B. LA SINGULARITÉ DU RENSEIGNEMENT EN MILIEU FERMÉ

Dans ses murs, le renseignement pénitentiaire se concentre sur quatre menaces principales : les détenus ayant des velléités de passage à l'acte à l'intérieur de la détention, ceux qui préparent de l'intérieur des attentats à l'extérieur, ceux qui travaillent à une évasion et, de plus en plus souvent, ceux repérés comme profils sensibles mais au comportement exemplaire et qui sont susceptibles de passer à l'acte alors que rien ne laisse le supposer.

Les spécificités de la scène carcérale, liées notamment à la gestion de l'espace et du temps, permettent de se forger une idée plus précise des contraintes qui pèsent sur le cycle du renseignement en milieu fermé, et qui en font la singularité.

À première vue, s'il est un milieu qui se prête facilement au recueil d'informations, c'est bien celui, fermé, des établissements pénitentiaires. En prison, tout se sait et tout se voit ; les lieux sont clos et les individus sont contraints. En application de l'article 727-1 du code de procédure pénale, les détenus savent que leurs communications téléphoniques autorisées peuvent être légalement écoutées - hormis celles avec leur avocat - sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent.

Pourtant, même si cela peut sembler paradoxal, faire du renseignement en milieu carcéral se révèle être une mission bien plus complexe et souvent plus risquée qu'en milieu ouvert. La parfaite connaissance des lieux que permet le milieu carcéral est à la fois un atout et un inconvénient. En effet, toutes les personnes qui interviennent en milieu fermé, à un titre ou à un autre, sont connues et leurs missions sont identifiées et tracées. La totalité des espaces sont cartographiés ainsi que les flux de circulation d'un endroit à un autre, selon des horaires préétablis ce qui permet une prévisibilité complète des déplacements et des usages en milieu fermé. *****. Dès lors, tout ce qui sort des schémas préétablis devient suspect, d'autant que rares sont les personnels qui ont à en connaître.

1. La primauté du renseignement d'origine humaine

L'essentiel du renseignement pénitentiaire est d'origine humaine. En prison, l'information est principalement recueillie par l'intermédiaire des agents pénitentiaires, qui sont la source de renseignement la plus importante parce qu'en contact permanent avec les détenus. Ce sont les premiers témoins de ce qui peut attirer l'attention. La particularité du renseignement pénitentiaire réside également dans le fait que le SNRP est chargé du traitement de signalements pour tous les types d'intervenants en détention (personnels pénitentiaires, aumôniers, intervenants socio-culturels, personnels privés partenaires, etc.)..

Ce facteur humain est essentiel pour comprendre les rouages du renseignement pénitentiaire. En effet, ce qui peut sembler anodin en milieu ouvert est susceptible de devenir un levier pour obtenir des informations : un changement de cellule, un transfert d'établissement, le droit de travailler, etc .

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2. Un environnement peu propice aux techniques de renseignement

À travers l'écoute de la téléphonie légale (art. L. 727-1 du code de procédure pénale), le renseignement pénitentiaire peut exploiter des informations obtenues à partir des échanges téléphoniques autorisés des détenus. La saisie des téléphones portables illégalement introduits en milieu carcéral peut également être une source de renseignement très utile.

Mais depuis que la loi du 3 juin 2016 72 ( * ) l'y autorise, le renseignement pénitentiaire peut également avoir recours à la plupart des techniques de renseignement de la loi de 2015, au titre des finalités suivantes :

- la prévention du terrorisme (art. L. 811-3, 4° du CSI) ;

- la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées (art. L 811-3, 6° du CSI) ;

- la sécurité au sein des établissements pénitentiaires (art. L-855-1 du CSI) ;

- une quatrième finalité a été octroyée au SNRP par le décret n° 2019-1503 du 30 décembre 2019 qui élargit la possibilité de mettre en oeuvre certaines techniques de renseignement à la contre-subversion et aux mouvances extrêmes violentes (a, b et c de la finalité 5° de l'article L. 811-3 du CSI).

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Demandes de techniques de renseignement mises en oeuvre par le BCRP puis le SNRP par finalités

Tableau *****

*****. Le groupement technique des opérations pénitentiaires (GTOP) est l'illustration remarquable d'une coopération intégrée entre services de renseignement, l'un du premier cercle et l'autre du second cercle. Plutôt que de partir de zéro, le SNRP s'appuie sur l'expertise technique de la DGSI, à laquelle il apporte sa connaissance fine du milieu carcéral.

La création du GTOP repose sur :

- une mutualisation de moyens matériels et de ressources humaines, un partage des infrastructures et des coûts ;

- un partage d'expériences entre d'un côté l'expertise technique de la DGSI et de l'autre la connaissance du milieu pénitentiaire par le SNRP ;

- une compétence nationale avec une capacité de déploiement sur l'ensemble du territoire.

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* 72 Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale .

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