Rapport d'information n° 663 (2019-2020) de MM. Jacques BIGOT et André REICHARDT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 22 juillet 2020

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N° 663

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 juillet 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d' administration générale (1) sur la responsabilité civile,

Par MM. Jacques BIGOT et André REICHARDT,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François-Noël Buffet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Di Folco, MM. Jacques Bigot, André Reichardt, Mme Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier , secrétaires ; Mmes Catherine André, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : Déposer une proposition de loi sénatoriale pour assurer une concrétisation législative rapide de la réforme de la responsabilité civile.

Proposition n° 2 : Permettre à un tiers de demander réparation du dommage causé par l'inexécution du contrat :

- soit sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, en prouvant alors un fait générateur comme l'exige le droit commun ;

- soit, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle s'il a un intérêt légitime à la bonne exécution du contrat et qu'il ne dispose d'aucune autre action en réparation de son préjudice, en se soumettant à l'ensemble des règles du contrat, y compris les limitations de responsabilité.

Proposition n° 3 : Consacrer le caractère limitatif des cas de responsabilité civile du fait d'autrui après avoir codifié les créations prétoriennes.

Proposition n° 4 : Subordonner l'engagement de la responsabilité du fait d'autrui à l'établissement d'un fait de nature à engager la responsabilité de l'auteur direct du dommage.

Proposition n° 5 : Mettre les dispositions relatives à la responsabilité des parents du fait de leurs enfants en cohérence avec la jurisprudence établie, en supprimant le critère de cohabitation et la faculté de prouver qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.

Proposition n° 6 : Permettre l'exonération de la responsabilité du commettant pour le dommage commis par son préposé lorsque « la victime ne pouvait légitimement croire que le préposé agissait pour le compte du commettant ».

Proposition n° 7 : Consacrer la responsabilité de plein droit du fait d'autrui des personnes chargées, par décision administrative ou judiciaire, d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie d'un mineur, et son caractère alternatif par rapport à la responsabilité des parents ou des tuteurs.

Proposition n° 8 : Codifier la jurisprudence relative à la responsabilité de plein droit du fait d'autrui fondée sur une mission d'organisation et de contrôle à titre permanent du mode de vie des majeurs placés sous surveillance.

Proposition n° 9 : Inscrire dans le code civil un nouveau cas de responsabilité du fait d'autrui pour faute présumée du professionnel qui, par contrat, assure la surveillance d'autrui - majeur ou mineur - ou l'organisation et le contrôle de son activité.

Proposition n° 10 : Permettre au cocontractant victime d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de choisir la voie contractuelle ou la voie extracontractuelle.

Proposition n° 11 : Prohiber tout aménagement ou exclusion de responsabilité en cas de dommage corporel.

Proposition n° 12 : N'accepter comme cause d'exonération partielle de responsabilité de l'auteur du dommage corporel que la faute lourde de la victime.

Proposition n° 13 : Consacrer un régime spécial de réparation des préjudices causés par un dommage corporel commun aux deux ordres de juridictions.

Proposition n° 14 : Ne permettre la dérogation aux dispositions particulières applicables à la réparation des préjudices causés par un dommage corporel qu'en faveur de la victime.

Proposition n° 15 : Définir le dommage corporel comme « toute atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne ».

Proposition n° 16 : Prévoir l'adoption d'une nomenclature des chefs de préjudices réparables et d'un barème médical d'invalidité, tous deux non limitatifs, par des décrets pris après consultation des représentants des victimes, des avocats et des assureurs.

Proposition n° 17 : Garantir l'indifférence de prédispositions pathologiques sur le droit à indemnisation de la victime.

Proposition n° 18 : Mettre en oeuvre « l'open data » des décisions de justice pour aider les magistrats, ainsi que les praticiens, à évaluer les préjudices résultant d'un dommage corporel, sans accepter le principe d'une « barémisation » de l'indemnisation de ces préjudices.

Proposition n° 19 : Consacrer le principe d'un versement des dommages et intérêts sous forme de rente indexée pour certains préjudices patrimoniaux, avec possibilité d'y déroger et de convertir la rente en capital.

Proposition n° 20 : Poursuivre la réflexion sur le régime juridique de la prestation de compensation du handicap (PCH) en vue de l'ajouter à la liste des prestations susceptibles de donner lieu à recours subrogatoire contre le responsable du dommage.

Proposition n° 21 : Limiter le recours subrogatoire des tiers payeurs aux seuls postes de préjudices patrimoniaux.

Proposition n° 22 : Inclure dans le préjudice réparable les dépenses engagées et les coûts ou pertes supportés pour prévenir, par des mesures raisonnables, la réalisation imminente d'un dommage, éviter son aggravation ou en réduire les conséquences.

Proposition n° 23 : Permettre au juge, sauf en matière de dommage corporel, de réduire les dommages et intérêts versés à la victime lorsqu'elle n'a pas pris les mesures « sûres, raisonnables et proportionnées » propres à éviter l'aggravation de son préjudice.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le droit de la responsabilité civile , c'est-à-dire la possibilité pour une personne qui a subi un dommage d'en obtenir la réparation auprès de son auteur ou de la personne qui en répond, repose sur cinq articles du code civil quasiment inchangés depuis 1804 1 ( * ) . Or, depuis cette date, ce régime, enrichi par plus de deux siècles de jurisprudence des juridictions judiciaires et, notamment, de solutions prétoriennes de la Cour de cassation, a connu des changements profonds destinés à mieux assurer la réparation des victimes de dommages. Il en résulte un corpus de règles écrites qui ne reflète plus, aujourd'hui, la réalité de la responsabilité civile organisée par le droit français .

Ce constat, largement partagé, est à l'origine d'intenses réflexions engagées depuis les années 2000 sur la réforme de ce régime, qui se sont inscrites dans le cadre plus large de la refonte du droit des obligations, afin de renforcer l'accessibilité et la sécurité juridiques du droit de la responsabilité civile.

Ce n'est pourtant que le 13 mars 2017 que la Chancellerie a présenté son projet de réforme de la responsabilité civile , après une consultation publique menée d'avril à juillet 2016 sur un avant-projet.

Désireuse que le Parlement puisse se saisir rapidement de ce projet de réforme, la commission des lois a créé en novembre 2017 une mission d'information afin de préparer la discussion parlementaire et de proposer ses choix d'évolution . Elle a désigné à cette fin un binôme de rapporteurs, Jacques Bigot (Socialiste et républicain - Bas-Rhin) et François Pillet (Les Républicains - Cher) remplacé, à la suite de sa nomination comme membre du Conseil constitutionnel en février 2019, par André Reichardt (Les Républicains - Bas-Rhin).

Après avoir entendu 77 personnes (administration centrale du ministère de la justice, magistrats, professeurs d'université, représentants d'avocats, d'acteurs du monde d'économique et d'associations de victimes ou de consommateurs) et reçu près de 50 contributions écrites dans le cadre de leurs travaux, les rapporteurs font le constat de la nécessité de faire aboutir une réforme du droit de la responsabilité civile attendue et utile .

La réflexion menée depuis bientôt vingt ans semble suffisamment aboutie sur les points majeurs pour que la réforme ne soit pas différée encore.

Prenant comme base de leur travail le projet de la Chancellerie, dont la qualité est saluée par l'ensemble des acteurs, les rapporteurs ont entendu dégager les axes les plus consensuels de la réforme qui pourraient être inscrits rapidement au sein du code civil , grâce au dépôt et à l'examen d'une proposition de loi sénatoriale . À cette fin, il leur a semblé nécessaire d' exclure certaines modifications , ni urgentes ni abouties , mais de nature à bloquer le projet , comme par exemple la création d'une amende civile ( article 1266-1 du projet ). De même, la réécriture de certains régimes spéciaux - en particulier celui régissant les accidents de la circulation prévu par la loi Badinter 2 ( * ) - ayant suscité de fortes oppositions au regard de leurs incidences économiques dans les secteurs d'activité concernés, ils ont préféré les écarter de leur réflexion à ce stade.

Les rapporteurs ont ainsi fait le choix de concentrer leurs travaux sur les lignes de force de la réforme, qui s'articulent autour de deux grands principes : garantir l'accessibilité et la sécurité juridiques du droit de la responsabilité civile et une meilleure cohérence dans le traitement des victimes .

La première innovation porte sur la réparation du préjudice causé au tiers victime de l'inexécution du contrat , dont les rapporteurs proposent de clarifier les modalités d'action en réparation et de mettre fin à une jurisprudence contestée de la Cour de cassation qui assimile faute délictuelle et contractuelle.

Les rapporteurs ont ensuite approuvé l'encadrement de la responsabilité extracontractuelle du fait d'autrui , telles par exemple la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur ou celle du commettant du fait du préposé. La responsabilité du fait d'autrui est largement l'oeuvre de la jurisprudence qui a, au fil du temps, « découvert » de nouveaux cas de responsabilité. Il convient, dans un objectif de lisibilité du droit, de limiter ces cas en codifiant les créations prétoriennes , tout en y apportant quelques ajustements .

Le traitement préférentiel de la victime d'un dommage corporel constitue une autre innovation qu'ont approuvée pleinement les rapporteurs. Le choix du régime de responsabilité offert à la victime en cas de dommage causé lors de l'exécution du contrat, l'interdiction des clauses contractuelles limitatives de responsabilité , ou encore la limitation de l'exonération partielle de l'auteur du dommage au seul cas de faute lourde commise par la victime, sont autant de dispositions qui visent à mieux protéger les victimes de dommage corporel , considérant que ces atteintes sont les plus graves dans la hiérarchie des intérêts protégés. Les rapporteurs ont également repris à leur compte la création d'un régime spécial de réparation du préjudice causé par un dommage corporel commun aux deux ordres de juridictions , afin d'éviter les inégalités entre victimes.

Enfin, le principe innovant de responsabilisation de la victime complète judicieusement la réforme. Il s'agit notamment de consacrer le devoir de la victime de ne pas aggraver son préjudice, sauf en matière de dommage corporel, sous le contrôle de l'appréciation du juge, alors que la Cour de cassation a jusqu'alors toujours refusé de l'admettre.

C'est dans un esprit pragmatique d'efficacité que la commission a, à l'initiative des rapporteurs, formulé sur les points les plus consensuels de la réforme 23 propositions , destinées à être reprises dans une proposition de loi sénatoriale .

I. PREMIÈRE PARTIE : RELANCER UNE RÉFORME DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE ATTENDUE ET UTILE

A. UNE RÉFORME ENVISAGÉE DEPUIS DE NOMBREUSES ANNÉES POUR RENFORCER L'ACCESSIBILITÉ ET LA SÉCURITÉ JURIDIQUES

Le projet de réforme de la responsabilité civile a été présenté par la Chancellerie le 13 mars 2017 3 ( * ) après une consultation publique menée d'avril à juillet 2016 sur un avant-projet 4 ( * ) .

Il s'inscrit dans le cadre d'intenses réflexions sur la refonte du droit des obligations . Outre les débats et diverses contributions académiques, plusieurs travaux marquants ont permis de nourrir la réflexion sur ce sujet depuis les années 2000.

En 2005 , un premier groupe de travail - mis en place après la célébration du bicentenaire du code civil, dirigé par Pierre Catala, professeur émérite de l'Université Paris II Panthéon-Assas aujourd'hui disparu, et Geneviève Viney, professeur honoraire à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne - a remis au garde des Sceaux 5 ( * ) un projet de réforme des obligations et de la prescription, dit « avant-projet Catala » 6 ( * ) .

S'inscrivant dans le sillage de ce projet, le Sénat a proposé en 2009, sur le rapport des sénateurs Alain Anziani et Laurent Béteille, 28 recommandations pour une réforme de la responsabilité civile 7 ( * ) , reprises dans une proposition de loi déposée en 2010 par Laurent Béteille 8 ( * ) .

Par la suite, un autre projet dit « avant-projet Terré » 9 ( * ) a été élaboré à partir de 2008 par un groupe de travail constitué au sein de l'Académie des sciences morales et politiques, sous la direction de François Terré, professeur à l'Université Paris II Panthéon-Assas.

La réforme de la responsabilité civile s'inscrit également dans le cadre de tentatives inabouties d'harmonisation européenne du droit des obligations, qui concernaient toutefois davantage le droit des contrats que le droit de la responsabilité civile.

L'adoption de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, a été le premier aboutissement de ce long processus, dans lequel le Sénat s'est fortement impliqué 10 ( * ) .

La Chancellerie présente son projet comme celui d'un « droit clarifié », conservant les « piliers » de la responsabilité civile, codifiant assez largement la jurisprudence à droit constant. Il s'agit d' accroître la lisibilité et l'accessibilité du droit de la responsabilité civile tout en l'adaptant aux préoccupations contemporaines .

Rappel des grands principes actuels du droit de la responsabilité civile

La responsabilité civile peut être engagée lorsque trois conditions sont réunies : un dommage, un fait générateur et un lien de causalité entre ce dommage et ce fait générateur.

Pour être réparable, un dommage doit être certain, direct et personnel, et consister en la lésion d'un intérêt licite, soit patrimonial soit extrapatrimonial.

Le fait générateur est le plus souvent un fait personnel, fautif ou parfois non fautif, de l'auteur du dommage. L'article 1240 du code civil (ancien article 1382) dispose ainsi que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer ».

En matière extracontractuelle, la faute résulte d'un manquement à une obligation préexistante. En matière contractuelle, la faute est caractérisée par l'inexécution partielle ou totale du contrat, y compris le retard dans l'exécution.

Se fondant sur l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel a reconnu dès 1982 11 ( * ) la portée constitutionnelle du principe de responsabilité pour faute en affirmant que « Nul n'ayant le droit de nuire à autrui en principe tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». En conséquence, nul ne saurait être exonéré de toute responsabilité personnelle par la loi, bien que le législateur puisse aménager, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles elle peut être engagée.

Un lien de causalité est indispensable pour engager la responsabilité d'une personne. Tel n'est pas le cas lorsque le dommage trouve son origine dans une cause étrangère (force majeure, fait d'un tiers ou faute de la victime). L'exonération de responsabilité peut alors être totale ou partielle.

S'agissant des effets de la responsabilité, le droit français est fondé sur le principe de la réparation intégrale du préjudice : les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit. La Cour de cassation statue régulièrement au visa de ce principe général du droit civil qui prohibe la fixation de dommages-intérêts ne résultant pas exclusivement de l'appréciation concrète du dommage subi.

La fonction punitive de la réparation est en l'état du droit réservée à la matière pénale.

L'action en responsabilité civile est soumise à la prescription extinctive de droit commun (article 2224 code civil) : le délai est de 5 ans à partir du moment où le demandeur a eu connaissance des faits permettant d'agir. Par dérogation, ce délai est de dix ans après consolidation du dommage pour les dommages corporels (article 2226 du code civil).

Source : Commission des lois

Cet objectif, partagé par tous, repose sur le constat que le droit commun de la responsabilité civile est d'accès difficile, dès lors qu'il ne repose que sur cinq articles du code civil quasiment inchangés depuis 1804 12 ( * ) . Aujourd'hui, la seule lecture des textes ne permet donc pas de connaître précisément l'état du droit. En effet, les juridictions judiciaires et en particulier la Cour de cassation ont édifié depuis le XIXème siècle, par leur jurisprudence, le droit de la responsabilité civile actuel, en prenant en compte les évolutions sociales, technologiques et scientifiques qui n'ont cessé d'étendre son champ depuis plus de deux siècles.

B. UN PROJET AMBITIEUX QUI VA AU-DELÀ DE LA CODIFICATION ET SUSCITE DES BLOCAGES

Le projet de la Chancellerie va plus loin que la seule codification de la jurisprudence. Il tend aussi à moderniser le droit de la responsabilité civile et opère pour cela des choix entre deux principes : l' efficacité attendue par les acteurs économiques, d'une part, et la protection des victimes, d'autre part.

Passant de cinq articles du code civil à quatre-vingt-deux, le texte proposé, comme son plan, s'inspire largement de l'avant-projet Catala et s'articule autour de six chapitres 13 ( * ) .

Les différents acteurs entendus, de la doctrine en passant par les professionnels ou les associations, ont une bonne opinion du projet présenté par la Chancellerie et saluent l'oeuvre de clarification opérée .

En revanche, certaines évolutions à droit non constant suscitent davantage de difficultés . Parmi les évolutions plus substantielles du projet, certains choix sont discutés 14 ( * ) .

Synthèse des points les plus discutés du projet de la Chancellerie

Sur l'architecture du droit français de la responsabilité civile

- l'articulation des régimes de responsabilité contractuelle et extracontractuelle (avec le principe de non-cumul et ses dérogations pour la réparation du dommage corporel, le dommage causé à un tiers au contrat et l'extension des clauses limitatives ou exclusives de responsabilité en matière extracontractuelle) ;

Sur les conditions de la responsabilité civile

- la généralisation d'une forme de « responsabilité collective » pour les dommages corporels ;

- une définition spécifique de la faute des personnes morales ;

- la limitation de la responsabilité du fait d'autrui aux seuls cas prévus par la loi ;

- l' intégration de la loi Badinter 15 ( * ) comme régime spécial du fait des véhicules terrestres à moteur ;

- le maintien de la cause d'exonération de responsabilité pour risque de développement en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et l'extension de l'exception à ce principe aux produits de santé ;

Sur les effets de la responsabilité civile

- l'organisation d'une solidarité légale entre les co-responsables d'un dommage ;

- l'amélioration de la réparation des victimes de préjudice résultant d'un dommage corporel et notamment la création d'un barème d'indemnisation, le versement de certains dommages et intérêts par principe sous forme de rente indexée et la modification des règles des recours des tiers payeurs ;

- l'obligation pour la victime d'un dommage, sauf en matière corporelle, de ne pas aggraver son préjudice ;

- le nouveau pouvoir conféré au juge du fond, en matière extracontractuelle, de prescrire toute mesure raisonnable propre à prévenir un dommage ou à faire cesser un trouble illicite auquel est exposé le demandeur ;

- la possibilité de condamner le défendeur, sur demande de la victime ou du ministère public, au paiement d'une amende civile pour sanctionner les fautes lucratives.

Source : Commission des lois.

Lors de leur dernière audition le 10 octobre 2019, les représentants de la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice ont ainsi indiqué être toujours en attente d'arbitrages interministériels au regard des incidences économiques de certains aspects de la réforme envisagée, en particulier la responsabilité pour faute des personnes morales, l'extension aux chemins de fer et tramways de la loi Badinter, l'amélioration du sort du conducteur victime ou la création d'une amende civile.

L'adoption de la réforme de la responsabilité civile, second et dernier volet de la réforme du droit des obligations, n'est pas citée parmi les priorités du Gouvernement pour la fin du quinquennat.

Il est donc à craindre que les travaux préparatoires accomplis n'aboutissent, malgré leur avancement, à aucune traduction législative concrète à court terme.

C. L'OBJECTIF DES RAPPORTEURS : RELANCER LA RÉFORME EN LA RECENTRANT SUR LES POINTS CONSENSUELS

Les rapporteurs partagent le constat de la nécessité d'une réforme du droit de la responsabilité civile, dont les méandres, liés au développement de la jurisprudence, en font aujourd'hui une matière d'une grande complexité, qui ne satisfait plus au besoin de sécurité juridique des victimes de dommages comme des personnes qui sont censées en être les responsables.

