PROGRAMME DE LA JOURNÉE DES ENTREPRISES DU JEUDI 28 MARS 2019 AU SÉNAT

JOURNÉE DES ENTREPRISES 2019

I. PREMIÈRE TABLE RONDE : « QUELS SONT LES FRUITS DES ÉCHANGES DE TERRAIN ENTRE SÉNATEURS ET ENTREPRISES ? »

A. INTRODUCTION

1. Mme Tam TRAN HUY, journaliste de Public Sénat

Bonjour à tous, je suis ravie de vous accueillir aussi nombreux au Sénat à l'occasion de cette Journée des entreprises. Nous aurons l'occasion, ce matin, de poursuivre le dialogue entamé par la Délégation aux entreprises avec les entrepreneurs. Cette matinée sera consacrée aux immersions des sénateurs dans des entreprises et à leurs retours d'expérience.

Sans plus tarder, je donne la parole pour ouvrir cette Journée des entreprises au président du Sénat, Gérard Larcher.

2. M. Gérard LARCHER, président du Sénat

Madame la présidente de la Délégation aux entreprises, chère Élisabeth Lamure, Monsieur le président de CCI France, cher Pierre Goguet, Mes chers collègues sénateurs, Monsieur le président du Comité français des Olympiades des Métiers, Mesdames et Messieurs les chefs d'entreprise, Mesdames et Messieurs,

Avec mes collègues sénateurs, je suis heureux de vous accueillir ce matin pour cette Journée des entreprises organisée par notre Délégation dont je voudrais une fois encore remercier la présidente et les membres pour leur action et leur engagement. Fin 2014, nous avons proposé de créer cette Délégation pour qu'une structure de notre assemblée traite des entreprises dans leur globalité. Elles étaient en effet abordées auparavant de manière trop fragmentée alors qu'elles sont le moteur du développement économique et de l'emploi.

Depuis quatre ans, la Délégation applique un de mes principes : le « Sénat hors les murs ». Elle parcourt le territoire à la rencontre des entrepreneurs et nous fait remonter les enjeux, les difficultés mais aussi les bonnes pratiques, les idées qui émanent des entreprises et des territoires, qui peuvent nous conduire à modifier un certain nombre de cadres, qu'ils soient législatifs ou réglementaires. La Délégation est fidèle en cela à la mission du Sénat qui, outre sa mission de législateur, d'acteur de contrôle, de prospective, est la représentation des territoires. La Délégation a également pour mission d'organiser des stages d'immersion dans des entreprises. Je voudrais remercier les entreprises qui ont ainsi accueilli nos collègues.

Elle a noué un partenariat, Monsieur le président, avec vous-même. Je me souviens de notre rencontre et de notre échange de signatures. Le réseau des Chambres de Commerce et d'Industrie est évidemment un outil précieux pour le développement économique des territoires. C'est un outil que nous sommes en train de redécouvrir à la faveur des débats actuels et qui marque bien la nécessité de l'horizontalité qui nous permet d'échapper au risque de la seule verticalité. Grâce à ce partenariat, onze de nos collègues ont effectué des stages d'immersion. Plusieurs d'entre eux vous feront part de leur expérience et des enseignements qu'ils en ont tirés.

Depuis l'origine, il me paraît clair que la Délégation relaie au Sénat un message qui émane du terrain, celui de la nécessité d'alléger les contraintes qui brisent les initiatives et freinent la croissance. J'étais samedi dans l'Yonne et lundi en Savoie, après une incursion dans les Hauts-de-France. C'est bien ce que j'entends dans les territoires, dans leur diversité, qu'ils soient urbains ou ruraux. J'aurai l'occasion demain, à Toulouse, à l'occasion des rencontres de France urbaine , où je clôturerai les travaux, de rappeler un certain nombre de réalités.

La Délégation ne s'est pas contentée de relayer ce message par des discours. Elle le traduit en actes. Elle a produit des rapports d'information qui viennent éclairer nos débats Parlementaires. Je pense au rapport d'Élisabeth Lamure et de Olivier Cadic sur les simplifications à conduire pour libérer les entreprises, ou à celui de René Danesi sur la surtransposition des directives européennes, au nom de la Délégation et de la commission des affaires européennes. Cette après-midi, notre collègue s'exprimera de manière plus approfondie, mais je veux souligner que le Sénat prend à bras-le-corps cette question de la surtransposition. Nous avons mis en place un système d'alerte qui va entrer dans sa deuxième année et que nous avons confié à la Commission des affaires européennes.

