N° 309
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021
Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 janvier 2021
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission de la culture, de
l'éducation et de la communication (1) sur les
contrats
d'
objectifs
et de
moyens
des
sociétés
de
l'
audiovisuel
public
(2020-2022),
Par M. Jean-Raymond HUGONET,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mmes Laure Darcos, Catherine Dumas, M. Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Michel Savin, Mmes Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Abdallah Hassani, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Mme Else Joseph, MM. Claude Kern, Michel Laugier, Mme Claudine Lepage, MM. Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, François Patriat, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial .
AVANT-PROPOS
Le président du Sénat a été saisi le 18 décembre 2020 par le Gouvernement des projets de contrats d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) pour la période 2020-2022.
On peut rappeler que l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit que des COM sont conclus entre l'État et ces cinq sociétés de l'audiovisuel public 1 ( * ) dont la durée « est comprise entre trois et cinq années civiles » . Si la loi prévoit donc l'obligation de conclure un COM, elle ne prévoit aucune sanction si l'État manque à cette obligation ou ne respecte pas les termes du document . C'est ainsi que les COM de Radio France et de l'INA conclus pour la période 2015-2019 n'ont pas été renouvelés dans les délais tandis que le COM d'ARTE France prévu pour la période 2017-2021 se trouve écourté 2 ( * ) . Par ailleurs, il convient de noter que les dispositions financières des COM négociés avant 2017 n'ont pas été respectées par la nouvelle majorité issue des scrutins présidentiel et législatif sans que des avenants n'aient été pour autant adoptés. Du fait du non-respect de leurs dispositions financières, la plupart des entreprises de l'audiovisuel public se sont donc retrouvées privées de COM depuis 2017 et, d'une certaine manière, ont été « livrées à elles-mêmes » et aux décisions erratiques de leur actionnaire.
L'expérience des dernières années a donc démontré que les COM conclus par l'État avec les sociétés de l'audiovisuel public n'avaient qu'une valeur indicative. Ils n'engagent pas le Gouvernement dans la durée mais permettent de décliner de manière pluriannuelle les priorités du moment de l'actionnaire .
Le grand nombre des sujets évoqués dans ces documents comme le faible caractère contraignant des objectifs visés ont mis en évidence les défaillances de cet outil alors même que les entreprises de l'audiovisuel public ont besoin d'une certaine stabilité pour développer leur projet. Par ailleurs, une autre contradiction tient au fait que les présidents des sociétés de l'audiovisuel public (à l'exception de celui de l'INA) sont désignés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) sur la base d'un projet stratégique. Or l'actionnaire n'est pas lié par le projet stratégique des candidats retenus par le CSA, ce qui complique sensiblement la définition de la stratégie de l'entreprise qui doit figurer dans son COM.
Des COM aux objectifs trop nombreux et pas assez hiérarchisés
L'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que « les contrats d'objectifs et de moyens déterminent (...) pour chaque société ou établissement public :
- les axes prioritaires de son développement ;
- les engagements pris au titre de la diversité et l'innovation dans la création ;
- les montants minimaux d'investissements de la société visée au I de l'article 44 dans la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue ;
- le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d'exécution et de résultats qui sont retenus ;
- le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;
- le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;
- les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d'un prix ;
- les axes d'amélioration de la gestion financière et des ressources humaines ;
- le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l'équilibre financier. »
L'ensemble de ces dysfonctionnements ont amené le Gouvernement à envisager une réforme des COM dans le cadre du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique déposé à l'Assemblée nationale le 5 décembre 2019 et adopté en première lecture le 5 mars 2020 par la commission des affaires culturelles 3 ( * ) . Ce projet de loi prévoyait ainsi de remplacer les COM par des « conventions stratégiques pluriannuelles » conclues entre l'État et la nouvelle société France Médias d'une part et la société ARTE France d'autre part . Ces conventions auraient eu pour vocation de déterminer pour cinq ans au maximum trois aspects majeurs des deux sociétés : les orientations stratégiques et les axes prioritaires du développement de l'entreprise ; le coût prévisionnel et ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d'exécution et de résultats ; et les prévisions pluriannuelles de ressources publiques devant lui être affectées.
