N° 122

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 novembre 2019

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la Délégation sénatoriale aux outre-mer (1) sur les risques naturels majeurs dans les outre-mer (volet relatif à la reconstruction et à la résilience des territoires et des populations ) - Rapport,

Par M. Guillaume ARNELL,
rapporteur coordonnateur,

MM. Abdallah HASSANI et Jean-François RAPIN,
rapporteurs,

Tome I : Rapport

(1) Cette délégation est composée de : M. Michel Magras, président ; MM. Maurice Antiste, Stéphane Artano, Mme Esther Benbassa, MM. Pierre Frogier, Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Jean-François Longeot, Mme Vivette Lopez et M. Victorin Lurel, vice-présidents ; MM. Jacques Genest, Mmes Victoire Jasmin, Viviane Malet et M. Gérard Poadja, secrétaires ; M. Guillaume Arnell, Mme Viviane Artigalas, MM. Jean Bizet, Patrick Chaize, Mme Catherine Conconne, MM. Mathieu Darnaud, Michel Dennemont, Mmes Nassimah Dindar, Catherine Dumas, M. Daniel Gremillet, Mme Jocelyne Guidez, M. Abdallah Hassani, Mme Gisèle Jourda, MM. Patrick Kanner, Antoine Karam, Nuihau Laurey, Henri Leroy, Thani Mohamed Soilihi, Georges Patient, Mme Catherine Procaccia, MM. Michel Raison, Jean-François Rapin, Claude Raynal, Gilbert Roger, Jean Sol, Mme Lana Tetuanui, MM. Dominique Théophile et Michel Vaspart.

SYNTHÈSE DES CONSTATS ET RECOMMANDATIONS

À la suite de l'ouragan Irma qui a dévasté' en septembre 2017 les îles du Nord de la Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, la Délégation sénatoriale aux outre-mer avait décidé d'engager une étude relative aux risques naturels auxquels sont exposés les outre-mer, coordonnée par Guillaume Arnell (RDSE) sénateur de Saint-Martin.

En 2018, un premier rapport sur la prévention et la gestion de crise

Un premier rapport conduit par Mathieu Darnaud (Les Républicains), sénateur de l'Ardèche, et Victoire Jasmin (Socialiste et républicain), sénatrice de la Guadeloupe, a été publié en 2018 (n° 688, 2017-2018).

Celui-ci, consacré à la prévention des risques naturels et à la gestion des crises en cas d'aléa, avait abouti à la formulation de 60 recommandations qui s'articulaient autour des quatre axes suivants :

- mettre à niveau les dispositifs territoriaux pour parer aux situations extrêmes ;

- renforcer la capacité' d'anticipation et de prévention avec notamment une meilleure acculturation des populations ;

- rendre plus robustes les conditions de la gestion de crise ;

- miser sur la dimension collective et inclusive d'une démarche qui doit favoriser l'efficience du rôle joue' par chaque acteur de proximité'.

Un second volet consacré à la reconstruction et à la résilience des territoires

L'année 2019 a été consacrée aux thématiques de reconstruction après une catastrophe naturelle, à l'appui particulièrement du cas des Îles du Nord, et de résilience des territoires, à l'aune notamment des changements climatiques.

Pour mener leurs travaux, les rapporteurs, MM. Abdallah Hassani (La République en Marche), sénateur de Mayotte, et Jean-François Rapin (Les Républicains), sénateur du Pas-de-Calais, ont entendu 145 personnes au cours de 72 heures de réunions et entretiens.

La délégation a ainsi réalisé une vingtaine d'auditions au Sénat , de représentants de l'État et des ministères concernés, d'opérateurs publics de la connaissance des risques et de l'aménagement du territoire, de responsables du secteur de l'assurance, d'acteurs de la résilience, comme les responsables du projet RESCCUE ainsi que du président de la Polynésie française et organisé une table ronde relative aux sargasses.

Des consultations écrites des ministères mais aussi des territoires et des opérateurs de réseaux ont permis un éclairage sur la situation dans l'ensemble des outre-mer.

Les rapporteurs ont complété leur instruction par un déplacement à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy en avril 2019, afin de faire un point sur la reconstruction des deux îles touchées par l'ouragan Irma.

Au terme de ce travail, les rapporteurs ont formulé une série de 40 préconisations, réunies autour de quatre axes :

- assurer un pilotage et le suivi institutionnel de la reconstruction ;

- apporter un appui à une reconstruction efficace et durable ;

- mieux anticiper l'évolution des risques naturels outre-mer ;

- conduire des politiques de prévention des risques sur le long terme.

