LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Fédération des particuliers employeurs (FEPEM)
Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire (UDES)
Union syndicale Solidaires
CONTRIBUTION DU GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN CITOYEN ET ÉCOLOGISTE
La justice prud'homale a connu de nombreux bouleversements ces dernières années avec la suppression des élections des conseillers prud'homaux, l'instauration du barème des licenciements et la complexification de la procédure de saisine qui ont entrainé une chute du nombre de recours et enfin, en 2018, la fusion des greffes des conseils des prud'hommes avec ceux des tribunaux judiciaires. C'est dans ce contexte qu'un groupe de travail commun à la commission des lois et à la commission des affaires sociales du Sénat ont planché sur la justice prud'homale.
Vers une professionnalisation toujours plus grande
de la justice prud'homale
Les recommandations du groupe de travail sénatorial sur la justice prud'homale s'inscrivent dans la continuité des projets antérieurs, visant le passage d'une justice rendue par des juges non professionnels à une justice rendue par des magistrat.e.s professionnel.le.s.
Ce débat concernant l'échevinage dans les conseils de prud'hommes, est récurrent depuis 30 ans, avec à chaque fois la mise en cause des compétences des conseillers et du système paritaire qui génèreraient un fort taux de départage, un faible taux de conciliation, un taux important d'appel des décisions, avec son corollaire, la taille des juridictions qui traiteraient un faible nombre d'affaires, d'où l'incompétence des conseillers qui y siègent.
La professionnalisation de la justice prud'homale, préconisée par le groupe de travail Sénatorial, qui propose d'expérimenter le renvoi obligatoire devant une formation de jugement comprenant un magistrat professionnel des affaires avec un mixte magistrat.e.s professionnel.le.s et conseillers prud'hommes, porte atteinte au paritarisme de la justice prud'homale rendue par les pairs.
Renforcement du formalisme de la procédure au
détriment
de l'oralité et l'accessibilité
La complexification de la procédure de saisine issue de la loi dite « Macron » de 2015, avec l'introduction d'un formulaire de sept pages, a participé au renforcement du formalisme et au remplacement progressif de l'oralité des débats vers une procédure écrite formelle, ce qui a dénaturé la juridiction prud'homale.
La réduction progressive des délais de prescription aux termes desquels le ou la salariée ne peut plus saisir le Conseil de prud'hommes, entraine de plus en plus de renoncements aux recours devant les prud'hommes.
En recommandant d'appliquer plus strictement les règles de la mise en état, c'est-à-dire de l'organisation de l'échange des pièces et des conclusions qui permettent que l'affaire puisse être jugée, le rapport va renforcer le formalisme au détriment de l'accessibilité de la justice prud'homale.
Renforcement des procédures alternatives de règlement des litiges
Les ruptures conventionnelles, créées en 2008, ont détourné les travailleuses et les travailleurs des prud'hommes et notamment réduit le recours à la procédure de conciliation.
La fonction de jugement est jugée « défaillante » par le groupe de travail en raison des délais très longs pour rendre les décisions sans prendre en considération la suppression de 62 conseils de prud'hommes depuis 2008, qui a engendré un éloignement géographique et une réduction des moyens.
Dans ce contexte, la procédure de médiation est présentée comme une solution alors que le Conseil Supérieur de la Prud'homie a déjà eu l'occasion d'exprimer son opposition à son introduction dans la procédure prud'homale, en estimant que cette procédure payante, où le paritarisme y est absent, et où les salarié.e.s licencié.e.s demandeurs en justice et l'employeur sont dans un rapport inégalitaire, est inacceptable.
Poursuite de la trajectoire de fusion des greffes des
prud'hommes
et des tribunaux judiciaires
La mutualisation des greffes des conseils de prud'hommes avec les futurs tribunaux judiciaires qui regrouperont les tribunaux de grande instance avec les tribunaux d'instance, prévue par la loi de programmation de la réforme de la justice, n'est pas remise en cause par le groupe de travail.
Les préconisations sont extrêmement timides en la matière, se limitant à exiger « d'assurer l'adéquation entre les missions de la justice prud'homale et les moyens budgétaires qui lui sont alloués », et de « pourvoir l'intégralité des postes de greffes des conseils des prud'hommes ».