La réduction du nombre des objectifs était cohérente avec la création de la société holding, France Médias ayant précisément pour objectif de déterminer la stratégie commune de l'entreprise et de ses filiales et de suivre au quotidien sa mise en oeuvre. La convention conclue entre la société et son actionnaire unique devait légitimement se concentrer sur l'essentiel. Par ailleurs, la mise en place d'un nouveau mode de nomination mettant un terme au choix opéré par le CSA 4 ( * ) sur le fondement d'un projet permettait également de se prémunir contre les risques avérés d'incohérences entre le projet des candidats choisis par le CSA et les priorités retenues par l'actionnaire.
L'arrêt de l'examen du projet de loi de réforme de l'audiovisuel à l'occasion de la crise sanitaire du printemps 2020 et le choix fait par le Gouvernement de ne pas en poursuivre la discussion depuis ont laissé le secteur de l'audiovisuel public sans véritable direction stratégique . Alors que la réforme de la contribution à l'audiovisuel public a également été repoussée et que son adoption d'ici la fin de l'actuel quinquennat devient pour le moins incertaine, la seule ligne directrice fixée par l'actionnaire est aujourd'hui constituée par la trajectoire budgétaire 2018-2022 qui prévoit une baisse de 190 M€ de la ressource publique .
Face au développement exponentiel des plateformes numériques de vidéos par abonnement mais également de podcasts, l'absence de réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public constitue aujourd'hui un sérieux handicap pour les entreprises concernées . Les coopérations demeurent limitées en nombre et difficiles à mettre en oeuvre faute de structures et de directions communes. Il n'est pas non plus aisé pour ces entreprises distinctes juridiquement de mettre en commun les investissements technologiques et les moyens consacrés à la recherche comme le feraient des entités regroupées dans une holding. Dans ces conditions, la transformation numérique des entreprises de l'audiovisuel public a certes été engagée mais son rythme comme son ampleur semblent bien moindres que ceux des plateformes américaines.
Le choix du Gouvernement de conclure de nouveaux contrats d'objectifs et de moyens avec les cinq entreprises de l'audiovisuel public qui en sont pourvues s'inscrit donc dans ce contexte particulier qui en limite structurellement la portée. La synchronisation de ces contrats constitue certes une innovation heureuse puisqu'elle permet de promouvoir une certaine coordination mais celle-ci ne pourra jamais égaler les avantages d'une gouvernance commune. La détermination d'objectifs communs a le mérite d'institutionnaliser la recherche des mutualisations mais celles-ci ne pourront progresser en l'absence de structures juridiques communes.
Dans ces conditions, le rapporteur prend acte de l'initiative du Gouvernement qui, à travers ces nouveaux COM, se conforme enfin à la loi du 30 septembre 1986. Il regrette néanmoins que ces COM ne portent en réalité que sur deux années, 2021 et 2022, en contradiction avec l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 qui prévoit que « la durée de ces contrats est comprise entre trois et cinq années civiles » . Il considère surtout que ces COM ne constituent qu'un ersatz de réforme de l'audiovisuel public. Il rappelle enfin que la préparation de ces COM ne s'est appuyée sur aucune évaluation sérieuse de la situation des entreprises de l'audiovisuel public au regard de l'adaptation de leur offre de programmes aux attentes du public et n'a fait l'objet d'aucune véritable concertation, notamment avec les personnels des entreprises concernées.
Préparés dans le secret des ministères et sans débat public, ces cinq contrats d'objectifs et de moyens accompagnent la fin de la mise en oeuvre de la trajectoire budgétaire 2018-2022. Pour autant, ils ne sauraient faire office de stratégie pour l'audiovisuel public compte tenu du manque d'ambition et de moyens qui les caractérisent. À défaut de constituer un projet pour l'audiovisuel public, ces contrats actent la nécessité d'institutionnaliser les mutualisations à travers des objectifs communs, ils ne sont donc pas complètement inutiles et peuvent être considérés comme une étape sur la voie du regroupement des acteurs de l'audiovisuel public qui demeure indispensable.
