D. UNE PRODUCTION EXPONENTIELLE DE PLASTIQUES

1. Une production récente en forte croissance

Le plastique est une invention récente. Si les premiers plastiques synthétiques sont apparus au début du XX e siècle 14 ( * ) (scotch et nylon ont été inventés dans les années 1930) et à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, il faut attendre les années 1950 pour que le plastique se généralise dans de nombreux objets de la vie quotidienne (textiles, jouets, emballages, etc.).

Sa production a connu un essor considérable passant de deux millions de tonnes au début des années 1950 à 438 millions de tonnes en 2018 15 ( * ) . Il est aujourd'hui le troisième matériau le plus fabriqué au monde , après le ciment et l'acier. Il s'est imposé sur le verre, le bois, le carton, le papier et d'autres métaux en raison de son faible coût de production et de ses propriétés (cf. supra ).

La production de plastiques a littéralement explosé depuis les quinze dernières années. On estime que sur les 7,8 milliards de tonnes produites entre 1950 et 2015, 3,9 milliards de tonnes, soit plus de la moitié, l'ont été depuis 2002.

La croissance de la production plastique devrait encore s'accentuer puisque, selon les projections, plus de 600 millions de tonnes de plastiques pourraient être produites en 2025.

La production mondiale de plastiques

(en millions de tonnes)

2. Des durées d'utilisation variables selon les usages

Les plastiques sont omniprésents dans tous les secteurs de l'activité économique et de notre quotidien, mais leur durée d'utilisation varie fortement en fonction des usages.

Certains produits ont des durées de vie de plusieurs dizaines d'années. Cela concerne en premier lieu le secteur du bâtiment et des travaux publics : les canalisations, les fenêtres, les isolations thermiques, les câbles extérieurs, les revêtements de sol ont des durées de vie comprises entre trente et plus de cinquante ans.

Les plastiques techniques utilisés pour les équipements industriels ont également des durées de vie qui dépassent les vingt ans .

Les plastiques sont par ailleurs devenus incontournables dans le secteur du transport (voitures, trains, avions, bateaux). Depuis les années 1970, la quantité des plastiques présente dans les avions est passée de 4 % à 50 %. La durée de vie des flottes varie fortement selon les compagnies aériennes, mais on peut estimer qu'un avion vole au moins une dizaine d'années .

Moins lourds que l'acier, plus résistants à l'impact et au vieillissement, les plastiques se sont imposés dans le secteur de l'automobile pour représenter désormais 20 % de la masse globale d'un véhicule (250 à 300 kg de plastique par voiture) :

• 50 % sont présents dans la carrosserie ;

• 40 % dans l'habitacle (tableaux de bord, appuie-têtes, sièges, airbags, ceintures de sécurité, etc.) ;

• 10 % dans le moteur.

La durée de vie des plastiques est fortement liée à celle des véhicules, soit en moyenne un peu plus de neuf ans en France.

Des câbles électriques aux smartphones ou aux appareils électroménagers complexes, les plastiques sont devenus des matières premières indispensables pour tous les équipements électriques et électroniques. Les durées de vie sont variables selon les produits : quinze à dix-huit mois pour un smartphone, trois à cinq ans pour un ordinateur portable, onze ans pour une machine à laver et treize ans pour un réfrigérateur.

Bon marché, résistantes, élastiques, peu absorbantes, imperméables et séchant donc rapidement, les fibres synthétiques confèrent aux tissus des propriétés inégalées par les fibres naturelles. Elles représentent désormais 2/3 du marché des fibres textiles. Selon la fondation Henrich Böll 16 ( * ) , les textiles auraient une durée de vie moyenne de cinq ans . Toutefois, le développement de la « mode rapide » avec le renouvellement des vêtements plusieurs fois par an, voire par mois, tend à réduire la durée de vie des textiles. Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, depuis 2002, le nombre d'habits achetés par an aurait augmenté de 60 % et leur durée de vie aurait été diminuée par deux. Ainsi, la durée de vie moyenne d'un T-shirt dans le monde serait seulement de 35 jours.