La réflexion menée depuis bientôt vingt ans leur semble suffisamment aboutie sur les points majeurs pour que la réforme ne soit pas différée encore pour une décennie supplémentaire .

Prenant comme base de leur travail le projet de texte présenté par la Chancellerie, dont ils ne peuvent que regretter l'enlisement, les rapporteurs ont entendu dégager les points les plus consensuels de la réforme qui pourraient être inscrits rapidement au sein du code civil, le cas échéant, grâce au dépôt et à l'examen rapide d'une proposition de loi sénatoriale .

À cette fin, il leur a semblé nécessaire d' exclure certaines modifications , à leurs yeux ni urgentes ni abouties , mais de nature à bloquer un projet nécessaire à la lisibilité et l'accessibilité du droit de la responsabilité civile.

1. Des innovations controversées

Les rapporteurs ont pu constater qu' un certain nombre d'innovations ne pourraient pas figurer dans une réforme à court terme du régime de la responsabilité civile , dès lors que, âprement discutées, elles sont de nature à empêcher, à ce stade, son adoption rapide.

Tel est le cas, en particulier, de :

- la création d'une amende civile « à la française » ( article 1266-1 du projet ).

Le projet de la Chancellerie, s'inspirant d'une disposition déjà prévue dans l'avant-projet Catala 16 ( * ) , ouvrirait la possibilité d'une condamnation au paiement d'une amende civile pour sanctionner les fautes lucratives , c'est-à-dire les fautes commises délibérément avec l'intention de réaliser un profit (« faute [commise] en vue d'obtenir un gain ou une économie ») dont l'ampleur serait supérieure à la somme à laquelle serait condamné le responsable si on lui applique le principe de la réparation intégrale du dommage. La condamnation interviendrait à la demande de la victime ou du ministère public , par une décision spécialement motivée du juge.

Contrairement aux dommages et intérêts punitifs 17 ( * ) , le montant de l'amende, qui ne pourrait être supérieur au décuple du montant du profit réalisé ou à 5 % du chiffre d'affaires réalisé en France pour une personne morale, ne serait pas versé à la victime du dommage, mais à des fonds d'indemnisation en lien avec la nature du dommage ou, à défaut, au Trésor public . Elle devrait être proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l'auteur et aux profits qu'il en aura réalisés. Ce « risque » ne serait pas assurable.

Il s'agirait ainsi d'une voie intermédiaire entre la voie civile classique - centrée sur la réparation des dommages - et la voie pénale - axée sur la sanction des comportements, l'objectif étant de prévenir les fautes qui laissent à leur auteur une marge bénéficiaire suffisante pour qu'il n'ait aucune raison de ne pas les commettre.

L'Institut national de la consommation et les associations de consommateurs 18 ( * ) , ainsi que l'association France Victime, approuvent le principe de cette innovation, même s'ils souhaiteraient plutôt une affectation spéciale du produit des amendes au budget du ministère de la justice, dédiée à l'aide aux victimes. Mais une partie de la doctrine (dont François Terré) et surtout les acteurs économiques, ne sont pas convaincus par cette idée d'introduire un mécanisme à forte connotation pénale au sein de la matière civile. Ils souhaitent le maintien, sans aucun changement, du système actuel fondé sur l'alignement de la réparation sur le dommage.

Au-delà de son principe même, tous les universitaires, les organisations syndicales de magistrats et la plupart des professionnels entendus (Conseil supérieur du notariat, association française des juristes d'entreprises, principaux représentants des avocats et des entreprises), mettent en doute la constitutionnalité, voire la conventionalité d'un tel dispositif . S'apparentant à une véritable peine, l'amende civile devrait respecter les différents principes constitutionnels applicables à la loi pénale, et notamment les principes de légalité des délits et des peines et de nécessité et de proportionnalité des peines , résultant de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

De plus, il est douteux que le dispositif soit efficace en l'état 19 ( * ) : la victime n'aurait pas véritablement intérêt à demander au juge de prononcer cette amende car elle serait reversée à divers fonds d'indemnisation ou au Trésor public ;

- la reconnaissance d'une responsabilité « collective » en cas d'impossibilité de déterminer l'auteur d'un dommage parmi un groupe de personnes, parfois aussi appelée « causalité alternative » ( article 1240 du projet ) ;

S'inspirant de l'article 1348 de l'avant-projet Catala, la Chancellerie souhaite consacrer - pour les seuls dommages corporels 20 ( * ) - le principe de la responsabilité solidaire des personnes identifiées agissant de concert ou exerçant une activité similaire pour un dommage causé par une personne indéterminée parmi elles. Chaque personne en répondrait pour le tout, à moins de démontrer qu'elle ne peut l'avoir causé. Les « responsables » contribueraient ensuite entre eux « à proportion de la probabilité que chacun ait causé le dommage ».

La jurisprudence n'a, à ce jour, reconnu cette causalité alternative que dans certains cas bien ciblés d'activités de loisirs (accidents de chasse) ou sportives (comme le rugby) pratiquées collectivement et comportant des dangers pour l'entourage, ou dans le domaine de la santé (cas du distilbène 21 ( * ) , par exemple).

La rédaction proposée va donc bien au-delà de la jurisprudence et suscite d'importantes réserves . La Cour de cassation, de même que les syndicats de magistrats et le Conseil national des barreaux, sont très critiques sur ce principe qu'ils assimilent à une véritable responsabilité collective , contraire au principe de personnalisation de la faute . La Cour de cassation relève que les hypothèses reconnues par la jurisprudence sont très diverses et ne peuvent être réglées par un principe général de ce type.

La mission d'information sénatoriale de 2009 était également opposée à la généralisation d'un tel principe , dérogatoire à l'exigence de la preuve d'un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage. Des personnes entendues à l'époque avaient d'ailleurs relevé qu'un tel mécanisme pourrait porter atteinte à l'exercice de libertés publiques constitutionnelles comme le droit de grève ou de manifester, sous couvert d'indemnisation des conséquences dommageables qu'il pourrait en résulter.

De plus, il n'est pas assuré que ces dispositions soient conformes à la Constitution . En effet, le Conseil constitutionnel juge traditionnellement qu'il résulte des dispositions de l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 l'exigence constitutionnelle « qu'en principe tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Par dérogation à ce principe de responsabilité directe pour faute, le Conseil constitutionnel admet que « la loi peut prévoir l'engagement de la responsabilité d'une personne autre que celle par la faute de laquelle le dommage est arrivé à la condition que l'obligation qu'elle crée soit en rapport avec un motif d'intérêt général ou de valeur constitutionnelle et proportionnée à cet objectif » 22 ( * ) ;

- une définition spécifique de la faute des personnes morales ( article 1242-1 du projet ) ;

La Chancellerie envisage de définir cette faute comme résultant d'une faute de ses organes ou d'un défaut d'organisation ou de fonctionnement pour adapter le droit de la responsabilité civile aux spécificités des personnes morales. La Cour de cassation et certains auteurs y sont favorables. Le ministère de la justice demeure toutefois hésitant sur l'opportunité d'insérer dans le code civil cette disposition issue de l'avant-projet Terré en raison de nombreuses inquiétudes exprimées par les entreprises.

L'Association française des juristes d'entreprises (AFEP) alerte sur le manque de précision de la définition : un manquement d'une société fille pourrait ainsi être imputable à la société mère sans que cela soit forcément l'intention des rédacteurs. Le Conseil supérieur du notariat relève également le flou de la définition en l'absence de précision quant aux « organes » susceptibles d'engager la responsabilité de la personne morale. Il estime difficile de définir une règle générale concernant les personnes morales qui prennent des formes très diverses.

Par ailleurs, selon les principales organisations représentatives des entreprises, la rédaction retenue, ambigüe, semble donner une définition spécifique de la faute de la personne morale, alors que l'intention des auteurs serait plutôt de préciser les conditions de son engagement. Relevant que les dispositions relatives à la responsabilité civile s'appliquent déjà tant aux personnes physiques qu'aux personnes morales, le Haut comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) suggère de supprimer cette disposition 23 ( * ) . Le groupe de travail de la Cour d'appel de Paris est également favorable à sa suppression 24 ( * ) : la jurisprudence n'a pas attendu de définition générale de la faute civile des personnes morales pour condamner celles-ci à réparer les dommages commis par leur fait personnel .

2. Une réécriture non consensuelle de certains régimes spéciaux

Le projet de la Chancellerie a aussi l'ambition d'intégrer dans le code civil les dispositions de la loi Badinter relatives à la responsabilité du fait des véhicules terrestres à moteur 25 ( * ) et de retoucher les dispositions existantes relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux.

- S'agissant de la responsabilité du fait des véhicules terrestres à moteur , la Chancellerie propose deux innovations : l'amélioration de l'indemnisation du conducteur fautif et l'extension du régime spécial à tous les accidents impliquant un chemin de fer ou un tramway circulant sur une voie propre, jusqu'à présent hors du champ de la loi Badinter. Ces deux nouveautés auraient un impact très important sur le système assurantiel et, lors des auditions, les réactions des professionnels ont été critiques. S'agissant des trains et des tramways, les dispositions proposées risquent de bouleverser l'économie des réseaux de transports en commun gérés par les collectivités territoriales en renchérissant substantiellement le coût de leurs assurances. La RATP considère que ce projet modifierait de manière importante le rôle de la faute de la victime et par conséquent, la sinistralité. La SNCF, très opposée au projet mais consciente de la nécessité d'unifier le régime des victimes d'accidents de train, réfléchit de son côté à une solution alternative consistant en la création d'un fonds de garantie spécifique dédié aux accidents de train, de métros ou de tramways.

- Quant à la responsabilité du fait des produits défectueux , qui est régie actuellement par les articles 1245 à 1245-17 du code civil, le projet prévoit notamment d'étendre l'exception à l'exonération du producteur pour risque de développement . Aujourd'hui valable pour les seuls éléments du corps humain ou produits issus de celui-ci, cette exception pourrait aussi concerner les produits de santé à usage humain. Concrètement, un laboratoire pharmaceutique ne pourrait plus s'exonérer de sa responsabilité en cas de dommage, au motif que les connaissances scientifiques et techniques ne permettaient pas de déceler l'existence d'un défaut au moment de sa mise en circulation.

Cette extension de l'exception est contestée par les acteurs économiques au nom de la défense de la compétitivité et en raison du transfert de risque opéré sur l'assurance. À l'inverse, plusieurs personnes entendues (professeurs de droit et associations de victimes) souhaiteraient aller plus loin et interdire toute exonération du producteur pour risque de développement , puisque la directive européenne dont est issue ce régime spécial le permet 26 ( * ) . Bien qu'elle soit difficile à faire valoir avec succès, la cour d'appel de Paris est favorable à son maintien dans le secteur du médicament. Elle considère que son abandon pourrait « nuire à l'innovation, comme l'a d'ailleurs souligné la Commission européenne dans les différents rapports publiés [...] en application de l'article 21 de la directive » 27 ( * ) .

Selon Jean-Sébastien Borghetti, professeur à l'Université de Paris II, « remettre en cause les contours actuels de l'exonération pour risque de développement crée le risque de relancer le débat sur cette question ( qui avait retardé de près de dix ans l'adoption de la loi de transposition de la directive de 1985 ) et de bloquer l'adoption de la réforme » 28 ( * ) .

3. Une intégration inutile des dispositions sur le préjudice écologique

La Chancellerie envisage d'intégrer - à l'identique - dans son projet ( articles 1279-1 à 1279-6 du projet ) les dispositions issues de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, récemment inscrites dans le code civil, dans ses articles 1246 à 1252. Son objectif est de procéder à une renumérotation globale de tous les articles du sous-titre II consacré à la responsabilité civile.

Ces dispositions relatives au préjudice résultant d'un dommage environnemental figurent déjà dans le code civil et ont été votées récemment .

Dans ces conditions, les rapporteurs considèrent qu'il n'y a pas lieu de les intégrer dans le projet de réforme.

Les rapporteurs ont ainsi fait le constat que la forte ambition du projet initial a malheureusement conduit à multiplier les interlocuteurs et à freiner son avancée . Ils jugent donc souhaitable d' exclure ces sujets dans l'immédiat pour faire aboutir le coeur de la réforme , le socle commun de la responsabilité civile.

Proposition n° 1 :  Déposer une proposition de loi sénatoriale pour assurer une concrétisation législative rapide de la réforme de la responsabilité civile.

II. DEUXIÈME PARTIE : LES POINTS SAILLANTS D'UNE RÉFORME À COURT TERME DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE

Sans aborder tous les points de la réforme, notamment ceux les plus consensuels et les mieux connus, les rapporteurs ont choisi d'en présenter les lignes de force , qui s'articulent autour de deux grands principes : garantir l'accessibilité et la sécurité juridiques du droit de la responsabilité civile et une meilleure cohérence dans le traitement des victimes .

A. LA RÉPARATION DU PRÉJUDICE CAUSÉ AU TIERS VICTIME DE L'INEXÉCUTION DU CONTRAT

La clarification des modalités de réparation du préjudice causé au tiers du fait de l'inexécution du contrat est une nécessité tant pour les contractants que pour les tiers : il s'agit d'assurer la réparation du préjudice sans porter une atteinte excessive à la prévisibilité et la sécurité juridiques.

1. La jurisprudence de la Cour de cassation sur la responsabilité des contractants à l'égard du tiers lésé est contestée

Le fait de contracter ne doit pas servir d' « alibi » pour nuire impunément aux tiers . Partant de ce postulat, la jurisprudence a admis l'action en responsabilité du tiers au contrat contre le débiteur défaillant. Elle a toutefois longtemps hésité sur le point de savoir quel fait générateur devait être établi pour justifier cette responsabilité : inexécution du contrat 29 ( * ) ou fait générateur indépendant de l'inexécution 30 ( * ) ? Mettant fin à ces hésitations dans un arrêt du 6 octobre 2006, connu sous le nom de « Boot Shop » ou « Myr'Ho », la Cour de cassation a retenu la première solution et jugé que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage » 31 ( * ) .

En dépit du soutien de certains auteurs comme Laurent Bloch, professeur à l'Université de Pau et des pays de l'Adour, qui estime que la jurisprudence de la Cour de cassation est cohérente, cette position a été abondamment critiquée par la doctrine et les acteurs économiques. Ceux-ci estiment que la faveur faite au tiers , compte tenu du principe de relativité des contrats figurant à l'article 1199 du code civil 32 ( * ) , est excessive . En effet, en assimilant tout manquement contractuel à une faute délictuelle, le tiers semble pouvoir bénéficier du contrat dans tous les cas . François Chénedé, professeur à l'Université de Lyon III, a résumé ainsi les deux raisons pour lesquelles cette solution était inopportune :

- le débiteur contractuel est déclaré responsable à l'égard d'une personne envers laquelle il ne s'est jamais engagé ;

- et ce, sans pouvoir lui opposer les règles de la responsabilité contractuelle (cantonnement au préjudice prévisible ou clauses limitatives de responsabilité).

Au surplus, plusieurs arrêts des première et troisième chambres civiles ainsi que de la chambre commerciale de la Cour de cassation 33 ( * ) ont paru s'éloigner de la solution du 6 octobre 2006 , refusant que la seule inexécution contractuelle constitue un fait générateur de responsabilité extracontractuelle.

Constatant que ces différents arrêts créaient des « incertitudes » qu'elle devait lever, la Cour de cassation a confirmé sa position de 2006 par un arrêt « Sucrière de la Réunion » rendu le 13 janvier 2020 en Assemblée plénière , dans lequel elle a jugé, au visa de l'ancien article 1382 du code civil sur la responsabilité pour faute, que « le manquement par un contractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à l'égard d'un tiers au contrat lorsqu'il lui cause un dommage » 34 ( * ) . En conséquence il importe, selon la Cour de cassation, « de ne pas entraver l'indemnisation de ce dommage » ; « dès lors, le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu'il subit n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement » 35 ( * ) .

Cette solution paraît ériger définitivement le manquement contractuel en fait générateur de responsabilité délictuelle .

2. Assurer la réparation du dommage causé au tiers sans porter une atteinte excessive à la prévisibilité et la sécurité juridiques des contrats

Le projet de réforme de la responsabilité civile publié par la Chancellerie en mars 2017 traite cette difficulté à son article 1234 36 ( * ) en ouvrant une option au tiers au contrat 37 ( * ) : soit engager une action en responsabilité extracontractuelle, à la condition de démontrer la réunion des conditions nécessaires à la mise en jeu de cette responsabilité soit, s'il a « un intérêt légitime à la bonne exécution du contrat », invoquer le contrat auquel il n'est pas partie, mais se soumettre alors à l'ensemble de ses clauses , y compris celles qui limitent la responsabilité de l'auteur du dommage. Cette solution rejoint celles avancées 38 ( * ) par Laurent Béteille dans sa proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile 39 ( * ) et par les auteurs de l'avant-projet Catala 40 ( * ) . Ce faisant, il s'agit de déroger clairement au principe de « non option » ou « non cumul » de responsabilités , par ailleurs consacré par le projet de la Chancellerie 41 ( * ) et auquel les rapporteurs sont favorables.

Les rapporteurs approuvent le principe d'une option ouverte au tiers pour agir en réparation de son préjudice causé par l'inexécution d'un contrat.

S'agissant de l'action en responsabilité extracontractuelle, l'exigence qui lui serait faite de prouver l'un des faits générateurs de responsabilité extracontractuelle permettrait de revenir aux conditions du droit commun ; ainsi, il ne serait plus possible d'assimiler automatiquement un manquement contractuel à une faute extracontractuelle , sans même avoir à rechercher ou prouver le caractère fautif des faits reprochés ou une responsabilité sans faute.

Toutefois, les rapporteurs estiment nécessaire de mieux définir les conditions d'action directe du tiers en réparation sur le fondement du contrat . La notion d' « intérêt légitime à la bonne exécution du contrat » suscite beaucoup d'inquiétudes parmi les acteurs économiques, qui craignent en réalité que tout tiers puisse s'en prévaloir, ce qui ne paraît pas être l'objectif recherché. Tant l'Association française des entreprises privées (AFEP), le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) que la Chambre de commerce et d'Industrie de la région Paris-Île-de-France sont opposés à cette disposition qu'ils jugent trop large. En effet, toute personne qui éprouve un dommage en raison de la mauvaise exécution d'une convention ne pourrait-elle pas se prévaloir d'un intérêt légitime à sa bonne exécution ?

Plusieurs universitaires entendus par les rapporteurs, parmi lesquels Julie Traullé, professeur à l'Université de Tours, François Chénedé, professeur à l'Université de Lyon III et Jean-Sébastien Borghetti, professeur à l'Université de Paris II, s'interrogent également sur la catégorie des personnes susceptibles d'être concernées qu'ils estiment difficile à déterminer .

Consciente des interrogations suscitées par cette disposition, la direction des affaires civiles et du sceau a indiqué aux rapporteurs qu'elle pourrait évoluer.

Dès lors, les rapporteurs proposent de préciser cette notion en imposant deux conditions cumulatives aux tiers souhaitant agir sur le fondement contractuel : avoir un intérêt légitime à la bonne exécution du contrat et ne disposer d'aucune autre action en réparation pour le préjudice subi du fait de la mauvaise exécution du contrat .

