CONTRIBUTION DU GROUPE CRCE

Cette mission d'information sur l'avenir de la filière sidérurgique Française s'inscrit dans la suite des travaux des missions d'information sur Alstom et la stratégie industrielle du pays, et de la situation de l'ensemble de l'industrie française et des entreprises.

Si nous partageons une grande partie des conclusions de la mission d'information et si nous saluons le travail de la rapporteure, nous pouvons que constater un phénomène trop récurrent qui consiste en la mise en place d'une mission d'information en réaction à l'actualité ou à l'émotion suscitée par des fermetures de sites.

Cette mission n'échappe pas à la règle, puisqu'elle a été créée pour répondre à la situation critique de l'aciérie d'Ascoval à l'automne 2018. Et nous continuons à « approfondir notre réflexion pour encourager la renaissance d'une politique industrielle » alors que des sites continuent de fermer, des emplois d`être supprimés et des savoir-faire d'être perdus.

La sidérurgie française subit, depuis plus de quarante ans, les effets de restructurations qui ne paraissent jamais achevées, et comme le souligne le rapport, la part de l'industrie en France reste l'une des plus faibles d'Europe et est encore inférieure à 11 % en volume de son niveau d'avant la crise de 2008.

Or, bon nombre de propositions faites aujourd'hui ont déjà été évoquées par le passé, que l'on songe en particulier aux conclusions de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale dont Alain Bocquet était rapporteur « sur la situation de la sidérurgie française et européenne dans la crise économique et financière, et sur les conditions de sa sauvegarde et de son développement » publiées en 2013, qui déjà pointaient la nécessité « de réformer le système européen d'attribution et d'échanges (ETS) de certificats représentatifs des quotas d'émission de CO2, de promouvoir l'économie circulaire et des canaux de recyclage plus clairement identifiables, d'orienter une partie de l'épargne sur des investissements visant à soutenir les filières stratégiques comme la sidérurgie et la métallurgie, de définir une doctrine spécifique d'investissement de la Banque publique d'investissement (BPI) en rapport aux besoins des filières et qui puisse se traduire par des prises de participations significatives au capital et rompre ainsi avec le mouvement de mainmise de groupes étrangers sur les entreprises sidérurgiques et métallurgiques, de réaffirmer la nécessité d'établir une tarification lisible et de long terme aux industries énergie intensives ou encore de réviser les modalités de la formation aux métiers de la métallurgie, de l'enseignement professionnel général aux écoles d'ingénieurs où on assiste à un effacement progressif des enseignements de base de ces activités qui y étaient traditionnellement dispensées ». Nous pensons aussi au rapport du Conseil économique, social et environnemental d'avril 2018, « Industrie : un moteur de croissance », de Mme Marie-Claire Cailletaud, qui plaide pour un renforcement de l'évaluation et du contrôle de l'usage des dispositifs d'aide publique à la recherche et l'innovation, par des critères d'attribution adaptés et incontestables, ou encore une réorientation de la stratégie de Bpifrance, avec l'objectif de mieux répondre aux besoins des différentes catégories d'entreprises industrielles et de renforcer ses moyens. Autant de propositions qui font écho à celles que l'on retrouve dans le présent rapport.

En effet, tout le monde s'accorde sur un point : la sidérurgie est un secteur clé pour l'économie d'un pays. En ce sens, nous partageons le constat du rapport : « la préservation de l'implantation en France de capacités de production d'acier doit être un volet incontournable de toute stratégie industrielle digne de ce nom » 383 ( * ) . Et pourtant, la crise perdure, et les fermetures de sites se poursuivent.

Et faire la promotion de la « nouvelle France industrielle », autour de la « révolution numérique » et de l'« industrie du futur » ne permettra pas, comme le souligne la CGT, de mettre fin aux nombreuses restructurations destructrices d'emplois, à la dégradation des conditions de travail, à la dévalorisation des qualifications, à la stagnation des salaires menées au titre de la sacro-sainte « compétitivité ».

Car, pour sauver et moderniser notre tissu industriel, c'est un changement de logiciel dont nous avons besoin. Comme cela a été souligné par de nombreux acteurs, « depuis la fin de la planification à la française, et en raison des règles européennes qui consacrent le principe d'une concurrence «libre et non faussée, l'État semble avoir abandonné toute volonté d'intervenir sur l'appareil productif français. Les privatisations et la financiarisation ont fortement nuit au dynamisme de l'industrie en France » 384 ( * ) . Cela est vrai au niveau national mais aussi au niveau européen. À cet égard, comme le souligne le rapport « les mesures de défenses commerciales mises en oeuvres par l'Union européenne ne sont pas suffisante pour protéger adéquatement les producteurs d'acier de pratiques commerciales unilatérales er déloyales » 385 ( * ) .

En terme de formation, il faut développer certes un campus des métiers et des qualifications (proposition n° 5) mais il faut surtout arrêter la casse du droit social, améliorer les conditions de travail, en réduisant les cadences, en diminuant la durée du travail, il faut arrêter de développer les emplois précaires et sous-payés ne correspondant pas aux besoins des jeunes qui sont de mieux en mieux formés 386 ( * ) .

Enfin, il nous faut renforcer le contrôle de l'État sur les choix stratégiques et capitalistiques de groupes dont les centres de décision sont étrangers au territoire national et même à celui de l'Union européenne, et dont les intérêts sont plus financiers qu'industriels.

Comme cela a été souligné par les syndicats, la logique financière qui prévaut désormais dans l'organisation des entreprises sidérurgiques ne les met pas à l'abri de nouvelles restructurations décidées pour améliorer encore les bénéfices. Ce détournement des résultats de l'entreprise et des gains de productivité vers la rémunération du capital se fait au détriment des investissements productifs, de la recherche et développement et du renouvellement des savoir-faire et de l'emploi qualifié. Ce rapport aurait dû approfondir ses préconisations pour mettre fin à cette logique mortifère.


* 383 Rapport, page 28.

* 384 David Cayla, Henri Sterdyniak , « Derrière Ascoval, l'abandon par l'État de l'industrie française » le Figaro 29/10/2018

* 385 Rapport, page 119.

* 386 David Cayla, Henri Sterdyniak op cit.

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