I. Conduire une reconstruction durable des territoires sinistrés

Permettre un redémarrage rapide du territoire

Dans l'immédiat après-crise , la priorité est d'assurer l a sécurité des populations et l'accès aux soins d'urgence. Le relogement des populations et le rétablissement, même sommaire, des principaux réseaux - électricité, eau, communication - a également été un point de vigilance.

Doit également s'engager rapidement un retour à la normale avec une reprise et un maintien de l'activité économique , soutenus dans le cas des Îles du Nord par des mesures provisoires de soutien à destination des ménages et des entreprises, particulièrement du secteur touristique.

L'assurance , par les indemnisations et avances sur celles-ci, est un levier important de redémarrage pour les particuliers comme les professionnels pour enclencher la reconstruction. Cependant, outre-mer, la couverture assurantielle demeure loin des standards hexagonaux : moins de 50 % en moyenne contre 96 %. L'intégration au régime « catnat », pour les territoires où le droit commun s'applique, a été vue comme un réel atout.

Le financement des actions de sortie de crise pour les collectivités comme l'exercice de la solidarité nationale face à la non-assurance demeure cependant complexe. Le fonds de solidarité de droit commun comme le fonds de secours outre-mer doivent être mieux articulés et redéfinis (recommandation n° 1).

Garantir un pilotage efficient et un suivi lisible des efforts de reconstruction

En cas de catastrophe majeure, la reconstruction nécessite un pilotage institutionnel clair et efficace . Le niveau interministériel semble indispensable, comme cela a été le cas après le passage des ouragans Hugo (1989) et Irma (2017) dans les Antilles.

Le choix fait dans le cas des Îles du Nord est cependant inédit, avec un délégué interministériel nommé sans être, alors, le représentant de l'État dans le territoire et un protocole conclu entre l'État et la collectivité de Saint-Martin, dont les contours et la mise en oeuvre appellent à être nuancés.

Il convient dans de telles situations de privilégier une gestion unifiée au sein d'une structure identifiée , voire un établissement public ad hoc , aux financements gouvernementaux facilement mobilisables et aisément contrôlables (recommandations n° 2 et 3). Des appuis doivent également être facilités pour la conduite de la reconstruction, en matière d'ingénierie notamment, par le biais de l'Agence française de développement ou d'autres collectivités volontaires (recommandations n° 8 et 9).

Aussi, dans le cas d'Irma, alors que le suivi de l'intervention des pouvoirs publics apparaît lacunaire, un suivi budgétaire des dépenses engagées par l'État devra être poursuivi et approfondi sur les exercices à venir (recommandation n° 4).

Faciliter la reconstruction du territoire touché

Face à une catastrophe d'ampleur, tout doit être fait pour fluidifier le processus de reconstruction . Des priorités ont été identifiées, comme les établissements scolaires, les logements - notamment les immeubles relevant du logement social - ainsi que les réseaux.

En matière d' urbanisme , les dérogations apportées dans certains cas peuvent permettre d'engager plus rapidement la reconstruction. Cela a été le cas avec les « déclarations préalables Irma » à Saint-Martin par exemple.

Ce type de pratiques dérogatoires doit pouvoir s'étendre à d'autres domaines, comme l'exportation des déchets , dont le traitement en milieu insulaire est parfois extrêmement contraint (recommandation n° 5). Du point de vue des travaux engagés par l'État ou les collectivités, le cadre des dérogations possibles au code de la commande publique doit être précisé afin d'apporter une sécurité juridique aux décideurs et une conformité aux principes des règles des marchés publics (recommandation n° 10).

La reconstruction doit également être facilitée d'un point de vue économique . D'une part, il convient de faire bénéficier de la dynamique de reconstruction les entreprises et la main d'oeuvre locales . D'autre part, la tension sur le marché des matériaux doit être évitée et la hausse des prix surveillée et amoindrie par des exonérations ciblées (recommandations n° 6, 7 et 11).

Assurer une reconstruction de qualité

Pour être durable, la reconstruction doit être de qualité . Un bilan doit être réalisé à l'issue d'une catastrophe naturelle afin de constater les forces et faiblesses du bâti et des pratiques de construction existants : la reconstruction à l'identique n'est ainsi pas nécessairement la solution à privilégier. Aussi, il convient de veiller à la bonne mise en oeuvre des recommandations et consignes en matière de construction, notamment via la rédaction et la diffusion de « guides de bonnes pratiques » tenant compte des expériences vécues (recommandations n° 12 et 14). La reconstruction doit enfin être contrôlée. Particulièrement, les indemnisations versées doivent effectivement permettre une reconstruction dans les règles qui améliore réellement la résistance du bâti (recommandation n° 13).

