructions, moins consommatrices d'espaces que les parkings de plain-pied. Ces derniers étaient auparavant six fois moins taxés que les espaces intégrés au bâti.

• Le recours aux taux majoré de la part communale de la taxe soit facilité, en assouplissant les conditions de mise en oeuvre de la majoration .

Il est nécessaire d'estimer l'impact des dispositifs fiscaux non seulement au regard de leur objectif principal, par exemple le soutien à l'offre de logements, mais aussi vis-à-vis de leurs effets indirects, par exemple sur la consommation d'espace. La fixation de cibles de réduction de l'artificialisation, sans une refonte globale de la fiscalité de l'urbanisme et du logement, ne pourra pas produire de résultats satisfaisants.

c) Un impact sur les prix du foncier qui n'a pas été évalué

L'un des déterminants historiques de l'artificialisation est la cherté du foncier urbain , en particulier dans les grandes métropoles. Celle-ci a pour effet de réorienter les ménages et l'activité vers les zones périurbaines, accélérant leur urbanisation ; et pousse les aménageurs à se tourner vers des terres non artificialisées, moins coûteuses et ne nécessitant pas d'intervention préalable. À l'inverse, le prix du foncier agricole en France est parmi les plus bas d'Europe , ce qui entretient la dynamique d'artificialisation en rendant financièrement incitative l'ouverture à l'urbanisation de ces terres, tant pour leur propriétaire que pour les porteurs de projets.

Afin de limiter l'artificialisation et la consommation d'espace, le projet de loi « Climat et résilience » prévoit de fixer des objectifs uniformes et minimaux de réduction du rythme d'artificialisation. Pour atteindre ces objectifs, les collectivités seront tenues de modifier leurs documents d'urbanisme pour limiter la constructibilité des terrains non artificialisés, et de stopper l'urbanisation nouvelle. La révision de la planification locale entraînera donc probablement d'importants « rétrozonages » de zones aujourd'hui classées à urbanisées, en zones agricoles ou naturelles .

Les personnes entendues par le groupe de travail ont relevé que le rétrozonage est de plus en plus fréquent lors des évolutions de documents d'urbanisme, en lien avec les plus grandes ambitions portées par les collectivités territoriales ( voir partie 1-II-B ) et en raison d'une plus grande exigence des préfets en la matière. Il arrive fréquemment que des terrains constructibles lors de leur achat soient ensuite rétrozonés , ou que des terrains reçus en héritage, et sur lesquels d'importants frais de succession ont été acquittés, deviennent inconstructibles.

Pour les propriétaires de ces terrains « rétrozonés », cela représentera une forte perte de valeur de leur patrimoine immobilier. 58 % des Français sont aujourd'hui propriétaires de leur logement, et 56 % vivent en maison individuelle. La perte de constructibilité d'un terrain peut donc réduire considérablement le patrimoine et le revenu potentiel des ménages. Pour certains exploitants agricoles, la vente d'un terrain constructible située en zone à urbaniser peut aussi représenter l'une des sources de revenus complémentaires lors de la retraite. Ces transferts financiers sont loin d'être anodins, et doivent être pleinement pris en compte.

Comme le montrent les chiffres recueillis par le MTES 22 ( * ) , en 2018, 60 % des terrains achetés en France par des particuliers pour la construction de maisons individuelles se situaient dans les communes de moins de 10 000 habitants, dont 38 % dans des zones rurales. Or, ce sont précisément ces zones qui seront le plus visées par les mesures de limitation de la consommation d'espace. Des centaines de milliers de Français, souvent de jeunes ménages et des familles, pourraient rencontrer des difficultés à se loger ou à construire leur logement.

D'autre part, si le potentiel constructible sur le territoire d'une commune ou d'un bassin de vie se voit sensiblement réduit, comme le propose le projet de loi « Climat et résilience », la tension accrue sur l'offre de foncier disponible et sur les logements est susceptible d'accélérer encore la hausse des prix. Les enjeux économiques et sociaux de cette perte de pouvoir d'achat immobilier pourraient être très conséquents.

Le groupe de travail regrette à ce titre que l'étude d'impact du projet de loi ne comporte aucune estimation chiffrée des conséquences possibles des mesures de lutte contre l'artificialisation sur la disponibilité et le prix du foncier .

