B. DANS UNE APPROCHE PLUS FINE DE LA MIXITÉ SOCIALE, LA LOI SRU N'A PRODUIT QUE DES RÉSULTATS TRÈS RÉDUITS

Or ces travaux permettent de constater les effets très réduits, pour ne pas dire inexistants, de la loi SRU sur la mixité sociale , au-delà des chiffres bruts d'accroissement du parc locatif social.

Selon le rapport IDHEAL précité, la ségrégation 18 ( * ) en fonction des revenus , mesurée par l'inégalité de répartition des 20 % de ménages les plus pauvres entre les communes au niveau national, a progressé de 9 %, alors même que la répartition des logements sociaux était plus équilibrée. Comme le conclut le rapport, « les ménages les plus pauvres sont davantage entre eux et isolés du reste de la population ».

Les auteurs de l'étude de France Stratégie, pour leur part, constatent que la ségrégation des plus modestes est restée stable entre 2012 et 2018, malgré l'amélioration de la répartition des logements sociaux. Cette étude adopte un point de vue différent de celle d'IDHEAL, puisqu'elle mesure les inégalités entre quartiers au sein des agglomérations concernées par la loi SRU, et non les inégalités entre les communes de l'ensemble du territoire national. Les auteurs concluent que « globalement, la baisse rapide de l'indice de ségrégation des logements sociaux, c'est-à-dire leur meilleure répartition, ne semble donc pas s'être traduite par une meilleure répartition des ménages les plus modestes ».

En d'autres termes, la loi SRU ne paraît pas avoir eu un effet sur les concentrations de pauvreté dans certains quartiers des grandes agglomérations.

Les explications sont complexes.

L'IDHEAL constate une divergence entre le parc privé (locataires et propriétaires-occupants) et le parc social : la concentration de pauvreté augmente dans les logements sociaux, alors que les ménages les plus modestes sont de moins en moins présents dans le parc privé. Le même rapport formule l'hypothèse que le rattrapage dans les communes « bonnes élèves » de la loi SRU s'est en fait réalisé en bonne partie par la construction de logements sociaux tels que ceux financés par des prêts locatifs sociaux (PLS), destinés aux classes moyennes et non aux ménages les plus modestes. De fait, les ménages logés dans les HLM plus anciens sont plus souvent pauvres et les nouveaux entrants sont souvent plus riches que les locataires anciens, d'autant que la mobilité au sein du parc social est faible.

France Stratégie évoque plusieurs hypothèses :

- les quartiers comprenant une forte proportion de logements sociaux pourraient s'être paupérisés ;

- des logements sociaux pour personnes modestes pourraient avoir été construits dans des quartiers qui étaient déjà peuplés de ménages modestes logés dans le parc privé, ce qui peut être le cas notamment lorsque le parc privé est réhabilité et transformé en logement social ;

- de manière plus générale, le profil des nouveaux logements sociaux correspond souvent au profil des quartiers dans lesquels ils sont implantés : des ménages relativement aisés s'installent ainsi plutôt dans des quartiers relativement aisés que dans des quartiers pauvres. Cette explication est souvent avancée par des sociologues ;

- enfin, les procédures d'attribution pourraient privilégier les ménages habitant à proximité, de sorte que la construction de logements sociaux n'aurait pas, par elle-même, d'effet sur la composition sociale du quartier . Cette explication semble assez bien correspondre aux données existantes.

Ces éléments suggèrent que la loi SRU ne peut être le seul outil pour favoriser la mixité sociale.

M. François Adam, directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, s'est d'ailleurs opposé devant la commission à la fixation d'objectifs de mixité sociale explicites dans le cadre de la loi SRU, au motif que le dispositif avait pour objectif de mieux équilibrer la répartition des logements sociaux sur le territoire, mais qu'elle ne constituait pas un levier d'action suffisant à l'égard de la mixité sociale pour qu'on puisse l'évaluer de manière précise à cet égard. La mixité sociale dépend par exemple des politiques d'attribution de logements sociaux, de la localisation des logements sur le territoire communal, du niveau des loyers ou de la part de l'accession sociale à la propriété.


* 18 Un indice de ségrégation ne mesure pas le niveau absolu des inégalités, mais leur concentration dans certaines parties du territoire. Il permet par exemple de constater si les ménages à bas revenus sont concentrés dans un nombre limité de communes ou, au contraire, répartis de manière équilibrée sur l'ensemble du territoire. Il peut effectuer la même mesure pour d'autres grandeurs, telles que le statut d'occupation (parc privé ou parc social).

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