Veiller à la reconstruction sanitaire et sociale des populations

L'aspect humain de la reconstruction post-catastrophe est trop souvent oublié. L'accompagnement sanitaire et social doit être une priorité des autorités. Celui-ci doit se faire dans la durée. Le suivi psychologique et psychiatrique doit ainsi être maintenu face aux fragilités constatées dans les Îles du Nord. Un suivi des pathologies chroniques doit également être réalisé dans les années à venir pour assurer un bilan public des éventuelles conséquences traumatiques sur la population à la suite d'Irma (recommandation n° 15).

Alors qu'une catastrophe naturelle peut être un révélateur voire un amplificateur de difficultés sociales préexistantes, comme dans le cas de Saint-Martin, la place d'acteurs humanitaires est parfois déterminante . Si leur action est à saluer, la transparence doit être assurée afin de garantir la sincérité de l'emploi des dons du public (recommandation n° 16).

Deux ans après Irma, une reconstruction loin d'être achevée.

Le bilan de la reconstruction montre des niveaux d'avancement très différents entre les deux îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Le programme européen Copernicus évaluait ainsi en août 2019, soit deux ans après l'ouragan Irma, une reconstruction respectivement à 49 % et 87 % . Le redressement de l'activité touristique a été une priorité des deux îles à la réalisation également inégale.

Saint-Martin, au-delà d'une qualité du bâti préexistant a priori moins bonne que Saint-Barthélemy, a pâti notamment d'un déficit de coordination des travaux et de relations parfois dégradées avec les services de l'État .

Le délégué interministériel créé en septembre 2017 a été supprimé en avril 2019, le comité interministériel à la reconstruction demeurant, lui, actif.

II. Dynamiser la résilience des outre-mer face aux risques naturels

Mieux évaluer l'évolution des risques liés aux changements climatiques

Les études sur les changements climatiques, particulièrement les analyses du GIEC, prévoient notamment des évolutions du niveau et de la température des océans mais aussi des événements climatiques. Compte tenu de la vulnérabilité des territoires d'outre-mer , ces évolutions auront des conséquences directes sur l'impact final des catastrophes naturelles dans ces régions. À ce titre, il apparaît nécessaire de maintenir des investissements conséquents en matière de dispositifs de surveillance et d'observation des phénomènes climatiques (recommandation n° 17).

Ces évolutions ne devraient pas avoir des conséquences identiques dans l'ensemble des territoires mais devraient sensiblement affecter la sinistralité de certains à horizon 2050 . En matière cyclonique , les premières analyses de la Caisse centrale de réassurance (CCR) et de Météo France anticipent, sur certains territoires d'outre-mer comme la Guadeloupe, une augmentation non nécessairement du nombre de systèmes mais de l'intensité de ceux-ci.

Depuis 1990, la CCR indique qu'en termes de catastrophes naturelles, la sinistralité outre-mer représente 13,3 % (3,6 % sans compter Irma) du volume national, contre 1,6 % des cotisations. L'intégration des outre-mer dans le régime catnat doit être préservée . Dans le Pacifique , où la CCR n'est pas compétente, une réflexion doit s'engager sur l'opportunité d'une réponse publique en matière de réassurance (recommandations n° 18 et 19).

L'élévation du niveau des océans impose en outre d'assurer une vigilance renforcée sur la question de l'évolution du trait de côte. Celui-ci doit faire l'objet d'une surveillance constante. La question d'une prise en compte nationale de ce risque et des financements des aménagements rendus nécessaires doit pleinement intégrer les territoires d'outre-mer (recommandation n° 20).

Améliorer la connaissance et la gestion de « nouveaux » risques

Les risques naturels à l'évolution soudaine doivent continuer de faire l'objet de recherches scientifiques et d'un appui gouvernemental dans leur gestion par les collectivités. Deux exemples sont particulièrement d'actualité et montrent le caractère évolutif des risques et la nécessaire adaptation des politiques de prévention comme de réponses.

Les Antilles connaissent, d'une part, des intensités exceptionnelles d' échouages d'algues sargasses sur leurs côtes depuis 2011. La gestion de la collecte de ces algues par des collectivités financièrement exsangues demeure difficile et doit être accompagnée . La recherche doit également être soutenue alors que ces algues présentent des risques sanitaires et que les méthodes de valorisation sont encore balbutiantes (recommandations n° 21 et 22).

Dans l'océan Indien, d'autre part, l'émergence d'un volcan au large de Mayotte a fait l'objet de différentes missions de recherche. Expliquant la crise sismique connue depuis mai 2018 dans le territoire, ce phénomène a montré la nécessité d'investissements scientifiques mais aussi d'une information large et régulière des élus et de la population (recommandation n° 23).

Agir pour un aménagement des territoires durable et résistant

La résilience des territoires d'outre-mer passe par un aménagement prenant en compte la prévention des risques naturels comme une priorité absolue.

