F. LOI N° 2019-753 DU 22 JUILLET 2019 PORTANT CRÉATION D'UNE AGENCE NATIONALE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES
La loi portant création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été promulguée le 22 juillet 2019 . Son décret d'application est paru le 18 novembre 2019 : il s'agit du décret n° 2019-1190 relatif à l'Agence nationale de la cohésion des territoires.
Le directeur général de l'établissement, M. Yves Le Breton, a été nommé le 23 décembre 2019 264 ( * ) après validation de sa nomination par les commissions permanentes compétentes de chaque assemblée.
1. Principales étapes ayant conduit à la création de l'ANCT
Le processus de création de cette agence a été long : la mise en place d'un point d'entrée unique dans les services déconcentrés de l'État pour soutenir les collectivités territoriales dans la définition et la mise en oeuvre de leurs projets avait été évoquée par le P résident du Sénat et de nombreux élus dès 2017, face au creusement des fractures territoriales et sociales. Lors de la Conférence nationale des territoires du 17 juillet 2017, le Président de la République avait fait sienne cette idée.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avait également appelé à la création d'un tel opérateur dès 2017 265 ( * ) ; une proposition de loi déposée par Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud et adoptée par le Sénat le 13 juin 2018 avait marqué la volonté des sénateurs de voir cet opérateur rapidement opérationnel. Finalement, en octobre 2018, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) avait déposé une proposition de loi 266 ( * ) , à laquelle le Gouvernement avait apporté son soutien.
L'une des spécificités du processus d'élaboration de cette loi est que le président du Sénat avait demandé l'avis du Conseil d'État sur le texte initial de la proposition de loi 267 ( * ) , en application du dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution. Autre fait notable, les présidents Hervé Maurey et Jean-Claude Requier avaient déposé, en complément du texte de loi ordinaire, une proposition de loi organique afin d'associer le Parlement, spécifiquement les commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière d'aménagement du territoire, au choix du futur directeur général de l'agence 268 ( * ) , en application de l'article 13 de la Constitution. Le Gouvernement avait engagé la procédure accélérée pour l'examen des deux textes. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avait apporté de nombreux compléments au texte initial et codifié les dispositions relatives à l'ANCT au sein du titre III du livre II de la première partie du code général des collectivités territoriales (CGCT) 269 ( * ) .
Après échec de la commission mixte paritaire, le Sénat avait rejeté le texte en nouvelle lecture compte tenu d'un désaccord persistant au sujet de la gouvernance du futur établissement. Les députés ayant adopté définitivement le texte le 9 juillet 2019, il aura fallu deux ans au total pour que ce processus aboutisse .
L'ANCT est mise en place même si elle n'est pas pleinement opérationnelle (voir infra ). Elle rassemble près de 380 agents publics ou contractuels répartis sur 4 sites principaux - Paris, Lille, Lyon et Marseille - et son budget s'élève à environ 75 millions d'euros pour l'année 2020.
2. État d'application de la loi du 22 juillet 2019
Au 31 mars 2020, sur les onze mesures d'application prévues par la loi, huit ont été prises (soit un taux d'application de 73 %) dans le cadre du décret statuaire n° 2019-1190 du 18 novembre 2019 relatif à l'Agence nationale de la cohésion des territoires et du décret du 23 décembre 2019 portant nomination de son directeur général. Ce premier décret a permis de clarifier plusieurs dispositions notamment :
• la tutelle de l'ANCT, exercée par les ministres chargés de l'aménagement du territoire, des collectivités territoriales et de la politique de la ville ;
• les modalités de mise en oeuvre déconcentrée des programmes nationaux et territorialisés de l'agence et les missions de l'agence en matière de réflexions prospectives et de veille ;
• la composition du conseil d'administration de l'agence, qui comprend 33 membres dont 16 représentants de l'État, 1 représentant de la Caisse des dépôts et consignations, 10 élus locaux, 2 représentants du personnel de l'agence, 2 députés et 2 sénateurs ;
• le transfert à l'ANCT de l'ensemble des droits, biens et obligations de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca), effectif au 1 er janvier 2020 ;
• la composition, les attributions et les modalités de fonctionnement des comités locaux de la cohésion territoriale , créés par un amendement de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Dans chaque département, un arrêté préfectoral détermine la composition précise de ces comités ;
• les attributions du directeur général de l'agence ;
• le rôle du préfet de région , du préfet de département et du directeur départemental des territoires ;
• et les dispositions financières et comptables applicables à l'ANCT.
