E. FRANCE MÉDIAS MONDE
L'objectif n° 6 assigné à FMM vise notamment à « porter les valeurs démocratiques dans le monde » et à diffuser « la vision singulière de la France au service de la diffusion de ses valeurs et de sa culture à l'étranger (la laïcité, l'égalité entre les femmes et les hommes, la diversité et le respect des droits humains) ». Ce faisant, le rapporteur s'étonne de ce que le COM entretienne la confusion entre les valeurs de la République (liberté, égalité, fraternité), qui constituent un idéal, et ses principes (laïcité, parité...), qui constituent des règles de vie en commun ou des principes d'organisation du service public. Cette confusion peut créer des malentendus à l'international concernant par exemple la place des religions dans la société, c'est pourquoi une clarification de la rédaction gagnerait à être recherchée.
L'objectif n° 7 concernant « la promotion de la francophonie dans un monde plurilingue » indique que l'offre pluri-média arabophone sera renforcée par le rapprochement des rédactions de France 24 en arabe et de MCD. Le rapporteur considère que le rapprochement des rédactions de FMM peut effectivement être un facteur de plus grande cohérence pour autant qu'il n'ait pas pour but de réduire drastiquement les effectifs de journalistes . À cet égard, après avoir échangé avec les syndicats de FMM, le rapporteur n'a pas été convaincu par la pertinence de la baisse du nombre de journalistes de MCD alors que tous s'accordent à considérer que la zone Afrique du Nord et Moyen-Orient doit au contraire constituer un secteur prioritaire et qu'il est urgent de mieux faire comprendre l'attachement de la France au principe de laïcité.
L'objectif n° 8 vise à « développer l'innovation numérique au service d'une offre éditoriale ambitieuse ». Le numérique doit assurément constituer une priorité pour FMM mais les priorités énoncées faute de moyens nouveaux clairement identifiés ne semblent pas permettre d'atteindre pleinement cet objectif. Le basculement de certaines rédactions (russe, persan, anglais) en 100 % numérique vise ainsi davantage à réaliser des économies sur les coûts de diffusion hertzienne qu'à améliorer l'offre de services. Par ailleurs, les syndicats de FMM ont mis en évidence l'insuffisance des actions de formation pour permettre aux journalistes de produire des nouveaux formats pour le web. A contrario, la direction de l'entreprise met en avant les excellents résultats sur les réseaux sociaux et les efforts de formation prévus en particulier en 2021.
L'objectif n° 9 vise à « assurer notre présence mondiale tout en développant une stratégie régionalisée ». Si l'ancrage au coeur de l'Afrique est une réalité heureuse, le rapporteur rappelle à nouveau les doutes que lui inspirent le rétrécissement des moyens dévolus à l'offre arabophone alors que France 24 et MCD se voient attribuer par le COM « un rôle de médias d'équilibre et de pont entre la France et le monde arabe à travers un traitement de l'actualité équilibré et luttant contre la radicalisation et les fausses informations ». Le retrait confirmé de la distribution payante aux États-Unis interroge également sur les moyens que la France est prête à consentir pour défendre son influence auprès de la première puissance mondiale au moment où celle-ci vient de changer de dirigeants et de prendre de nouvelles orientations.
L'objectif n° 10 concerne l'optimisation de la gestion de l'entreprise sur la base des recommandations formulées par la Cour des comptes.
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En conclusion, le rapporteur considère que ces mini-COM ne respectent ni la lettre ni l'esprit de la loi du 30 septembre 1986. Annoncés comme portant sur la période 2020-2022, ils ne couvrent en réalité que les années 2021 et 2022 et ne sont donc pas conformes à la loi de 1986 qui prévoit une durée de trois ans minimum .
Dans les faits, les budgets des entreprises concernées étant déjà votés pour 2021, la programmation ne porte en réalité que sur l'année 2022 sachant que les scrutins du printemps de cette année électorale pourraient se traduire par des dispositions rectificatives applicables au second semestre, ce qui réduit encore la portée de ces documents .
Ce faisant les COM ne répondent pas non plus à l'esprit de la loi dont la vocation consiste à tracer une perspective de moyen terme qui, par définition, ne saurait se limiter aux échéances électorales . Le Gouvernement n'a d'ailleurs pas hésité à se projeter en 2025 pour sa loi de programmation militaire et à 2030 pour sa loi de programmation pour la recherche. Le propre des démocraties avancées est précisément d'être capables de faire des choix pluralistes qui engagent la puissance publique dans la durée à l'image de l'actuelle Charte royale de la BBC entrée en vigueur le 1 er janvier 2017 qui cessera de produire ses effets le 31 décembre 2027.
Non seulement les COM ne remplissent pas leur fonction de définition d'un projet stratégique de moyen terme mais, à travers les non-dits, ils créent une inquiétude forte dans chaque entreprise de l'audiovisuel public sur l'après 2022 concernant l'avenir de la CAP dont la réforme maintes fois annoncée depuis 2017 a été chaque fois repoussée . Alors que les commissions de la culture et des finances du Sénat avaient dès 2015 dans le rapport de nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin insisté sur la nécessité de remettre à plat à la fois le modèle économique et la gouvernance de l'audiovisuel public , force est de constater l'échec de ce Gouvernement alors que le quinquennat se rapproche de son terme. La réforme de l'audiovisuel préparée par Franck Riester était sur le point de créer les conditions d'une gestion plus stratégique de l'audiovisuel public tandis que l'adoption d'une redevance universelle à l'allemande - qui fait quasiment consensus parmi nous - aurait permis de mettre sur la table la place de la publicité et donc de l'identité du service public. L'absence de réforme de la CAP se traduit au contraire dans les COM de Radio France et de France Télévisions par une réaffirmation de la publicité comme seule véritable marge de manoeuvre des entreprises concernées .