Les plastiques se sont également imposés dans nos cuisines, nos intérieurs, notre hygiène et nos loisirs : ustensiles de cuisine (passoires, essoreuses à salade, spatules, manches de poêle, poubelles, bocaux, etc.), produits pour l'hygiène et la beauté (brosses à dents, brosses à cheveux, miroirs, etc.), articles pour la maison (lampes, cadres, objets de décoration, tapis, balais, etc.), articles de sport (raquettes, ballons, skis, planches à voile, lunettes, etc.), de bricolage (vis, cordes, caisses, robinetterie, peintures, etc.) et de jardin (tuyaux d'arrosage, meubles, outils, etc.), jouets (90 % sont en plastique). Les durées d'utilisation des plastiques de biens de consommation sont très variables selon les objets. Selon la fondation Henrich Böll précitée, la durée moyenne d'utilisation serait de trois ans .

Les plastiques sont la matière première emblématique de très nombreux objets à usage unique . Le secteur de l'emballage alimentaire est particulièrement concerné : boissons, produits laitiers, céréales, pâtes et riz, viandes et poissons, produits surgelés, plats préparés, viennoiseries... Les emballages plastiques sont omniprésents. En dehors du domicile, ils sont également utilisés pour la vente à emporter. En dépit du manque de statistiques fiables sur la durée moyenne d'utilisation des emballages alimentaires, il est évident que pour de très nombreux produits, elle est inférieure à un mois, voire à quelques minutes , notamment pour la vente hors domicile.

L'emballage ne concerne pas seulement le secteur alimentaire. Le secteur de la cosmétique et de l'hygiène est lui aussi devenu un grand utilisateur de contenants plastiques (flacons, pots, bouteilles, etc.). Cette tendance a été accentuée par le développement de produits liquides (savons, lessives, etc.) et de dosettes individuelles, au détriment des produits solides, traditionnellement emballés dans du papier. La durée moyenne d'utilisation des plastiques dans le secteur de la cosmétique et de l'hygiène est de quelques mois .

Les plastiques à usage unique sont également très présents dans le secteur de l'agriculture (films de paillage, clips, emballages pour les semences, les engrais, les produits phytosanitaires, etc.). Leur durée de vie varie entre quelques semaines et quelques mois .

Enfin, certains dispositifs médicaux utilisent exclusivement du plastique pour des raisons de facilité d'utilisation, tels que les pansements, les seringues, les cathéters, les poches souples, les gants, les masques, etc. Leur durée de vie est extrêmement courte et varie de quelques minutes à quelques jours .

Globalement, considérant les différents usages, leurs volumes et leurs durées de vie respectifs, 81 % des plastiques mis en circulation deviennent des déchets au bout d'une année.

Évolution de la production de plastiques par terrien
entre 1950 et 2015

(en kg par habitant)

Source : Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

En comparant la population mondiale (en millions d'habitants) et la production de plastiques (en tonnes) entre 1950 et 2015, il est possible de calculer la quantité de plastique produite chaque année par terrien.

En 1950, l'industrie du plastique produisait moins de 1 kg de matière par habitant (0,8 kg/hab) contre 45 kg par habitant 60 ans plus tard, en 2010. Sur la période 1990-2010, l'analyse montre que la quantité de plastique par terrien double, passant de 22,5 kg par habitant à 45 kg par habitant. Plus récemment, en 2015, la quantité de plastiques produite par habitant s'établit à 52 kg. En faisant l'hypothèse que cette valeur viendrait à se stabiliser et en considérant par ailleurs l'espérance de vie des terriens (66 ans pour les hommes et 71 ans pour les femmes), la production totale de plastique sur la durée de vie d'un humain varierait entre 3,4 et 3,7 tonnes de plastiques .

Utilisation des résines selon les usages

Source : Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

3. Une production sous l'influence des plastiques à usage unique

Évolution de la production de plastiques par secteur d'activité
entre 1950 et 2015

(en millions de tonnes)

Source : Geyer, R., Jambeck, J. R., & Law, K. L. (2017). Production, use, and fate of all plastics ever made. Science Advances, 3(7).

La forte croissance de la production plastique est tirée par l'essor du secteur de l'emballage , qui, avec une part de marché de 36 % au niveau mondial (soit une production de 158 millions de tonnes de plastiques en 2018), constitue leur premier débouché . En France, la part des emballages dans la consommation de plastiques s'est élevée à 46,3 % en 2018, contre 39,9 % en moyenne au niveau de l'Union européenne. Cette différence s'explique, notamment, par la forte consommation en France d'eaux minérales conditionnées dans des bouteilles plastiques à usage unique 17 ( * ) .