Un autre exemple est celui du secret des affaires. L'Assemblée nationale avait adopté une proposition de loi transposant une directive de 2016 sur le secret des affaires. L'analyse de la commission des affaires européennes a permis de faire apparaître que ce texte restreignait la portée et la protection du secret des affaires. Une bonne intention ne se traduisait ainsi pas en une action réelle. Cette analyse a permis à notre commission des lois de corriger ce texte dans l'intérêt même des entreprises.

La Délégation a formulé de nombreuses propositions législatives par le biais soit d'amendements, soit de propositions de loi. La présidente, Élisabeth Lamure, joue un rôle particulier dans le projet de loi PACTE dont elle est l'un des rapporteurs. Même si la commission mixte paritaire a connu un désaccord sur le devenir d'Aéroports de Paris (ADP), de nombreuses mesures adoptées par le Sénat ont été conservées par l'Assemblée nationale, d'où l'intérêt du bicamérisme. Je rappelle que plus de 60 % des propositions du Sénat, même en cas de désaccord, demeurent dans le texte. N'oublions pas les mesures concernant les Chambres de Commerce et d'Industrie.

Je souhaite évoquer un autre travail important de la Délégation, dont Élisabeth Lamure vous parlera : la revitalisation des centres-villes et des centres bourgs réalisée en partenariat avec la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Chacun se souvient du travail de Rémy Pointereau et Martial Bourquin, et de bien d'autres au travers des commissions. Les travaux de la Délégation aux entreprises sont donc très concrets. Ils sont le fruit d'une fertilisation croisée entre sénateurs et entrepreneurs.

Cette après-midi, vous consacrerez vos travaux au bien-être en entreprise. Cette séquence fait écho à l'exposition photographique que je vous invite à découvrir : ÊtreS au travail, exposée sur les grilles de notre jardin. Cette exposition a été réalisée par l'Association Lumières sur le Travail à l'occasion du centenaire de la Fondation de l'Organisation Internationale du Travail, organisation dans laquelle j'ai siégé lorsque j'étais ministre du Travail. Quatre-vingts photographies témoignent de la diversité et des enjeux du travail dans le monde. La force des images invite chaque passant à engager sa propre réflexion sur le travail, celui d'hier, celui d'aujourd'hui et celui de demain. Bonheur, mais aussi parfois souffrance, fierté, parfois aussi désenchantement, stabilité ou précarité, des sujets que nous connaissons depuis longtemps, sécurité et prévention face aux risques professionnels, incertitude, interrogation, nécessité face à la complexité et à la complexification technologique, reconnaissance des femmes au travail, qui fut le sujet d'un colloque de la Délégation aux droits des femmes, et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, présidée par Annick Billon que je salue.

Les profondes mutations du monde du travail à l'ère de la mondialisation nous posent, au XXIe siècle, de grands défis au regard des valeurs humaines essentielles et des principes et droits fondamentaux de tous celles et ceux qui travaillent. Cette exposition, qui rejoint le thème de vos réflexions de cette après-midi, me parle vraiment. Les clichés exposés sur les grilles sont forts, un peu décalés par un texte de Charles Péguy à propos des ouvriers et des artisans : « Ils disaient en riant, et pour embêter les curés, que travailler c'est prier, et ils ne croyaient pas si bien dire, tant leur travail était une prière et l'atelier un oratoire ». Je ne partage pas entièrement ce point. En effet, nous devons reconnaître que si le travail est souvent un facteur d'émancipation, ne bénéficiant pas à ceux qui n'ont pas accès au travail, il peut aussi être une forme de souffrance. Je n'oublie pas que nous avions lancé en 2005 le premier Plan santé au travail. Ce plan repose sur une approche positive du travail et j'insiste sur la dimension positive visant à réconcilier le progrès social et le progrès économique.

En regard avec la crise sociétale que nous traversons et dont je ne pense pas notre pays sorti, nous pourrions nous poser une question, comme d'autres se l'étaient posée après une autre crise sociale d'une autre nature, celle de 1968 : ne devons-nous pas inventer et construire une société de participation pour réinclure et faire communauté dans la nation que nous sommes ?

