VII. LES PROPOSITIONS DE LA MISSION

• Les forces armées devraient mieux communiquer sur leur action pour préserver la biodiversité dans la forêt amazonienne . Le fait que la France soit une nation amazonienne et que les légionnaires et les marsouins français se battent pour protéger la biodiversité, en liaison avec le parc naturel régional et l'ONF, est largement ignoré. Sans leur action, ce sont des milliers de km 2 de forêt primaire équatoriale qui disparaitraient .

• Il est nécessaire d'adapter le droit aux spécificités guyanaises . Il faut notamment tenir compte du fait qu'en l'absence de routes, il faut une journée pour rallier Cayenne depuis l'intérieur. Le recours à la visioconférence pourrait constituer une des adaptations nécessaires. De même, lorsqu'une interpellation a lieu dans la forêt amazonienne, le délai de transfert en pirogue fait courir un risque eu égard au délai de garde à vue, ce qui suggère un report du point de départ de celle-ci. En outre, compte tenu du nombre important de reconnaissances de naissances frauduleuses, des procédures simplifiées sont nécessaires. Enfin, créer un délit minier aggravé pour les espaces naturels protégés permettrait de punir plus sévèrement les orpailleurs. L'article 73 de la Constitution prévoit la possibilité de telles adaptations.

• Il convient d'évaluer périodiquement le niveau de la menace pesant sur le Centre spatial guyanais . Les moyens de protection sont aujourd'hui adaptés, mais il faut toujours veiller à ce que n'apparaissent pas des « trous dans la raquette ». En haut du spectre, on peut craindre une attaque de type terroriste, par exemple par un aéronef. Il est possible de faire venir chasseurs, ravitailleurs, et Awacs en renfort, dans la configuration renforcée « Bubo », mais en pratique cela ne concerne que les mises en orbite de satellites sensibles . En bas du spectre, le risque est constitué par la menace « drones » . Une intrusion ou un survol représente un risque « réputationnel » dans un contexte de concurrence exacerbée des lanceurs spatiaux. Le Centre spatial guyanais est responsable de la lutte anti-drones et ses moyens se mettent en place. C'est tout l'enjeu de la protection « multicouche ».

• Il faut étudier des ajustements mineurs liés au milieu équatorial . La mission a établi une liste de ces ajustements, d'importance très variable, afin de la transmettre à la ministre des armées. Globalement, l'ensemble des responsables militaires sur place a souligné que les FAG sont des forces « heureuses », dont le format est bien dimensionné et les moyens adaptés aux missions. Le Général Xavier Buisson, qui les commande, a ainsi indiqué à la mission que « les FAG vont bien ». Toutefois, si les moyens théoriques sont effectivement adaptés aux missions, les moyens réels sont perfectibles. Ainsi :

- Les gendarmes n'ont pas de liaison satellitaire en forêt ; or une telle liaison ne coûte que 10 000 euros/an ;

- Le système des « pots thermiques », explosifs qui permettent de détruire les installations d'orpaillage, n'est plus fabriqué et doit être remplacé ;

- L'armée de terre devrait compléter son paquetage « jungle » avec des chaussures Crocs et des réchauds « jet boil » mieux adaptés à ce milieu humide ;

- L'absence de tubes de déchargement pour les fusils HK416 fait peser un risque de sécurité au retour de mission.

• Il est nécessaire de développer davantage l'économie touristique . « La Guyane n'attire pas mais elle séduit » : les militaires, les gendarmes, les fonctionnaires rencontrés sur place expliquent que la Guyane est le moins demandé des outre-mer, mais que la demande de renouvellement ou de prolongation est très élevée. Le potentiel touristique est sous-exploité ; la Guyane a un problème d'attractivité. Or les ressources sont nombreuses :

- Le tourisme de mémoire autour des iles du Salut et de l'histoire du bagne ;

- Le tourisme « high tech » autour du centre spatial guyanais ;

- Le tourisme vert ou écotourisme dans une forêt amazonienne fascinante.

La Guyane pourrait ainsi devenir une vitrine française de la gestion durable de la forêt amazonienne, qui trancherait avec les réalités voisines. Cela pourrait générer des ressources pour la population du fleuve, jeune, désoeuvrée, cible de trafics en tous genres. Un engagement des collectivités locales et de l'Etat est nécessaire dans ce domaine.

• Il faut accomplir un effort ponctuel de coopération vis-à-vis du Suriname . La mission de délimitation de la frontière de l'ambassadeur Joly a créé une dynamique. Or le gouvernement du Suriname a changé et amorce un net tournant en matière de lutte contre les trafics et de préservation de l'environnement. Ce pays a vocation à devenir un petit « Koweït ». La mission préconise d'y nommer un attaché de défense résident : avec très peu de ressources, l'effet de levier serait potentiellement important.

• Enfin, il serait nécessaire d'effectuer une montée en gamme technologique pour faire la différence par « l'intelligence » . Liaisons satellitaires, intelligence artificielle pour la reconnaissance des pirogues, moyens de renseignement pour la connaissance des flux logistiques pour mieux lutter contre les trafiquants, moyens de détection des passeurs : partout le besoin de technologie et d'intelligence se fait sentir. Il est regrettable de savoir qu'il y a 20 trafiquants dans chaque avion d'Air France et de ne pas pouvoir les appréhender.

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