Avant toute modification de documents d'urbanisme visant à restreindre la constructibilité de certaines zones préalablement urbanisées ou ouvertes à l'urbanisation, une étude approfondie des impacts devrait être conduite, comprenant notamment un état des lieux du foncier résiduel disponible et une estimation de l'impact sur l'équilibre du marché foncier local, et donc des prix fonciers.

ÉVOLUTION DES PRIX DES LOGEMENTS NEUFS ET ANCIENS ENTRE 2000 ET 2021

Source : Commission des affaires économiques, données INSEE

Les observatoires du foncier et des loyers , mis en place près des SCoT ou dans le cadre des programmes locaux de l'habitat (PLH), pourraient être renforcés pour améliorer le suivi de ces évolutions, et le cas échéant, justifier de l'adaptation des objectifs de lutte contre l'artificialisation.

En outre, le projet de loi permet de recourir à une procédure de modification simplifiée - à laquelle il est aujourd'hui possible de recourir pour des changements mineurs - afin de modifier les documents d'urbanisme pour y intégrer les objectifs de lutte contre l'artificialisation. Au vu de l'ampleur des évolutions que ces objectifs impliquent, qui bouleverseront l'équilibre des documents, il paraît souhaitable de favoriser une large concertation et une pleine transparence autour des nouvelles orientations de la planification. Il ne serait pas acceptable que les Français ne soient pas associés à des décisions pouvant impacter directement leur patrimoine immobilier.

d) Accueillir l'activité économique

Le foncier est également l'un des facteurs d'attractivité et de compétitivité des économies. À l'heure où la France fait porter un effort particulier sur la relocalisation d'activités stratégiques, et plus généralement sur la réindustrialisation du pays, le prix du foncier ne doit pas devenir un facteur désincitatif à l'implantation d'activités économiques.

La mutation de l'économie française suscite constamment de nouveaux besoins : le poids croissant de l'économie numérique, par exemple, implique une demande très forte pour l'implantation de sites logistiques ou d'activités de service. La réflexion autour de l'utilisation optimale des sols doit accompagner cette transformation, plutôt que de s'inscrire en faux.

La nécessaire transition énergétique de la France, en accord avec les trajectoires définies par la loi et par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), s'appuiera sur un développement important des capacités de production d'énergies renouvelables , notamment éolienne, photovoltaïque ou à base de biogaz. L'installation de sites de production d'énergies renouvelables s'avère particulièrement propice à la réutilisation d'anciens sites artificialisés ou dégradés , mais il sera aussi nécessaire d'implanter certaines structures, comme les méthaniseurs, dans des zones non habitées ou en proximité immédiate des intrants agricoles, c'est-à-dire en dehors des zones déjà artificialisées.

Ces différents besoins doivent être conciliés, au service d'une vision globale du projet de territoire, et en concordance avec les objectifs déjà définis à l'échelle nationale et régionale. Pour un territoire en fort développement économique, ou qui amorce sa transition énergétique, des projets structurants, qualitatifs, peuvent se justifier et ne doivent pas être stoppés uniquement au titre d'une réduction quantitative de l'artificialisation.

e) Ne pas freiner le regain d'attractivité des zones de ruralité

Alors que la France a pu mesurer, lors des manifestations qui ont marqué la fin de l'année 2018, du sentiment de délaissement qui peut exister dans certains de ses territoires , les politiques publiques doivent garantir à tous les bassins, urbains comme plus ruraux, les mêmes opportunités de développement .

Longtemps marquées par le déclin démographique, la fuite des jeunes et des actifs vers les centres urbains, la désindustrialisation, ou encore la disparition progressive des services de proximité, les communes rurales ont réussi à recréer une dynamique positive. La pandémie de Covid-19 n'a fait qu'accélérer les tendances déjà enclenchées et mettre en valeur les nombreux atouts de la ruralité : proximité de la campagne et des paysages, tranquillité du cadre de vie, mais aussi disponibilité de logement à rénover dans les centres anciens, accessibilité du foncier, échelle de proximité...

Malgré ce regain d'attractivité, de nombreux bassins restent fragilisés par un manque d'activité économique, de services, par la concurrence des zones plus urbaines, ou la désaffection marquée des bourgs. Les élus de ces zones mettent en place des politiques volontaristes de développement de leur territoire , en cherchant à offrir aux jeunes des perspectives attrayantes pour que ceux-ci s'implantent dans les communes et leur insufflent une nouvelle dynamique. Tant les programmes Territoires d'Industrie que les dispositifs comme Coeur de Ville y sont mobilisés. C'est aussi le cas des communes des zones de revitalisation rurale (ZRR) , moins denses et moins riches que la moyenne des communes françaises, qui font l'objet d'efforts particuliers de redynamisation.

