IV. DES CONSÉQUENCES INQUIÉTANTES POUR L'ÉQUILIBRE FINANCIER DES OPÉRATEURS
A. UNE SITUATION FRAGILISÉE PAR DES RESSOURCES INSUFFISANTES DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES
Dans nos précédents rapports, nous avons mis en exergue le besoin de financements des opérateurs de l'audiovisuel extérieur et souligné que la diminution de leurs moyens n'était en cohérence ni avec l'état des menaces, ni avec les ambitions affichées 24 ( * ) .
B. UN EFFONDREMENT DES RESSOURCES PUBLICITAIRES ET DES RECETTES DE DISTRIBUTION QUI RISQUE D'ÊTRE DURABLE
Les ressources commerciales (publicité, parrainage, distribution) représentent une faible part dans les comptes d'exploitation des opérateurs de l'audiovisuel extérieur (3 % pour FMM 25 ( * ) et 9 % pour TV5 Monde), mais dans des entreprises contraintes par des dotations publiques insuffisantes, leur réduction aura un effet considérable.
• La crise sanitaire et les mesures de confinement ont réduit la consommation comme la production de biens et services et donc asséché les achats d'espaces publicitaires.
• La reprise sera d'autant plus difficile pour ces opérateurs que leurs principaux annonceurs sont des compagnies aériennes, des chaînes hôtelières internationales et des offices du tourisme, secteurs affectés par la limitation durable des transports aériens.
• S'y ajoutent l'annulation ou le report d'évènements sportifs internationaux, comme les Jeux olympiques pour lesquels TV5 Monde avait acquis les droits de diffusion en Afrique, qui auraient été une source importante de recettes publicitaires et de parrainage.
• Enfin, la chaîne francophone pourrait perdre un certain nombre de ses contrats de distribution ou subir des réfactions des recettes de distribution en raison de son incapacité à maintenir le sous-titrage en langue étrangère, condition substantielle de sa reprise dans des bouquets de programmes payants.
Sans doute, cette période de crise a-t-elle permis de générer des économies de fonctionnement , mais dans des entreprises où les coûts de personnel constituent une part importante des charges d'exploitation (31 % pour TV5 Monde et 54 % pour FMM), celles-ci seront marginales , d'autant que les opérateurs publics, à la différence des opérateurs privés, n'ont pu bénéficier des dispositifs d'aide aux entreprises et de la possibilité de mettre une partie de leurs salariés en chômage partiel. Elles s'efforceront de réaliser leur trajectoire budgétaire mais, dans ces circonstances y parvenir constituera, un exploit.
Cette situation de fragilité est d'autant plus inquiétante que la crise affecte l'ensemble du secteur des médias . On ne pourra en mesurer l'ampleur qu'en fin d'année mais elle affectera la trésorerie des opérateurs et pourrait durablement menacer leur équilibre financier si des dotations publiques, compensatrices ne leur étaient pas allouées. A défaut, ils risqueraient d'être obligés, une fois de plus, de réduire leurs capacités alors que l'on observe le regain des luttes d'influence sur les ondes et dans l'espace numérique, la multiplication des actions de désinformation et de déstabilisation, les efforts considérables de développement des médias extérieurs par les États puissances et les restrictions portées par les États autoritaires à la liberté d'information sur leur territoire. Il est essentiel que la France et ses partenaires francophones maintiennent leur présence avec des médias porteurs de valeurs démocratiques et d'une éthique de l'information honnête, respectueuse de la vérité des faits et de la liberté d'expression des opinions, et qu'ils y consacrent des moyens importants.
Dans la période troublée qui survient dans laquelle les équilibres géopolitiques vont être bouleversés, il serait temps que la France à l'instar de certains partenaires européens comme l'Allemagne ou francophones comme le Canada (qui continue à financer pleinement la plateforme d'oeuvres audiovisuelles de TV5 Monde) prenne conscience que dans le monde numérique, l'influence passe plus que jamais par la diffusion de la culture et des valeurs, et reconnaisse la spécificité des opérateurs de l'audiovisuel extérieur en investissant massivement dans cette perspective.
* 24 http://www.senat.fr/rap/a19-142-10/a19-142-102.html#toc10 Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit l'allocation à FMM d'une dotation de 255,2 M€ (HT) en recul de 1 M€ par rapport à 2019 et en retrait de 9,9 M€ par rapport à la trajectoire fixée dans le contrat d'objectifs et de moyens.
* 25 . Publicité/parrainage : 3,5 M€ / distribution payante : 0,2 M€ / autres ressources propres (syndication, partenariats, éditions musicales, etc.) : 3,4 M€ / Hors subvention des bailleurs de fonds internationaux (principalement Europe) : 2,5 M€. FMM estime à ce stade à environ 2 M€ sur l'ensemble de l'année 2020 les pertes du fait de la crise Covid-19.