Sources : PlasticsEurope, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Alors que la croissance mondiale de la production plastique est déjà très dynamique tous secteurs confondus (+ 7,1 % entre 2015 et 2018), elle atteint + 7,6 % pour les emballages.

Selon la fondation Ellen Mac Arthur, la production des emballages plastiques devrait quadrupler d'ici à 2050, pour atteindre 318 millions de tonnes 18 ( * ) .

Conçu à l'origine comme un matériau résistant et de longue durée, le plastique est désormais largement utilisé pour des usages uniques de très courte durée.

Au cours de leurs auditions, vos rapporteurs ont entendu de nombreux arguments justifiant l'essor des plastiques à usage unique dans le domaine de l'emballage. Ils peuvent être résumés de la manière suivante :

- les plastiques à usage unique apportent des réponses aux changements des modes de vie : le développement du travail féminin, la place accrue accordée aux loisirs limitent le temps consacré aux repas : le « prêt à consommer » permet de gagner du temps. Par ailleurs, l'urbanisation de la société et la réduction de la taille des ménages encouragent la croissance de la vente à emporter et de la livraison à domicile, particulièrement prisées par les jeunes générations ;

- les plastiques à usage unique limitent les émissions de gaz à effet de serre : selon une étude commandée par PlasticsEurope 19 ( * ) , le remplacement des plastiques d'emballage par des matériaux de substitution (verre, aluminium, carton, etc.) multiplierait le poids des emballages par 3,6 et, par conséquence sur l'ensemble du cycle de vie, la consommation d'énergie par 2,2 et les émissions de gaz à effet de serre par 2,7 ;

- les plastiques à usage unique contribuent à la réduction du gaspillage alimentaire et à la lutte contre les risques d'altération microbiologique des aliments périssables : les emballages allongent la durée de vie des aliments (hermétiques et étanches, ils font barrière à la lumière, à l'oxygène et à l'eau) et facilitent leur consommation au moyen du portionnement. L'exemple des biscuits jetés avant d'être consommés parce qu'ils ont perdu leur qualité organoleptique a souvent été avancé pour défendre l'individualisation des portions. Au-delà de l'alimentation, l'association française des industries de la détergence a également insisté sur l'intérêt des doses individuelles pour les machines à laver ou les lave-linges qui éviteraient d'utiliser trop de produit ;

- les plastiques à usage unique permettent de mieux respecter les normes d'hygiène et de sécurité. De facto , ce sont souvent les réglementations liées à l'hygiène qui expliquent le développement de l'utilisation du plastique à usage unique dans les cuisines, dans les hôpitaux, dans la livraison du linge pour ne citer que ces trois exemples. Rappelons qu'avant l'avènement des emballages alimentaires en plastique, les aliments impropres à la consommation, en raison de leur mauvaise qualité sanitaire, provoquaient un nombre important de décès par intoxication (10 000 morts en 1982 au niveau national). Plus récemment, ce sont des plastiques à usage unique (masques, gants, blouses, coiffes, etc.) qui ont été commandés par centaines de milliards par les pouvoirs publics afin de se protéger contre l'épidémie de la Covid-19.


* 14 La bakélite a été créée en 1907 par le chimiste belgo-américain Leo Baekeland.

* 15 PlasticsEurope avance un chiffre de 359 millions de tonnes. Toutefois, ne sont pas inclus dans ce chiffre les plastiques pour le textile (62 millions de tonnes) ni les caoutchoucs synthétiques pour les pneumatiques (17 millions de tonnes).

* 16 Atlas du plastique : faits et chiffres sur le monde de polymères synthétiques, 2020.

* 17 La part de la consommation de PET, résine particulièrement utilisée pour les bouteilles d'eau, est ainsi de 10 % en France contre 7 % en moyenne au niveau de l'Union européenne.

* 18 Ellen Mac Arthur Foundation : the new plastics economy, rethinking the future of plastics, 2016.

* 19 Denkstatt : l'impact du cycle de vie des emballages plastiques sur la consommation d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre en Europe, juillet 2011.

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