B. UN TAUX D'APPLICATION DES LOIS PROMULGUÉES AU COURS DE L'ANNÉE PARLEMENTAIRE EN BAISSE
1. Bilan d'ensemble de l'application des lois promulguées
a) Une majorité des lois promulguées d'application directe ou entièrement applicables
Sur les 19 lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2018-2019 et examinées au fond par la commission des lois, 14 étaient d'application directe , une est devenue pleinement applicables au cours de la période de référence, 2 l'étaient partiellement au 31 mars 2020 et 2 lois demeuraient entièrement inapplicables.
Au 31 mars 2020, 15 lois sur les 19 promulguées étaient donc entièrement applicables - c'est-à-dire d'application directe ou appliquées à 100 % -, et 4 (soit 21 %) appelaient encore des mesures d'application.
Le taux de lois promulguées qui ne sont pas encore pleinement applicables, à l'issue de la période de référence des mesures réglementaires, qui varie entre un tiers et 40 %, selon les années, avec un point haut de 57,1 % pour les lois promulguées entre le 14 juillet 2011 et le 30 septembre 2012 et un point bas de 7,1 % pour les lois promulguées en 2012-2013, est donc dans une fourchette très basse cette année.
Le tableau suivant récapitule la part des lois qui appelaient encore des mesures d'application, parmi les lois promulguées au cours de la période de référence :
Période de référence
|
Part des lois appelant encore des mesures d'application
à l'issue de la période
|
1 er octobre 2018 au 30 septembre 2019 |
21 % (4 lois sur 19) |
1 er octobre 2017 au 30 septembre 2018 |
31,5 % (6 lois sur 19) |
1 er octobre 2016 au 30 septembre 2017 |
33,3 % (8 lois sur 24) |
1 er octobre 2015 au 30 septembre 2016 |
33,3 % (10 lois sur 30) |
1 er octobre 2014 au 30 septembre 2015 |
38,9 % (7 lois sur 18) |
1 er octobre 2013 au 30 septembre 2014 |
22,2 % (6 lois sur 27) |
1 er octobre 2012 au 30 septembre 2013 |
7,1 % (1 loi sur 14) |
14 juillet 2011 au 30 septembre 2012 |
57,1 % (12 lois sur 21) |
1 er octobre 2010 au 13 juillet 2011 |
39,1 % (9 lois sur 23) |
1 er octobre 2009 au 30 septembre 2010 |
34,8 % (8 lois sur 23) |
b) Un taux global de mise en application des lois insatisfaisant
Au 31 mars 2020, 104 des 205 mesures 335 ( * ) d'application prévues par les 19 lois promulguées entre le 1 er octobre 2018 et le 30 septembre 2019 et envoyées au fond à la commission des lois n'avaient pas été prises.
Le taux de mise en application des lois sur la période de référence, c'est-à-dire le ratio entre le nombre de mesures d'application attendues et le nombre de mesures prises, s'établit donc cette année à 49 %, bien inférieur à celui des années précédentes s'agissant des lois promulguées et envoyées au fond à la commission des lois (91 % en 2017-2018, 72 % en 2016-2017 comme en 2015-2016).
Le tableau suivant recense ces taux d'application pour les lois promulguées au cours des dernières périodes de référence et envoyées au fond à la commission des lois :
Période de référence
|
Taux de mise en application
|
1 er octobre 2018 au 30 septembre 2019 |
49 % |
1 er octobre 2017 au 30 septembre 2018 |
91 % |
1 er octobre 2016 au 30 septembre 2017 |
72 % |
1 er octobre 2015 au 30 septembre 2016 |
72 % |
1 er octobre 2014 au 30 septembre 2015 |
76 % |
1 er octobre 2013 au 30 septembre 2014 |
54 % |
1 er octobre 2012 au 30 septembre 2013 |
92 % |
14 juillet 2011 au 30 septembre 2012 |
36 % |
1 er octobre 2010 au 13 juillet 2011 |
46 % |
Comme chaque année, l'appréciation de ce taux doit être fortement nuancée : d'une part, il ne traduit pas l'aspect qualitatif des mesures prises ; d'autre part, a contrario , des mesures d'application « secondaires » peuvent ne pas avoir été prises et diminuer le taux de mise en application d'une loi alors même que celle-ci est applicable pour l'essentiel. C'est particulièrement vrai cette année où un nombre important de mesures non prises concernent des dispositifs législatifs dont la loi elle-même prévoit une application différée dans le temps (la mesure réglementaire n'est alors certes pas prise, mais elle concerne une disposition législative encore non applicable).