I. UNE FEUILLE DE ROUTE COMMUNE AUX CINQ SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC
Les nouveaux contrats d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l'INA sont construits avec une maquette identique 5 ( * ) . Celle-ci débute par la présentation d'une « feuille de route du secteur audiovisuel public pour la période 2020-2022 » divisée en trois parties :
- les priorités communes de l'audiovisuel public ;
- la transformation de l'audiovisuel public ;
- la déclinaison de la feuille de route pour l'entreprise considérée.
La feuille de route rappelle pour commencer que le Gouvernement a annoncé en 2018 les « grands axes de transformation de l'audiovisuel public à l'horizon 2022 » et a arrêté le cadrage budgétaire accompagnant cette réforme d'ici la fin du quinquennat. La feuille de route expose les cinq priorités guidant la transformation du secteur de l'audiovisuel public dans le nouvel univers numérique. Le document indique par ailleurs que « conformément à l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, cette ambition commune de transformation est formalisée par la conclusion de contrats d'objectifs et de moyens 2020-2022 qui, désormais, voient leurs calendriers alignés - à la fois entre les entreprises du secteur et sur l'horizon budgétaire prévisible de 2022 » .
Le rapporteur rappelle que pour être véritablement conformes à la loi de 1986 6 ( * ) , ces COM auraient dû être adoptés dès 2018, au moment où le Gouvernement a cessé de respecter les dispositions des précédents COM. Par ailleurs, il considère qu'il est abusif de considérer que ces COM portent sur une période de 3 ans allant de 2020 à 2022 puisqu'ils ne seront pas adoptés formellement avant la fin du mois de janvier 2021 et que la loi de 1986 exclut la possibilité de conclure des COM à titre « rétroactif » . La loi ne prévoyant pas la possibilité de COM de seulement 2 ans, le Gouvernement ne respecte pas à la lettre l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986.
Au-delà du formalisme juridique, c'est l'esprit même des COM qui est oublié puisque ces contrats pluriannuels visent à donner aux entreprises une visibilité permettant de développer des projets stratégiques . En limitant la programmation à 2022, les nouveaux COM renforcent les incertitudes - pour ne pas dire les craintes - concernant l'année 2023. L'absence de projets stratégiques s'ajoute ainsi à l'inquiétude qui entoure le sort toujours pas clarifié de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) à l'issue de ce quinquennat.
Par ailleurs, l'argument selon lequel la durée des COM a été calée sur la fin du quinquennat pour coïncider avec l'agenda politique ne saurait être retenu comme pertinent puisque la dernière loi de programmation militaire porte sur la période 2019-2025 et que le Parlement a adopté il y a peu une loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. Ces deux exemples illustrent le fait que le Gouvernement n'hésite pas à se projeter sur le temps long lorsqu'il a des convictions . On rappellera enfin que la Charte royale de la BBC a une durée qui peut aller jusqu'à dix ans ce qui traduit à nouveau la force et la permanence de l'audiovisuel public britannique et, a contrario , les atermoiements de notre propre audiovisuel public.
A. LES PRIORITÉS COMMUNES DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC
La feuille de route prévoit cinq priorités communes à l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public : la culture et la création, la jeunesse et la création, l'information, la proximité, l'Europe et les actions extérieures .
En matière de culture et de création , la feuille de route rappelle que l'audiovisuel public est « un acteur majeur de la diversité culturelle » tant en matière d'exposition de toutes les formes de culture, que de soutien à son financement et de préservation et de valorisation du patrimoine culturel. Elle insiste également sur le rôle de prescripteur du secteur de l'audiovisuel public et sur les partenariats à développer avec les filières culturelles ainsi que le nécessaire maintien des engagements en faveur de la création audiovisuelle et cinématographique.
