B. LES DONS ET COTISATIONS : DES FINANCEMENTS QUI BÉNÉFICIENT D'UN SOUTIEN FISCAL PERFECTIBLE
Si le poids des dons dans le financement de la vie politique française n'est pas négligeable, il est, comparativement à d'autres pays, relativement modeste.
Montant moyen annuel par adulte de dons reçus
par différents partis
de l'éventail politique
(2012-2016)
Source : Julia Cagé, site internet
Les dons représentent des enjeux très importants en Allemagne et au Royaume-Uni.
Part des dons supérieurs à 10 000
euros
dans le total des dons- Allemagne
Source : Julia Cagé, site internet
Dons moyens et total des dons des personnes physiques
par décile de revenu
au Royaume-Uni (2017)
Source : Julia Cagé, site internet
En France, la proportion des ménages faisant des sons aux partis politiques, comparativement faible, suit une tendance au déclin.
Proportion des foyers fiscaux déclarant un don
ou une cotisation
aux partis politiques
Source : Julia Cagé, site internet
1. Le poids des dons et des cotisations dans le financement des partis politiques
Les partis politiques n'ont pas le monopole des dons
attribuables
Les candidats aux élections sont susceptibles d'en bénéficier de la part des personnes physiques dans les conditions exposées supra. Les dons des personnes physiques lors de la dernière élection présidentielle ont atteint 4,7 millions d'euros (6,3 % des ressources des candidats). Les données correspondantes pour les élections législatives de 2017 ont été de 13,4 millions d'euros, soit 17 % des ressources portées à leurs comptes de campagne par les candidats. Des annexes aux comptes de campagne, dont seule la première fait l'objet d'une publication récapitulent, la première, les montants totaux des dons et collectes, les autres les listes des donateurs et des collectes. Les données publiées pour la campagne présidentielle de 2017, présentées ci-dessous font apparaître une grande variabilité des situations.
Les données relatives aux dons des personnes
physiques
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial Elles doivent toutefois être prises avec précaution dans la mesure où, à défaut de bénéficier directement aux candidats, des dons versés au bénéfice des formations politiques les soutenant peuvent in fine leur profiter, certes non à travers des dons financiers directs des partis politiques mais via des concours apportés aux campagnes des candidats. Pour prendre les deux candidats situés aux extrémités de l'échelle des dons de personnes physiques, on observe ainsi que M. F. Fillon qui n'a été soutenu que par deux donateurs a bénéficié d'un versement définitif des partis politiques le soutenant de 10 millions d'euros auxquels se sont ajoutés une contribution des partis politiques d'un peu plus de 4 millions d'euros. Inversement M. J-L Mélenchon qui a eu l'appui de 66 836 donateurs n'a bénéficié d'aucun versement d'un parti politique. |
Les dons et les cotisations versés aux partis politiques ayant déposé leurs comptes auprès de la CNCCFP représentent une proportion structurellement minoritaire des recettes des partis politiques.
Cependant, ils leur fournissent une part importante de leurs moyens (entre 40 % et 49 % selon l'année considérée).
Des dons et cotisations soumis à un
plafonnement
À l'initiative du Sénat, après un avis défavorable du Gouvernement lors de la discussion du projet de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats, l'article 6 de la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 a supprimé l'actualisation annuelle par décret des montants des dons et cotisations aux partis et groupements politiques faisant l'objet d'un plafonnement ou d'un encadrement : - le plafond annuel de 7 500 euros de dons et cotisations ; - le seuil de 3 000 euros en deçà duquel les reçus fiscaux délivrés ne mentionnent pas l'identité du parti ou du groupement politique bénéficiaire ; - et le seuil de 150 euros à partir duquel ces sommes doivent être versées « soit par chèque, soit par virement, prélèvement automatique ou carte bancaire » . Cette suppression a amplifié la logique suivie depuis l'adoption de l'article 112 de la loi de finances pour 2012 qui a décidé le gel de l'actualisation annuelle par décret de certains plafonds des dépenses électorales des candidats , jusqu'au retour à l'équilibre des comptes publics. Ces dispositions ne concernaient pas les dons aux partis et groupement politiques, pour lesquels l'article 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique renvoyait à un décret le soin de procéder à une actualisation annuelle, qui englobe à la fois le plafond applicable par donateur et les deux seuils intermédiaires donnant lieu à des modalités particulières de versement. |
En ce qui concerne les dons, les données transmises indiquent que la proportion des partis ayant déposé leurs comptes auprès de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui en reçoivent est compris entre 70 % et 77 %, le nombre des partis recevant des dons s'étageant au cours de la période 2012 à 2016 entre 214 et 264.
