D. RELANCER LA POLITIQUE DE LA VILLE
Enfin, nous estimons qu'il faut relancer la politique de la ville dans deux dimensions principales : l'urbanisme et l'école.
RELANCER L'ANRU ENFIN !
Le confinement a fait revenir sur le devant de la scène la question de l'urbanisme dans les quartiers. En 2008, un grand programme partenarial : État/ANRU/collectivités territoriales avait été mis en place avec des possibilités de déroger à certaines règles de marché public. L'ANRU a été relancée mais elle n'est pas encore arrivée sur le terrain... La Cour des Comptes vient de le souligner : le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) « tarde à entrer en phase opérationnelle » et fait l'objet d'une sous-consommation des autorisations accordées. L'ANRU dispose pourtant actuellement de 800 millions d'euros de trésorerie... Mais surtout, comme l'écrivait Jean-Louis Borloo dans son rapport : « L'ambition originelle s'est perdue, la bureaucratie a pris le pas sur la dynamique de projet ».
L'ANRU reste discrète alors que la situation est préoccupante. Elle parle techniques administratives et financières à un petit cercle de spécialistes là où elle devrait être le bras armé de la reconquête de quartiers en sécession ! Avant la crise sanitaire, le taux de chômage de 13 % y était déjà 5 points supérieur à la moyenne nationale (et peut atteindre 45 % des jeunes de 16 à 25 ans sans diplôme). Pour les moins de 25 ans qui représentent 40 % de la population de ces quartiers, la situation devient très (trop) difficile... Il faut accélérer la mise en oeuvre du NPNRU, notamment sur tous les chantiers de réhabilitation qui peuvent être opérationnels de suite (logements, écoles, collèges, locaux d'animation...) avec des clauses d'insertion bénéficiant aux jeunes de ces quartiers car la crise économique va être encore plus douloureuse dans les quartiers prioritaires. L'ANRU doit impulser un plan de relance partenarial dans les QPV dès cet été !
RETROUVER L'AMBITION D'UNE POLITIQUE DE SOCIÉTÉ
La politique de la ville, ce n'est pas que du béton. C'est une politique de société. Ne retenons ici que la question de l'école . Les rouvrir au plus vite dans les quartiers populaires étaient une nécessité mais force est de constater que les conditions dans lesquelles cette reprise s'est réalisée n'a pas tenu ses promesses. S'il est difficile de tirer un bilan dès maintenant, pour organiser les « vacances apprenantes » il va falloir changer de méthode et de braquet. Dès maintenant, il faut une vraie concertation et un vrai soutien financier aux maires pour l'accueil des enfants dans les écoles. L'État propose de rembourser les communes à hauteur de 110 euros par vacation de six heures pour la mise en place des 2F2C (activités sport/culture pendant le temps scolaire pour les enfants qui ne peuvent être accueillis en classe), c'est très insuffisant ! On demande aux communes de se substituer à l'Éducation nationale et les crédits alloués ne couvrent même pas la moitié des frais engagés !
Par ailleurs, il est essentiel de mobiliser les jeunes , notamment les étudiants qui vont se retrouver sans ressources faute de jobs d'été, via des contrats aidés, pour être les tuteurs des décrocheurs en matière d'enseignement à distance et de remise à niveau scolaire . Alors même que cette crise a confirmé la fracture numérique, qui pénalise lourdement les enfants des familles les plus modestes, et qu'un élève sur dix se rend actuellement à l'école dans les quartiers prioritaires, et donc au regard des besoins existants dans les écoles, les collèges (pour faire face également à une seconde vague éventuelle), des contrats spécifiques sur un an (renouvelable une fois) permettraient à des jeunes de se projeter dans l'avenir et de ne pas sombrer dans la désespérance de l'oisiveté... Il faut retisser des liens sociaux et donner des signes à cette jeunesse qui a développé des actions de solidarité pendant le confinement . Ce serait gagnant-gagnant. Un véritable plan d'ampleur est nécessaire, en partenariat avec les communes et les équipes enseignantes, de l'ordre de 20 000 à 30 000 postes. À l'heure actuelle, seulement 16 % des jeunes bénéficiaires d'un emploi aidé sont issus des quartiers prioritaires !