B. ADAPTER LA PROPAGANDE ÉLECTORALE AUX CONTRAINTES SANITAIRES
La situation sanitaire risque de réduire la campagne électorale à sa plus simple expression : l'organisation de réunions « en présentiel » est compromise dans la plupart des régions du monde.
Les élus s'inquiètent, à juste titre, de cette situation. Martine Schoeppner, vice-présidente de l'AFE, précise ainsi : « En matière de propagande, peu de choses sont possibles puisque les candidats ne disposent d'aucun budget et [que] les postes [consulaires] leur enlèvent toute possibilité d'utilisation de locaux ; y compris lorsqu'il s'agit de locaux de droit local. » 29 ( * ) Un conseiller des Français de l'étranger ajoute : « O n ne pourra pas faire campagne , on ne pourra pas [réunir les électeurs] à cause de la crise sanitaire. »
Certes, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères rappelle que « les candidats ont la possibilité d'organiser des réunions virtuelles [...] : organisation de visites virtuelles ou d'un Facebook live spécial circonscription » 30 ( * ) .
Les candidats peuvent également se rendre physiquement au consulat pour demander la liste électorale consulaire (LEC) . Cette dernière comprend les noms, prénoms, l'adresse postale et, le cas échéant, l'adresse électronique des électeurs . Dans un souci de simplification, les postes consulaires la communiquent désormais par voie électronique, sous format Excel .
Lorsque les conditions sanitaires le permettront, les locaux diplomatiques et consulaires devront être mis à la disposition des candidats pour la tenue de leurs réunions, comme le prévoit l'article L. 330-6 du code électoral.
Des inégalités risquent toutefois d'émerger entre les candidats, en fonction du budget qu'ils pourront consacrer à leur campagne .
Pour les élections consulaires, l'État ne finance que l'impression et l'acheminement des bulletins de vote ainsi que l'impression des affiches électorales 31 ( * ) . Les autres dépenses sont à la charge des candidats 32 ( * ) .
Les contraintes sanitaires nécessitent donc d'aider les candidats à faire campagne, tout en respectant les règles fixées par le code électoral et l'égal accès à la propagande électorale .
L'État pourrait ainsi prendre en charge les frais engagés par les candidats pour créer des outils de propagande numérique . À titre d'exemple, une somme forfaitaire pourrait être prévue par arrêté du ministre de l'Europe et des affaires étrangères pour la conception d'un site Internet. Les remboursements de l'État seraient plafonnés et conditionnés à la fourniture, par le candidat, des factures correspondantes.
Proposition n° 9 : Prévoir une prise en charge forfaitaire de l'État pour la création, par les candidats, d'outils de propagande numérique.
Plus que jamais, l'administration doit remplir son devoir d'information auprès des électeurs sur les conditions d'organisation des élections consulaires.
En l'état du droit, elle avertit les électeurs de la date de l'élection au moins 50 jours avant le scrutin 33 ( * ) . Cette information se résume toutefois à l'envoi d'un courriel ou, à défaut, d'un courrier postal.
Au regard des conséquences de la crise sanitaire sur la campagne électorale, les rapporteurs invitent l'administration à intensifier cette communication institutionnelle en envoyant ce type de courriels ou de courriers à intervalles réguliers, jusqu'au jour de l'élection .
Proposition n° 10 : Intensifier la campagne de communication institutionnelle pour informer les électeurs de la tenue des élections consulaires.
Lors des élections consulaires de 2014, les professions de foi des candidats ont été publiées sur le site Internet de leur poste consulaire. En pratique, ces documents ont été peu consultés, car « noyés » au milieu des informations générales du poste.
Pour en favoriser l'accès, il est proposé de créer un site Internet dédié, centralisant toutes les professions de foi des candidats aux élections consulaires de 2021 . Ce « panneau électoral virtuel » donnerait une vision d'ensemble du scrutin, en s'inspirant du dispositif mis en place pour les élections municipales 34 ( * ) .
Proposition n° 11 : Créer un « panneau électoral virtuel » en publiant sur, un site Internet dédié, l'ensemble des professions de foi des candidats.
Ce site Internet pourrait disposer de fonctionnalités supplémentaires pour permettre aux candidats de publier des messages à vocation électorale, en particulier dans les pays où la liste électorale consulaire n'est pas communicable.
À ce jour, cette situation concerne 20 pays, dans un souci parfaitement légitime de sécurité de nos compatriotes expatriés 35 ( * ) .
États dans lesquels la LEC n'est pas communicable
Afghanistan |
Burkina Faso |
Cameroun |
Haïti |
Irak |
Iran |
Libye |
Mali |
Mauritanie |
Nicaragua |
Niger |
Nigéria |
Pakistan |
République centrafricaine |
Soudan |
Soudan du Sud |
Syrie |
Tchad |
Venezuela |
Yémen |
Source : DFAE
Dans ces pays, les candidats sont donc dans l'impossibilité de diffuser leurs documents de propagande au-delà de leur cercle de connaissances.
Les consulats doivent donc jouer le rôle d'intermédiaire entre les candidats et les électeurs en procédant eux-mêmes à l'envoi dématérialisé ou postal des professions de foi.
Proposition n° 12 : Aider les candidats à diffuser leur propagande électorale, en particulier dans les États où la liste électorale consulaire n'est pas rendue publique.
Permettre aux candidats de publier, au maximum deux fois par semaine, des informations et communications sur le « panneau électoral virtuel ».
Les rapporteurs souhaitent toutefois rappeler l'interdiction d'utiliser la liste électorale consulaire à des fins commerciales, les contrevenants s'exposant à une amende de 15 000 euros 36 ( * ) .
En pratique, de trop nombreuses dérives sont constatées , des individus utilisant la LEC pour élargir leur « carnet d'adresses ». Beaucoup de Français de l'étranger sont agacés de cette situation mais ne portent pas plainte, en raison de la complexité de la procédure pénale. Certains s'adressent à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) mais les saisines ne sont pas suffisamment coordonnées.
Pour plus d'efficacité, les rapporteurs proposent de créer une procédure de signalement auprès du Quai d'Orsay afin qu'il puisse saisir le procureur de la République et la CNIL des abus constatés dans l'utilisation de la liste électorale consulaire.
Proposition n° 13 : Rappeler l'interdiction d'utiliser la liste électorale consulaire à des fins commerciales, les contrevenants étant passibles de 15 000 euros d'amende.
Créer une procédure de signalement permettant de « remonter » au Quai d'Orsay les abus constatés, afin d'en saisir le procureur de la République et la CNIL.
* 29 Source : réponse écrite au questionnaire des rapporteurs, transmise en amont de l'audition.
* 30 Contribution écrite transmise aux rapporteurs.
* 31 Article 21 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 précitée.
* 32 Contrairement à d'autres scrutins, les candidats aux élections consulaires ne doivent pas déposer de compte de campagne.
* 33 Article 21 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 précitée.
* 34 Pour les communes de 2 500 habitants et plus, les professions de foi des candidats étaient consultables à l'adresse suivante : https://programme-candidats.interieur.gouv.fr .
* 35 L'article L. 330-4 du code électoral dispose que la communication des listes électorales peut être « restreinte ou refusée si, en raison de circonstances locales, la divulgation des informations relatives à l'adresse ou à la nationalité française des personnes inscrites est de nature à porter atteinte à la sécurité ou à leur sûreté ».
* 36 Article L. 113-2 du code électoral.