Le rapporteur constate qu'aucune évaluation de la production audiovisuelle n'a été réalisée en amont de l'établissement de cette feuille de route. Il rappelle notamment que les programmes financés par France Télévisions malgré leurs succès d'audience ne peuvent pas toujours être considérés comme particulièrement audacieux et créatifs et que leur réussite à l'exportation reste très limitée. Le manque d'innovation est particulièrement flagrant en matière de flux où la règle demeure l'adaptation de formats étrangers coûteux. Le rapporteur regrette donc que le projet de COM n'insiste pas davantage sur les objectifs de qualité, d'innovation et de rayonnement des programmes de l'audiovisuel public comme un élément essentiel de son identité et de son modèle économique.
La deuxième priorité concerne la jeunesse et l'éducation . La feuille de route affirme que « la transformation de l'audiovisuel public vise à enrichir l'offre destinée aux publics jeunes et à investir plus résolument les nouveaux supports de diffusion » à travers, en particulier, un « regroupement des forces de l'audiovisuel public en matière de numérique éducatif autour des offres, complémentaires entre elles, Lumni et Educ' Arte » et la mise à disposition d' « offres ludo-éducatives de référence » .
Le rapporteur rappelle que la suppression de France 4 prévue pour le mois d'août 2021 constitue la principale décision prise par le Gouvernement en matière d'audiovisuel destiné à la jeunesse . Outre le fait que l'économie ainsi réalisée devrait être mineure compte tenu du budget de France Télévisions, le Gouvernement se prive d'un outil précieux pour renforcer la diffusion et l'appropriation des valeurs républicaines. Compte tenu du fait que de nombreux foyers - notamment les plus fragiles - n'ont pas encore accès à Internet, il apparaît que la suppression de France 4 demeure inopportune. Ni la présidente de France Télévisions, ni les personnels du groupe public n'approuvent cette décision qui apparaît contraire à l'intérêt de l'entreprise . Le rapporteur s'interroge par ailleurs sur la coexistence des deux offres Lumni et Educ'Arte - à la fois concurrentes et complémentaires - qui multiplie les coûts et complique leur appropriation par les parents et leurs enfants.
Concernant l'information , la feuille de route estime que « l'information de service public doit conforter son statut d'offre de référence » tandis que franceinfo , fruit d'une « coopération exemplaire » , doit poursuivre son développement.
Le rapporteur estime pour sa part que le « statut d'offre de référence » du service public constitue aujourd'hui autant un objectif qu'une réalité. Malgré des moyens importants, la chaîne franceinfo connait la plus faible des audiences des chaînes d'information (0,7 % en 2020 contre 1,2 % pour LCI, 1,4 % pour CNews et 2,9 % pour BFM). Les journaux télévisés de France 2 demeurent moins populaires que ceux de TF1 7 ( * ) . Par ailleurs, si l'on peut saluer les efforts de contextualisation de l'information et l'engagement dans la lutte contre les fausses informations, un débat existe sur l'impartialité de certains programmes d'information du service public qui interroge sur l'objectif d'exemplarité.
La proximité constitue la quatrième priorité commune de la feuille de route. Cette dernière rappelle que l'audiovisuel public « s'adresse à tous les publics au plus près d'eux en particulier à travers l'offre de proximité que portent les trois réseaux » avec France 3, France Bleu et les Outre-mer 1 ère . La feuille de route prévoit ainsi « des partenariats éditoriaux renforcés dans les offres linéaires et numériques avec pour objectif de constituer, à terme, une offre numérique de proximité partagée, au service du public de chaque territoire » .