Concrètement, cette action ne serait donc ouverte qu'au tiers qui a un intérêt ab initio à l'exécution du contrat et qui ne peut ni faire jouer la responsabilité extracontractuelle en l'absence de fait générateur, ni agir en réparation de son dommage à l'encontre de l'un de ses propres débiteurs . Cette proposition s'inspire pour partie de la doctrine 42 ( * ) ainsi que du rapport du groupe de travail de la Cour d'appel de Paris 43 ( * ) , tout en étant moins rigoureuse pour le tiers que la solution proposée par celle-ci qui exigeait notamment que le débiteur ait eu connaissance du tiers 44 ( * ) .

Cette solution permettrait de garantir une plus grande sécurité et prévisibilité juridiques pour les contractants, sans entraver l'indemnisation du tiers lésé .

Proposition n° 2 :  Permettre à un tiers de demander réparation du dommage causé par l'inexécution du contrat :

- soit sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, en prouvant alors un fait générateur comme l'exige le droit commun ;

- soit, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle s'il a un intérêt légitime à la bonne exécution du contrat et qu'il ne dispose d'aucune autre action en réparation de son préjudice, en se soumettant à l'ensemble des règles du contrat, y compris les limitations de responsabilité.

B. L'ENCADREMENT DE LA RESPONSABILITÉ EXTRACONTRACTUELLE DU FAIT D'AUTRUI

L'actuel article 1242 du code civil (ancien article 1384) liste les cas dans lesquels certaines personnes ont à répondre des dommages causés par des tiers. Sont ainsi nommément visés les parents, responsables du fait de leurs enfants, les maîtres et les commettants, responsables du fait de leurs domestiques et préposés, et les instituteurs et artisans, responsables du fait de leurs élèves et apprentis.

Au-delà de ces cinq cas légaux, la jurisprudence a « découvert », sur le fondement de l'alinéa 1 er de cet article, un principe général de responsabilité du fait des « personnes dont on doit répondre ». Elle a ainsi reconnu la responsabilité d'un centre d'aide par le travail du fait d'un majeur souffrant d'un handicap mental dont il « avait accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie » 45 ( * ) ou d'un foyer éducatif du fait d'un mineur qui lui avait été confié par ordonnance du juge des enfants 46 ( * ) .

Le projet de la Chancellerie restructure profondément la responsabilité du fait d'autrui , en supprimant les dispositions les plus datées et qui ne sont plus utilisées - celles qui visent les maîtres, les instituteurs, ou encore les artisans 47 ( * ) - mais surtout, en consacrant dans la loi les cas prétoriens, tout en limitant les conditions de mise en jeu de cette responsabilité.

1. Circonscrire la responsabilité du fait d'autrui aux cas énumérés par la loi

Le projet de réforme entend tout d'abord circonscrire le domaine de la responsabilité du fait d'autrui aux cas limitativement énumérés par ses articles 1246 à 1249 . Il serait ainsi mis fin au pouvoir créateur des juges pour reconnaître de nouveaux cas de responsabilité du fait d'autrui. Cette limitation figurait expressément dans l'avant-projet Terré. Elle est critiquée par une partie de la doctrine 48 ( * ) , et particulièrement par Geneviève Viney, qui regrette que soit ainsi « fermée la porte qu'avait entrouverte le fameux arrêt Consorts Blieck de 1991 en faveur d'une extension possible de cette forme de responsabilité ». Pour Denis Mazeaud, le fait de figer les cas de responsabilité du fait d'autrui risque de rendre ces dispositions obsolètes dans quelques années.

Les rapporteurs considèrent cette limitation cohérente avec les objectifs de lisibilité et d'accessibilité du droit , ainsi que de sécurité juridique , qui justifient que le législateur « reprenne la main » sur la délimitation des cas de responsabilité du fait d'autrui. Par ailleurs, le projet laisserait aux juges une marge d'appréciation suffisante pour faire entrer dans les nouveaux cas de responsabilité qu'il crée différentes catégories de personnes responsables, dès lors que celles-ci surveillent, ou organisent et contrôlent l'activité d'autrui.

Proposition n° 3 : Consacrer le caractère limitatif des cas de responsabilité civile du fait d'autrui après avoir codifié les créations prétoriennes.

Le projet de réforme, en rupture avec la jurisprudence de la Cour de cassation 49 ( * ) , mais en droite ligne avec les avant-projets Catala et Terré et la proposition de loi de Laurent Béteille, propose également de subordonner l'engagement de la responsabilité du fait d'autrui à la preuve d'un fait de nature à engager la responsabilité de l'auteur direct du dommage . Il uniformise ainsi de façon opportune les conditions de la responsabilité du fait d'autrui qui réserve jusqu'à présent des sorts différents aux répondants 50 ( * ) . La responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur serait désormais conditionnée à la faute de ce dernier ou à sa qualité de gardien - à l'instar du commettant responsable du fait de son préposé - et non plus à un simple fait causal. Cette jurisprudence était très contestée par la doctrine et la disposition proposée recueille donc son assentiment 51 ( * ) .

Proposition n° 4 : Subordonner l'engagement de la responsabilité du fait d'autrui à l'établissement d'un fait de nature à engager la responsabilité de l'auteur direct du dommage.

2. Ajuster les régimes légaux existants
a) La responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur

Le projet clarifie ce régime en liant la responsabilité de plein droit des parents à l'exercice de l'autorité parentale . Est ainsi supprimée l'exigence de cohabitation qui était source de contentieux.

En cas de divorce, les deux parents demeureraient solidairement responsables de plein droit et il n'y aurait plus à distinguer le sort du parent chez qui l'enfant a sa résidence habituelle - responsable de plein droit - de celui de l'autre parent dont la faute devrait être démontrée 52 ( * ) .

Cette solution fait consensus : elle était d'ailleurs préconisée par le rapport sénatorial de 2009 et les deux avant-projets Catala et Terré.

La rédaction proposée consacre également le caractère de plein droit de cette responsabilité, qui était reconnue depuis 1997 par la Cour de cassation 53 ( * ) malgré la lettre de l'article 1242, alinéa 7 54 ( * ) . Cette mise en cohérence est bienvenue et faciliterait la compréhension du code civil.

Proposition n° 5 : Mettre les dispositions relatives à la responsabilité des parents du fait de leurs enfants en cohérence avec la jurisprudence établie, en supprimant le critère de cohabitation et la faculté de prouver qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.

b) La responsabilité du commettant du fait du préposé

La responsabilité du commettant du fait de ses préposés se voit consacrée dans un article à part entière du projet ( article 1249 du projet ) pour y intégrer les apports jurisprudentiels et définir le lien de préposition. Certains critiquent l'archaïsme des termes « commettant » et « préposé » qui ont été repris. Toutefois ceux-ci permettent de prendre en compte des situations plus diverses que les seuls rapports de salariat - subordination occasionnelle, contrat de mandat - et ne peuvent donc être remplacés par les termes d'apparence plus moderne « employeur » et « salarié ».

L'article 1249 confirmerait les conditions de responsabilité établies par la jurisprudence, dont les possibilités d'exonération du commettant dans le cadre d'un abus de fonctions, consacrant les trois conditions cumulatives reconnues par la Cour de cassation selon laquelle « le commettant ne s'exonère de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions » 55 ( * ) .

Il introduirait également une nouvelle cause d'exonération, la collusion du préposé avec sa victime, dont la charge de la preuve reposerait sur le commettant. L'avant-projet de 2016 proposait un cas d'exonération dans une rédaction plus proche de la jurisprudence existante 56 ( * ) et identique à celle de l'avant-projet Catala : le cas où le commettant établit « que la victime ne pouvait légitimement croire que le préposé agissait pour le compte du commettant ». Certains représentants des entreprises considèrent que le fait d'exiger la preuve d'une collusion entre le préposé et la victime réduit considérablement la possibilité pour le commettant de s'exonérer de sa responsabilité. En effet, la collusion 57 ( * ) pourrait supposer la preuve que la victime ait eu l'intention de tromper le commettant. Or cela ne correspond pas à la simple apparence d'une action accomplie dans le cadre des fonctions, actuellement requise par la jurisprudence, et aurait effectivement pour effet de limiter les cas d'exonération - déjà rarement retenue - à des situations exceptionnelles.

Les rapporteurs suggèrent donc de reprendre la formulation de l'avant-projet de 2016 : faisant référence à une action « pour le compte du commettant », elle éviterait tout débat sur ce qui relève ou non du cadre des fonctions.

Proposition n° 6 : Permettre l'exonération de la responsabilité du commettant pour le dommage commis par son préposé lorsque « la victime ne pouvait légitimement croire que le préposé agissait pour le compte du commettant ».

Le texte consacre par ailleurs le principe de l'immunité civile du préposé 58 ( * ) , dégagé par l'arrêt Costedoat du 20 février 2000 59 ( * ) , qui a jugé que « n'engage pas sa responsabilité à l'égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant ». Par exception, le préposé engagerait sa responsabilité personnelle à l'égard de la victime et du commettant dans deux cas :

- d'une part, en cas de faute intentionnelle ; le projet reprend ainsi une jurisprudence de la Cour de cassation 60 ( * ) en éclaircissant la question des infractions pénales non-intentionnelles qui restait ambigüe , ces dernières seraient désormais clairement exclues des cas d'engagement de la responsabilité personnelle du préposé ;

- d'autre part, lorsque, sans autorisation , il a agi à des fins étrangères à ses attributions .

Ces deux hypothèses de responsabilisation du préposé correspondent à des situations où sa mauvaise foi semble suffisamment caractérisée pour justifier sa mise en cause au côté du commettant.

3. Inscrire les créations jurisprudentielles dans le code civil

La Chancellerie a inscrit dans son projet quatre cas de responsabilité du fait d'autrui de création prétorienne : trois cas de responsabilité objective fondés sur l'organisation et le contrôle à titre permanent du mode de vie ( articles 1246 et 1247 du projet ) et un cas de responsabilité présumée fondé sur la surveillance ou l'encadrement et l'organisation de l'activité d'autrui par contrat et à titre professionnel ( article 1248 du projet ).

a) Les nouveaux cas de responsabilité de plein droit du fait d'autrui

Pour les mineurs ( article 1246 du projet ), aux côtés des parents exerçant l'autorité parentale, le projet tend à rendre deux catégories de personnes responsables de plein droit , confirmant ainsi la jurisprudence : le ou les tuteurs chargés de la personne du mineur 61 ( * ) et la personne - le projet précise inutilement physique ou morale - chargée, par décision administrative ou judiciaire , d'organiser et contrôler à titre permanent le mode de vie du mineur 62 ( * ) . Cette seconde catégorie pourrait a priori comprendre les tiers bénéficiaires d'une délégation totale de l'autorité parentale dans le cadre d'un jugement prononcé en application des articles 376-1 et suivants du code civil 63 ( * ) . Seraient en revanche exclus les grands-parents ou proches prenant en charge à titre informel ou temporaire les enfants .

Le projet précise que, lorsqu'un enfant est confié par décision administrative ou judiciaire à une personne chargée d'organiser et contrôler son mode de vie, seule la responsabilité de cette personne pourrait être engagée, à l'exclusion de celle des parents, contrairement à l'option choisie par l'avant-projet Catala. Le caractère alternatif de cette responsabilité se comprend compte tenu de la permanence du contrôle exercé par le tiers chargé de cette mission par décision administrative ou judiciaire. Cette précision n'est pas utile en cas de tutelle, puisque celle-ci est ouverte lorsque les parents sont tous deux décédés ou se trouvent privés de l'exercice de l'autorité parentale, ou encore lorsque la filiation de l'enfant n'est pas établie 64 ( * ) . Il semblerait toutefois souhaitable de préciser le caractère alternatif de cette responsabilité et de celle des tuteurs du mineur .

Proposition n° 7 : Consacrer la responsabilité de plein droit du fait d'autrui des personnes chargées, par décision administrative ou judiciaire, d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie d'un mineur, et son caractère alternatif par rapport à la responsabilité des parents ou des tuteurs.

L'article 1247 du projet vise un troisième cas de responsabilité objective fondé sur l'organisation et le contrôle à titre permanent du mode de vie lorsqu'il s'agit d'un majeur . Là encore, une décision administrative ou judiciaire serait requise. S'il est purement spontané ou résulte d'un engagement unilatéral, le contrôle permanent du mode de vie ne suffirait pas à justifier la responsabilité de plein droit de celui qui l'exerce.

Cette disposition soulève, d'après la conférence nationale des présidents de TGI, des inquiétudes chez les juges des contentieux de la protection , qui exercent les fonctions de juge des tutelles : ceux-ci craignent une responsabilité de plein droit des tuteurs des majeurs protégés, et notamment des tuteurs familiaux, qui à ce jour, ne rentrent pas dans le champ d'application de l'article 1242, alinéa 1, du code civil, selon la jurisprudence 65 ( * ) . Le risque est grand de les voir se désengager de ces tâches alors qu'il est déjà difficile de trouver des volontaires. L'Union nationale des associations familiales (UNAF) a fait part de la même inquiétude à la direction des affaires civiles et du sceau qui, en réponse, a assuré que « l'avant-projet de réforme n'entend pas revenir sur la jurisprudence actuelle qui écarte la responsabilité de plein droit du tuteur du fait des agissements du majeur protégé . Le nouvel article 1247 n'a pas vocation en effet à s'appliquer au tuteur d'une personne majeure, dès lors que celui-ci n'a pas pour mission d'organiser et contrôler à titre permanent son mode de vie ».

L'Association des paralysés de France et l'Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et cérébro-lésés ont attiré l'attention du garde des sceaux sur les conséquences que pourrait avoir l'inscription dans le code civil de la notion de « contrôle permanent du mode de vie » sur la vie privée des personnes handicapées . Selon eux, cela accentuerait « la tentation en pratique, de faire prévaloir la sécurité sur la liberté dans l'organisation des activités ou dans la mise en oeuvre des projets ou demandes exprimés par les personnes ». Cette préoccupation est légitime. Pour autant, il est nécessaire de qualifier de manière précise le type de surveillance exercée par la personne responsable de plein droit et les termes repris de la jurisprudence Blieck semblent adéquats.

Proposition n° 8 :  Codifier la jurisprudence relative à la responsabilité de plein droit du fait d'autrui fondée sur une mission d'organisation et de contrôle à titre permanent du mode de vie des majeurs placés sous surveillance.

b) Un nouveau cas de responsabilité du fait d'autrui pour faute présumée

La Chancellerie propose enfin la création d'un cas de responsabilité du fait d'autrui fondée sur une présomption de faute à la charge des professionnels assurant par contrat des missions de surveillance ou de contrôle de l'activité sur des personnes physiques ( article 1248 du projet ). Cette seconde mission est un ajout par rapport à ce qui avait été envisagé dans l'avant-projet Catala et permet notamment d'inclure la responsabilité des associations sportives du fait de leurs membres déjà reconnue par la jurisprudence.

Cette disposition, inspirée des décisions relatives aux clubs sportifs et organisateurs de loisirs, étend le champ de responsabilité à tout type de professionnels. Cet élargissement est bienvenu selon Geneviève Viney car il « corrige partiellement la limitation du domaine de la responsabilité pour autrui résultant de l'article 1245 ».

Sur le fondement de cet article, les juges pourraient ainsi admettre une responsabilité pour autrui à la charge d'un certain nombre de professionnels comme les crèches, les centres de loisirs, les maisons de retraite, les établissements de santé qui reçoivent des malades exigeant une surveillance de leur comportement. Cette responsabilité présumée pourrait être écartée par la preuve de l'absence de faute du professionnel .

S'agissant des associations sportives qui ont inspirées ce texte, leur responsabilité serait atténuée, ainsi que l'a relevé la direction des affaires civiles et du sceau. Elles sont actuellement responsables de plein droit des dommages que leurs membres causent « dès lors qu'une faute caractérisée par une violation des règles du jeu est imputable à un ou plusieurs de leurs membres, même non identifiés » 66 ( * ) . Elles encourraient désormais une responsabilité pour faute présumée dans le cas d'une activité à titre professionnel, et une responsabilité pour faute prouvée dans les autres cas.

Proposition n° 9 :  Inscrire dans le code civil un nouveau cas de responsabilité du fait d'autrui pour faute présumée du professionnel qui, par contrat, assure la surveillance d'autrui - majeur ou mineur - ou l'organisation et le contrôle de son activité.

C. LE TRAITEMENT PRÉFÉRENTIEL DE LA VICTIME D'UN DOMMAGE CORPOREL

Le code civil de 1804 ne prévoyait aucune distinction entre dommages, ni dispositions spécifiques au dommage corporel. Les rapporteurs approuvent totalement le choix, fait par le texte de la Chancellerie, de « rompre » avec cette logique pour assurer le « traitement préférentiel de la victime d'un dommage corporel » et mieux protéger les victimes , considérant que ces atteintes sont les plus graves dans la hiérarchie des intérêts protégés .

1. Protéger la victime en cas de dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution d'un contrat

Le projet de la Chancellerie prend le contre-pied de la jurisprudence actuelle en faisant relever la réparation du préjudice corporel de la responsabilité extracontractuelle , même si le dommage a été causé à l'occasion de l'exécution d'un contrat . C'est ce que la doctrine appelle la « dé-contractualisation » de la réparation du dommage corporel.

Actuellement, pour demander réparation d'un préjudice, le demandeur doit s'appuyer sur un manquement à une obligation contractuelle de sécurité (de résultat, de moyens, de moyens renforcée), qui fait l'objet d'une abondante jurisprudence 67 ( * ) et peut parfois aboutir à un traitement inéquitable des victimes selon la nature de l'obligation 68 ( * ) .

Toutefois, plutôt que de donner à la victime le choix entre régimes contractuel et extracontractuel , comme l'envisageaient l'avant-projet Catala et la proposition de loi de Laurent Béteille, le projet de la Chancellerie impose, à son article 1233-1, l'application du régime extracontractuel : « Les préjudices résultant d'un dommage corporel sont réparés sur le fondement des règles de la responsabilité extracontractuelle alors même qu'ils seraient causés à l'occasion de l'exécution du contrat ». Cette solution s'inspire ici des propositions du groupe de travail dirigé par François Terré. Julia Traullé, professeur à l'Université de Tours, a toutefois relevé lors de son audition que la « dé-contractualisation » du dommage corporel risquait d'être difficile lorsqu'il s'agit de l'objet même du contrat (garde d'enfants, transports).

Sensible à la critique exprimée par certains selon laquelle l'application du régime extracontractuel n'est pas nécessairement plus favorable à la victime que celle du régime contractuel , le texte a été modifié entre l'avant-projet de 2016 et le projet de 2017 pour autoriser la victime à invoquer les dispositions expresses du contrat qui lui seraient plus favorables.

Les avis sont partagés sur cette évolution majeure qui semble, de prime abord, plutôt favorable aux victimes de dommage corporel .

Lors de son audition, la direction des affaires civiles et du sceau a justifié l' éviction du régime contractuel afin d'assurer le traitement « sur un pied d'égalité de toutes les victimes de dommage corporel » . La Conférence des bâtonniers, de même que l'Union syndicale des magistrats sont du même avis et estiment que l' unification de ce contentieux permettrait utilement d'écarter le débat sur l'obligation contractuelle de sécurité et la distinction entre obligations de moyen et de résultat .

