II. L'EMPILEMENT DES CONTRÔLES ET DES RESPONSABILITÉS RÉSULTE DE L'ARCHITECTURE DE GESTION COMPLEXE DES FONDS EUROPÉENS

A. LA « CHAÎNE DES PAIEMENTS » EST FRAGMENTÉE ENTRE PLUSIEURS ACTEURS...

Les fonds européens structurels et d'investissement (FESI) sont des fonds en gestion partagée qui, pour la période 2014-2020, sont composés du fonds européen de développement régional (FEDER), du fonds social européen (FSE), du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Le règlement portant dispositions communes à ces fonds 45 ( * ) prévoit une répartition des tâches entre les autorités suivantes :

- l'autorité de gestion 46 ( * ) est chargée de la gestion opérationnelle du programme ;

- l'autorité de certification 47 ( * ) certifie les demandes de paiements et les comptes des autorités de gestion. À ce titre, elle tient une comptabilité des dépenses déclarées à la Commission ainsi que des montants à recouvrer et des montants retirés à la suite de l'annulation de tout ou partie de la contribution à une opération ;

- l'autorité d'audit 48 ( * ) est chargée du bon fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle des programmes opérationnels.

À ce volet règlementaire européen, s'ajoute un volet conventionnel associant l'Union européenne et la France via un accord de partenariat . Ce dernier a été élaboré par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) en 2014, en accord avec les ministères compétents et l'Association des régions de France, et il définit la stratégie commune des FESI en France.

En 2014, la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles 49 ( * ) , dite « MAPTAM » a transféré de l'État aux régions le statut d'autorité de gestion. Cette décentralisation de la gestion des fonds européens reste toutefois partielle 50 ( * ) , puisque l'État demeure l'autorité de gestion du FEAMP et pour les mesures relevant du soutien à l'emploi et à l'inclusion du FSE (65 % de l'enveloppe). Pour le FEADER, l'État continue d'assurer la majorité des cofinancements et assure l'instruction de la majorité des dossiers ( cf. infra ).

Architecture de gestion des FESI
en France

FEDER

FSE

FEADER

FEAMP

Autorité de gestion

Régions et État (pour Europ'Act uniquement)

Régions (35 %) et État (65 %, la DGEFP et les DIRECCTE)

Régions (90 % environ), État (10 % environ, DGPE)

État (DPMA)

Autorité de certification

Direction régionale des finances publiques

Direction régionale des finances publiques

Commission de certification des comptes des organismes payeurs (CCCOP)

Direction régionale des finances publiques

Autorité d'audit

Commission interministérielle de coordination et de contrôle (CICC)

Commission interministérielle de coordination et de contrôle (CICC)

-

Commission interministérielle de coordination et de contrôle (CICC)

Paiement

Direction régionale des finances publiques

Direction régionale des finances publiques

Agence de services et de paiement (ASP)

Agence de services et de paiement (ASP)

Source : Commission des finances du Sénat, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Votre rapporteur spécial souhaite souligner la complexité de l'architecture de gestion des aides relevant de la politique agricole commune (PAC), que ce soit pour le premier pilier (FEAGA 51 ( * ) ) ou pour le second pilier (FEADER) . La gestion de la majeure partie de ces aides relève du système intégré de gestion et de contrôle (SIGC), qui constitue un corpus autonome d'exigences destiné à assurer la conformité et la régularité des dépenses agricoles 52 ( * ) .

Le système intégré de gestion et de contrôle

« Les interventions du premier pilier et les aides liées à la surface du second pilier de la PAC sont soumises à un système intégré de gestion et de contrôle (SIGC) qui consiste en un ensemble de « process » de gestion visant à garantir la conformité des paiements aux règlements européens et leur contrôlabilité, et prévoit expressément une série de contrôles. Le SIGC est mis en place dans les États membres par les organismes payeurs agréés. Les interventions devant être placées sous le régime du SIGC sont les aides du premier pilier de la PAC ainsi que les interventions du second pilier dépendant d'une variable surfacique (...).

Le SIGC représente une base uniforme pour les contrôles et couvre notamment les contrôles administratifs et les contrôles sur place des demandes d'aide et du système informatique auquel l'administration nationale a recours pour effectuer son travail.

En tant que système de gestion, le SIGC doit comprendre un certain nombre de bases de données informatisées et interconnectées utilisées pour recevoir et traiter des demandes d'aide (...).

En tant que système de contrôle, le SIGC doit satisfaire à des critères de contrôle bien déterminés.

L'évaluation du respect des critères s'appliquant à l'aide s'effectue par le biais de contrôles administratifs ainsi que de contrôles effectués sur place.

Les contrôles administratifs, systématiques, ont pour objet de vérifier si les conditions de l'aide sont réunies. Ils consistent en une série de recoupements des informations contenues dans les demandes des agriculteurs. Les contrôles par recoupement sont effectués automatiquement dans le système.