Le rapporteur ne peut que saluer la priorité donnée à la proximité qui a vocation à constituer une part essentielle de la valeur ajoutée de l'audiovisuel public. Il rappelle néanmoins les difficultés rencontrées dans la mise en place des matinales communes à France 3 et France Bleu et la persistance d'un malaise parmi les personnels quant au projet éditorial. Concernant la dimension numérique du partenariat, le rapporteur considère que l'objectif de création à terme d'une offre numérique de proximité « partagée » n'est pas assez ambitieux . Comme l'écrivait notre ancien collègue Jean-Pierre Leleux dans son avis budgétaire sur le PLF 2019, on peut s'interroger « sur le choix qui a été fait de donner la priorité à la création de matinales communes. Une autre stratégie aurait pu consister à privilégier le numérique en créant des plateformes régionales numériques uniques rassemblant les moyens des deux sociétés. Ces plateformes pourraient être alimentées soit par des contenus communs (des interviews, des reportages, des services relatifs à la météo ou au trafic routier) soit par des contenus propres à chaque antenne » 8 ( * ) .
Le projet de COM, en faisant référence à une offre numérique « partagée » , semble écarter la perspective d'une offre numérique véritablement commune pouvant reposer sur une marque propre comme cela s'est révélé utile pour franceinfo. Ce manque d'ambition s'explique sans doute par l'abandon du projet de holding commun qui permettait de mettre un terme aux « querelles de chapelles » et de créer les outils juridiques et managériaux précieux pour conduire des projets véritablement communs.
L'Europe et les actions extérieures constituent la cinquième priorité commune de la feuille de route. Celle-ci fait le lien avec la présidence française du Conseil de l'Union européenne du premier semestre 2022 en assignant à l'audiovisuel public la mission d'« informer au mieux les Français, tant sur le fonctionnement de l'Union européenne et ses représentants que sur les actions qu'elle mène, l'impact de ces actions sur leur vie quotidienne et l'actualité des autres États membres ». La feuille de route rappelle par ailleurs le rôle essentiel de l'audiovisuel extérieur dans le rayonnement international de la France notamment afin de faire écho aux priorités de sa politique étrangère. La feuille de route prévoit qu'une attention particulière soit portée aux valeurs démocratiques « notamment auprès des publics en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ».
Le rapporteur s'étonne du lien qui est fait par la feuille de route avec la présidence française de l'Union européenne de 2022. Il rappelle que l'audiovisuel extérieur ne constitue pas un instrument de communication de l'État voire du Gouvernement, ce qui le distingue de certains médias « officiels » comme RT. Interrogée par le rapporteur sur ce sujet, la présidente de France Médias Monde a reconnu que la formulation retenue était peut-être malheureuse et a rappelé l'importance de préserver l'indépendance éditoriale de ses antennes.
* 1 La chaîne internationale francophone TV5 Monde du fait de son statut ne fait pas l'objet de COM avec le Gouvernement français. La « Charte TV5 Monde » prévoit cependant l'élaboration d'un plan stratégique quadriennal adopté par la conférence des ministres responsables des différents Gouvernements bailleurs de fonds.
* 2 L'article 53 prévoit néanmoins qu'« un nouveau contrat peut être conclu après la nomination d'un nouveau président », ce qui correspond à la situation d'ARTE France qui est présidée par Bruno Patino depuis juillet 2020.
* 3 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2747_texte-adopte-commission#
* 4 Les nominations des présidents d'ARTE France et de l'INA ne sont pas concernées par cette procédure.
* 5 Le COM d'ARTE est construit différemment pour tenir compte du projet d'entreprise commun aux entités française et allemande qui s'impose à chacun des membres.
* 6 Selon l'article 53 de la loi de 1986, la conclusion d'un COM est obligatoire et non facultative. Par ailleurs il n'est pas précisé que le Gouvernement est libre de ne pas en appliquer les dispositions. En ne respectant pas les précédents COM et en négligeant de les modifier par voie d'avenant, le Gouvernement a largement participé à la décrédibilisation de cet outil censé apporter de la prévisibilité et de la stabilité aux entreprises concernées.
* 7 Le journal de 13 heures de TF1 du lundi 4 janvier 2021 a rassemblé 6,44 millions de téléspectateurs contre 3 millions pour son concurrent de France 2.
* 8 https://www.senat.fr/rap/a18-151-41/a18-151-412.html#toc40