Comme l'a indiqué la présidente de France Télévisions lors de la table ronde du 12 janvier, les synergies prévues par les COM sont en réalité plus modestes qu'attendu ce qui réduit sensiblement la portée des objectifs communs et de la synchronisation des calendriers. Le seul véritable apport de ces COM tient, en fait, à la confirmation de la trajectoire budgétaire de 2018 qui a eu pour mérite de placer l'objectif de rigueur dans la gestion en tête des préoccupations des dirigeants de l'audiovisuel public mais nul n'était besoin de rédiger ces COM pour réaffirmer cette trajectoire qui s'applique depuis trois ans sans discontinuer.
Au-delà de l'absence de perspectives financières et stratégiques dont témoignent la feuille de route et les objectifs communs des COM, le rapporteur s'inquiète tout particulièrement de cinq dispositions propres aux COM de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l'INA qui les rendent à ses yeux inacceptables en l'état. Ces dispositions concernent :
1. la suppression de France 4 confirmée par le COM de France Télévisions. Elle est contradictoire avec l'objectif d'adresser à la jeunesse des programmes éducatifs et porteurs des valeurs républicaines alors même qu'elle ne constitue pas une source d'économies significative pour l'entreprise et que le projet de Delphine Ernotte Cunci de juillet 2020 prévoyait le maintien de France 4 ;
2. la disparition du plafond de 42 M€ de recettes publicitaires dans le COM de Radio France . Cette libéralisation de la publicité sur les antennes du service public rompt les engagements pris envers les radios privées qui seront directement impactées et place le groupe public dans une dépendance accrue à l'audience qui affaiblira à la fois son identité de service public et son indépendance éditoriale ;
3. l'absence de ligne claire concernant la définition et le déploiement de l'offre numérique commune à France 3 et France Bleu . L'offre « partagée » mentionnée dans le COM ne correspond à aucun modèle concret et ne s'inscrit pas dans un calendrier connu. Cette absence de choix contredit à la fois la priorité accordée à la proximité et la nécessité de poursuivre la transformation numérique ;
4. la diminution de 20 journalistes de MCD et le rapprochement avec la rédaction de France 24 arabophone . Si les mutualisations des rédactions peuvent permettre d'améliorer l'offre, elles ne peuvent viser d'abord des économies de postes sur des zones de diffusion stratégiques. L'affaiblissement de la radio arabophone française apparaît contradictoire avec la priorité donnée du développement de l'audiovisuel extérieur dans le monde arabo-musulman ;
5. l'absence de reconnaissance officielle du rôle de l'INA comme pôle de formation à destination des 15 000 personnels de l'audiovisuel public . La formulation retenue par le COM faisant référence à une simple réflexion sur l'opportunité de créer cette offre commune illustre les difficultés de l'actionnaire à faire prévaloir l'intérêt commun de l'audiovisuel public sur les habitudes et les forces centrifuges.
Le caractère fondamental de ces cinq objections spécifiques couplé aux réserves générales sur la forme et la portée de ces documents amène le rapporteur à proposer à la commission de donner un avis défavorable à l'adoption des COM de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l'INA pour la période 2020-2022. Le rapporteur souhaite préciser que cet avis négatif vise d'abord l'actionnaire de ces entreprises qui aura échoué depuis 2017 à créer les conditions favorables au développement de ces entreprises de l'audiovisuel public en les plaçant dans la situation périlleuse de devoir renoncer à certains aspects importants de leur offre lorsqu'elles ne peuvent recourir à des ressources propres qui dénaturent souvent leur identité de service public.
A contrario , le rapporteur a pris acte que, du fait de son statut international, la société ARTE France n'était pas soumise aux mêmes vicissitudes que ses cousines de l'audiovisuel public national. On rappellera en effet que le COM d'ARTE France est subordonné au projet de groupe 2017-2021 du groupe ARTE et qu'il devra en outre respecter le projet de groupe 2021-2024 dont la préparation commencera en juin prochain. Sur le plan financier, le financement d'ARTE France s'inscrit dans le cadre du budget pluriannuel négocié en 2019 par le groupe ARTE avec ses tutelles française et allemande. La chaîne franco-allemande constitue donc une exception dans le paysage français puisqu'elle dispose d'une visibilité financière et stratégique à moyen terme qui lui permet de mener à bien son projet d'entreprise en toute indépendance avec des résultats inégalés en termes de qualité et de diversité des programmes. Le rapporteur propose donc de donner un avis favorable à l'adoption du COM d'ARTE France.
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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis défavorable à l'adoption des COM de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l'INA pour la période 2020-2022.
Elle a par ailleurs émis un avis favorable à l'adoption du COM d'ARTE France .