Néanmoins, certains auteurs comme Laurent Leveneur, professeur à l'Université Paris II Panthéon-Assas, expliquent que l' application du régime de la responsabilité extracontractuelle pourrait être plus complexe pour la victime , car il faudrait prouver une faute ou un état anormal de la chose cause du dommage, alors que la jurisprudence allait plus loin sur le terrain contractuel en « forçant » le contrat en matière d'obligation de sécurité.

Quant à la faculté qui serait laissée à la victime d'invoquer les stipulations expresses du contrat qui lui seraient plus favorables , certains auteurs estiment que ce n'est pas tant les stipulations elles-mêmes que le régime contractuel qui serait plus favorable à la victime . Les magistrats civilistes du tribunal judiciaire de Paris jugent dans leur contribution aux rapporteurs que cela risquerait d'entraîner un débat sur le fondement juridique à appliquer , la victime devant prouver que les stipulations expresses du contrat lui sont plus favorables. Ils indiquent qu'en outre les affaires aujourd'hui présentées devant eux visent à titre principal le fondement contractuel pour lequel les obligations à la charge du débiteur sont plus lourdes et, seulement à titre subsidiaire, le fondement extracontractuel où la preuve est plus difficile à apporter.

Au final, les rapporteurs ne voient pas quels impératifs pourraient justifier de renoncer à laisser à la victime une véritable option alors qu'en fonction des circonstances du dommage, celle-ci peut effectivement avoir intérêt à se placer, par exemple, tantôt sur le terrain de l'obligation contractuelle de sécurité de résultat, tantôt sur celui de la responsabilité extracontractuelle du fait des choses. En outre, la rédaction de l'alinéa 2 de l'article 1233-1 laisse penser que la victime pourrait panacher le régime de la responsabilité extracontractuelle avec certaines clauses du contrat qui lui sont plus favorables, en laissant de côté d'autres clauses plus défavorables dont elle entendrait refuser l'application.

Toutefois, selon Geneviève Viney, la solution juste consisterait « à reconnaître à la victime d'un dommage corporel titulaire d'un contrat une option entre la voie contractuelle et la voie extracontractuelle » . Les rapporteurs adhèrent plutôt à cette analyse déjà retenue par l'avant-projet Catala et la proposition de loi de Laurent Béteille. La victime disposerait ainsi d'une option claire et serait libre de choisir le régime qui lui semble le plus à même d'assurer la réparation de son préjudice, sans qu'on lui impose par principe le régime extracontractuel.

Proposition n° 10 : Permettre au cocontractant victime d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de choisir la voie contractuelle ou la voie extracontractuelle.

Au surplus, les rapporteurs préconisent de prohiber toute limitation ou exclusion de responsabilité par contrat en cas de dommage corporel , comme le propose à juste titre le projet de la Chancellerie ( article 1281 du projet ) 69 ( * ) .

Proposition n° 11 : Prohiber tout aménagement ou exclusion de responsabilité en cas de dommage corporel.

2. Limiter les hypothèses de partage de responsabilité en cas de dommage corporel

Afin de favoriser l'indemnisation de la victime de dommage corporel, l'article 1254 du projet de la Chancellerie prévoit en son deuxième alinéa que seule la faute lourde pourrait entraîner partiellement l'exonération de responsabilité de l'auteur du dommage , tant en matière contractuelle qu'extracontractuelle.

Les rapporteurs sont favorables à cette protection renforcée de la victime qui s'inspire de l'esprit de la proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile de Laurent Béteille.

Proposition n° 12 :  N'accepter comme cause d'exonération partielle de responsabilité de l'auteur du dommage corporel que la faute lourde de la victime.

3. Placer la réparation des préjudices causés par un dommage corporel au sommet de la hiérarchie des intérêts protégés

Le projet de la Chancellerie propose de créer un régime spécial de réparation des préjudices résultant d'un dommage corporel . Cette innovation, qui s'inspire des travaux des groupes de travail respectivement dirigés par les professeurs François Terré et Pierre Catala, rompt avec la conception traditionnelle du droit de la responsabilité civile issue du code civil de 1804, en instaurant un traitement préférentiel du dommage corporel et donc une hiérarchisation des intérêts protégés .

Elle a été unanimement saluée par les personnes entendues au cours des travaux des rapporteurs , qu'il s'agisse des représentants de la Cour de cassation, des organisations syndicales de magistrats, des associations de victimes, de la doctrine ou des acteurs économiques au premier rang desquels la Fédération française de l'Assurance.

L'article 1267 du projet 70 ( * ) rend l' ensemble de ces règles applicables aux juridictions judiciaires et administratives , qui peuvent aujourd'hui avoir des positions très différentes tant sur le fond, que sur le montant des sommes allouées 71 ( * ) , comme l'ont relevé le Conseil national des compagnies d'experts de justice et la Compagnie nationale des experts comptables de justice. Elles s'appliqueraient également aux rédacteurs d'actes transactionnels entre la victime et le responsable . Il est attendu de cette unification l'atténuation des inégalités de traitement entre victimes, ce qui constitue selon l'ensemble des personnes entendues, dont le Conseil national des barreaux, un net progrès auquel se rallient bien évidemment les rapporteurs.

Dans le même esprit, il ne peut être dérogé à ces dispositions qu'en faveur de la victime, ce qui est également salué par les associations de victimes ( article 1267-1 du projet 72 ( * ) ) et approuvé par les rapporteurs.

Proposition n° 13 : Consacrer un régime spécial de réparation des préjudices causés par un dommage corporel commun aux deux ordres de juridictions.

Proposition n° 14 :  Ne permettre la dérogation aux dispositions particulières applicables à la réparation des préjudices causés par un dommage corporel qu'en faveur de la victime.

Ils observent toutefois que le dommage corporel n'est pas défini dans le projet gouvernemental.

Si l'article 16-3 du code civil prohibe toute « atteinte à l'intégrité du corps humain » sauf nécessité médicale, aucun texte ne définit dans le code civil le dommage corporel. Plusieurs auteurs relèvent cette absence, notamment Jonas Knetsch, professeur à l'Université de Saint-Étienne, entendu par les rapporteurs.

Une définition du dommage corporel comme toute « atteinte à la personne » figure néanmoins dans le droit en vigueur à propos des recours des tiers payeurs dans la loi Badinter.

En 2003, le rapport sur l'indemnisation du dommage corporel remis à Dominique Perben par le groupe de travail présidé par Yvonne Lambert-Faivre , professeur émérite de l'Université de Lyon III, reprenait à son compte une classification de dommages regroupant trois catégories de faits. Parmi ceux-ci, les « dommages corporels sont définis comme toute atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne » 73 ( * ) . Le texte proposé par le groupe de travail dirigé par François Terré faisait d'ailleurs référence à cette définition .

Les rapporteurs proposent de s'en inspirer pour définir le dommage corporel en droit de la responsabilité civile compte tenu du nombre important de dispositions spécifiques qui lui sont consacrées .

Proposition n° 15 :  Définir le dommage corporel comme « toute atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne ».

4. Harmoniser les modalités d'évaluation et d'indemnisation des préjudices

L'une des évolutions les plus importantes et les plus concrètes proposée par la Chancellerie consiste à légaliser des outils permettant d'harmoniser les modalités d'évaluation et d'indemnisation des préjudices , afin d' éviter les disparités de traitement entre victimes sur le territoire . Les rapporteurs approuvent cette démarche tout en étant extrêmement attentifs à l'appréciation individuelle de la situation de chaque victime . C'est donc avec le souhait de concilier ces deux principes qu'ils ont examiné le projet de la Chancellerie.

Tout d'abord, le principe d'une nomenclature unifiée mais non limitative des postes de préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux doit être approuvée ( article 1269 du projet 74 ( * ) ). La nomenclature établie en 2005 par le groupe de travail dirigé par Jean-Pierre Dintilhac 75 ( * ) dite « nomenclature Dintilhac » répond déjà, en pratique, à cette attente. Une valeur contraignante serait donc conférée à cette liste, sans pour autant lui donner un caractère limitatif , ce qui permettrait aux victimes de continuer à faire évoluer la jurisprudence sur la reconnaissance et l'indemnisation de leurs dommages. Les représentants des avocats de victimes sont favorables à cet outil puisqu'il reste non limitatif. La sanctuarisation de cette nomenclature est accueillie positivement par la Conférence nationale des tribunaux de grande instance et la Conférence des premiers présidents de cour d'appel .

Cette nomenclature est d'autant plus opportune que le projet de la Chancellerie imposerait également en droit commun de la réparation l'évaluation distincte de chaque chef de préjudice ( article 1262 du projet ). Il condamne ainsi clairement la pratique actuelle de l'évaluation globale du dommage « toutes causes de préjudice confondues » par le juge, sans ventilation entre les différents chefs de préjudices allégués. Ce choix fait consensus car cette technique prive la victime des moyens de comprendre l'évaluation de son dommage et si la réponse apportée correspond à ses prétentions.

Dans le même esprit, le projet de la Chancellerie imposerait l'usage d'un barème médical unique pour mesurer le déficit fonctionnel après consolidation . Celui-ci se définit, conformément à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, comme « les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales » 76 ( * ) . Là encore, l'objectif est d'harmoniser l'évaluation médico-légale du dommage corporel par les médecins experts pour favoriser l'égalité de traitement entre les victimes, tout en adaptant cette évaluation à chaque situation concrète, puisque la référence donnée par le barème ne serait qu'indicative.

Ces trois dispositions, qui s'inscrivent dans la continuité de la proposition de loi de Laurent Béteille, recueillent l'assentiment des rapporteurs .

Les associations de victimes, l'association nationale des avocats de victimes de dommage corporel (ANADAVI) et les représentants des assureurs, tous intéressés au premier chef par l'élaboration de ces référentiels, souhaiteraient que les décrets soient pris après consultation des acteurs de la réparation du dommage corporel . Les rapporteurs, estiment en effet cette consultation utile.

Ils approuvent également la codification de la jurisprudence selon laquelle « le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable » 77 ( * ) .

Proposition n° 16 : Prévoir l'adoption d'une nomenclature des chefs de préjudices réparables et d'un barème médical d'invalidité, tous deux non limitatifs, par des décrets pris après consultation des représentants des victimes, des avocats et des assureurs.

Proposition n° 17 :  Garantir l'indifférence de prédispositions pathologiques sur le droit à indemnisation de la victime.

Le principe de la « barémisation » de l'indemnisation pose davantage de difficultés . L'article 1271 du projet de la Chancellerie créerait un référentiel d'indemnisation indicatif de certains postes de préjudices extrapatrimoniaux déterminés par décret. Il prévoit deux outils de chiffrage du préjudice résultant d'un dommage corporel :

- une base de données permettant d'accéder aux décisions intégralement retranscrites et comprenant le montant des indemnisations accordées d'une part ;

- un référentiel indicatif établi sur le fondement de moyennes pour chaque chef de préjudice , d'autre part.

Le premier de ces outils répond au besoin du juge de connaître les précédents pour évaluer monétairement un préjudice, alors que le référentiel donnerait des fourchettes fixes établies selon des moyennes, au risque de minorer l'indemnisation et d'altérer le principe d'individualisation du préjudice en encadrant, de facto , le pouvoir d'appréciation in concreto du juge 78 ( * ) .

Aujourd'hui, la Cour de cassation censure systématiquement les décisions qui reconnaissent avoir appliqué un référentiel pour chiffrer les dommages et intérêts ; pourtant ce type de référentiel est utilisé par la majorité des cours d'appel d'après les informations portées à la connaissance des rapporteurs. La Chancellerie décrit donc le référentiel de l'article 1271 du projet comme un simple outil d'aide à la décision pour le juge , qui aurait en outre le mérite d'officialiser et de rendre plus transparentes les pratiques actuelles , ce qu'observe également la conférence nationale des tribunaux de grande instance.

Ce référentiel se heurte à la très forte hostilité des représentants des avocats et des associations de victimes, qui redoutent une standardisation des indemnisations par le recul de l'évaluation in concreto , ce qui pourrait porter atteinte au principe de la réparation intégrale du préjudice . Le Syndicat de la magistrature craint, pour sa part, que le contentieux de la réparation du préjudice corporel échappe au juge, au bénéfice de la voie transactionnelle.

Toutefois, une partie de la doctrine est favorable à ce principe de référentiel, à l'instar de Geneviève Viney, qui considère qu'associé à la nomenclature de postes de préjudice et au barème médical, il permettrait la réalisation de progrès sensibles quant à la prévisibilité des évaluations et l'instauration d'une véritable égalité entre les victimes. Pour sa part, la conférence des premiers présidents de cour d'appel ne prend pas partie et considère que ce sujet relève plutôt de la Cour de cassation, dans son rôle de pilote de « l'open data » des décisions de justice , prévu par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice 79 ( * ) et dont les modalités viennent d'être publiées par décret du 29 juin 2020 80 ( * ) .

Pour leur part, les rapporteurs estiment que l'accès ainsi facilité aux décisions de justice devrait progressivement réduire l'utilité de ce type de référentiel et partagent les réserves exprimées sur le principe d'un tel référentiel d'indemnisation .

Ils observent par ailleurs que la Chancellerie n'a pas attendu l'adoption de la réforme de la responsabilité civile et publié un décret dit « DataJust » le 27 mars 2020 81 ( * ) , autorisant la création d'un outil d'intelligence artificielle qui recenserait les montants d'indemnisation alloués, par chef de préjudice, par les juridictions judiciaires et administratives , en vue notamment d'élaborer un « référentiel indicatif d'indemnisation des préjudices corporels ».

Décret « DataJust » du 27 mars 2020

Créé à ce stade pour une durée de deux ans, le décret a pour objet de mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « DataJust » et qui a pour finalité le développement d'un algorithme devant servir à :

« 1° La réalisation d'évaluations rétrospectives et prospectives des politiques publiques en matière de responsabilité civile ou administrative ;

2° L'élaboration d'un référentiel indicatif d'indemnisation des préjudices corporels ;

3° L'information des parties et l'aide à l'évaluation du montant de l'indemnisation à laquelle les victimes peuvent prétendre afin de favoriser un règlement amiable des litiges ;

4° L'information ou la documentation des juges appelés à statuer sur des demandes d'indemnisation des préjudices corporels. »

Toutes les décisions de justice rendues en appel sur les trois dernières années (2017, 2018 et 2019) par les juridictions judiciaires et administratives seront prises en compte pour constituer la base de données. Pour rappel, si le projet de réforme de la responsabilité civile a notamment pour objet de les unifier, les règles applicables en matière de réparation des préjudices résultant d'un dommage corporel sont, en l'état du droit, différentes selon l'ordre de juridiction.

Les données personnelles contenues dans ces décisions, qui seront accessibles à certains personnels du ministère de la justice, seront nombreuses : outre les noms et prénoms des personnes physiques mentionnées dans les décisions (à l'exception de ceux des parties), figureront des éléments précis d'identification des personnes (date de naissance, genre, lien de parenté avec les victimes, lieu de résidence), des données détaillées relatives aux préjudices subis (notamment l'ampleur et la nature des atteintes à l'intégrité, à la dignité et à l'intimité subies), aux dépenses de santé, aux antécédents médicaux de la victime, des données relatives à la situation financière et à la vie professionnelle de la victime, les avis des médecins et experts qui l'ont examinée, les infractions et condamnations pénales et enfin les fautes civiles.

Les droits d'information et d'opposition sont exclus de ce traitement. Seuls les droits d'accès, de rectification et de limitation peuvent être exercés auprès du ministre de la justice.

Source : Commission des lois

Les rapporteurs sont opposés aux finalités de ce décret, notamment parce qu'il vise l'élaboration d'un référentiel indicatif d'indemnisation des préjudices résultant d'un dommage corporel. En outre, pour les rapporteurs, ce décret , qui relève du règlement général sur la protection des données (RGPD) 82 ( * ) ne semble pas présenter suffisamment de garanties au regard de la préservation des droits fondamentaux compte tenu de l'ampleur du fichier envisagé, de son caractère inédit et de la sensibilité des données , notamment de santé, traitées. Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 11 mai 2020 sur la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire 83 ( * ) : « Il résulte du droit au respect de la vie privée que la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. Lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités . »

Proposition n° 18 :  Mettre en oeuvre « l'open data » des décisions de justice pour aider les magistrats, ainsi que les praticiens, à évaluer les préjudices résultant d'un dommage corporel, sans accepter le principe d'une « barémisation » de l'indemnisation de ces préjudices.

Tout comme l'avant-projet Catala, le projet de la Chancellerie propose par principe le versement sous forme de rente indexée, éventuellement convertible en capital ( article 1272 du projet ),
de l'indemnisation de certains préjudices patrimoniaux (perte de gains professionnels, perte de revenus des proches ou assistance d'une tierce personne).

Malgré les craintes de l'Association nationale des avocats de victimes de dommages corporels (ANADAVI) et des principaux représentants de la profession d'avocats, les rapporteurs considèrent que le projet a atteint un bon équilibre . Le versement sous forme de rente semble en effet adapté pour un préjudice subi sur une longue période et plus sécurisant sur le plan de la gestion financière. La Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC), l'Union nationale des associations familiales (UNAF), l'Institut national de la consommation (INC), tout comme le Syndicat de la magistrature et le Fonds de garantie des victimes (FGAO) y sont d'ailleurs favorables précisément pour cette raison.

De plus, il serait possible de déroger au principe de la rente sur accord des parties ou décision spécialement motivée du juge, et le crédirentier pourrait demander la conversion de sa rente en capital à tout moment dans les mêmes conditions.

Surtout, et c'est un net progrès, la rente et la conversion seraient indexées sur la base d'un indice fixé par voie réglementaire afin de ne pas subir de dépréciation monétaire ; aujourd'hui les indices sont librement choisis par le juge et ne sont pas obligatoires, ce dont il résulte des disparités entre victimes.

Proposition n° 19 :  Consacrer le principe d'un versement des dommages et intérêts sous forme de rente indexée pour certains préjudices patrimoniaux, avec possibilité d'y déroger et de convertir la rente en capital.

5. Clarifier les recours des tiers payeurs

Outre l'assureur du responsable, la réparation du préjudice de la victime fait intervenir différents acteurs, notamment les organismes « tiers payeurs » 84 ( * ) comme la sécurité sociale, les institutions de prévoyance ou les sociétés d'assurance concernant, par exemple, le versement d'indemnités journalières de maladie, de prestations d'invalidité, ou encore la prise en charge des frais de traitement médical et de rééducation.

L'article 29 de la loi Badinter ouvre, au profit des tiers payeurs qu'il énumère et à l'égard des prestations qu'il vise, le droit d'exercer un recours subrogatoire 85 ( * ) contre le responsable d'un dommage corporel, afin d'obtenir le remboursement à hauteur de ce qu'il a versé.

Ce texte n'autorise pas de recours subrogatoire sur la prestation de compensation du handicap (PCH), créée par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette prestation, versée par les départements sans conditions de ressources, en nature ou en espèces, cumulable avec d'autres prestations sociales comme l'allocation adulte handicapé (AAH) vise à compenser les surcoûts liés au handicap et couvre notamment les charges liées à un besoin d'aides humaine (assistance d'une tierce personne) ou technique (achat ou location de matériel), à l'aménagement du logement ou du véhicule de la personne concernée, ou encore aux aides animalières (chien guide d'aveugle) 86 ( * ) .