Les compétences, la composition et le fonctionnement du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'ANCT ont été précisés par le décret n° 2020-39 du 22 janvier 2020.
Au 31 mars 2020, il manque donc trois mesures d'application (soit 27 % des mesures prévues) :
• à l' article 2 de la loi, une convention est prévue entre le ministre chargé de l'aménagement du territoire et le ministre chargé des communications électroniques et du numérique pour définir les mesures et moyens permettant l'exercice par l'ANCT des missions anciennement assurées par l'Agence du numérique , service à compétence nationale dissous au 1 er janvier 2020 270 ( * ) . D'après les informations communiquées par l'ANCT, cette convention est en cours d'élaboration et sera présentée au conseil d'administration de l'ANCT dans les prochains mois ;
• à l' article 7 , les conventions pluriannuelles liant l'ANCT et ses opérateurs partenaires (Anru, Anah, Cerema, Caisse des dépôts, Ademe) et prévoyant les conditions de leur participation financière aux missions de l'ANCT manquent encore alors qu'elles devaient être conclues dans un délai de trois mois à compter de la publication du décret de nomination de son directeur général, et au plus tard le 1 er janvier 2020. La convention avec le Cerema est prête, de même que celle avec l'Anru. Pour l'Ademe, l'Anah et la Banque des territoires, l'élaboration des conventions est censée aboutir en juin mais la crise sanitaire actuelle pourrait retarder ce processus. Ces conventions sont déterminantes pour assurer le bon fonctionnement de l'agence et éviter qu'elle ne devienne « un arbre de plus » dans la forêt des opérateurs de l'État, pour reprendre l'expression employée par le Premier ministre. Une fois adoptées par les conseils d'administration de chaque établissement et par celui de l'ANCT, ces conventions devront être transmises au Parlement , comme l'a prévu la commission de l'aménagement du territoire par l'adoption d'un amendement de son rapporteur lors de l'examen du texte ;
• enfin, à l' article 11 , un décret manque pour déterminer les catégories de personnes pouvant entrer dans la réserve citoyenne pour la cohésion des territoires, la durée et les clauses du contrat d'engagement. Cette disposition, introduite par les députés, semble a priori difficile à mettre en oeuvre.
En complément de ces mesures d'application prévues par la loi, le ministère de la cohésion des territoires travaille à l'élaboration d'une circulaire et d'un vademecum à l'attention des préfets, pour clarifier la doctrine d'intervention de l'ANCT. Devant ces échéances, il est clair l'ANCT ne sera pas pleinement opérationnelle avant octobre 2020. En outre, il conviendra de mesurer les effets de la crise sanitaire actuelle sur la mise en oeuvre des projets des collectivités territoriales.
* 264 JORF n°0298 du 24 décembre 2019.
* 265 Voir le rapport d'information n° 565 (2016-2017) Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité, de MM. Hervé Maurey et Louis-Jean de Nicolaÿ.
* 266 Texte n° 2 (2018-2019) de M. Jean-Claude Requier et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 2 octobre 2018.
* 267 https://www.senat.fr/leg/ppl18-002-avis-ce.pdf .
* 268 Texte n° 43 (2018-2019) de MM. Hervé Maurey et Jean-Claude Requier, déposé au Sénat le 16 octobre 2018.
* 269 Les apports du Sénat. : voir les rapports n° 98 et n° 561 (2018-2019) de M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
* 270 Décret n° 2015-113 du 3 février 2015 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « Agence du numérique », abrogé par l'article 2 du décret n° 2019-1190 du 18 novembre 2019.