N° 542
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019
Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juin 2019 |
RAPPORT D'INFORMATION
sur le bilan annuel de l' application des lois au 31 mars 2019 ,
FAIT
Par Mme Valérie LÉTARD,
Présidente de la délégation du Bureau
chargée du travail parlementaire, de la législation en commission,
des votes et du contrôle
APPLICATION DES LOIS : LES POINTS MARQUANTS DE L'ANNÉE PARLEMENTAIRE 2017-2018
Les bilans présentés par les sept commissions permanentes du Sénat ainsi que celui de la commission spéciale sur la loi pour un État au service d'une société de confiance, et les statistiques générales sur l'application des lois font ressortir plusieurs points importants : Le taux d'application des lois continue à augmenter et témoigne de la forte mobilisation du Gouvernement. Il atteint désormais 78 % - 86 % si on exclut les mesures dont l'entrée en vigueur est différée. Par comparaison, il était de 73 % l'année dernière et de 62 % pour la session 2014-2015. Le délai moyen de vote de la loi par le législateur est en constante diminution. Il est désormais de 177 jours, contre 245 jours lors de la session 2015-2016. En trois ans, ce délai a diminué de 2 mois et 8 jours ; et il a diminué de 19 jours par rapport à la dernière session. La procédure accélérée est désormais devenue le mode habituel de vote de la loi : près de 83% des lois ont été votées selon cette procédure. Le délai moyen de prise des textes d'application est également en diminution . Il atteint désormais 4 mois et 11 jours. Il a diminué d'un mois par rapport à l'année dernière. 84% des mesures d'application prises l'ont été cette année dans un délai inférieur à 6 mois . Certains textes réglementaires nécessitent toutefois un délai très important : 11 mesures d'application de lois votées lors de la session 2017-2018 ont été prises avec un délai supérieur à 1 an, et ce délai par définition n'inclut pas les mesures restant à prendre. A peine 54% des rapports demandés dans les lois votées lors de la session 2017-2018 et dont l'échéance est passée ont été remis, et seulement 15 % dans le délai imparti par la disposition législative à son origine. En outre, le taux de remise des rapports dits de l'article 67 reste trop faible : seuls 10 rapports ont été remis sur les 28 lois nécessitant des mesures d'application. Enfin, le recours aux ordonnances perdure, y compris sur des sujets politiques. La ratification de celles-ci par amendement est regrettée par plusieurs présidents de commission. Comme l'année dernière, l'argument de la célérité est à relativiser, puisque le délai moyen pour prendre l'ordonnance, une fois la loi donnant l'habilitation promulguée est de 455 jours. Seules trois ordonnances ont été prises dans un délai inférieur à 177 jours. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Depuis près de cinquante ans, le Sénat s'attache à vérifier que les mesures d'application des lois qu'il vote sont prises en temps et en heure. Ces dernières sont en effet indispensables à l'efficacité de la loi et au respect de la volonté du législateur.
Comme les années précédentes, j'ai élaboré ce bilan annuel en lien direct avec les commissions permanentes qui sont chargées du suivi de l'application des lois relevant de leurs compétences. En effet, en application de l'article 22 du Règlement du Sénat, « les commissions permanentes assurent [....] le suivi de l'application des lois. La commission des finances suit et contrôle l'exécution des lois de finances et procède à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques. La commission des affaires sociales suit et contrôle l'application des lois de financement de la sécurité sociale et procède à l'évaluation de toute question relative aux finances de sécurité sociale » . En outre, chaque commission était responsable, cette année, des articles relevant de son domaine d'action de la loi relative à un État pour une société de confiance, dont l'examen avait été fait par une commission spéciale.