En dépit de son caractère indemnitaire 87 ( * ) , c'est-à-dire visant la réparation d'un préjudice et donc soumis au principe de la réparation intégrale 88 ( * ) , la Cour de cassation déduit de l'article 29 de la loi Badinter que la prestation de compensation du handicap ne peut être déduite du montant des indemnités versées à la victime, puisqu'elle ne peut faire l'objet d'un recours subrogatoire contre le responsable 89 ( * ) . Dans un arrêt du 6 février 2020 90 ( * ) , elle a confirmé cette jurisprudence et rappelé qu'il n'est possible d'y déroger que sur le fondement d'un texte spécial 91 ( * ) .

Contrairement à la Cour de cassation, le Conseil d'État admet la déduction de la prestation de compensation du handicap des dommages et intérêts à verser, en se fondant sur le principe de réparation intégrale du préjudice et non sur l'existence ou non d'un recours subrogatoire 92 ( * ) .

Comme le résume le commentaire aux cahiers du Conseil constitutionnel sur la décision QPC rendue le 24 février 2017 93 ( * ) sur cet disposition législative, déclarée conforme à la Constitution : « Lorsque le mécanisme subrogatoire joue parfaitement, l'opération est neutre : l'auteur du dommage verse les dommages-intérêts auxquels il était tenu, soit directement à la victime, soit à l'organisme social ; la victime reçoit une réparation intégrale de son préjudice, mais pas au-delà ; l'organisme est remboursé de la prestation versée. En revanche, lorsque la subrogation n'est pas possible, l'organisme qui a versé la prestation ne peut en être remboursé . L'alternative est alors la suivante : soit le caractère indemnitaire de la prestation l'emporte, et la prestation est déduite des dommages-intérêts à verser. L'auteur du dommage s'en trouve enrichi, puisqu'il n'a plus à verser à la victime que le reliquat, sans être tenu de rembourser à l'organisme en cause la prestation versée. Soit, au contraire, la vocation indemnitaire de la prestation est mise de côté et cette prestation s'ajoute aux dommages-intérêts à verser. La victime est alors favorisée. »

Pour résoudre ces difficultés, l'article 1274 du projet de la Chancellerie ajoute la prestation de compensation de handicap (PCH) 94 ( * ) servie par les départements à la liste des prestations susceptibles de donner lieu à recours subrogatoire .

Les associations de victimes entendues par les rapporteurs, fédération des accidentés de la vie (FNATH), fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (FENVAC) et France Victimes, y sont opposées , considérant que cela va mécaniquement réduire le droit à indemnisation et sera complexe à mettre en oeuvre .

Les rapporteurs comprennent la logique qui veut que l'assurance du responsable prenne en charge la réparation du dommage, et non la collectivité . Le système actuel ne paraît pas satisfaisant, ni du point de vue du principe de la réparation intégrale du préjudice, ni de celui de l'égalité de traitement des victimes . D'ailleurs, leur droit à indemnisation stricto sensu ne serait pas réduit, si l'on s'en tient au principe de réparation intégrale du préjudice. Dans les faits, il est vrai qu'elles ne pourraient plus cumuler indemnisation et PCH pour les mêmes chefs de préjudices, même si la mise en oeuvre de cette réforme serait facilitée par leur distinction 95 ( * ) dans les décisions.

Les rapporteurs estiment toutefois que ce système présenterait une difficulté majeure : le montant de la PCH peut évoluer dans le temps et être réévalué, notamment à la baisse, au regard de l'évolution du handicap ; or c'est bien le montant initial de la prestation qui serait déduit du montant des indemnités fixé dans la condamnation, sans possibilité pour la victime de faire réévaluer au fil du temps le montant de ses indemnités. Tant que la PCH est évolutive il semble délicat de la déduire purement et simplement des dommages et intérêts.

Certains auteurs proposent, en lieu et place du recours subrogatoire, de faire de la PCH une prestation subsidiaire, qui ne serait versée qu'en complément ou qu'à défaut d'indemnités perçues par ailleurs. Les rapporteurs estiment que cette alternative pourrait également être examinée.

Proposition n° 20 : Poursuivre la réflexion sur le régime juridique de la prestation de compensation du handicap (PCH) en vue de l'ajouter à la liste des prestations susceptibles de donner lieu à recours subrogatoire contre le responsable du dommage.

Le projet de la Chancellerie résoudrait, à son article 1276, une autre divergence de jurisprudence entre le Conseil d'État et la Cour de cassation sur le recours des tiers payeurs , en restreignant l'assiette de l'imputation de leur recours qui ne pourrait être opérée que sur les seuls postes de préjudice patrimoniaux. Serait ainsi supprimée la possibilité de récupérer auprès du responsable les prestations versées à la victime au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux 96 ( * ) .

La Cour de cassation a déjà admis que les organismes sociaux recouvrent une pension militaire d'invalidité ou une rente accident du travail sur le poste de préjudice déficit fonctionnel permanent 97 ( * ) , tandis que le Conseil d'État retient de manière constante la solution contraire.

Cette disposition, qui permet de renforcer l'égalité de traitement entre les victimes, doit être approuvée .

Proposition n° 21 :  Limiter le recours subrogatoire des tiers payeurs aux seuls postes de préjudices patrimoniaux.

D. LA RESPONSABILISATION DE LA VICTIME

1. Intégrer les dépenses préventives dans le préjudice réparable

La Chancellerie souhaite inclure dans le préjudice réparable les dépenses de prévention de la réalisation du dommage ou de son aggravation ( article 1237 du projet ). Cette disposition, qui existait déjà en matière environnementale 98 ( * ) , n'a pas suscité de réserves lors des auditions. L'idée est d'inciter la victime à prendre rapidement les mesures nécessaires à la prévention du dommage ou de son aggravation - diligences qui seraient désormais exigées d'elle en application de l'article 1263 du projet ( cf. 2 ci-après) - tout en lui assurant une prise en charge, dans le cadre de la réparation de son préjudice.

La rédaction de la Chancellerie reprend une disposition de l'avant-projet Catala 99 ( * ) , tout en conditionnant la prise en charge de ces dépenses à leur caractère « raisonnable » .

Estimé une première fois par la victime du dommage au moment de l'engagement des frais, le caractère raisonnable serait appelé à être apprécié in fine par le juge en cas de contestation. Certains intervenants ont critiqué l'aléa que cette appréciation a posteriori pourrait faire courir à la victime et ont souhaité une suppression de la mention. Les chercheurs de l'Université de Savoie-Mont-Blanc ont relevé que cet aléa était particulièrement élevé en matière de dommage corporel compte tenu de la diversité des dépenses pouvant être engagées : la victime pourrait par exemple entreprendre une chirurgie réduisant son préjudice esthétique, une formation afin de limiter ses pertes de gains professionnels grâce à une reconversion. Ils suggèrent donc de prévoir la saisine d'un juge des référés afin qu'il se prononce sur le caractère raisonnable des dépenses préventives et, éventuellement, mette à la charge du défendeur ces dépenses.

Pour leur part, les rapporteurs sont favorables à l'effet pédagogique de la mention du caractère « raisonnable » dans le texte . Se fondant sur une suggestion du groupe de travail de la Cour d'appel de Paris, ils estiment toutefois opportun d' « appliquer le standard du raisonnable, non pas à l'engagement des dépenses, mais bien aux mesures elles-mêmes » 100 ( * ) , à l'instar de ce qui est prévu à l'article 1263 du projet. La victime serait ainsi incitée à ne prendre que les mesures justifiées et proportionnées au risque encouru, leur coût étant un élément d'appréciation parmi d'autres de leur caractère raisonnable. Ils souhaitent également suivre la Cour d'appel de Paris en prenant en compte non pas les seules dépenses engagées, mais également les coûts et pertes supportés par la victime lorsqu'elle met en oeuvre elle-même les mesures de prévention.

Proposition n° 22 :  Inclure dans le préjudice réparable les dépenses engagées et les coûts ou pertes supportés pour prévenir, par des mesures raisonnables, la réalisation imminente d'un dommage, éviter son aggravation ou en réduire les conséquences.

Quant à l'intervention du juge des référés, elle est déjà possible pour obtenir une provision sur préjudice dans le cadre de l'article 835 du code de procédure civile : le juge pourrait alors apprécier le caractère raisonnable des dépenses envisagées. Il semble donc inutile de prévoir une disposition supplémentaire.

L'article 1237 du projet de la Chancellerie est conçu comme une disposition commune aux responsabilités contractuelle et extracontractuelle. En matière contractuelle, cette mesure pourrait sembler faire doublon avec l'actuel article 1222 du code civil, issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui régit l'exécution forcée en nature d'une obligation contractuelle. Cet article permet au créancier, après mise en demeure, et « dans un délai et à un coût raisonnables », de faire exécuter lui-même l'obligation ou, sur autorisation préalable du juge, de détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Dans ce cadre, il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin. L'article 1237 semble malgré tout conserver un intérêt en matière contractuelle lorsque le créancier ne souhaite pas une exécution en nature aux frais du débiteur, mais expose des dépenses pour limiter l'étendue du préjudice subi 101 ( * ) , ce qui semble un apport utile aux rapporteurs.

2. Inciter la victime à ne pas aggraver son préjudice

De manière complémentaire il est proposé, sauf en matière de dommage corporel, de consacrer l'obligation pour la victime de prendre des mesures « sûres et raisonnables, notamment au regard de ses facultés contributives », pour éviter l'aggravation de son préjudice, sous peine de voir ses dommages et intérêts réduits par le juge ( article 1263 du projet ).

La Cour de cassation a toujours refusé cette solution et considère que « la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable » 102 ( * ) , ce qu'elle a encore confirmé dans un arrêt du 5 mars 2020 en matière de droit du travail 103 ( * ) , sauf lorsque l'attitude de la victime permet d'établir sa faute 104 ( * ) .

L'innovation proposée s'inscrit en droite ligne des travaux dirigés par Pierre Catala et François Terré, ainsi que ceux de la commission des lois du Sénat conduits en 2009 par Alain Anziani et Laurent Béteille , qui préconisaient de transcrire en droit français le « duty to mitigate » ou « mitigation », c'est-à-dire le devoir de minimiser son préjudice , connu de la plupart des systèmes de droit étrangers et qui impose à la victime de réduire son préjudice ex ante et de ne pas l'aggraver, sans toutefois aller aussi loin . Le projet de la Chancellerie ne retient que la seconde hypothèse, qui suppose que la victime ait connaissance du dommage, ce que les rapporteurs approuvent .

La majorité des personnes entendues est favorable à cette idée, hormis l'association nationale des victimes de dommage corporel (ANADAVI), qui considère qu'il s'agit d'une nouvelle condition de responsabilité à la charge de la victime .

Les rapporteurs estiment qu'il est justifié que la victime ne soit pas dispensée du devoir de diligence qui incombe à toute personne ; sans cette précision, une victime diligente recevrait moins que celle qui n'a pas contenu l'aggravation de son préjudice. Ils considèrent en outre que cela ne heurte pas stricto sensu le principe de la réparation intégrale, contrairement au devoir de réduire le préjudice ex ante . Opportunément circonscrite au dommage non corporel, cette réduction des indemnités s'imposerait si la victime n'a pas pris « les mesures sûres et raisonnables » susceptibles d'éviter l'aggravation de son préjudice.

Les rapporteurs préconisent toutefois d'atténuer la portée de l'article en ouvrant une simple faculté au juge et en permettant un contrôle de proportionnalité des mesures prises par la victime , pour ne cibler que les cas d'espèce les plus manifestes, et éviter que la réduction des dommages et intérêts devienne un présupposé en cas d'aggravation du préjudice, contre lequel la victime devrait finalement fournir des arguments en défense.

Proposition n° 23 : Permettre au juge, sauf en matière de dommage corporel, de réduire les dommages et intérêts versés à la victime lorsqu'elle n'a pas pris les mesures « sûres, raisonnables et proportionnées » propres à éviter l'aggravation de son préjudice.

EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 22 JUILLET 2020

M. Philippe Bas . - Nous examinons le rapport d'information de nos collègues Jacques Bigot et André Reichardt sur la responsabilité civile. Cette question, d'apparence technique, concerne en réalité le quotidien des familles. Les articles du code civil en la matière, qui datent de l'époque napoléonienne, ont suivi l'évolution des moeurs grâce à la jurisprudence. Il est utile, par sécurité juridique, que ces éléments forts soient inscrits dans le code civil.

M. André Reichardt . - Le droit de la responsabilité civile, c'est-à-dire la possibilité pour une personne qui a subi un dommage d'en obtenir réparation auprès de son auteur ou de la personne qui en répond, repose sur cinq articles du code civil inchangés depuis 1804. Ce régime, enrichi par plus de deux siècles de jurisprudence des juridictions judiciaires et, notamment, de solutions prétoriennes de la Cour de cassation, a connu des changements profonds destinés à mieux assurer la réparation des victimes de dommages. Il en résulte un corpus de règles écrites qui ne reflète plus, aujourd'hui, la réalité de la responsabilité civile organisée par le droit français.

Ce constat, largement partagé, est à l'origine d'intenses réflexions engagées depuis les années 2000. En 2005, un premier groupe de travail, dirigé par Pierre Catala et Geneviève Viney, a remis au garde des sceaux un projet de réforme des obligations et de la prescription, dit « avant-projet Catala ». Un autre projet, dit « avant-projet Terré », a été élaboré à partir de 2008 par un groupe de travail constitué au sein de l'Académie des sciences morales et politiques, sous la direction de François Terré. S'inscrivant dans le sillage de ces réflexions, le Sénat a proposé dès juillet 2009, sur le rapport des sénateurs Alain Anziani et Laurent Béteille, 28 recommandations pour une réforme de la responsabilité civile, reprises dans une proposition de loi déposée en 2010 par Laurent Béteille. Ce n'est pourtant que le 13 mars 2017 que la Chancellerie a présenté son projet de réforme de la responsabilité civile, après une consultation publique menée d'avril à juillet 2016 sur un avant-projet.

Désireuse que le Parlement puisse se saisir rapidement de ce projet de réforme, la commission des lois a créé en novembre 2017 une mission d'information sur ce sujet, afin de préparer la discussion parlementaire et de marquer ses choix d'évolution. Cette mission a été confiée à un binôme de rapporteurs, Jacques Bigot, et François Pillet auquel j'ai succédé comme co-rapporteur en février 2019, à sa nomination comme membre du Conseil constitutionnel.

Après avoir entendu 77 personnes (ministère de la justice, magistrats, universitaires, représentants d'avocats, d'acteurs du monde d'économique et d'associations de victimes ou de consommateurs), et reçu près de 50 contributions écrites dans le cadre de nos travaux, nous faisons le constat de la nécessité de faire aboutir une réforme du droit de la responsabilité civile attendue et utile. Nous avons fait le choix de dégager les axes les plus consensuels de la réforme qui pourraient être inscrits rapidement au sein du code civil, grâce au dépôt et à l'examen d'une proposition de loi sénatoriale.

À cette fin, il a semblé nécessaire d'exclure certaines modifications, ni urgentes ni abouties, mais de nature à bloquer l'aboutissement du projet : la création d'une amende civile ; la reconnaissance d'une responsabilité « collective » en cas d'impossibilité de déterminer l'auteur d'un dommage parmi un groupe de personnes ; la définition spécifique de la faute des personnes morales. De même, la réécriture de certains régimes spéciaux suscite des oppositions marquées au regard de leurs incidences économiques dans les secteurs d'activité concernés. C'est pourquoi nous n'évoquerons pas dans notre rapport l'extension du champ de la loi Badinter à tous les accidents impliquant un chemin de fer ou un tramway circulant sur une voie propre, qui pourrait avoir des implications financières importantes pour les gestionnaires de réseaux de transports publics, ni la modification du régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux, contestée tant par les acteurs économiques au nom de la défense de la compétitivité que les associations de victimes et certains professeurs de droit qui souhaiteraient au contraire aller plus loin. Enfin, nous ne reviendrons pas non plus sur les dispositions relatives à la réparation du préjudice écologique, issues de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, déjà inscrites aux articles 1246 à 1252 du code civil que le projet de la Chancellerie se contentait de renuméroter.

Nous avons fait le choix de concentrer nos travaux sur les lignes de force de la réforme, qui s'articulent autour de deux grands principes : garantir l'accessibilité et la sécurité juridiques du droit de la responsabilité civile et une meilleure cohérence dans le traitement des victimes.

M. Jacques Bigot . - Monsieur le président, vous nous avez confié cette mission en octobre 2017 afin de travailler sur l'avant-projet de loi de la Chancellerie, convaincu qu'après 10 ans de réflexion nous aboutirions très vite à un débat au Parlement. Au début de nos travaux, après avoir auditionné le directeur des affaires civiles et du sceau, nous avons cru que cette réforme avancerait rapidement mais il n'en a rien été. C'est la raison pour laquelle nous préconisons le dépôt d'une proposition de loi reprenant le projet de la Chancellerie, en l'amendant et en écartant ce qui fait débat. Nous répondrions ainsi à une attente importante. Je demanderai au garde des sceaux, que la commission des lois auditionne tout à l'heure, s'il envisage de faire de cette réforme une de ses priorités.

Nous proposons tout d'abord de stabiliser la situation du tiers qui subit un préjudice causé par l'inexécution d'un contrat. Il pourrait, à titre subsidiaire, s'il a un intérêt légitime à la bonne exécution du contrat, demander réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle en se soumettant à l'ensemble des règles du contrat.

En matière de responsabilité du fait d'autrui, la jurisprudence s'est peu à peu éloignée des cas prévus par le code civil qui concernent les commettants, parents et enseignants, pour créer un régime général de responsabilité du fait des personnes dont on a la garde. Nous estimons, comme la Chancellerie, que la loi doit limiter ces hypothèses de responsabilité, pour des raisons de sécurité juridique. Chacun doit pouvoir connaître à l'avance les cas dans lesquels sa responsabilité peut être engagée et souscrire une assurance le cas échéant. Nous formulons des propositions définissant la responsabilité du fait des mineurs ou la responsabilité du fait d'un majeur protégé dont la charge a été confiée à une personne par décision administrative ou judiciaire.

Nous souhaitons, tout comme le projet de la Chancellerie, assurer un traitement préférentiel de la victime d'un dommage corporel. C'est une avancée très importante sur la réparation du dommage corporel. Le cocontractant victime d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat doit pouvoir choisir la voie contractuelle ou la voie extracontractuelle. Nous proposons également que seule la faute lourde de la victime puisse exonérer partiellement l'auteur du dommage corporel. Nous soutenons également le principe d'un régime d'indemnisation du dommage corporel commun aux deux ordres de juridiction, pour éviter toute inéquité entre les victimes.

La question de l'évaluation du préjudice suscite un vrai débat. Le décret publié par le ministère de la justice le 27 mars dernier, dit « DataJust », a choqué le monde judiciaire car il fait craindre une barémisation automatique de l'indemnisation des préjudices. Nous sommes favorables à l' open data , c'est-à-dire la diffusion de la jurisprudence afin que les magistrats et praticiens, notamment les inspecteurs d'assurances qui proposent les indemnisations, sachent ce que les juridictions allouent. La barémisation ne peut être une solution car les situations sont toutes différentes de sorte que l'indemnisation du préjudice doit être individualisée.