Le cadre juridique relatif aux plans de prévention des risques naturels doit pouvoir être assoupli. Ceux-ci doivent permettre de mieux prendre en compte les contraintes géographiques des outre-mer et conjuguer la prévention des risques et le développement économique des territoires , les PPRN doivent également être mieux concertés et expliqués , comme le montre l'exemple récent de Saint-Martin et les réflexions engagées en Polynésie française notamment (recommandation n° 27). Cependant, si le PPRN est annexé aux documents d'urbanisme, il demeure un premier document de prévention dont le but est la préservation des vies humaines : les rédactions et mises à jour des PPRN doivent être poursuivies dans l'ensemble des territoires (recommandation n° 26).

La question de l' habitat insalubre ou des constructions sans droit ni titre ne doit pas être oubliée des politiques de prévention, particulièrement dans les zones littorales. Le relogement ou la régularisation, selon les cas, doivent être assurés de manière prioritaire. L'opportunité du report de la disparition des agences des 50 pas doit également, dans ce cadre être questionnée (recommandations n° 24 et 25).

Le passage d'Irma sur les Îles du Nord a montré la nécessité d'améliorer la robustesse des réseaux . L'aménagement durable des territoires nécessite également une meilleure résistance des réseaux structurants . Les territoires doivent, avec les opérateurs, pouvoir établir des schémas de résilience à horizon 2030 des principaux réseaux et de leurs capacités à demeurer actifs même de manière limitée en cas de crise (recommandation n° 28).

L'amélioration de la construction est enfin une clé pour assurer une meilleure résistance du bâti face aux aléas . Celle-ci passe par la définition de nouvelles normes de construction prenant mieux en compte les expériences locales et l'évolution constatée et anticipée des risques dans les territoires et non au niveau national, mais aussi par la consolidation de recommandations architecturales ou de méthodes de construction , diffusées et effectivement mises en oeuvre (recommandations n° 29 et 30).

Les solutions naturelles de protection des territoires face aux risques doivent être valorisées . Alors que les systèmes de protection côtière ont une efficacité démontrée de réduction des impacts des vagues notamment en cas de cyclone ou de forte houle, ceux-ci doivent être préservés. L'exemple du projet RESCCUE dans le Pacifique doit permettre de développer de telles actions dans d'autres territoires (recommandation n° 34).

Amplifier les politiques de préparation et de prévention des risques outre-mer

Les politiques publiques de prévention doivent aujourd'hui pouvoir s'appuyer sur des efforts financiers conséquents, à la hauteur des enjeux actuels et à venir.

Différents leviers budgétaires et financiers doivent ainsi mobilisés. Le fonds Barnier doit accroître encore son accessibilité aux collectivités ultramarines et son plafonnement doit être revu. Le fonds exceptionnel d'investissement doit en outre s'orienter davantage sur la réduction de la vulnérabilité des territoires face aux risques. Enfin, si un dispositif dit « équivalent fonds vert » existe depuis 2017 sous une forme de prêts bonifiés et de subventions de maîtrise d'ouvrage, il apparaît nécessaire de mettre en place un réel fonds vert doté de crédits budgétaires (recommandations n° 31 à 33).

La résilience repose en outre sur une meilleure résistance des populations face aux risques lorsqu'ils surviennent. À ce titre, l'amélioration de la résistance des territoires nécessite une meilleure couverture assurantielle qui doit être encouragée par des campagnes d'information, mais aussi par une surveillance des tarifs et produits proposés par les assureurs outre-mer. Alors qu'il est nécessaire d'accroître la pénétration assurantielle outre-mer, la présence d'acteurs suffisamment nombreux doit être préservée. Aussi, la mutualisation de la réassurance des risques au niveau national est une nécessité pour assurer la pérennité du système assurantiel outre-mer (recommandations n° 35 à 37).

La préparation des populations passe enfin, comme évoqué dans le précédent rapport, par une plus forte acculturation aux risques dans les territoires d'outre-mer . Il convient d'encourager les actions d' éducation aux risques et la formation des élus et des populations , par le biais d'exercices réguliers notamment (recommandation n° 38). Cette préparation doit s'appuyer sur une consolidation des organisations humanitaires et de leurs plateformes d'intervention outre-mer , véritables chevilles ouvrières de la prévention comme de l'action après les catastrophes (recommandation n° 39).

Les politiques de prévention des risques outre-mer nécessitent un engagement interministériel dans la durée. Aussi, il conviendra de pérenniser la délégation interministérielle aux risques majeurs outre-mer et d'en assurer ses moyens afin de garantir l'impulsion d'une politique globale de prévention des risques outre-mer , l'efficacité de l'action et l'effectivité de la réalisation des engagements de l'État dans le temps (recommandation n° 40).

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