La volatilité de ces taux d'une année sur l'autre s'explique pour partie par les fortes variations du nombre de mesures attendu es : celui-ci peut varier de 1 à 8 en fonction des années, le pourcentage de mise en application en résultant n'étant donc pas toujours significatif. Toutefois, lorsque le taux d'application est faible pour les lois de la période examinée, on peut attendre du Gouvernement qu'il en tire profit pour combler le retard dans la publication des mesures des périodes de référence précédentes. Ce n'est pas le cas cette année, contrairement à ce qui s'était produit lors de la période précédente, puisque très peu de mesures d'application ont été prises en application de dispositions législatives promulguées antérieurement au 1 er octobre 2018 . La commission des lois a en effet recensé 8 mesures réglementaires d'application prises entre le 1 er avril 2019 et le 31 mars 2020 pour des lois promulguées avant le début de l'année parlementaire de référence. Sur ces huit mesures, deux étaient attendues depuis plus de deux ans.
De même, le taux d'application insatisfaisant cette année doit être fortement relativisé du fait que 92 mesures sur les 104 encore attendues concernent un même texte, la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique , laquelle a été promulguée à la fin de la période de référence et affiche donc logiquement un taux d'application plus faible (35 %) que des lois promulguées antérieurement. D'autres raisons plus structurelles, et tenant à la matière, sont explicitées dans la fiche qui est spécifiquement consacrée à cette loi 336 ( * ) .
Outre le taux d'application global, ce sont donc bien les délais de parution qui constituent un outil statistique pertinent.
c) Pour les mesures publiées, des délais de publication raisonnables
Les délais dans lesquels sont publiées les mesures d'application sont parfois plus longs que les délais d'adoption des lois elles-mêmes . C'est la raison pour laquelle la commission des lois souligne régulièrement le paradoxe qu'il y a à vouloir à tout prix accélérer la navette parlementaire, au détriment du droit d'amendement et de la qualité de la loi, si le Gouvernement n'est pas en mesure de prendre dans des délais raisonnables les textes réglementaires nécessaires. C'est d'autant plus condamnable que le recours à la procédure accélérée par le Gouvernement ne se tarit pas.
Il faut certes reconnaître depuis deux ans une nette amélioration dans les délais de parution des mesures d'application lorsqu'elles sont prises. En effet, 51 % des mesures prises cette année ont été publiées moins de six mois après la promulgation de la loi, et toutes les mesures prises l'ont été moins d'un an après promulgation de la loi . En moyenne, les mesures réglementaires attendues en 2018-2019 et prises, l'ont été dans un délai de cinq mois et treize jours (contre quatre mois et dix-neuf jours l'an passé).
Les mesures prises le sont donc dans un délai plutôt raisonnable ; en revanche, la probabilité qu'une meure soit finalement prise plus d'un après la promulgation de la loi décroit considérablement. Or, ce constat récurrent est particulièrement inquiétant cette année au vu du nombre important de mesures d'application encore non prises pour les lois de la période 2018-2019 : 104 mesures d'application sont en effet encore attendues .
Le tableau ci-après retrace les délais de publication des mesures réglementaires d'application prises, hors rapports, prévues par les lois promulguées en 2018-2019 et envoyées au fond à la commission des lois :
Délais de parution des mesures de mise en
application prévues
concernant les lois promulguées entre le
1
er
octobre 2018
et le 30 septembre 2019 (à l'exclusion
des rapports)
Nombre de mesures réglementaires prévues prises dans un délai : |
Total |
Pourcentage |
Inférieur ou égal à six mois |
57 |
51 % |
De plus de six mois à un an |
53 |
49 % |
De plus d'un an à 2 ans |
0 |
0 % |
Total |
110 337 ( * ) |
100 % |
2. Bilan de l'application des lois adoptées après engagement de la procédure accélérée
Il demeure surprenant que les mesures réglementaires prévues par les textes adoptés après engagement de la procédure accélérée ne soient pas toutes prises rapidement après leur promulgation. Or, les 4 lois promulguées en 2018-2019 qui ne sont pas encore pleinement applicables avaient toutes fait l'objet de la procédure accélérée. Il n'y a donc aucune corrélation entre le recours par le Gouvernement à la procédure accélérée et la propension de ce dernier à prendre davantage les mesures d'application de ces textes.
Cette année encore, ce taux est donc identique au taux de mise en application de l'ensemble des lois promulguées et envoyées au fond à la commission des lois ( 49 %) mais, dès lors qu'une part importante des textes fait l'objet de la procédure accélérée, le rapprochement entre les deux taux d'application est inévitable. En revanche, l'écart avec les autres commissions est un peu plus prononcé en 2018-2019 puisque ce taux est de 63 % pour l'ensemble des textes.
Taux de mise en application, pour la commission des lois, des dispositions législatives examinées après engagement de la procédure accélérée
Lois |
Total
|
|
Nombre de dispositions prévoyant un texte réglementaire dont : |
204 |
626 |
Mises en application |
100 |
397 |
À mettre en application |
104 |
229 |
Taux de mise en application |
49 % |
63 % |
Pour les mêmes raisons, les délais de mise en application des lois adoptées après engagement de la procédure accélérée sont sensiblement équivalents à ceux de l'ensemble des lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2018-2019 et envoyées au fond à la commission des lois.