VISUALISATION DES ZONES DE REVITALISATION RURALE (ZRR)

Source : Observatoire des territoires, 2018

Des objectifs de lutte contre l'artificialisation mal calibrés , dans ces territoires, pourraient mettre en péril les efforts de revitalisation des petites communes rurales, et accentuer encore la fracture entre territoires urbains et ceux trop souvent considérés comme « périphériques ».

Historiquement, en France, l'accessibilité du foncier dans les zones périurbaines voire rurales, par comparaison avec les centres urbanisés, a par exemple permis de maintenir un ancrage de l'activité économique dans les territoires plus ruraux ou périphériques. Les bâtiments industriels, par exemple, se sont souvent implantés dans les couronnes des villes, tandis que d'autres activités commerciales ou de service cherchaient plutôt la proximité des centres urbains et des populations urbaines. Une forte restriction du foncier disponible pourrait empêcher l'installation de nouvelles activités, alors même que celles-ci ont un fort effet d'entraînement sur le dynamisme local.

De même, pour certaines communes, l'impossibilité de répondre à la demande des jeunes ménages, locaux ou nouveaux arrivants, en matière de logement individuel, grèverait largement les efforts d'attractivité, au profit de zones urbaines ou déjà plus densément peuplées. Risque-t-on de créer de nouvelles « diagonales du vide » ?

La résorption des inégalités territoriales et l'effort de cohésion passeront par le bon accès de l'ensemble de la population française à l'activité et à l'emploi. Chaque territoire français doit disposer des mêmes opportunités de développement, et l es objectifs de lutte contre l'artificialisation doivent offrir la souplesse nécessaire pour conduire des projets d'implantation relevant de l'intérêt du territoire.

Les chiffres sont là : les villes périurbaines sont aujourd'hui les plus dynamiques. Demain, ce seront peut-être les zones rurales, qui font preuve d'un important regain d'attractivité. Il est naturel que leurs habitants puissent bénéficier des mêmes services - commerces, loisirs, emplois - que les habitants des zones plus denses. Le besoin de proximité est réel pour tous. Sans prise en compte de ces enjeux de cohésion, créera-t-on des « laissés pour compte » de l'effort de sobriété foncière, en réduisant à néant les efforts de politique publique menés depuis plusieurs décennies ?

Principe n° 2 - Concilier les différents objectifs de l'action publique

• Prendre en compte l'impact cumulé de l'ensemble des législations et réglementations existantes sur le potentiel foncier lors de la fixation des objectifs de réduction de l'artificialisation. En particulier, tenir compte de l'application des lois Littoral et Montagne, des protections spécifiques liées aux espaces naturels et agricoles, mais aussi des obligations en matière de construction de logement social dans les communes soumises à la loi SRU.

• Avant toute restriction nouvelle de constructibilité au sein des documents d'urbanisme, estimer l'impact anticipé sur l'offre de foncier disponible et les prix locaux et prendre des mesures visant à limiter la hausse des prix et la pénurie de logements disponibles. À cette fin, renforcer les dispositifs d'observation du foncier et des loyers mis en place dans les territoires, dans l'objectif notamment de documenter les tendances d'évolution des prix du foncier en lien avec la lutte contre l'artificialisation.

• Engager une revue générale des dispositifs fiscaux en matière de logement, de construction et d'aménagement, afin de corriger les effets incitatifs à l'artificialisation tout en résorbant la crise du logement et en améliorant l'aménagement du territoire.

• Intégrer les enjeux de mutation des bassins économiques, de relocalisation et de réduction des inégalités territoriales lors de la fixation des objectifs de réduction de l'artificialisation.


* 20 Chiffres de la construction de logement, résultats de mars 2019, Stat Info Logement ; Prix des terrains à bâtir en 2018, octobre 2019, Commissariat général au développement durable, « Caractérisation des espaces consommés par le bâtis en France métropolitaine entre 2005 et 2013, Dossiers de l'INSEE, 2017.

* 21 Courrier du Président de la commission nationale SRU à la ministre chargée du Logement au sujet du rapport de la commission nationale SRU, janvier 2021.

* 22 Chiffres du logement, 2019, précité.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page