C'est cet objectif de société que chefs d'entreprise et responsables politiques partagent. Il est d'ailleurs assez notable que, dans la crise que nous traversons, les chefs d'entreprise et les maires sont en quelque sorte « épargnés ». Les chefs d'entreprise sont l'un des ciments de la nation. Nous faisons face à un défi collectif qui n'est pas lié à des clivages politiques, à des sentiments, à des crispations temporaires. Le vrai sujet est devant nous et nous devons le régler. En mettant l'accent sur ce thème, la Délégation renoue avec sa première édition. Elle avait mis en exergue les enjeux du management par la qualité.

Je voudrais souligner aussi la place essentielle des collaborateurs, quels qu'ils soient, dans la réussite de l'entreprise. L'entreprise, quelle qu'en soit la taille, est d'abord une aventure humaine, avec ses forces et ses faiblesses. Elle peut produire de merveilleux résultats si le cap est clair, s'il existe un partage avec les équipes et avec les clients. La démarche entrepreneuriale est au fond assez similaire à la démarche des élus qui portent des projets pour leur territoire, pour notre pays. En essayant d'être attentif à chacun, avec le sens et l'intérêt du collectif.

Nous portons ici le territoire et je ne souhaite pas que notre pays soit miné par le poison de la fragmentation, par la tentation de la sécession dont parle Axel Kahn, sujet sur lequel j'avais interpellé le président Hollande par écrit, le sentiment d'une part de la France d'être à côté, au bout de la table. Je ne cesse de répéter jour après jour ces mots d'un collègue de l'Allier qui me disait : « Paris est plus loin de Moulins et de Montluçon que de Londres, d'Amsterdam ou de Barcelone ». Je crois que c'est un défi que nous devons, les uns et les autres, saisir dans sa réalité. L'enjeu est de redonner collectivement des perspectives.

Voilà pourquoi j'étais si heureux, Madame la présidente, de vous retrouver ce matin. Je voudrais remercier toute la Délégation aux entreprises pour ce qu'elle apporte au Sénat et vous souhaiter une excellente journée faite de douceur et de dialogue.

Au Sénat, nous sommes paisibles mais nous sommes déterminés.

Je vous souhaite une très bonne journée.

Mme Tam TRAN HUY

Je vous remercie, Monsieur le président. La parole est maintenant à Élisabeth Lamure, présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises.

3. Élisabeth LAMURE, sénateur, présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises

Monsieur le président, cher Gérard Larcher, Monsieur le président de CCI France, Mesdames et Messieurs les chefs d'entreprise, Mes chers collègues sénateurs, Mesdames, Messieurs,

Je tiens tout d'abord à remercier chaleureusement Gérard Larcher, président du Sénat, de s'être rendu disponible pour ouvrir cette journée et de ses beaux et multiples messages.

Cher président, vous marquez ainsi l'importance que le Sénat accorde aux entreprises, qui contribuent activement à faire vivre l'ensemble des territoires. C'est dans cet esprit que le président Larcher a voulu créer un interlocuteur au Sénat qui soit dédié aux entreprises, notamment de petites et moyennes tailles : la Délégation aux entreprises. Cette Délégation, que j'ai l'honneur de présider, a en effet été créée à son initiative, voici quatre ans, pour porter la voix des petites et moyennes entreprises au Sénat.

Vous y êtes les bienvenus pour cette 4e Journée des entreprises. Je vous remercie d'être venus si nombreux, de toute la France, précisément de 41 départements, et même de l'étranger (deux entrepreneurs viennent du Royaume-Uni et d'Islande). Vous êtes chez vous aujourd'hui au Sénat pour échanger et rencontrer les sénateurs qui composent la Délégation aux entreprises. Pour certains d'entre vous, nous nous sommes déjà rencontrés dans votre département. Nous avons visité votre entreprise ou encore y avons fait un stage d'immersion. Et nous sommes heureux de prolonger aujourd'hui nos échanges.

Vous le savez, la méthode de travail de notre Délégation consiste à se rendre régulièrement sur le terrain, à échanger de façon franche et directe avec les entrepreneurs, pour nourrir la réflexion et l'activité du législateur à Paris.