Même si, régulièrement, entre 20 % et 30 % des partis déposant leur compte ne perçoivent pas de dons, le nombre des donataires apparaît ainsi élevé.
Au demeurant, ce nombre pourrait être sous-estimé.
On doit rappeler ici que, dans un contexte marqué par l'importance du nombre des partis avec, en 2016, 493 partis politiques, seuls 365 d'entre eux (un peu moins de 75 %) ont satisfait à l'obligation de dépôt de leurs comptes auprès de la commission.
On ne sait rien des dons que les partis qui se soustraient à leur obligation peuvent recueillir.
Quoi qu'il en soit, le nombre des partis attributaires de dons a cru de 23,3 % entre 2012 et 2016, année où le nombre des partis bénéficiant de dons excédaient de 50 celui observé en 2012.
Au demeurant, l'année 2016 ressort comme fortement atypique, tant du fait du nombre de partis bénéficiaires de dons que sous l'angle du montant de ces derniers.
Le montant moyen des dons par parti, de 118 000 euros en 2012 est passé à 124 024 euros en 2015 (soit une légère croissance, de 5 % en trois ans) mais il a progressé de 24,7 % en un an, de 2015 à 2016, pour s'établir à 154 689 euros en 2016.
Elle tranche avec une situation généralement marquée par la stabilité des dons reçus dont rend compte le graphique ci-dessous, extrait du rapport de la CNCCFP pour 2016. 68 ( * )69 ( * )
Évolution des dons aux cinq partis politiques
ayant les ressources
les plus importantes en 2016
Source : CNCCFP, rapport 2016
Le graphique suivant, qui concerne des partis réunissant un volume de dons structurellement plus bas confirme cette stabilité, à l'exception notable d'un parti politique mais sur des bases qui demeurent modestes (le pic de dons de 2015 se situe à 450 000 euros soit 1,5 % des dons déclarés par les partis politiques en 2015).
Évolution des dons à quelques autres
partis politiques éligibles
au financement public
Source : CNCCFP, rapport 2016
L'explication de ce ressaut doit être trouvée dans la préparation des opérations électorales prévues en 2017, mais moins à partir d'une constante qui verrait les dons généralement propulsés par ces échéances qu'à travers les particularités présentées par l'année électorale en cause.
On peut certes remarquer, mais à partir de données très réduites, que le cycle électoral semble ne pas apporter systématiquement de fortes augmentations des dons aux partis politiques ; toutefois, de petits pics apparaissent pour certains partis dans les années précédant les élections générales.
La maigre hauteur de ces pics dévoile une situation assez paradoxale au vu des besoins associés aux campagnes électorales.
L'année 2016 pourrait avoir été marquée par des évolutions plus nettes du fait des événements ayant pu traverser la vie des partis politiques , que semblent illustrer, en négatif, les évolutions ayant touché les cotisations perçues par eux, inscrites en forte baisse (- 6,3 millions d'euros) de 2015 à 2016.
À cet égard, l'apparition d'une nouvelle formation politique ayant levé un montant très significatif de dons, « En Marche », qui, n'ayant perçu aucune cotisation de ses adhérents, a rassemblé près de 5 millions d'euros de dons, a été un élément moteur de l'augmentation des dons recueillis.
Le recueil de dons effectué par la formation politique en cause a contribué à elle seule à la moitié de l'augmentation des dons observée de 2015 à 2016.
En outre, le niveau élevé des dons perçus par l'Association de soutien à l'action de Nicolas Sarkozy (1 890 000 euros en 2016 contre 519 595 euros en 2015) ainsi que l'augmentation des dons recueillis par Force Républicaine (4,1 millions d'euros en 2016 contre 1,3 million d'euros en 2015) doivent être pris en compte.
Avec les dons recueillis par En Marche, l'augmentation des dons adressés à ces deux entités explique 90 % de la variation positive des dons aux formations politiques.
Enfin, une corrélation positive entre le nombre des partis ayant déposé leurs comptes et déclarant des dons et le volume des dons reçus se dégage de l'année 2016.
Si la création d'En Marche a pu susciter à elle seule une inflation des dons, d'autres nouveaux partis politiques dépositaires de leurs comptes ont sans doute contribué, plus modestement, à ce processus.