Nous avons eu un débat sur le recours des tiers payeurs en ce qui concerne la prestation de compensation du handicap (PCH). Le projet de la Chancellerie propose que la PCH versée par un conseil départemental à la victime d'un dommage corporel, puisse faire l'objet d'un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ou son auteur. Ce serait légitime. Mais ce recours s'exercerait au moment de la décision d'indemnisation de la victime, or le montant de la PCH évolue dans le temps. Une réflexion doit donc être engagée préalablement sur le régime juridique de cette prestation.

Le dernier axe que nous souhaitons mettre en avant concerne l'obligation qui serait faite à la victime de prendre des mesures afin de ne pas aggraver son préjudice. Cela ne concerne que le dommage patrimonial, à l'exception du dommage corporel.

Voici les principaux points que nous pourrions reprendre dans une proposition de loi sénatoriale, faute d'initiative gouvernementale, afin de faire aboutir une réforme attendue par les praticiens et préparée de longue date.

M. Philippe Bas , président . - Derrière cette terminologie juridique de responsabilité civile, il y a des situations diverses, mais c'est une matière qui touche à la vie quotidienne des français, que ce soit dans leur vie familiale ou dans les rapports commerciaux. Il est donc important que la commission des lois, à travers nos deux rapporteurs, se soit investie sur ce thème.

Mme Muriel Jourda . - Il s'agit d'un travail passionnant, au moins pour les juristes. La responsabilité civile pose des questions sur la vie quotidienne : le cas des beaux-parents est-il traité dans le cadre de la responsabilité pour autrui ? Il faudra peut-être légiférer un jour sur ce point. Les familles recomposées font qu'il y a des personnes qui n'ont pas de lien juridique avec des enfants et qui pourtant s'en occupent au quotidien et les ont, d'une certaine manière, sous leur responsabilité. Ce point a-t-il été abordé dans le cadre de la mission que vous avez conduite et a-t-il vocation à être traité dans votre proposition de loi ?

M. Alain Richard . - Je dois avouer que je suis très tenté par la formule des rapporteurs qui consisterait à lever cette immobilité de la Chancellerie en prenant une initiative par le biais d'une proposition de loi. Cependant, toucher au code civil, surtout sur cette matière qui s'applique à beaucoup, est un processus qui mérite d'être conduit avec précaution : il existe une instance, au sein de laquelle siègent des parlementaires, qui veille non seulement à la construction des codes en regroupant des textes non encore codifiés mais aussi à la maintenance des codes existants : il s'agit de la commission supérieure de codification. Il pourrait être judicieux d'avoir son appréciation sur ce que nous proposons au regard de la cohérence d'ensemble du code civil.

M. Jacques Bigot , rapporteur . - Pour répondre à Mme Jourda, la question de la responsabilité du fait d'une personne sur laquelle on n'exerce pas d'autorité parentale me semble difficile à traiter. Prenons l'exemple d'un couple séparé, ne vivant donc plus ensemble, mais disposant d'une autorité parentale conjointe sur ses enfants. Dans cette hypothèse, imaginons que l'enfant vive en résidence alternée chez ses deux parents remariés ou en couple. Faudrait-il alors cumuler la responsabilité de plein droit des parents avec celle du beau-père ou de la belle-mère si l'enfant vit avec eux ? La question peut se poser, mais il me semblerait étrange de prévoir une responsabilité de plein droit du beau-parent alors qu'il ne détient pas l'autorité parentale. Tenter de résoudre cela en l'inscrivant précisément dans une réforme de la responsabilité civile est une mauvaise idée, ou en tout cas prématuré, parce qu'en réalité, c'est une question de droit de la famille.

La jurisprudence a mis deux siècles pour traiter ces situations parfois complexes. Aujourd'hui, à partir de cinq articles de loi seulement, cinq tomes d'encyclopédie Jurisclasseur « responsabilité civile » ont été écrits, ce qui me permet de répondre à Alain Richard en précisant que la particularité de ce sujet est que l'essentiel du droit de la responsabilité civile n'est pas codifié. Ce droit n'existe que de manière très partielle dans la loi. Nous n'avons pas par exemple inclus le préjudice écologique dans notre proposition de loi, parce qu'une loi récente de 2016 a créé en la matière un chapitre du code civil et nous avons préféré que ce chapitre soit maintenu. Le code civil a été revu sur le droit des obligations. Il nous semble qu'il faut aussi le faire sur le droit de la responsabilité et c'est attendu par les praticiens.

M. Philippe Bas , président. - Je propose que la proposition de loi que vous avez rédigée et qui est pratiquement prête puisse être cosignée par l'ensemble des membres de la commission des lois. Soit elle servira d'aiguillon au Gouvernement pour déposer enfin un projet de loi, soit elle permettra, après son adoption par le Sénat et sa transmission, de soumettre le sujet à l'Assemblée nationale. Ce thème n'est pas clivant politiquement.

La commission émet un avis favorable à la publication du rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la Justice

Direction des affaires civiles et du sceau

M. Thomas Andrieu , directeur

Mme Clotilde Bellino , chef du bureau du droit des obligations 105 ( * )

Mme Marie-Charlotte Dreux , chef du bureau du droit des obligations 106 ( * )

M. Antoine Gouëzel , rédacteur au sein du bureau du droit des obligations

Direction des services judiciaires

M. Lionel Paillon , sous-directeur des finances de l'immobilier et de la performance

M. Camille Siegrist , chef du bureau des frais de justice et de l'optimisation de la dépense

Cour de cassation

M. François Besson , conseiller

M. Savinien Grignon-Dumoulin , avocat général

Conférence des premiers présidents de cours d'appel

M. Jacques Boulard , premier président de la cour d'appel de Toulouse

M. Tristan Gervais de Lafond , premier président de la cour d'appel de Montpellier

Conférence nationale des présidents de tribunal de grande instance

Mme Joëlle Munier , présidente, président du tribunal de grande instance d'Albi 107 ( * )

Organisations syndicales de magistrats

Syndicat de la magistrature (SM)

Mme Anne-Sophie Wallach , secrétaire nationale

Mme Sophie Legrand , secrétaire nationale

Union syndicale des magistrats (USM)

Mme Cécile Mamelin , trésorière nationale

Mme Nina Milesi , secrétaire nationale

Unité magistrats SNM-FO

M. Hicham Melhem , membre du conseil national

Professions judiciaires

Conseil national des barreaux (CNB)

M. Emmanuel Raskin , membre des commissions « accès au droit » et « textes »

M. Gilles Pillet , expert

Conférence des bâtonniers

Mme Hélène Fontaine , vice-présidente

Mme Joëlle Jeglot-Brun , chargée de mission à la commission civile

Association nationale des avocats de victimes de dommages corporels (ANADAVI)

Mme Claudine Bernfeld , présidente

Mme Alice Barrelier , membre du conseil d'administration

M. Frédéric Bibal , membre du conseil d'administration

Conseil supérieur du notariat

M. Damien Brac de La Perriere , directeur des affaires juridiques

M. Maxime Julienne , professeur à l'université d'Angers

Mme Christine Mandelli , administrateur, chargée des relations avec les institutions

Conseil national des compagnies d'experts de justice

M. Emmanuel Charrier , président de la commission juridique

M. Etienne-Philippe Hecklé , secrétaire général

Compagnie nationale des experts comptables de justice

M. Michel Tudel , président

Associations

Association des accidentés de la vie (FNATH)

M. Karim Felissi , conseiller juridique

Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (FENVAC)

Mme Sophia Seco , responsable du pôle justice et droits

Mme Margaux Macera , juriste

France Victimes (anciennement INAVEM)

M. Jérôme Bertin , directeur général

Mme Isabelle Sadowski , directrice juridique

Association Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV)

M. David Rodrigues , juriste

Association Familles de France

M. Kevin Fock-Yee , département consommation

Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC)

M. Nicolas Revenu , responsable national de la consommation

M. Philippe Desmoulins-Lebeault , membre du groupe consommation

UFC-Que Choisir

M. Raphaël Bartlomé , responsable juridique

M. Guilhem Fenieys , chargé de mission relations institutionnelles

Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL)

Mme Karine Letang , chargée du service juridique et consommation

Union nationale des associations familiales (UNAF)

M. Marcel Panchout , responsable des questions d'assurance

Mme Claire Ménard , chargée des relations avec le Parlement

Institut national de la consommation (INC)

Mme Patricia Foucher , chef du service juridique, économique et de la documentation

Mme Fanny Joffroy , juriste

Fédération française de l'assurance (FFA)

Mme Mariette Bormann , directeur du pôle juridique, fiscal et de la distribution

Mme Anne-Marie Papeix , chargée de mission

Mme Elisabeth Le Chevalier , chargée de mission

Mme Ludivine Azria , conseillère parlementaire

Fonds de garantie des victimes

M. Julien Rencki , directeur général

M. Philippe Roux , directeur du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommage (FGAO)

Représentants des entreprises

Association française des entreprises privées (AFEP)

Mme Odile de Brosses , directrice du service juridique

Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

Mme Joëlle Simon , directrice générale adjointe en charge des affaires juridiques, éthiques et de gouvernance des entreprises

M. Guillaume Leblanc , directeur des affaires publiques

Association nationale des sociétés par actions (ANSA)

Mme Muriel de Szilbereky , présidente

Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris-Île-de-France

M. Laurent Pfeiffer , membre de la commission droit de l'entreprise et fiscalité

Mme Anne-Catherine Outin-Adam , directeur des politiques juridiques et économiques

Association française des juristes d'entreprises (AFJE)

M. Marc Mossé , président

M. Maurice Bensadoun , administrateur

Entreprises de transport

Régie autonome des transports parisiens (RATP)

M. Olivier Maurice , délégué général en charge du management des risques

M. John-David Nahon , chargé des affaires parlementaires et institutionnelles

M. Claude Faucher , délégué général

Mme Valérie Beaudouin , directrice du département législation et affaires européennes

Société nationale des chemins de fer (SNCF)

M. Philippe Mettoux , directeur juridique

Mme Laurence Nion , conseillère parlementaire

Conseil national de l'ordre des médecins

Mme Andrée Parrenin , vice-présidente

M. Francisco Jornet , directeur des services juridiques

Personnalités qualifiées

M. Laurent Bloch , professeur de droit privé à l'université de Pau et des pays de l'Adour

M. Jean-Sébastien Borghetti , professeur de droit privé à l'université de Paris II Panthéon-Assas

M. François Chénedé , professeur de droit privé à l'université Lyon III

M. Patrice Jourdain professeur de droit privé à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne

M. Jonas Knetsch , professeur de droit privé à l'université de Saint-Étienne

M. Laurent Leveneur , professeur en droit privé à l'université de Paris II Panthéon-Assas

M. Denis Mazeaud , professeur de droit privé à l'université de Paris II Panthéon-Assas

M. François Terré , professeur émérite de l'université Paris II Panthéon-Assas

Mme Julie Traullé , professeur de droit privé à l'université de Tours

Mme Geneviève Viney , professeur honoraire à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Ø Associations

APF (Association des paralysés de France)

France handicap

Union nationale des associations de familles de polytraumatisés crâniens et cérébro-lésés (UNAFTC)

Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT)

Ø Assureurs

Covéa

Generali

Groupama

MAIF

Matmut

Pacifica

Ø Juridictions 108 ( * )

Tribunal judiciaire de Bobigny

Tribunal judiciaire de Caen

Tribunal judiciaire de Cambrai

Tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône

Tribunal judiciaire de Chartres

Tribunal judiciaire de Meaux

Tribunal judiciaire de Paris

Tribunal judiciaire de Poitiers

Tribunal judiciaire de Verdun

Ø Avocats

Barreau de Bourges

Barreau du Havre

Barreau de Paris

Cabinet Coubris-Courtois, avocats au barreau de Bordeaux

Carine Wahl, avocate au barreau de Strasbourg

Groupe de travail DLA Piper, avocats

Ø Personnalités qualifiées

M. Thijs Beumers , doctorant

M. Philippe Brun , avocat général en service extraordinaire à la Cour de cassation

M. Maxime Cormier , doctorant

M. James Landel , conseiller scientifique au dictionnaire permanent assurances

M. Jean Péchinot , coauteur du manuel de l'assurance automobile

Groupe Grotius-Pothier - Université de Paris II - Panthéon-Assas

M. Alex Geert Castermans , professeur de droit civil à l'Université de Leiden (Pays-Bas)

Mme Diana Dankers-Hagenaars , professeur associée de droit civil à l'Université d'Amsterdam (Pays-Bas)

Mme Alice Dejean de La Batie , doctorante contractuelle à l'Université Panthéon-Assas (France)

Institut des assurances de Lyon

Mme Sabine Abravanel-Jolly , directrice, maître de conférences HDR en droit privé, vice-présidente de la section et du collège d'experts de droit privé de Lyon 3

Université de Lorraine

Mme Nathalie Fournier de Crouy , maître de conférences en droit privé, docteur en droit privé

Université de Lyon 2

M. Adrien Bascoulergue , maître de conférences en droit privé

Université de Nancy

M. Xavier Henry , professeur à la faculté de droit

Université de Nantes

M. François Rousseau , professeur à l'unité mixte de recherche Droit et Changement social

Université de Paris I - Panthéon-Sorbonne

Mme Laureen Sichel, maître de conférences

Université de Paris II - Panthéon-Assas

M. Kouroch Bellis , chercheur en droit

Université de Paris XIII - Sorbonne Paris Nord

M. Mustapha Mekki , agrégé des facultés de droit, directeur de l'Institut de recherches en droit des affaires

Université Paris-Saclay

M. Godefroy de Moncuit , chercheur associé au Laboratoire de droit des affaires et nouvelles technologies

Université Savoie Mont-Blanc - Laboratoire du centre de Droit Public et Privé des Obligations et de la Consommation (CDPPOC)

Mmes Motahareh Fathisalout-Bollon , Laurence Clerc-Renaud , Geneviève Pignarre , MM. Christophe Quézel-Ambrunaz , Vincent Rivollier et Mme Manon Viglino , chercheurs du projet « De la responsabilité civile à la socialisation des risques »

Université de Tours

Mme Farida Arhab-Girardin , maître de conférences HDR à l'Université de Tours

M. Julien Bourdoiseau , maître de conférences HDR à l'Université de Tours

Mme Camille Dreveau , maître de conférences à l'Université de Tours

M. Fabrice Leduc , professeur à l'Université de Tours

Mme Olivia Sabard , professeur à l'Université de Tours

M. Hadi Slim , professeur à l'Université de Tours

Mme Julie Traulle , professeur à l'Université de Tours

Ø Organisation patronale

Union des entreprises de proximité (U2P)

Ø Organisations professionnelles

Association des professionnels de la réassurance en France (APREF)

Fédération des industries mécaniques (FIM)

Fédération nationale des travaux publics (FNTP)

Fédération des promoteurs de l'immobilier (FPI)

Ø Société de transports

Compagnie des transports strasbourgeois (CTS)

ANNEXE 1
ARTICLES DU CODE CIVIL EN VIGUEUR RÉGISSANT LA RESPONSABILITÉ EXTRACONTRACTUELLE EN GÉNÉRAL
(ANCIENS ARTICLES 1382 À 1386109 ( * ))

Art. 1240.- Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Art. 1241.- Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Art. 1242.- On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis à vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.

Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.

Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;

Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.

La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.

En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance.

Art. 1243.- Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé.

Art. 1244.- Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction.

ANNEXE 2
PROJET DE RÉFORME DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE, PRÉSENTÉ LE 13 MARS 2017 PAR JEAN-JACQUES URVOAS, ALORS GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, SUITE À LA CONSULTATION PUBLIQUE
MENÉE D'AVRIL À JUILLET 2016

TITRE I er
DISPOSITIONS RELATIVES AU LIVRE III DU CODE CIVIL

Article 1 er

I. Le titre III du livre III du code civil est ainsi modifié :

1. Sont abrogés les articles 1231 à 1252.

2. L'article 1231 est ainsi rédigé : « Le créancier d'une obligation issue d'un contrat valablement formé peut, en cas d'inexécution, demander au débiteur réparation de son préjudice dans les conditions prévues au sous- titre II. »

3. Le sous-titre II du titre III du livre III est ainsi rédigé :

SOUS-TITRE II -LA RESPONSABILITÉ CIVILE

Article 1232

Les dispositions des chapitres I à IV s'appliquent sous réserve des dispositions propres aux régimes spéciaux.

CHAPITRE I ER - DISPOSITIONS LIMINAIRES

Article 1233

En cas d'inexécution d'une obligation contractuelle, ni le débiteur ni le créancier ne peuvent se soustraire à l'application des dispositions propres à la responsabilité contractuelle pour opter en faveur des règles spécifiques à la responsabilité extracontractuelle.

Article 1233-1

Les préjudices résultant d'un dommage corporel sont réparés sur le fondement des règles de la responsabilité extracontractuelle, alors même qu'ils seraient causés à l'occasion de l'exécution du contrat.

Toutefois, la victime peut invoquer les stipulations expresses du contrat qui lui sont plus favorables que l'application des règles de la responsabilité extracontractuelle.

Article 1234

Lorsque l'inexécution du contrat cause un dommage à un tiers, celui-ci ne peut demander réparation de ses conséquences au débiteur que sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, à charge pour lui de rapporter la preuve de l'un des faits générateurs visés à la section II du chapitre II.

Toutefois, le tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution d'un contrat peut également invoquer, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage. Les conditions et limites de la responsabilité qui s'appliquent dans les relations entre les contractants lui sont opposables. Toute clause qui limite la responsabilité contractuelle d'un contractant à l'égard des tiers est réputée non écrite.

CHAPITRE II - LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITÉ

SECTION 1
Dispositions communes aux responsabilités contractuelle
et extracontractuelle

Sous-section 1.
Le préjudice réparable

Article 1235

Est réparable tout préjudice certain résultant d'un dommage et consistant en la lésion d'un intérêt licite, patrimonial ou extrapatrimonial.

Article 1236

Le préjudice futur est réparable lorsqu'il est la prolongation certaine et directe d'un état de choses actuel.

Article 1237

Les dépenses exposées par le demandeur pour prévenir la réalisation imminente d'un dommage ou pour éviter son aggravation, ainsi que pour en réduire les conséquences, constituent un préjudice réparable dès lors qu'elles ont été raisonnablement engagées.

Article 1238

Seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.

Ce préjudice doit être mesuré à la chance perdue et ne peut être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Sous-section 2.
Le lien de causalité

Article 1239

La responsabilité suppose l'existence d'un lien de causalité entre le fait imputé au défendeur et le dommage. Le lien de causalité s'établit par tout moyen.

Article 1240

Lorsqu'un dommage corporel est causé par une personne indéterminée parmi des personnes identifiées agissant de concert ou exerçant une activité similaire, chacune en répond pour le tout, sauf à démontrer qu'elle ne peut l'avoir causé.

Les responsables contribuent alors entre eux à proportion de la probabilité que chacun ait causé le dommage.

SECTION 2
Dispositions propres à la responsabilité extracontractuelle

Sous-section 1.
Le fait générateur de responsabilité extracontractuelle

§1 La faute

Article 1241

On est responsable du dommage causé par sa faute.

Article 1242

Constitue une faute la violation d'une prescription légale ou le manquement au devoir général de prudence ou de diligence.

Article 1242-1

[La faute de la personne morale résulte de celle de ses organes ou d'un défaut d'organisation ou de fonctionnement.]

§2 Le fait des choses

Article 1243

On est responsable de plein droit des dommages causés par le fait des choses corporelles que l'on a sous sa garde.

Le fait de la chose est présumé dès lors que celle-ci, en mouvement, est entrée en contact avec le siège du dommage.