Pour les contrôles sur place, qui complètent les contrôles administratifs, les autorités des États membres doivent contrôler un certain nombre d'exploitations agricoles sélectionnées, soit au hasard (contrôles aléatoires), soit en recourant aux techniques d'analyse des risques.

Les contrôles sur place doivent, dans le cas général, respecter un taux minimum de 5 % des bénéficiaires d'un type d'aide relevant du premier pilier et de 3 % pour celles du second pilier, obligations qui induisent un effort de contrôle très considérable, en particulier dans les pays où la gamme des aides et l'étendue de la population concernée sont élevées.

Toutefois, sous certaines conditions, le taux de contrôle peut être abaissé : à 3 % si une intersection spatiale des demandes d'aides avec le système d'identification parcellaire est en place ; à 1 %, lorsque sont mis en oeuvre des contrôles reposant sur l'orthophotographie.

Si les contrôles décèlent certaines irrégularités, des sanctions doivent être mises en oeuvre, soit par des réductions de l'aide imposées au bénéficiaire la réduction doit être effective et proportionnée et peut aussi impliquer des réductions pluriannuelles, soit via des sanctions administratives (quand les déclarations du bénéficiaire ne sont pas conformes ou sont manipulées).

Lorsqu'on détermine qu'un paiement a été effectué indûment, l'État membre doit procéder à un recouvrement.

Les États membres font rapport annuellement à la Commission et fournissent des statistiques détaillées sur les demandes, les contrôles et les réductions.

En ce qui concerne les aides non surfaciques du deuxième pilier, elles doivent faire l'objet de contrôles administratifs de l'éligibilité, celle-ci comprenant une vérification de la conformité à la législation européenne et à la législation nationale, mais aussi au programme de développement rural applicable. Les contrôles administratifs intéressent également la correction des opérations réalisées ex post ».

Source : rapport d'information n° 31 (2018-2019) fait au nom de la commission des finances sur l'enquête de la Cour des comptes sur la chaîne de paiement des aides agricoles versées par l'Agence de services et de paiement, par MM. Alain Houpert et Yannick Botrel

La gestion des aides du second pilier, relevant du FEADER, a été transférée aux régions . Toutefois, un cadre national a été conservé afin que l'État garde un rôle prépondérant dans la gestion du fonds puisqu'il continue d'apporter la majorité des cofinancements. La gestion du fonds repose ainsi sur des relations tripartites entre l'État, les régions et l'organisme payeur - l'Agence de service et de paiements (ASP), la région exerçant le rôle d'autorité de gestion, mais les services déconcentrés de l'État continuent d'assurer l'essentiel de l'instruction des dossiers. Ces derniers agissent 53 ( * ) :

- sous l'autorité fonctionnelle de l'organisme payeur (ASP) pour les aides relevant du SICG ;

- sous l'autorité fonctionnelle de la région lorsque la demande concerne l'aide au démarrage des jeunes agriculteurs, un dispositif cofinancé par l'État, ou des mesures qui étaient instruites par les services de l'État entre 2007 et 2013.

Concernant la complexité de ce fonds, la Commission de certification des comptes des organismes payeurs des dépenses financées par les fonds européens agricoles (CCCOP) a indiqué à votre rapporteur spécial qu'elle résulte de l'imbrication de considérations règlementaires, techniques et de choix politiques . Par ailleurs « le FEADER est un ensemble de mesures de nature très différentes : les mesures SIGC ont une forte adhérence avec les mesures du premier pilier qui reposent sur une information spécifique et complexe (...) ; les mesures hors SIGC n'ont pas ce caractère mais diffèrent fortement des autres mesures FESI par le nombre d'opérations unitaires qu'elles génèrent » 54 ( * ) .


* 45 Règlement (UE) n° 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant dispositions communes relatives au FEDER, FSE, Fonds de cohésion FEADER, FEAMP, et abrogeant le règlement (CE) n° 1083/2006 du conseil. Il est complété par des règlements propres à chacun de ces fonds.

* 46 Article 125 du règlement précité.

* 47 Article 126 du règlement précité.

* 48 Article 127 du règlement précité.

* 49 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 50 Cf. enquête de la Cour des comptes réalisée à la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, avril 2019, « Bilan du transfert aux régions de la gestion des fonds européens structurels et d'investissement ».

* 51 Qui n'est pas considéré comme un fonds européen structurel et d'investissement (FESI).

* 52 Cf. rapport d'information n° 31 (2018-2019) fait au nom de la commission des finances sur l'enquête de la Cour des comptes sur la chaîne de paiement des aides agricoles versées par l'Agence de services et de paiement, par MM. Alain HOUPERT et Yannick BOTREL.

* 53 Article 2 du décret du16 avril 2015 relatif à la mise en oeuvre des programmes de développement rural pour 2014-2020.

* 54 Réponse écrite au questionnaire de votre rapporteur spécial.

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