De leur côté, les cotisations versées aux partis politiques forment une part de leurs ressources structurellement supérieure à celle des dons , mais demeurent relativement modestes.
Les ressources issues des cotisations représentent, selon les années, entre 1,2 fois et près de trois fois les recettes venant des dons.
L'importance relative des cotisations des élus aux partis conduit ces derniers à contribuer majoritairement au recueil de cotisations par les formations politiques.
Selon les années, ces cotisations totalisent entre 1,1 fois et 1,3 fois les cotisations des adhérents non élus.
Les cotisations représentent toutefois une partie toujours minoritaire des ressources des groupements politiques , le sommet atteint entre 2012 et 2016 se situant à 32 % (en 2013, année marquée par les suites du rejet du compte de campagne du candidat LR à l'élection présidentielle) pour un plancher en 2016 (23 % des ressources des partis ayant déposé leurs comptes auprès de la CNCCFP).
En outre, le montant des cotisations est en baisse au cours de la période 2012-2016.
Leurs produits sont passés de 64 millions d'euros à 48,8 millions d'euros (- 15,2 millions d'euros), le repli le plus significatif concernant les cotisations versées par les élus, en retrait de près de 10 millions d'euros.
2. Substituer un crédit d'impôt à l'actuelle réduction fiscale ?
Des estimations portant sur les dons et cotisations il est difficile de tirer des enseignements entièrement précis sur les dépenses fiscales associées aux décisions individuelles des donateurs et des cotisants.
Certains dons et cotisations peuvent intervenir sans donner lieu à une réduction d'impôt, soit que le contribuable ne fasse pas valoir ses droits, soit que, non imposable, la réduction d'impôt n'ait pour lui pas de valeur concrète (ou une valeur seulement partielle), et se trouve ainsi sans contrepartie en dépense fiscale pour l'État.
Cette dernière situation appelle une observation importante.
Les conditions de l'avantage fiscal accordé aux ménages supportant des dépenses privées au titre de leur engagement politique, avantage qui est assimilable à un soutien public à l'engagement politique, induisent une inégalité entre les « citoyens- contribuables ».
Les soutiens publics qu'ils sont susceptibles de recevoir à l'occasion des financements qu'ils décident d'apporter aux formations politiques sont variables en fonction de leur situation fiscale, elle-même dépendante de leur situation de revenu.
Cette problématique, qui n'est pas propre au domaine politique, pourrait se trouver améliorée par la substitution d'un crédit d'impôt à la réduction d'impôt accordée à ce jour.
Décomposition du total des dons par niveau de revenu en France
Si le lien entre dons et niveaux de revenu est général, en ce qui concerne les dons aux partis politiques, il est particulièrement fort.
La substitution d'un crédit d'impôt à une réduction fiscale pourrait se justifier au regard des effets différenciés des deux mécanismes sur l'accompagnement public des dons et cotisations qui, avec la réduction d'impôt, est réservé aux personnes imposables. Le pluralisme politique pourrait sans doute y gagner.
C'est au demeurant un crédit d'impôt qui est prévu dans le cadre des cotisations versées au profit des syndicats. Si ce crédit d'impôt peut être critiqué au regard de la progressivité de l'avantage fiscal accordé aux cotisants, il est possible de remédier à cette imperfection.
Cependant, votre rapporteur spécial appelle à considérer en la matière la protection des personnes physiques qui pourraient se trouver influencées par des propositions de défiscalisation pouvant les conduire à surestimer leurs capacités oblatives.
Il est d'ailleurs heureux que l'information sur les appels de dons des candidats et des partis politiques ait été renforcée ces dernières années.
Dans ces conditions votre rapporteur spécial incline à réserver la voie d'une substitution du crédit d'impôt à la réduction fiscale, qu'il juge juste d'explorer, aux cotisations apportées aux partis politiques.
Ces dernières présument un engagement politique actif répondant à des motivations éclairées ce que les dons qui peuvent n'être que de simples actes financiers ne permettent pas de présumer.
* 68 Le pic des dons figurant dans le graphique au titre de LR est attribuable à la campagne de sollicitation consécutive au rejet du compte de campagne du candidat de ce parti et il a fait place à un retour à la tendance l'année suivante.
* 69 Le choix de présenter les dons aux partis politiques à partir du recensement des partis ayant disposé des ressources les plus élevées en 2016 a conduit la CNCCFP à ne pas faire apparaître le parti nouvellement apparu en 2016 « En Marche » qui, pour autant, a réuni une proportion significative des dons aux partis politiques au cours de cette année (voir infra).