Tout en citant les « difficultés du service public de la justice, à commencer par le manque de moyens humains et matériels », aucune proposition n'est faite pour recruter des personnels et augmenter les budgets des Conseils de prud'hommes.
Une justice prud'homale du XXIeme siècle
Plongeant ses racines dans les lois révolutionnaires des 16 et 24 août 1790, les conseils de prud'hommes sont une juridiction paritaire et élective. Cette double caractéristique de parité et de démocratie, pour les salarié.e.s et les employeurs, assure les fondements de cette juridiction.
L'objectif premier de la juridiction prud'homale n'est pas de réparer un préjudice, comme c'est le cas pour la justice civile, mais de tendre à rétablir un équilibre au sein des rapports entre les salarié.e.s et les employeurs.
Si le conseil de prud'hommes est l'une des plus anciennes juridictions, elle est également l'une des plus modernes puisqu'elle a introduit la représentation de juges élus par leurs pairs et a accordé le droit de vote et d'électivité aux femmes dès 1907.
Jusqu'en 2014 et le remplacement du système électif par le système de désignation, le système électif des conseils de prud'hommes était la seule élection nationale au suffrage universel direct sans distinction de sexe ni même de nationalité.
Les ordonnances travail du 22 septembre 2017 ont considérablement affaibli la justice prud'homale en introduisant la barémisation des indemnités en cas de licenciement abusif. La mise en place du barème a retiré la possibilité pour le juge d'apprécier la situation spécifique de chaque cas. Mais surtout a offert la possibilité pour les entreprises de budgéter à l'avance les montants des licenciements abusifs.
Selon nous, l'amélioration de la justice prud'homale passe, en premier lieu, par l'amélioration des moyens humains et matériels de ces juridictions afin de garantir une justice de proximité sur l'ensemble du territoire. La carte judiciaire doit être repensée dans son ensemble en impliquant l'ensemble des acteurs professionnels et syndicaux en partant de l'objectif de l'accès à une justice de proximité.
En deuxième lieu, il est nécessaire de supprimer toutes formes de barèmes (y compris indicatifs), car ils annihilent le caractère dissuasif de la sanction (les employeurs peuvent provisionner le coût d'un licenciement) et ne permettent pas la juste réparation du préjudice subi par les salarié.e.s.
En troisième lieu, il est indispensable de revenir sur les dispositions qui ont complexifié la procédure prud'homale, en supprimant la requête introductive d'instance et l'obligation de représentation par avocat, et en garantissant le principe d'oralité, la gratuité, la simplicité et la proximité de cette justice à tous les niveaux (Conseil de prud'hommes, Cour d'appel et Cour de cassation).
En quatrième lieu, concernant l'assistance des salarié.e.s par les défenseurs syndicaux, ces derniers doivent bénéficier d'un véritable statut et par conséquent supprimer l'obligation de représentation par avocat devant les cours d'appel.
En cinquième lieu, le rétablissement de l'élection des conseillers prud'hommes au suffrage universel direct est une nécessité afin de garantir une réelle légitimité de cette institution (bien plus que le port d'une robe).
En sixième lieu, en matière d'efficacité, une réforme de l'indemnisation des conseillers doit prévoir la suppression de l'indemnisation en fonction de leurs temps d'activités.
Enfin, il faut mettre fin à la rupture conventionnelle des contrats de travail qui met les travailleur.se.s seul.e.s face à leur employeur pour négocier la fin de leur contrat, et donc dans une relation par nature déséquilibrée.
Conclusions
En conclusion, les recommandations du groupe de travail sénatorial, que les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE ne peuvent approuver, s'inscrivent dans la continuité des politiques de démantèlement de la justice prud'homale avec une justice faite par des magistrat.e.s professionnel.le.s, respectant un formalisme toujours plus strict, et favorisant la médiation au détriment de la conciliation et du contentieux. Alors que la Cour de Cassation doit examiner le 17 juillet la régularité du plafonnement des dommages-intérêts en cas de licenciement abusif, une première avancée consisterait à reconnaître son caractère inconventionnel avec la Charte sociale européenne et la convention n°158 de l'Organisation internationale du droit (OIT) qui prévoient qu'une juridiction nationale doit être en mesure d'ordonner le versement d'une « réparation appropriée » à un.e salarié.e licencié.e sans motif réel et sérieux.