Délais de parution des mesures de mise en
application prévues
concernant les lois adoptées après
engagement de la procédure accélérée
et
promulguées entre le 1
er
octobre 2018 et le 30 septembre
2019
(à l'exclusion des rapports et des mesures
réglementaires
prises antérieurement à la promulgation
de la loi )
Nombre de mesures réglementaires prévues prises dans un délai : |
Total |
Pourcentage |
Inférieur ou égal à six mois |
55 |
55,5 % |
De plus de six mois à un an |
44 |
44,5 % |
De plus d'un an à 2 ans |
0 |
0 % |
Total |
99 |
100 % |
3. Bilan de l'application des lois d'origine parlementaire
Sur les 12 lois d'origine parlementaire promulguées au cours de l'année parlementaire 2018-2019 et envoyées au fond à la commission des lois, 11 sont d'application directe et 1 est devenue entièrement applicable à l'issue de la période de référence.
Le tableau ci-après présente les délais de mise en application des lois d'origine parlementaire promulguées au cours de l'année parlementaire 2018-2019 et envoyées au fond à la commission des lois. Il n'est toutefois pas révélateur, cette année, dans la mesure où 11 des 12 lois d'origine parlementaire étaient d'application directe et du fait que la douzième loi ne nécessitait qu'une seule mesure d'application. Ce tableau ne tient toutefois pas compte des mesures prises avant la promulgation de la loi : il arrive en effet qu'une mesure d'application soit préexistante à la disposition législative qui la prévoit. Ce cas de figure est toutefois moins fréquent cette année que l'an dernier (il concerne 9 décrets contre 41 en 2017-2018).
Délais de parution des mesures de mise en
application prévues
concernant les lois d'origine parlementaire
promulguées entre le 1
er
octobre 2018 et le 30 septembre
2019
(à l'exclusion des
rapports
)
Nombre de mesures réglementaires prévues prises dans un délai : |
Total |
Pourcentage |
Inférieur ou égal à six mois |
- |
0 % |
De plus de six mois à un an |
1 |
100 % |
De plus d'un an à 2 ans |
- |
0 % |
Total |
1 |
100 % |
Les lois d'origine parlementaire nécessitant moins de mesures d'application que les projets de loi, il faut donc observer une autre donnée pour vérifier si le gouvernement est plus enclin à prendre les mesures qu'il a lui-même prévues : le taux d'application des mesures selon qu'elles figuraient dans le texte initial ou qu'elles ont été prévues en cours de navette est davantage parlant.
4. Bilan de l'application des dispositions législatives issues d'amendements adoptés au cours de la navette parlementaire
Le tableau ci-après ne distingue pas l'origine du texte initial (projet de loi, proposition de loi de l'Assemblée nationale et proposition de loi sénatoriale) mais permet de suivre le taux de mise en application des dispositions législatives introduites par voie d'amendement au cours de la navette parlementaire, en fonction de leur origine (Gouvernement, Assemblée nationale, Sénat).
S'agissant des 19 lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2018-2019 et envoyées au fond à la commission des lois, les dispositions législatives introduites par voie d'amendement ont connu un taux de mise en application de 21 % lorsqu'elles émanaient du Gouvernement (très loin du taux de 100 % constaté l'an dernier pour les raisons énoncées ci-après), de 27 % lorsqu'elles émanaient du Sénat et de 81 % lorsqu'elles émanaient de l'Assemblée nationale.
Contrairement aux années précédentes, le Gouvernement n'a donc pas été enclin à prendre davantage les mesures réglementaires d'application de dispositions dont il avait lui-même pris l'initiative par voie d'amendement.
Origine des mesures réglementaires de mise en
application prévues
par les lois promulguées au cours de la
période de référence
examinées au fond par la
commission des lois
(à l'exclusion des rapports)
Texte initial |
Amendement du Gouvernement |
Amendement d'origine sénatoriale |
Amendement
|
Introduction en commission mixte paritaire |
Total |
|
Mesures prises |
65 |
10 |
7 |
17 |
2 |
101 |
Mesures restant à prendre |
43 |
37 |
19 |
4 |
1 |
104 |
Total |
108 |
47 |
26 |
21 |
3 |
205 |
% du total général |
53 % |
23 % |
13 % |
10 % |
1 % |
100 % |
Taux de mise
|
60 % |
21 % |
27 % |
81 % |
67 % |
49 % |
* 335 Un total de 205 mesures attendues a été pris en compte pour calculer le taux d'application, n'intégrant pas les mesures d'application antérieures à la promulgation des lois concernées, qui porteraient alors le taux d'application à 52 %.
* 336 Deuxième partie du présent rapport.
* 337 Ce total inclut les 9 mesures d'application préalables à la promulgation de la loi.