C. LES ENSEIGNEMENTS À RETIRER DE LA GESTION DE LA CRISE SANITAIRE

1. Développer le recours au numérique

Le coeur des activités de l'administration pénitentiaire ne peut se dérouler qu'en présentiel, au sein des établissements. Un plus large recours au numérique pourrait néanmoins se révéler utile pour certaines activités. Il permettrait à l'administration pénitentiaire d'être mieux armée pour faire face à une seconde vague ou à une nouvelle crise sanitaire.

C'est d'abord le cas pour les SPIP : le travail des conseillers peut être en partie réalisé à distance, pour peu qu'ils soient équipés en ordinateurs portables, téléphones portables et qu'ils puissent se connecter à distance à leurs logiciels. Il importe donc que les SPIP ne soient pas négligés dans le cadre des programmes en cours de numérisation menés par le ministère de la justice.

Certaines directions inter-régionales semblent en avance dans ce domaine : d'après les informations communiquées aux rapporteurs par le syndicat CGT Insertion-Probation, la direction de Toulouse avait fait le choix, bien avant la crise sanitaire, d'équiper tout le personnel en ordinateurs portables qui peuvent être utilisés aussi bien au domicile qu'au cours d'une permanence assurée en-dehors des locaux habituels, tout en permettant au conseiller d'accéder à ses applicatifs informatiques internes.

Le recours au numérique gagnerait également à être développé pour les activités d'enseignement. La mission de suivi avait déjà souligné dans son rapport d'étape l'intérêt que peuvent présenter certains outils comme les tablettes éducatives, verrouillées pour éviter que les élèves ne naviguent librement sur internet, qui permettent une progression par niveau.

Le numérique peut également être un outil de maintien du lien entre les détenus et leur famille. Lors de son audition, le directeur de l'administration pénitentiaire (DAP) a expliqué que sa direction travaillait depuis déjà deux ans à un projet de parloirs par visioconférence , avec la perspective de mettre en place à terme 400 de ces parloirs de nouvelle génération. Ces équipements pourraient être très appréciés par les familles qui résident loin du lieu de détention de leur proche. Le DAP a précisé que le lancement de ces parloirs pourrait être envisagé une fois qu'aura été achevé le programme tendant à installer un téléphone fixe dans chaque cellule.

2. Le débat sur la régulation de la population carcérale

Comme les rapporteurs l'avaient expliqué dans le deuxième rapport d'étape, la crise sanitaire s'est accompagnée d'une baisse massive du nombre de personnes incarcérées. Le nombre de détenus a baissé d'environ 13 000 personnes par rapport à la mi-mars en raison, d'une part, de la libération anticipée de 6000 détenus, d'autre part, de la baisse de la délinquance et du ralentissement de l'activité des juridictions causés par le confinement, qui a fait chuter le nombre des entrées en prison.

Comme l'a souligné Adeline Hazan lors de son audition par la commission des lois le 22 juin dernier, le taux d'occupation des prisons françaises a ainsi été ramené aux alentours de 100 %, mettant fin à plusieurs décennies de surpopulation carcérale . Elle craint cependant que le taux d'occupation ne remonte rapidement avec la reprise de l'activité des tribunaux. Or cette surpopulation est à l'origine de problèmes bien documentés : conditions de détention dégradées, détérioration des conditions de travail pour le personnel pénitentiaire, travail de réinsertion compliqué par la saturation des dispositifs proposés aux détenus.

Elle recommande donc l'instauration d'un système pérenne de régulation carcérale : lorsque le seuil d'occupation des prisons approche les 100 %, une coordination entre les magistrats et l'administration pénitentiaire permettrait de déterminer, au cas par cas, les détenus qui peuvent, sans risque pour eux et la société, sortir de manière anticipée. Un syndicat de directeurs de l'administration pénitentiaire, le SNDP, plaide également dans une lettre ouverte en faveur d'une telle solution.

Ce débat est légitime dans le contexte actuel. La mission de suivi rappelle cependant que deux stratégies peuvent permettre de lutter contre la surpopulation carcérale : la première consiste à considérer que le nombre de places de prison est une donnée fixe et qu'il faut donc adapter la politique pénale à cette contrainte. La deuxième, qui a eu jusqu'ici la préférence de la commission des lois, consiste à faire évoluer le nombre de places de prison en fonction des objectifs que le pouvoir politique, responsable devant les citoyens, assigne à la politique pénale.

La commission des lois a plusieurs fois regretté que l'objectif initial très ambitieux de livrer 15 000 places de prison supplémentaires au cours du quinquennat, fixé par le président de la République, ait été revu à la baisse puisqu'il est maintenant prévu de livrer 7 000 places d'ici à 2022 et 8 000 autres d'ici à 2027. Elle souhaite la poursuite de ce programme immobilier, estimant qu'une contrainte immobilière ne doit pas surdéterminer les choix de politique pénale sans considération des évolutions démographiques et de l'évolution de la délinquance.

Il doit s'accompagner d'un effort accru sur le volet formation et insertion professionnelle, ce qui suppose une implication forte des conseils régionaux et des moyens accordés aux SPIP. Une attention particulière devrait également être apportée à la prise en charge adaptée des personnes souffrant de troubles psychiatriques , qui sont trop nombreuses en détention, la réduction du nombre de lits ayant rendu leur accueil en hospitalisation complète souvent difficile dans les établissements de santé mentale.

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