Depuis 2015, nous nous sommes ainsi rendus dans une vingtaine de départements et dans quelques pays voisins à la rencontre de plusieurs centaines d'entreprises françaises. Nous sommes à votre écoute et ceci nous permet d'identifier les problèmes qui se posent aux ETI, PME et TPE pour créer, développer, transmettre leurs sociétés, et pour créer de l'emploi. Nous relayons vos préoccupations et propositions, afin qu'elles soient mieux prises en compte à l'occasion de nos rapports d'information et de nos initiatives législatives. Depuis la troisième Journée des entreprises, en mars 2018, nous avons pu notamment faire avancer plusieurs sujets.

En premier lieu, je citerai le sujet de la transmission des entreprises. Nos collègues, Claude Nougein et Michel Vaspart, ont déposé une proposition de loi, adoptée par le Sénat en juin 2018 et dont certaines dispositions ont été reprises dans le projet de loi de finances pour 2019.

Un autre sujet nous a mobilisés et nous continuerons à le suivre en 2019 : la surtransposition des normes européennes en droit français. Nous en parlerons en fin de matinée.

Notre Délégation a par ailleurs poursuivi son travail commun avec la Délégation du Sénat dédiée aux collectivités territoriales et à la décentralisation, autour de l'enjeu de la revitalisation des centres-villes et centres bourgs. C'est un défi majeur !

Le groupe de travail issu de nos deux délégations a déposé une proposition de loi sur ce sujet, portée par nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin, et adoptée par le Sénat en juin 2018. De nombreuses dispositions de ce texte ont pu être intégrées dans le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dit ELAN, pour lequel Mme Dominique Estrosi-Sassone, membre de la Délégation aux entreprises, était rapporteur. L'examen de ce texte par le Parlement s'est achevé en octobre 2018.

Les membres de la Délégation se sont aussi beaucoup investis dans l'examen du projet de loi dit Pacte (« plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises »), dont j'ai été l'un des rapporteurs. Ce texte revient en nouvelle lecture au Sénat le 10 avril prochain. L'Assemblée nationale n'a pas toujours suivi les propositions du Sénat en faveur des entreprises.

Vous voyez, au travers de ces exemples, que nous cherchons à donner une concrétisation utile aux échanges que nous développons avec les entreprises rencontrées tout au long de l'année. Nous travaillons à l'heure actuelle sur l'accompagnement de la transformation numérique des PME. Autre sujet qui est apparu de façon récurrente au cours de nos derniers déplacements dans les départements : les difficultés de recrutement et l'évolution des métiers. Je proposerai à la Délégation d'approfondir ces questions. N'hésitez pas à nous faire part de vos difficultés et propositions sur ces sujets. Vos témoignages sont toujours précieux !

S'agissant de cette 4e Journée des entreprises, le Bureau de la Délégation a souhaité l'articuler de la manière suivante :

Le début de matinée sera consacré aux retours d'expérience des sénateurs ayant suivi un stage d'immersion en entreprise en 2018. J'espère que ces regards croisés seront francs et riches d'enseignements.

Nous ferons ensuite le point de nos travaux et perspectives sur la question de la surtransposition des directives européennes en droit français, un handicap pour la compétitivité de nos entreprises, avec mes collègues René Danesi et Olivier Cadic.

Lors du déjeuner, nous ferons honneur aux jeunes champions de l'équipe de France des métiers, médaillés aux Euroskills de Budapest en septembre 2018, à l'occasion des 45e Olympiades des métiers.

Enfin, parce que le développement des entreprises dépend largement de celui des êtres humains qui y travaillent, nous avons souhaité consacrer l'après-midi à la question du bien être, non seulement lié à la santé mais aussi à l'épanouissement au travail, en entreprise : pourquoi est-ce un enjeu ? Et quelles sont les améliorations possibles dans ce domaine ?

Il est temps à présent de commencer nos travaux, que je souhaite vivants et enrichissants pour chacune et chacun d'entre nous. Nous avons prévu des temps d'échanges afin que vous puissiez y contribuer au maximum.

Je cède donc la parole à Mme Tam Tran Huy, journaliste de la chaîne PublicSénat, qui est notre modératrice de la matinée.

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