Dans les autres cas, il appartient à la victime de prouver le fait de la chose, en établissant soit le vice de celle-ci, soit l'anormalité de sa position, de son état ou de son comportement.

Le gardien est celui qui a l'usage, le contrôle et la direction de la chose au moment du fait dommageable. Le propriétaire est présumé gardien.

§3 Les troubles anormaux de voisinage

Article 1244

Le propriétaire, le locataire, le bénéficiaire d'un titre ayant pour objet principal de l'autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs, qui provoque un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, répond de plein droit du dommage résultant de ce trouble.

Lorsqu'une activité dommageable a été autorisée par voie administrative, le juge peut cependant accorder des dommages et intérêts ou ordonner les mesures raisonnables permettant de faire cesser le trouble.

Sous-section 2.
L'imputation du dommage causé par autrui

Article 1245

On est responsable du dommage causé par autrui dans les cas et aux conditions posés par les articles 1246 à 1249.

Cette responsabilité suppose la preuve d'un fait de nature à engager la responsabilité de l'auteur direct du dommage.

Article 1246

Sont responsables de plein droit du fait du mineur :

- ses parents, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale ;

- son ou ses tuteurs, en tant qu'ils sont chargés de la personne du mineur ;

- la personne physique ou morale chargée par décision judiciaire ou administrative, d'organiser et contrôler à titre permanent le mode de vie du mineur. Dans cette hypothèse, la responsabilité des parents de ce mineur ne peut être engagée.

Article 1247

Est responsable de plein droit du fait du majeur placé sous sa surveillance la personne physique ou morale chargée, par décision judiciaire ou administrative, d'organiser et contrôler à titre permanent son mode de vie.

Article 1248

Les autres personnes qui, par contrat assument, à titre professionnel, une mission de surveillance d'autrui ou d'organisation et de contrôle de l'activité d'autrui, répondent du fait de la personne physique surveillée à moins qu'elles ne démontrent qu'elles n'ont pas commis de faute.

Article 1249

Le commettant est responsable de plein droit des dommages causés par son préposé. Est commettant celui qui a le pouvoir de donner au préposé des ordres ou des instructions en relation avec l'accomplissement de ses fonctions.

En cas de transfert du lien de préposition, cette responsabilité pèse sur le bénéficiaire du transfert.

Le commettant ou le bénéficiaire du transfert n'est pas responsable s'il prouve que le préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions. Il ne l'est pas davantage s'il établit une collusion du préposé et de la victime.

Le préposé n'engage sa responsabilité personnelle qu'en cas de faute intentionnelle, ou lorsque, sans autorisation, il a agi à des fins étrangères à ses attributions.

SECTION 3
Dispositions propres à la responsabilité contractuelle

Article 1250

Toute inexécution du contrat ayant causé un dommage au créancier oblige le débiteur à en répondre.

Article 1251

Sauf faute lourde ou dolosive, le débiteur n'est tenu de réparer que les conséquences de l'inexécution raisonnablement prévisibles lors de la formation du contrat.

Article 1252

La réparation du préjudice résultant du retard dans l'exécution suppose la mise en demeure préalable du débiteur. La mise en demeure n'est requise pour la réparation de tout autre préjudice que lorsqu'elle est nécessaire pour caractériser l'inexécution.

CHAPITRE III - LES CAUSES D'EXONÉRATION OU D'EXCLUSION
DE LA RESPONSABILITÉ

SECTION 1
Les causes d'exonération de responsabilité

Article 1253

Le cas fortuit, le fait du tiers ou de la victime sont totalement exonératoires s'ils revêtent les caractères de la force majeure.

En matière extracontractuelle, la force majeure est l'événement échappant au contrôle du défendeur ou de la personne dont il doit répondre, et dont ceux-ci ne pouvaient éviter ni la réalisation ni les conséquences par des mesures appropriées.

En matière contractuelle, la force majeure est définie à l'article 1218.

Article 1254

Le manquement de la victime à ses obligations contractuelles, sa faute ou celle d'une personne dont elle doit répondre sont partiellement exonératoires lorsqu'ils ont contribué à la réalisation du dommage.

En cas de dommage corporel, seule une faute lourde peut entraîner l'exonération partielle.

Article 1255

Sauf si elle revêt les caractères de la force majeure, la faute de la victime privée de discernement n'a pas d'effet exonératoire.

Article 1256

La faute ou l'inexécution contractuelle opposable à la victime directe l'est également aux victimes d'un préjudice par ricochet.

SECTION 2
Les causes d'exclusion de responsabilité

Article 1257

Le fait dommageable ne donne pas lieu à responsabilité lorsque l'auteur se trouve dans l'une des situations prévues aux articles 122-4 à 122-7 du code pénal.

Article 1257-1

Ne donne pas non plus lieu à responsabilité le fait dommageable portant atteinte à un droit ou à un intérêt dont la victime pouvait disposer, si celle-ci y a consenti.

CHAPITRE IV - LES EFFETS DE LA RESPONSABILITÉ

SECTION 1
Principes

Article 1258

La réparation a pour objet de replacer la victime autant qu'il est possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n'avait pas eu lieu. Il ne doit en résulter pour elle ni perte ni profit.

Article 1259

La réparation peut prendre la forme d'une réparation en nature ou de dommages et intérêts, ces deux types de mesures pouvant se cumuler afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice.

Sous-section 1.
La réparation en nature

Article 1260

La réparation en nature doit être spécifiquement propre à supprimer, réduire ou compenser le dommage.

Article 1261

La réparation en nature ne peut être imposée à la victime.

Elle ne peut non plus être ordonnée en cas d'impossibilité ou de disproportion manifeste entre son coût pour le responsable et son intérêt pour la victime.

Sous les mêmes réserves, le juge peut également autoriser la victime à prendre elle-même les mesures de réparation en nature aux frais du responsable. Celui-ci peut être condamné à faire l'avance des sommes nécessaires.

Sous-section 2.
Les dommages et intérêts

Article 1262

Les dommages et intérêts sont évalués au jour du jugement, en tenant compte de toutes les circonstances qui ont pu affecter la consistance et la valeur du préjudice depuis le jour de la manifestation du dommage, ainsi que de son évolution raisonnablement prévisible.

En cas d'aggravation du dommage postérieurement au jugement, la victime peut demander un complément d'indemnité pour le préjudice qui en résulte.

En cas de dommage corporel, elle peut également réclamer une indemnisation complémentaire pour tout chef de préjudice préexistant non inclus dans la demande initiale.

Chacun des chefs de préjudice est évalué distinctement.

Article 1263

Sauf en cas de dommage corporel, les dommages et intérêts sont réduits lorsque la victime n'a pas pris les mesures sûres et raisonnables, notamment au regard de ses facultés contributives, propres à éviter l'aggravation de son préjudice.

Article 1264

La victime est libre de disposer des sommes allouées.

Sous-section 3.
L'incidence de la pluralité de responsables

Article 1265

Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles sont solidairement tenues à réparation envers la victime.

Si toutes ou certaines d'entre elles ont commis une faute, elles contribuent entre elles à proportion de la gravité et du rôle causal du fait générateur qui leur est imputable. Si aucune d'elles n'a commis de faute, elles contribuent à proportion du rôle causal du fait générateur qui leur est imputable, ou à défaut par parts égales.

Sous-section 4.
La cessation de l'illicite

Article 1266

En matière extracontractuelle, indépendamment de la réparation du préjudice éventuellement subi, le juge peut prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir le dommage ou faire cesser le trouble illicite auquel est exposé le demandeur.

Sous-section 5.
L'amende civile

Article 1266-1

En matière extracontractuelle, lorsque l'auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d'obtenir un gain ou une économie, le juge peut le condamner, à la demande de la victime ou du ministère public et par une décision spécialement motivée, au paiement d'une amende civile.

Cette amende est proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l'auteur et aux profits qu'il en aura retirés.

L'amende ne peut être supérieure au décuple du montant du profit réalisé.

Si le responsable est une personne morale, l'amende peut être portée à 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes le plus élevé réalisé en France au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel la faute a été commise.

Cette amende est affectée au financement d'un fonds d'indemnisation en lien avec la nature du dommage subi ou, à défaut, au Trésor public.

Elle n'est pas assurable.

SECTION 2
Règles particulières à la réparation des préjudices
résultant de certaines catégories de dommages

Sous-section 1.
Règles particulières à la réparation des préjudices
résultant d'un dommage corporel

Article 1267

Les règles de la présente sous-section sont applicables aux décisions des juridictions judiciaires et administratives, ainsi qu'aux transactions conclues entre la victime et le débiteur de l'indemnisation.

Article 1267-1

Toute stipulation contraire aux dispositions de la présente sous-section est réputée non écrite à moins qu'elle ne soit plus favorable à la victime.

Article 1268

Les préjudices doivent être appréciés sans qu'il soit tenu compte d'éventuelles prédispositions de la victime lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable.

Article 1269

Les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant d'un dommage corporel sont déterminés, poste par poste, suivant une nomenclature non limitative des postes de préjudices fixée par décret en Conseil d'État.

Article 1270

Sauf disposition particulière, le déficit fonctionnel après consolidation est mesuré selon un barème médical unique, indicatif, dont les modalités d'élaboration, de révision et de publication sont déterminées par voie règlementaire.

Article 1271

Un décret en Conseil d'État fixe les postes de préjudices extrapatrimoniaux qui peuvent être évalués selon un référentiel indicatif d'indemnisation, dont il détermine les modalités d'élaboration et de publication. Ce référentiel est réévalué tous les trois ans en fonction de l'évolution de la moyenne des indemnités accordées par les juridictions.

À cette fin, une base de données rassemble, sous le contrôle de l'État et dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, les décisions définitives rendues par les cours d'appel en matière d'indemnisation du dommage corporel des victimes d'un accident de la circulation.

Article 1272

L'indemnisation due au titre de la perte de gains professionnels, de la perte de revenus des proches ou de l'assistance d'une tierce personne a lieu en principe sous forme d'une rente. Celle-ci est indexée sur un indice fixé par voie réglementaire et lié à l'évolution du salaire minimum.

Avec l'accord des parties, ou sur décision spécialement motivée, la rente peut être convertie en capital selon une table déterminée par voie réglementaire fondée sur un taux d'intérêt prenant en compte l'inflation prévisible et actualisée tous les trois ans suivant les dernières évaluations statistiques de l'espérance de vie publiées par l'Institut national des statistiques et des études économiques.

Lorsqu'une rente a été allouée conventionnellement ou judiciairement en réparation de préjudices futurs, le crédirentier peut, si sa situation personnelle le justifie, demander que les arrérages à échoir soient remplacés en tout ou partie par un capital, suivant la table de conversion visée à l'alinéa précédent.

Article 1273

Les sommes versées à la victime à des fins indemnitaires par les tiers payeurs ne donnent lieu à recours subrogatoire contre le responsable ou son assureur que dans les cas prévus par la loi.

Article 1274

Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d'un dommage corporel ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur :

1. Les prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ;

2. Les prestations énumérées au II de l'article 1 er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'État et de certaines autres personnes publiques ;

3. Les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation ;

4. Les salaires et les accessoires du salaire maintenus par l'employeur pendant la période d'inactivité consécutive à l'événement qui a occasionné le dommage ;

5. Les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et de la pêche maritime et les sociétés d'assurance régies par le code des assurances ;

6. Les prestations prévues à l'article L.245-1 du code de l'action sociale et des familles.

Article 1275

Les employeurs sont admis à poursuivre directement contre le responsable des dommages ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées à la victime pendant la période d'indisponibilité de celle-ci. Ces dispositions sont applicables à l'État par dérogation aux dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 précitée.

Article 1276

Les prestations donnant lieu à recours s'imputent poste par poste sur les seules indemnités dues par le responsable pour les chefs de préjudice pris en charge par le tiers payeur, à l'exclusion des préjudices extrapatrimoniaux.

Dans le cas où l'insolvabilité du responsable empêcherait l'indemnisation intégrale de la victime, celle-ci sera préférée au tiers payeur pour ce qui lui reste dû par le responsable.

La faute de la victime ne peut réduire son droit à indemnisation que sur la part de son préjudice qui n'a pas été réparée par les prestations du tiers payeur. Celui-ci a droit au reliquat de la dette mise à la charge du responsable.

Article 1277

Hormis les prestations mentionnées aux articles 1274 et 1275, aucun versement effectué au profit d'une victime en vertu d'une obligation légale, conventionnelle ou statutaire n'ouvre droit à une action contre la personne tenue à réparation du dommage ou son assureur.

Toutefois lorsqu'il est prévu par contrat, le recours subrogatoire de l'assureur qui a versé à la victime une avance sur indemnité du fait de l'accident peut être exercé contre l'assureur de la personne tenue à réparation dans la limite du solde subsistant après paiements aux tiers visés à l'article 1274. Il doit être exercé, s'il y a lieu, dans les délais impartis par la loi aux tiers payeurs pour produire leurs créances.

Sous-section 2.
Règles particulières à la réparation des préjudices
résultant d'un dommage matériel

Article 1278

En cas d'atteinte à un bien corporel, l'indemnité est de la plus faible des deux sommes représentant le coût de la remise en état et celui du remplacement du bien, sans qu'il soit tenu compte de sa vétusté ni de la plus- value éventuellement inhérente à la réparation.

Lorsque le bien ne peut être ni remis en état, ni remplacé, l'indemnité est de la valeur qu'aurait eue le bien au jour de la décision, dans son état antérieur au dommage.

Si, à la demande de la victime, le bien endommagé n'est pas remis au responsable dans son état actuel, sa valeur résiduelle est déduite de l'indemnité.

Article 1279

Le cas échéant, l'indemnité compense également la privation de jouissance du bien endommagé, les pertes d'exploitation ou tout autre préjudice.

Sous-section 3.
Règles particulières à la réparation des préjudices résultant
d'un dommage environnemental

Article 1279-1

Toute personne responsable d'un préjudice écologique est tenue de le réparer.

Article 1279-2

Est réparable, dans les conditions prévues par la présente sous-section, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement.

Article 1279-3

L'action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que l'État, l'Agence française pour la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d'introduction de l'instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l'environnement.

Article 1279-4

La réparation du préjudice écologique s'effectue par priorité en nature.

En cas d'impossibilité ou d'insuffisance des mesures de réparation, le juge condamne le responsable à verser des dommages et intérêts, affectés à la réparation de l'environnement, au demandeur ou, si celui-ci ne peut prendre les mesures utiles à cette fin, à l'État.

L'évaluation du préjudice tient compte, le cas échéant, des mesures de réparation déjà intervenues, en particulier dans le cadre de la mise en oeuvre du titre VI du livre Ier du code de l'environnement.

Article 1279-5

En cas d'astreinte, celle-ci est liquidée par le juge au profit du demandeur, qui l'affecte à la réparation de l'environnement ou, si le demandeur ne peut prendre les mesures utiles à cette fin, au profit de l'État, qui l'affecte à cette même fin.

Le juge se réserve le pouvoir de la liquider.

Article 1279-6

Les dispositions de l'article 1266 sont applicables au trouble illicite auquel est exposé l'environnement.

Sous-section 4.
Règles particulières à la réparation des préjudices résultant du retard
dans le paiement d'une somme d'argent

Article 1280

Le préjudice résultant du retard dans le paiement d'une somme d'argent est réparé par les intérêts au taux légal.

Ces intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la mise en demeure, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé un préjudice supplémentaire, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

CHAPITRE V - LES CLAUSES PORTANT SUR LA RESPONSABILITÉ

SECTION 1
Les clauses excluant ou limitant la responsabilité

Article 1281

Les clauses ayant pour objet ou pour effet d'exclure ou de limiter la responsabilité sont en principe valables, aussi bien en matière contractuelle qu'extracontractuelle.

Toutefois, la responsabilité ne peut être limitée ou exclue par contrat en cas de dommage corporel.

Article 1282

En matière contractuelle, les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité n'ont point d'effet en cas de faute lourde ou dolosive. Elles sont réputées non écrites lorsqu'elles privent de sa substance l'obligation essentielle du débiteur.

Article 1283

En matière extracontractuelle, on ne peut exclure ou limiter la responsabilité pour faute.

SECTION 2
Les clauses pénales

Article 1284

Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine pénalité à titre de réparation, il ne peut être alloué à l'autre partie une pénalité plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

CHAPITRE VI - LES PRINCIPAUX RÉGIMES SPÉCIAUX DE RESPONSABILITÉ

SECTION 1
Le fait des véhicules terrestres à moteur

Article 1285

Le conducteur ou le gardien d'un véhicule terrestre à moteur répond de plein droit du dommage causé par un accident de la circulation dans lequel son véhicule, ou une remorque ou semi-remorque, est impliqué.

Les dispositions de la présente section sont d'ordre public. Elles s'appliquent même lorsque la victime est transportée en vertu d'un contrat.

Article 1286

La victime ne peut se voir opposer le cas fortuit ou le fait d'un tiers même lorsqu'ils présentent les caractères de la force majeure.

Elle n'a pas droit à réparation sur le fondement de la présente section lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi.

Article 1287

En cas de dommage corporel, la faute de la victime est sans incidence sur son droit à réparation.

Toutefois, la faute inexcusable prive la victime de tout droit à réparation si elle a été la cause exclusive de l'accident.

Lorsqu'elle n'est pas la cause exclusive de l'accident, la faute inexcusable commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter son droit à réparation.

Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans ou, quel que soit leur âge, titulaires, au moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages corporels.

Article 1288

En cas de dommage matériel, la faute de la victime a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation de ses préjudices lorsqu'elle a contribué à la réalisation du dommage.

L'exclusion de l'indemnisation doit être spécialement motivée par référence à la gravité de la faute.

Toutefois, les dommages causés à des fournitures ou appareils délivrés sur prescription médicale sont indemnisés selon les règles applicables au dommage corporel.

Lorsque le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'en est pas le propriétaire, la faute de ce conducteur peut être opposée au propriétaire pour l'indemnisation des dommages autres que corporels. Le propriétaire dispose d'un recours contre le conducteur.

SECTION 2
Le fait des produits défectueux

Article 1289

Le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par un défaut de son produit.

Les dispositions de la présente section sont d'ordre public et s'appliquent même lorsque la victime est liée au producteur par un contrat.

Article 1290

Les dispositions de la présente section s'appliquent à la réparation des préjudices qui résultent d'un dommage corporel.

Elles s'appliquent également à la réparation du préjudice supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même, à condition que ce bien soit d'un type normalement destiné à l'usage ou à la consommation privés et ait été utilisé par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés.

Article 1291

Est un produit tout bien meuble, même s'il est incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l'élevage, de la chasse et de la pêche. L'électricité est considérée comme un produit.

Article 1292

Un produit est défectueux au sens de la présente section lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation.

Article 1293

Est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le fabricant d'une partie composante.

Est assimilée à un producteur pour l'application de la présente section toute personne agissant à titre professionnel :

1° Qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ;

2° Qui importe un produit dans l'Union européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution.

Ne sont pas considérées comme producteurs, au sens de la présente section, les personnes dont la responsabilité peut être recherchée sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 à 1792-6.

Article 1294

Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.

Le recours du fournisseur contre le producteur obéit aux mêmes règles que la demande émanant de la victime directe du défaut. Toutefois, il doit agir dans l'année suivant la date de sa citation en justice.

