III. UNE MUTUALISATION INSUFFISANTE DES COMPÉTENCES ET DES MOYENS
Pour vos rapporteurs, renforcer l'attractivité et le développement de la métropole du Grand Paris c'est aussi assurer sa cohérence urbaine et sociale. Toutefois, ils observent que la nécessaire mutualisation de ses moyens se heurte à des contraintes très fortes : l'enchevêtrement des compétences qui ne favorise pas la prise de décisions coordonnées et un circuit de financement qui se révèle être un compromis boiteux, n'ayant quasiment aucun effet péréquateur et non soutenable dans la durée, que ce soit pour la MGP ou les EPT.
A. UN ENCHEVÊTREMENT DES COMPÉTENCES QUI NE FAVORISE PAS LA PRISE DE DÉCISIONS COORDONNÉES
1. Une MGP aux compétences limitées et sans poids politique
Selon les termes du professeur Olivier Renaudie, le Grand Paris est « un édifice juridique baroque aux compétences limitées ». En effet, La complexité du modèle de gouvernance contraste avec des compétences métropolitaines limitées, et exercées de manière croisée avec les autres acteurs territoriaux et l'État.
La MGP ne dispose que de 5 compétences obligatoires et de 3 compétences partagées avec les EPT.
Les 5 compétences obligatoires de la MGP sont les suivantes :
- Développement et aménagement économique, social et culturel ;
- Protection et mise en valeur de l'environnement ; politique du cadre de vie ;
- Aménagement de l'espace métropolitain ;
- Politique locale de l'habitat ;
- Gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi).
Les 3 compétences partagées entre la MGP et les EPT sont :
- Aménagement (le Plan Climat, Air, Énergie, un fonds métropolitain pour l'innovation numérique, des projets qualifiés d'intérêt métropolitain tels que la ZAC des Docks de Saint-Ouen, la ZAC Plaine Saulnier qui comprend le centre aquatique olympique) ;
- Développement économique (Fonds d'investissement métropolitain, fonds pour l'innovation numérique afin de soutenir les TPE et PME, le Fonds d'intervention métropolitain de soutien à l'artisanat, le commerce et les services) ;
- Politique de l'habitat (le SCOT et le PMHH ne sont pas encore adoptés).
La MGP cite en exemple de réussite métropolitaine la création d'une zone à faible émission (ZFE) regroupant les 50 communes situées dans le périmètre de l'A86 en appelant à soutenir ce projet sur le plan législatif en insérant dans le futur projet de loi 4D une disposition permettant de développer le système de vidéo-verbalisation et d'y appliquer le pouvoir de police. Toutefois, lors de leurs auditions, les élus de la grande couronne, dont le président du département de la Seine-et-Marne, Patrick Septier, ont fait prévaloir que ce type de politique métropolitaine, menée sans concertation avec les autres collectivités de la région Ile-de-France, posait un double problème : d'une part un conflit de compétence en matière de transport avec la Région, d'autre part des contraintes essentiellement supportées par les habitants extérieurs à la métropole.
Pour leur part, les EPT assument 7 compétences :
- Assainissement et eau ;
- Gestion des déchets ménagers et assimilés ;
- Équipements culturels et sportifs d'intérêt territorial ;
- Politique de la ville ;
- Action sociale d'intérêt territorial ;
- Plan local d'urbanisme ;
- Plan climat-air-énergie.
Il convient de préciser que ces compétences croisées entre la métropole et les EPT cohabitent également avec celles des communes, des départements et de la Région, dont la liste détaillée figure dans le tableau ci-après.
Tableau des compétences par type de collectivité et d'établissement
Communes |
EPT |
Départements |
MGP |
Régions |
|
Développement économique |
(x) |
x |
x |
||
Aménagement du territoire |
(x) |
x |
x |
||
Environnement |
x (avec un plan climat air énergie en cohérence avec le plan métropolitain) |
x |
x |
x |
|
Logement et habitat |
(x) |
x |
x |
x |
|
Politique de la ville |
x |
||||
Plan local d'urbanisme |
x |
||||
Gestion des ordures ménagères |
x |
||||
Assainissement et eau |
x |
||||
Gemapi |
x |
||||
Infrastructures (ports, aérodromes) |
x |
x |
|||
Action sociale (enfance, personnes handicapées, RSA, personnes âgées) |
x |
x |
|||
Formation professionnelle |
x |
||||
Transports |
x |
||||
Sécurité incendie |
x |
||||
Voirie |
x |
x |
|||
Gestion des établissements scolaires |
x |
x |
x |
||
Compétences partagées entre régions, départements, communes : sport, tourisme, promotion des langues régionales, éducation populaire |
x |
x (pour les équipements culturels et sportifs) |
x |
x |
(x) Compétences partagées de la MGP et des EPT
Au constat d'illisibilité et d'émiettement s'ajoute, selon les termes du président de la MGP que « paradoxalement, la Métropole du Grand Paris souffre de compétences moins complètes et moins claires que n'importe quelle autre métropole française, et l'efficacité et l'unité de son action en souffrent ».
Patrick Ollier déplore par ailleurs l'absence de compétences opérationnelles : « Nous nous sommes engagés dans la mise en place d'un texte de loi qui n'est absolument pas satisfaisant. Je revendique le fait de l'avoir combattu, car, à l'époque, le Gouvernement a fait des erreurs sur le périmètre et sur le budget. Lorsqu'on parle de compétences, on se rend compte que la métropole du Grand Paris est la seule métropole de France à ne pas disposer de compétences opérationnelles, alors qu'il s'agit d'une des deux ou trois métropoles les plus importantes d'Europe ».
2. Les « questions qui fâchent » ne sont pas abordées
Compte tenu des difficultés résultant de l'absence de compétences opérationnelle, Patrick Ollier défend l'idée d'une métropole des maires fondée sur des projets : « Nous avons une assemblée des maires qui se réunit tous les mois. Il est difficile de réaliser le consensus. Néanmoins, nous y parvenons, nous cheminons. Nous prenons une décision lorsque l'assemblée des maires de la métropole l'a validée. Après, cela va au bureau. C'est ainsi que nous travaillons ».
Faute d'accord politique, la MGP peine à traiter des questions « qui fâchent » sur le logement, la solidarité entre territoires, les plans de circulation, etc. Ainsi, ni le schéma de cohérence territoriale (SCoT), ni le plan métropolitain de l'habitat et de l'hébergement (PMHH) n'ont encore été adoptés. C'est cette situation qui a amené Philippe Subra à qualifier la métropole de « nain sur la scène géopolitique locale ou d'objet géopolitique mou et sans pouvoir ».
Ces difficultés sont également observées par Dominique Alba et explique l'absence de politiques métropolitaine sur le logement, la solidarité entre territoires, l'emploi, le stationnement, les plans de circulation ou encore le verdissement, etc...
Bien que la métropole soit aujourd'hui, par le mode d'élection des conseillers métropolitains, celle des maires, la complexité du modèle communes-EPT-métropole auquel se superposent les départements et la région rend illisible, pour les citoyens, la répartition des compétences. Qui fait quoi ? Très peu le savent. Il en résulte un déficit de légitimité démocratique qui, pour la métropole, dont les élus ne sont pas élus sur un programme entrave également leur capacité à agir. La gouvernance partagée, sans majorité ni opposition, à l'échelle de 7,2 millions d'habitants, peut-elle être un modèle efficace ?