Par ailleurs, il me semble important, pour la troisième année consécutive, de relayer les observations formulées par la commission des affaires européennes sur le suivi des positions du Sénat en matière européenne. Entre le 1 er octobre 2017 et le 30 septembre 2018, le Sénat a adopté dix-huit résolutions européennes, 4 avis motivés et a adressé à la Commission européenne 13 avis politiques. Comme le souligne notre collègue Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes : « Les positions européennes du Sénat sont très largement prises en compte au cours des négociations et influent véritablement sur le contenu des directives et règlements finalement adoptés ». En outre, pour lutter contre la surtransposition du droit européen, le Sénat a mis en place une procédure expérimentale permettant à la commission des affaires européennes de formuler des observations sur les projets ou propositions de loi contenant des dispositions permettant l'intégration en droit national du droit de l'Union européenne.
Dans le cadre de la préparation de ce rapport, j'ai procédé à l'audition de M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement à laquelle ont participé le président ou un vice-président de toutes les commissions. Ce rendez-vous désormais traditionnel a permis de faire le point sur un certain nombre de dossiers - même si dans certains cas la réponse apportée n'a pas toujours satisfait les parlementaires que nous sommes - et a démontré encore une fois toute son utilité : elle permet en effet de relayer plusieurs interrogations sur l'application de telle ou telle mesure.
Ce rapport est l'occasion pour moi de saluer le travail minutieux des commissions, et le dialogue de qualité entretenu avec chacune des administrations , ainsi que le secrétariat général du gouvernement. Nous partageons en effet le même objectif : faire en sorte que les lois votées soient mises rapidement et effectivement en application.
Le taux d'application qui résulte des calculs du Sénat est proche de celui du Gouvernement, confirmant ainsi une concordance des chiffres. Je relève cette tendance continue depuis plusieurs sessions d'une prise des mesures plus complète et plus rapide . Là où il y a encore quelques années, le taux d'application des lois atteignait 62 %, il est désormais de 78 % six mois après la fin de la session sur laquelle porte ce bilan - et de plus de 86 % si l'on exclut les mesures dont l'entrée en vigueur est différée. En outre, près de 85 % des textes d'application pris le sont désormais dans un délai inférieur à 6 mois. Ces chiffres confirment la volonté forte du gouvernement de prendre les textes d'application. Toutefois, ils signifient également - et c'est le rôle du Sénat de le relever - que 15% des textes d'application pris ne respectent pas le délai de six mois que le gouvernement s'est fixé, et que 20 % des mesures attendues manquent à cette échéance .
En outre, la remise des rapports continue à être trop faible et en retard, ce que je déplore, alors même que notre institution est désormais beaucoup plus stricte sur les demandes de rapport et refuse de plus en plus d'amendements en ce sens. Les rapports qu'elle demande au Gouvernement sont des outils importants d'information pour les parlementaires dans leur travail de suivi des textes, de contrôle de l'action du Gouvernement et de législation.
Tout comme de nombreux collègues, je regrette le recours aux ordonnances hors des domaines techniques, d'autant plus que leur processus de rédaction est dans la majorité des cas supérieur au délai moyen de vote de la loi, et que la ratification se fait souvent par amendement, au détour d'un véhicule législatif limitant ainsi le débat parlementaire. Je ne peux me satisfaire de l'argument de l'embouteillage de l'ordre du jour donné par le secrétaire général du Gouvernement pour justifier ce mode de ratification en lieu et place du vote d'un projet de loi de ratification, dans la mesure où le Gouvernement détermine - au moins - la moitié de celui-ci.
Enfin, il m'a semblé important de revenir sur un certain nombre de sujets évoqués par les présidents de commission lors de la communication qu'ils ont faite devant leurs collègues sur les lois de la session 2016-2017 relevant de leur domaine de compétence, ainsi que lors du débat en séance publique du 5 juin 2018. Ce « droit de suite » permet de vérifier si les engagements du Gouvernement en séance ont été respectées et si les mesures ayant fait l'objet d'un signalement particulier pour des raisons politiques ou d'ancienneté ont été satisfaites. Si je constate que globalement, les engagements pris ont été tenus, certaines mesures attendues signalées l'an dernier n'ont toujours pas été prises .