Article 1295

En cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables.

Article 1296

Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

Article 1297

Le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative.

Article 1298

Le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve :

1° Qu'il n'avait pas mis le produit en circulation ;

2° Que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ;

3° Que le produit n'a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution ;

4° Que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ;

5° Ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législatif ou réglementaire.

Le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit.

Article 1298-1

Le producteur ne peut invoquer la cause d'exonération prévue au 4° de l'article 1298 lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci, ou par tout produit de santé à usage humain mentionné dans le premier chapitre du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique.

Article 1299

Les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 1254 ne sont pas applicables.

Article 1299-1

La responsabilité fondée sur les dispositions de la présente section est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice.

Article 1299-2

L'action en réparation fondée sur les dispositions de la présente section se prescrit par trois ans à compter du jour où le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

Article 1299-3

Les dispositions de la présente section n'interdisent pas à la victime d'invoquer les dispositions d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, dès lors que ceux-ci reposent sur un fondement autre que le défaut de sécurité du produit.


* 1 Seul l'article 1242 (ancien article 1384) relatif à la responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde a été modifié postérieurement à 1804 pour intégrer le cas des dommages causés par un incendie d'une part, et préciser le mode de preuve applicable en cas de dommage causé par un instituteur.

* 2 Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.

* 3 Annexe 2 - Projet de réforme de la responsabilité civile, présenté le 13 mars 2017 par Jean-Jacques Urvoas, alors garde des sceaux, ministre de la justice, suite à la consultation publique menée d'avril à juillet 2016. Ce projet est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/publication/Projet_de_reforme_de_la_responsabilite_civile_13032017.pdf

* 4 Avant-projet de loi de réforme de la responsabilité civile, lancement de la consultation par le garde des Sceaux le vendredi 29 avril 2016. Cet avant-projet est consultable à l'adresse suivante : http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/avpjl-responsabilite-civile.pdf

* 5 Alors Pascal Clément.

* 6 Avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, rapport à Monsieur Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la justice, 22 septembre 2005. Ce projet est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/art_pix/RAPPORTCATALASEPTEMBRE2005.pdf

* 7 Responsabilité civile : des évolutions nécessaires . Rapport d'information n° 558 (2008-2009) de MM. Alain Anziani et Laurent Béteille, déposé le 15 juillet 2009, fait au nom de la commission des lois. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/notice-rapport/2008/r08-558-notice.html

* 8 Proposition de loi n° 657 (2009-2010) portant réforme de la responsabilité civile, présentée par M. Laurent Béteille, déposée au Sénat le 9 juillet 2010. Ce texte est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/leg/ppl09-657.html

* 9 L'avant-projet est découpé en trois ouvrages : « Pour une réforme du droit des contrats », F. Terré (dir.), Dalloz, 2009 ; « Pour une réforme du droit de la responsabilité civile », F. Terré (dir.), Dalloz, 2011 ; « Pour une réforme du régime général des obligations », F. Terré (dir.), Dalloz, 2013.

* 10 Rapport n° 22 (2017-2018) de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 11 octobre 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/l17-022/l17-022.html

* 11 Conseil constitutionnel, décision n° 82-144 DC du 22 octobre 1982 sur la loi relative au développement des institutions représentatives du personnel.

* 12 Il s'agit des anciens articles 1382 à 1386, devenus 1240 à 1244, voir annexe 1.

* 13 Dispositions liminaires ; Les conditions de la responsabilité ; Les causes d'exonération ou d'exclusion de la responsabilité ; Les effets de la responsabilité ; Les clauses portant sur la responsabilité ; Les principaux régimes spéciaux de responsabilité (fait des véhicules terrestres à moteur et fait des produits défectueux).

* 14 Certains auteurs regrettent aussi que plusieurs sujets sensibles n'aient pas été traités par le projet : la consécration d'un préjudice économique « pur » ; l'instauration d'un régime spécial de responsabilité sans faute ou pour faute présumée, pour les activités anormalement dangereuses ; l'instauration d'un régime spécial de responsabilité pour le fait des agents économiquement dépendants ; la modification du régime spécial d'indemnisation des victimes d'accidents du travail ; la théorie de l'acceptation des risques ; la distinction entre obligations de moyens et de résultat ; la dissociation de la procédure d'indemnisation civile du procès pénal.

* 15 Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.

* 16 Article 1371.

* 17 En 2009, la mission d'information de la commission des lois du Sénat avait refusé une application généralisée des dommages et intérêts punitifs, tout en préconisant leur introduction en matière de faute lucrative, de la même manière que ce que propose de faire aujourd'hui le projet de réforme de la Chancellerie. Dans la proposition de loi déposée ensuite par Laurent Béteille, les dommages et intérêts punitifs étaient plafonnés au double du montant des dommages et intérêts compensatoires. La proposition de loi prévoyait par ailleurs que ces dommages et intérêts soient versés pour moitié à la victime et pour moitié à un fonds d'indemnisation et, à défaut d'existence d'un fonds, au Trésor public.

* 18 Association Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV), Association Familles de France, Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC), UFC-Que Choisir.

* 19 Audition de Patrice Jourdain, professeur de droit privé à l'université de Paris I.

* 20 Cette restriction est critiquée par Geneviève Viney, professeur honoraire à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne.

* 21 Cour de cassation, 1 ère Chambre civile, 24 septembre 2009, n° 08-16.305.

* 22 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-517 QPC du 22 janvier 2016, Fédération des promoteurs immobiliers [Prise en charge par le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre de l'hébergement des salariés du cocontractant ou du sous-traitant soumis à des conditions d'hébergement indignes].

* 23 Haut comité juridique de la place financière de Paris, rapport sur « L'introduction de règles spécifiques aux personnes morales dans le droit de la responsabilité extracontractuelle », 1 er octobre 2018. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.banque-france.fr/sites/default/files/rapport_23_f.pdf

* 24 Cour d'appel de Paris, rapport sur « La réforme du droit français de la responsabilité civile et les relations économiques », avril 2019. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Rapport_CA_PARIS_reforme_responsabilite_civile.pdf

* 25 Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.

* 26 Article 15 b) de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.

* 27 Rapport sur « La réforme du droit français de la responsabilité civile et les relations économiques », groupe de travail de la Cour d'appel de Paris, avril 2019.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Rapport_CA_PARIS_reforme_responsabilite_civile.pdf

* 28 Idem supra .

* 29 Ce courant jurisprudentiel, initié par la première chambre civile de la Cour de cassation, tend à assimiler la faute contractuelle et la faute extracontractuelle (Cour de cassation, première chambre civile, 15 décembre 1998, n os 96-21.905 et 96-22.440 ; Assemblée plénière, 13 janvier 2001, n os 97-17.359, 97-19.282 et 98-19.190).

* 30 Ce second courant jurisprudentiel est soutenu par la chambre commerciale (Cour de cassation, chambre commerciale, 2 avril 1996, n° 93-20.225 ; 8 octobre 2002, n° 96-22.858 ; 5 avril 2005, n° 03.19.370).

* 31 Cour de cassation, Assemblée plénière, 6 octobre 2006, n° 05-13.255.

* 32 « Le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties.

« Les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraints de l'exécuter, sous réserve des dispositions de la présente section et de celles du chapitre III du titre IV. »

* 33 Cour de cassation, troisième chambre civile, 22 octobre 2008, n os 07-15.692 et 07-15.583 ; première chambre civile, 15 décembre 2011, n° 10-17.691 ; chambre commerciale, 18 janvier 2017, n os 14-18.832 et 14-16.442 ; troisième chambre civile, 18 mai 2017, n° 16-11.203.

* 34 Cour de cassation, Assemblée plénière, 13 janvier 2020, n° 17-16.963.

* 35 Ibid supra .

* 36 « Lorsque l'inexécution du contrat cause un dommage à un tiers, celui-ci ne peut demander réparation de ses conséquences au débiteur que sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, à charge pour lui de rapporter la preuve de l'un des faits générateurs visés à la section II du chapitre II.

Toutefois, le tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution d'un contrat peut également invoquer, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage. Les conditions et limites de la responsabilité qui s'appliquent dans les relations entre les contractants lui sont opposables. Toute clause qui limite la responsabilité contractuelle d'un contractant à l'égard des tiers est réputée non écrite. »

* 37 Dans son avant-projet soumis à consultation en 2016 précédemment cité, la Chancellerie avait exclu toute action directe du tiers sur le fondement du contrat et prévu un régime de réparation exclusivement fondé sur les faits générateurs de responsabilité extracontractuelle.

* 38 À la différence que la solution de la Chancellerie rend subsidiaire la réparation sur le fondement contractuel, alors que les deux autres projets faisaient l'inverse.

* 39 Article 1386-18 de la proposition de loi n° 657 (2009-2010) portant réforme de la responsabilité civile, présentée par M. Laurent Béteille, déposée au Sénat le 9 juillet 2010.

* 40 Article 1342 de l'avant-projet dit « Catala ».

* 41 À l'article 1233.

* 42 La responsabilité des contractants à l'égard des tiers : regard franco-anglais , Philippe Stoffel-Munck, Revue des contrats, Lextenso, 16 décembre 2019.

* 43 La réforme du droit français de la responsabilité civile et les relations économiques , Rapport du groupe de travail de la Cour d'appel de Paris, avril 2019, 21. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Rapport_CA_PARIS_reforme_responsabilite_civile.pdf

* 44 La proposition du rapport de la Cour d'appel de Paris est la suivante : « Toutefois, un tiers peut aussi agir contre le débiteur sur le fondement des règles de la responsabilité contractuelle, en se soumettant le cas échéant aux stipulations du contrat, à condition qu'il ait eu un lien particulier avec la prestation devant être fournie par le débiteur, que le créancier ait eu intérêt à ce qu'il soit protégé par le contrat, que le débiteur ait eu connaissance de son existence et que ce tiers ne dispose d'aucune autre action en réparation pour le préjudice qu'il a subi du fait de la mauvaise exécution du contrat. »

* 45 Cour de cassation, Assemblée plénière, 29 mars 1991, Blieck.

* 46 Cour de cassation, 2 e Chambre civile, 7 mai 2003, n os 01-15.607 et 01-15.923.

* 47 Les hypothèses de responsabilité d'un artisan du fait de son apprenti peuvent être traitées par la responsabilité d'un commettant du fait de son préposé. Quant à la responsabilité de l'instituteur du fait d'un élève, elle est réglée par le droit commun de la responsabilité pour faute et l'article L. 911-4 du code de l'éducation qui prévoit une substitution de l'État en cas de dommage survenu pendant le temps où la surveillance de l'enseignant s'exerce.

* 48 Contributions des chercheurs du laboratoire CDPPOC de l'Université Savoie Mont Blanc.

* 49 Cour de cassation, 2 e Chambre civile, 10 mai 2001, n° 99-11.287 (Levert) : « La responsabilité de plein droit encourue par les père et mère du fait des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de l'enfant. »

* 50 Avis sur le projet de réforme de la responsabilité civile de la Faculté de droit de Tours.

* 51 Geneviève Viney, Laurent Leveneur, Patrick Jourdain et Denis Mazeaud y sont tous favorables.

* 52 Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 29 avril 2014, n° 13-84.20 : « La responsabilité de plein droit prévue par le premier de ces textes incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité parentale et aurait commis une faute civile personnelle dont l'appréciation ne relève pas du juge pénal. »

* 53 Cour de Cassation, 2 e Chambre civile, 19 février 1997, n° 94-21.111 (Bertrand).

* 54 « La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère [...] ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité. »

* 55 Cour de cassation, Assemblée plénière, 19 mai 1988, n° 87-82.654.

* 56 Cour de cassation, civile, 2 e Chambre civile, 7 février 2013, n° 11-25.582.

* 57 « Toute entente secrète visant à tromper quelqu'un », selon le dictionnaire Larousse.

* 58 Par principe, le commettant est le seul à répondre vis-à-vis de la victime de la faute de son préposé.

* 59 Cour de cassation, Assemblée plénière, 25 février 2000, n os 97-17.378 97-20.152.

* 60 Cour de cassation, 2 e chambre civile, 20 décembre 2007, n° 07-13.403.

* 61 Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mars 2000, n° 99-84.075.

* 62 Cour de cassation, 2 e Chambre civile, 7 mai 2003, n os 01-15.607 et 01-15.923.

* 63 En cas de délégation partielle, l'article 1246, tel qu'il est rédigé, semble faire primer la responsabilité des parents exerçant l'autorité parentale.

* 64 Article 390 du code civil.

* 65 Cour de cassation, Chambre civile 2, 25 février 1998, 95-20.419 : « S'il résulte de l'article 490 du Code civil que la mesure édictée en faveur d'un majeur, dont les facultés mentales sont altérées, concerne non seulement la gestion de ses biens mais aussi la protection de sa personne, il ne s'ensuit pas que son tuteur ou l'administrateur légal sous contrôle judiciaire du juge des tutelles est responsable des agissements de la personne protégée sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1 er ».

* 66 Cour de cassation, Assemblée plénière, 29 juin 2007, n °06-18.141.

* 67 Ses origines remontent à un arrêt rendu par la chambre civile de la Cour de cassation le 21 novembre 1911 en matière de transport maritime. Aux termes de cette jurisprudence, il suffit à la victime de prouver qu'elle a subi un dommage à l'occasion de l'exécution du contrat (de transport en l'occurrence) pour engager la responsabilité contractuelle du transporteur et l'obliger à réparer ses préjudices.

* 68 L'obligation de sécurité fait l'objet de nombreuses critiques en doctrine.

* 69 « Les clauses ayant pour objet ou pour effet d'exclure ou de limiter la responsabilité sont en principe valables, aussi bien en matière contractuelle qu'extracontractuelle.

Toutefois, la responsabilité ne peut être limitée ou exclue par contrat en cas de dommage corporel. »

* 70 « Les règles de la présente section sont applicables aux décisions des juridictions judiciaires et administratives, ainsi qu'aux transactions conclues entre la victime et le débiteur de l'indemnisation ».

* 71 Le Conseil d'État a par exemple admis depuis 2013 la nomenclature « Dintilhac » sans faire obligation aux juridictions administratives d'y recourir (Conseil d'État, cinquième et quatrième sous-sections réunies, 16 décembre 2013, n° 346575). La nomenclature applicable devant les juridictions administratives née de l'avis dit « Lagier » est différente (Conseil d'État, section du contentieux, avis, 4 juin 2007, Lagier et Consorts Guignon, n os 303422 et 304214).

* 72 « Toute stipulation contraire aux dispositions de la présente sous-section est réputée non écrite à moins qu'elle ne soit plus favorable à la victime ».

* 73 Rapport sur l'indemnisation du dommage corporel , juin 2003, rapport du groupe de travail n° 2 du Conseil national de l'aide aux victimes, présidé par Madame Yvonne Lambert-Faivre.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/publications-10047/rapports-thematiques-10049/lindemnisation-du-dommage-corporel-11922.html

* 74 « Les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant d'un dommage corporel sont déterminés, poste par poste, suivant une nomenclature non limitative des postes de préjudices fixée par décret en Conseil d'État ».

* 75 Rapport du groupe de travail chargé d'élaborer une nomenclature des préjudices corporels, groupe de travail dirigé par Jean-Pierre Dintilhac, président de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, juillet 2005. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_groupe_de_travail_nomenclature_des_prejudices_corporels_de_Jean-Pierre_Dintilhac.pdf

* 76 Cour de cassation, deuxième chambre civile, 28 mai 2009, n° 08-16.829.

* 77 Cour de cassation, deuxième chambre civile, 19 mai 2016, n° 15-18784 et 29 septembre 2016 n° 15-24541.

* 78 La proposition faite par certains d'imposer au juge une motivation spéciale s'il s'écarte du barème ne ferait que renforcer cet écueil, car elle pourrait être interprétée comme imposant au juge d'allouer des montants compris dans le barème.

* 79 Article 33.

* 80 Décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives.

* 81 Décret n° 2020-356 du 27 mars 2020 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « DataJust »

* 82 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

* 83 Conseil constitutionnel, décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020 sur la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

* 84 Le tiers payeur est tout organisme versant ou susceptible de verser, en application d'une disposition légale, statutaire ou conventionnelle, des prestations à une personne victime d'un accident.

* 85 Le régime subrogatoire de droit commun est régi par les articles 1346 et suivants du code civil. La subrogation est le mécanisme par lequel une personne se substitue à une autre lorsque la première (le solvens ou le subrogé) a avancé des fonds à la seconde (le subrogeant) en lieu et place du débiteur final de la dette, en vue de récupérer, auprès de ce dernier, les sommes ainsi versées.

* 86 Article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles.

* 87 Cour de cassation, deuxième chambre civile, 16 mai 2013, n° 12-18.093, confirmé par la même chambre dans deux arrêts du 13 février 2014, n os 12-23706 et 12-23731.

* 88 Ce principe est consacré par le projet de la Chancellerie à l'article 1258. De valeur législative et non constitutionnelle, il postule que la réparation a pour seul objet de rétablir la victime dans son état initial, sans qu'il en résulte pour elle de perte ni de gain.

* 89 Cour de cassation, deuxième chambre civile, 2 juillet 2015, n° 14-19.797 et chambre criminelle, 1 er septembre 2015, n° 14-82.251.

* 90 Cour de cassation, deuxième chambre civile, 6 février 2020, n° 18-19518.

* 91 Ce qui est le cas pour le fonds de garantie des victimes (FGTI, article 706-9 du code de procédure pénale) et l'Office national d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux (ONIAM, article L. 1142-17 du code de la santé publique) mais pas pour le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommage (FGAO).

* 92 Conseil d'État, 23 septembre 2013, Centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne, n° 350799.

* 93 Commentaire, décision n° 2016-613 QPC du 24 février 2017, département d'Ille-et-Vilaine (Recours subrogatoire des départements servant des prestations sociales).

* 94 Articles L. 245-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles.

* 95 Voir supra.

* 96 Il s'agit notamment des souffrances endurées, du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément, ou du préjudice sexuel.

* 97 Cour de cassation, chambre criminelle, 19 mai 2009, n° 08-86485.

* 98 Article 1251 qui serait abrogé dans le cadre du projet de la Chancellerie.

* 99 Article 1344.

* 100 Rapport du groupe de travail de la Cour d'appel de Paris, « La réforme du droit français de la responsabilité civile et les relations économiques », avril 2019.

* 101 Dans cette hypothèse, le créancier pourrait engager les dépenses préventives sans mise en demeure préalable de son cocontractant.

* 102 Cour de cassation, deuxième chambre civile, 19 juin 2003, n° 01-13.289 ; troisième chambre civile, 10 juillet 2013, n° 12-13851 ; première chambre civile, 2 juillet 2014, n° 13-17.599.

* 103 Cour de cassation, deuxième chambre civile, 5 mars 2020, n° 18-25981.

* 104 Cour de cassation, première chambre civile, 2 octobre 2013, n° 12-19.887.

* 105 En fonctions lors de la seconde audition de la direction des affaires civiles et du sceau en octobre 2019.

* 106 En fonctions lors de la première audition de la direction des affaires civiles et du sceau en mars 2018.

* 107 Depuis présidente du tribunal judiciaire de Caen.

* 108 À l'époque de la consultation, il s'agissait encore des tribunaux de grande instance.

* 109 Recodification issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ratifiée par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

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