IV. DES ACTEURS HUMANITAIRES EN PREMIÈRE LIGNE CONTRE LE CORONAVIRUS

Certaines ONG capables d'intervenir dans l'urgence au plus près des populations ont un rôle crucial à jouer dans la situation actuelle . C'est notamment le cas de la Croix-Rouge française et ses sociétés nationales de volontaires qui constituent un véritable réseau de proximité, ainsi que ses dix délégations en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale. Le rôle joué par cette ONG est ainsi triple : prévention et sensibilisation, isolement et triage des cas suspects, surveillance épidémique à base communautaire, renforcement des systèmes de santé.

Comme l'a indiqué Frédéric de Saint-Sernin, directeur général délégué de l'ONG humanitaire française Acted, lors de son audition par les rapporteurs, les ONG sont également des acteurs bien placés pour instaurer des « mesures de compensation » aux restrictions de liberté de mouvement instaurées pendant la crise, en apportant de l'argent ou de la nourriture directement aux familles . Il s'agit en effet d'une opération bien maîtrisée par les ONG en temps normal, alors les mêmes mesures mises en oeuvre par les autorités du pays ont pu conduire dans certains pays à des « émeutes de la faim ». Acted est ainsi financée par le programme alimentaire mondial (PAM) pour effectuer une telle distribution et se prépare à étendre cette opération dans les grandes villes, où les ONG travaillent peu actuellement. Les ONG prennent également des mesures pour adapter leurs programmes en cours aux risques de contamination, par exemple en poursuivant certains programmes éducatifs par téléphone.

V. LA CRAINTE D'UN ABANDON DES AUTRES PRIORITÉS SANITAIRES ET SOCIALES

Les acteurs de terrain entendus par les rapporteurs ont tous souligné leur crainte de voir l'urgence sanitaire actuelle porter atteinte à l'ensemble des autres actions déjà en cours sur le continent .

En effet, les bailleurs humanitaire ou de l'aide publique au développement ont réorienté massivement leurs financements pour lutter contre le coronavirus , parfois au détriment des autres programmes. Le directeur général délégué de l'ONG humanitaire française Acted, Frédéric de Saint-Sernin, a ainsi indiqué ainsi que depuis le début de la crise, 75 % des programmes d'Acted ont été affectés par les mesures d'adaptation à la crise prises par les bailleurs eux-mêmes, subissant des décalages et dans une moindre mesure des ajournements ou des annulations pour remise des financements correspondants au pot commun.

Or, en Afrique, le COVID n'est en effet qu'une urgence parmi beaucoup d'autres. À titre d'exemple, 8 pays de l'Afrique l'Est sont actuellement touchés par une invasion de criquets pèlerins, de nouveaux cas d'Ébola apparaissaient encore récemment en RDC, l'insécurité alimentaire sévit dans certaines régions (5 millions de personnes sont en situation d'insécurité alimentaire aiguë au Mali, au Burkina Faso et au Niger).

De même, les grandes épidémies font des dégâts sans commune mesure avec ceux du coronavirus .

S'agissant du VIH, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Onusida, 470 000 décès ont été recensés en 2018. L'ONU a indiqué le 11 mai que le nombre de décès causés par le VIH pourrait doubler en Afrique subsaharienne si l'accès des malades aux traitements était perturbé par la pandémie liée au coronavirus . Ainsi, une perturbation de six mois dans l'accès aux antirétroviraux pourrait entraîner plus de 500 000 morts supplémentaires dans la région entre 2020 et 2021. Une rupture des campagnes de prévention, d'accès aux soins et aux traitements pourrait par ailleurs annuler les progrès réalisés dans la prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant, alors que le nombre d'enfants infectés a baissé de 43 % entre 2010 et 2018, passant de 250 000 à 140 000.

La crise pourrait également affecter la lutte contre la tuberculose et le paludisme. S'agissant de la tuberculose, 417 000 personnes sont mortes de cette maladie dans la région africaine (1,7 million dans le monde) en 2016. Plus de 25 % des décès dus à la tuberculose surviennent ainsi dans cette région du monde. En ce qui concerne le paludisme, la région Afrique de l'OMS a enregistré 94 % des décès liés au paludisme dans le monde en 201, soit environ 400 000, dont les deux tiers d'enfants. Le Nigéria a représenté à lui seul près de 24 % des décès dans le monde, suivi par la République démocratique du Congo (11 %), la République-Unie de Tanzanie (5 %), ainsi que l'Angola, le Mozambique et le Niger (4 % chacun).

En outre, les mesures de confinement et de restriction de déplacements risquent de multiplier par deux le nombre de personnes en insécurité alimentaire .

Page mise à jour le

Partager cette page