AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Créée en 1892, l'inspection du travail a vu son organisation bouleversée par plusieurs réformes d'ampleur depuis 2006. Son champ d'intervention, ses moyens de sanction, ses structures et son recrutement ont été profondément révisés au risque de générer une impression d'accumulation difficilement assimilable par les agents.
À ces réformes structurelles vient s'ajouter une révision régulière du code du travail depuis 2015 dans un contexte marqué par l'émergence de nouvelles formes d'activité : travail détaché, développement du statut d'autoentrepreneur, apparition des travailleurs de plateforme, etc.
L'initiative du présent contrôle budgétaire est à relier à la fin, en 2019, du plan de transformation des emplois, lancé en 2013 dans le cadre de la réforme « Ministère fort », qui vise à permettre à une majorité de contrôleurs du travail de devenir inspecteurs du travail.
Aux termes de leurs travaux, vos rapporteurs spéciaux ont pu constater que cette réforme comme celles lancées depuis 2006 restent difficiles à mettre en oeuvre. Les intentions louables de leurs promoteurs peinent à s'affranchir des réalités du terrain : vacances de postes, formation insuffisante des services de renseignements, faiblesse de la coopération avec le parquet, malaise social, crise des vocations chez les inspecteurs du travail et manque de fiabilité des outils statistiques.
Dans ce contexte, vos rapporteurs spéciaux formulent seize recommandations s'articulant autour de trois axes principaux :
- adapter l'organisation du service de l'inspection du travail afin, notamment, de tenir compte des disparités régionales ;
- développer une véritable gestion prévisionnelle des ressources humaines ;
- rendre efficientes les réformes menées depuis 2006 en mettant en oeuvre une véritable méthode de travail et en développant des outils statistiques adaptés.
I. LE SERVICE DE L'INSPECTION DU TRAVAIL : UNE COMPÉTENCE GÉNÉRALE ET UN CHAMP D'INTERVENTION RELATIVEMENT LARGE
A. UNE COMPÉTENCE GÉNÉRALE
Créée en 1892, l'inspection du travail dispose d'un pouvoir d'investigation a priori , lui permettant de vérifier la légalité de toute situation ou relation de travail, qu'il s'agisse de la régularité de l'emploi, de la licéité du contrat de travail, des conditions dans lesquelles il est accompli, de son organisation et de sa durée ou encore de la mise en oeuvre du dialogue social.
L'inspection du travail ne s'appuie pas uniquement sur le code du travail mais aussi sur le code de la santé publique, le code pénal, le code de la sécurité sociale, le code rural et, bien évidemment, sur les conventions collectives et les textes non codifiés.
Certaines décisions des entreprises sont, en outre, soumises à un régime d'autorisation préalable de l'inspection du travail :
- licenciement de salariés protégés en raison de leurs activités syndicales ou de leur statut de représentant du personnel ;
- dérogation aux travaux interdits aux mineurs dans le cadre de l'enseignement professionnel et de l'apprentissage ;
- rupture conventionnelle des contrats de travail à durée indéterminée.
Sa compétence est donc générale. Elle est cependant partagée dès lors qu'il s'agit de lutte contre le travail illégal et d'infractions pénales au sens large, pour laquelle les services de police et de gendarmerie sont également associés.
Ce mode de fonctionnement diffère de celui retenu dans d'autres Etats européens. En Belgique et au Royaume-Uni, les questions de salaire sont ainsi distinguées de celles de la santé et de la sécurité au travail ou du travail temporaire. Au sein de l'Union européenne, seule l'Espagne semble s'être dotée d'un mode de fonctionnement identique.