B. DES ÉTUDES TRÈS SÉLECTIVES MAIS INSUFFISAMMENT INTÉGRÉES DANS UN PARCOURS D'ÉTUDE CLASSIQUE ET AUX DÉBOUCHÉS PROFESSIONNELS INCERTAINS
1. Un recrutement sélectif et insuffisamment ouvert
Les droits de scolarité dans les écoles nationales - 432 euros - et territoriales (520 euros en moyenne) sont relativement faibles. Ces montants n'illustrent cependant qu'imparfaitement le coût lié à la préparation aux concours, alors même que le nombre de candidats ne cesse de progresser : + 7 % entre 2012/2013 et 2018/2019 pour l'entrée au sein des écoles nationales et + 9 % entre 2012 et 2018 pour l'entrée au sein des écoles territoriales.
Évolution du nombre de candidats aux concours des écoles supérieurs en arts plastiques entre les années scolaires 2012-2013 et 2018-2019
Source : commission des finances du Sénat, d'après la communication de la Cour des Comptes
La Cour des comptes relève ainsi que 11 700 étudiants sont inscrits chaque année en classes préparatoires privées, dont les frais de scolarité peuvent atteindre 6 200 euros pour les meilleurs établissements. 800 élèves seulement suivent une préparation au sein de classes situées dans des établissements publics (37 classes préparatoires publiques).
Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que le taux de sélection pour les écoles nationales supérieures soit relativement relevé : 9 % en moyenne en 2018-2019, contre 11 % en 2012-2013. Il est même inférieur à 8 % au sein des écoles de Paris et de la région parisienne.
Il n'est pas étonnant, non plus, de constater que le taux d'élèves boursiers soit très faible dans les établissements parisiens les plus prisés , à l'image des Arts décoratifs (22 % d'élèves boursiers) ou des Beaux-Arts de Paris (18 %), même si une initiative comme celle de la Via Ferrata menée par cette école doit être soulignée. Il n'en demeure pas moins que, comme le constate la Cour des comptes, la diversité sociale semble au sein de ces établissements assez limitée, alors qu'elle tend à se renforcer en province : les écoles de Nancy (40 % d'élèves boursiers), d'Arles (43 %) et Limoges (58 %) devait être saluées. Les écoles territoriales connaissent également une même dichotomie entre certaines écoles très attractives (Lyon, Saint-Etienne ou Strasbourg) où le taux de boursiers est faible et d'autres établissements où le nombre de boursiers est plus élevé (Clermont-Ferrand, La Réunion, Pays Basque). Au final, en prenant en compte les écoles d'art territoriales, le taux de boursiers atteint 41,7 %.
Évolution des effectifs de boursiers au sein des
écoles d'arts plastiques
et des crédits budgétaires
dédiés (2012-2019)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la Cour des Comptes
Parcoursup peut aujourd'hui répondre aux questions posées par la sélectivité du concours. Cette nouvelle voie d'accès reste cependant insuffisamment utilisée (8 établissements sur 44).
Recommandation n° 3 : développer les préparations publiques et imposer l'utilisation de Parcoursup en vue d'ouvrir l'accès aux écoles supérieures en arts plastiques.
2. Une insertion professionnelle insuffisante
A l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Culture » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 ; les rapporteurs spéciaux avaient relevé que le taux d'insertion professionnelle des jeunes diplômés en arts plastiques demeurait très faible. Ainsi, en 2018, le taux d'insertion dans les trois ans suivant l'obtention du diplôme s'établissait à 58 %, loin de la moyenne observée pour l'ensemble des établissements supérieurs d'enseignement culturel, soit 80 %.
Taux d'insertion professionnelle des
diplômés
de l'enseignement supérieur Culture
(ESC)
2018 |
2019 Prévision |
2019 Exécution |
2020 Prévision |
2021 Prévision |
|
Architecture et patrimoine |
87 % |
90 % |
90 % |
91 %% |
91 % |
Arts plastiques |
58 % |
65% |
61 % |
66 % |
66 % |
Spectacle vivant et cinéma |
90 % |
93 % |
93 % |
94% |
94 % |
Tous établissements ESC |
80 % |
82 % |
82 % |
84 % |
84 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les rapporteurs spéciaux partagent les observations de la Cour des comptes sur la faiblesse de cet indicateur tant l'insertion professionnelle ne peut avoir qu'un lien ténu avec le diplôme. Le Gouvernement a fixé, de manière volontariste, un objectif de 66 % pour 2021 pour les diplômés en arts plastiques.
Or, la crise sanitaire actuelle est un élément à ne pas négliger pour l'année à venir, le ralentissement de l'activité culturelle fragilisant l'entrée sur le marché du travail. Aucun dispositif particulier n'a, par ailleurs, été présenté en loi de finances afin de répondre à ce défi . Si la mission Plan de relance prévoit un dispositif de soutien aux artistes fragilisés par la crise, qui ne seraient pas couverts par les dispositifs transversaux, doté de 13 millions d'euros (AE = CP), ce fonds ne consiste pas spécifiquement en une aide à l'insertion professionnelle.
La Cour des comptes note, en outre, que le suivi des étudiants par le ministère de la culture apparaît aujourd'hui insuffisant, à la différence de ce qui se pratique au sein des établissements privés ou des universités.
Recommandation n° 4 : repenser le suivi des élèves à l'issue de leur formation et réviser les indicateurs d'insertion professionnelle actuellement mis en oeuvre, afin de cerner au mieux l'adéquation entre la formation et la réalité du marché du travail.
3. Une implication inégale au sein du processus de Bologne
L'insertion professionnelle dépend pour partie de la cohérence d'un parcours de formation. La lisibilité de celui-ci, s'agissant des arts plastiques, reste cependant aléatoire, en raison d'un degré inégal d'implication dans le processus de Bologne et de l'intégration des enseignements dispensés dans la formule Licence - master - doctorat (LMD).
Le développement des études doctorales reste ainsi insuffisant. Si l'on peut constater une progression du nombre d'étudiants suivant une formation doctorale au sein des écoles nationales, celle-ci ne saurait masquer une implication aléatoire selon les établissements. La Cour des comptes relève que les Beaux-arts comme l'école nationale supérieure de création industrielle semblent être en retrait face au développement de la filière doctorale. Par ailleurs, les diplômes supérieurs de recherche en art (DSRA) décernés par certains établissements - dont l'école nationale de Bourges - ne s'intègrent pas dans le cursus LMD.
Nombre d'élèves en doctorat au sein des écoles en arts plastiques
2012/2013 |
2018/2019 |
|
Écoles nationales |
12 |
32 |
Écoles territoriales |
28 |
26 |
Total |
40 |
58 |
Source : commission des finances du Sénat d'après la Cour des comptes
Recommandation n° 5 : imposer la mise en place d'un cursus Licence-Master-Doctorat au sein des écoles supérieures en arts plastiques afin de renforcer leur attractivité et l'employabilité de leurs étudiants.