N° 429
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019
Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 avril 2019 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et sur la refondation de l'Union européenne (1) sur l' impact du Brexit sur la vie économique française : actes du colloque organisé au Sénat le 20 mars 2019,
Par MM. Jean BIZET et Christian CAMBON,
Sénateurs
(1) Ce groupe est composé de : MM. Christian Cambon et Jean Bizet, présidents ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Jean-Noël Guérini, Benoît Huré, Mmes Gisèle Jourda, Fabienne Keller, MM. Claude Kern, Pierre Laurent, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Pierre Médevielle, Mme Colette Mélot, MM. Ladislas Poniatowski, Simon Sutour, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung.
AVANT-PROPOS
1 000 jours après le référendum britannique sur l'appartenance à l'Union européenne, et à 10 jours de l'échéance théoriquement fixée pour cette sortie (29 mars 2019), personne ne sait à quoi ressemblera « le jour d'après » , celui d'une Union européenne sans le Royaume-Uni.
Depuis le vote britannique du 23 juin 2016, qu'il a déploré mais qu'il respecte, le Sénat n'a eu de cesse de mettre en garde contre les risques d'une sortie désordonnée du Royaume-Uni de l'Union européenne, qui viendrait ajouter la crise à la crise.
Le Brexit est à nos yeux un non-sens économique et géostratégique, insuffisamment anticipé par le gouvernement britannique. Il constitue également pour l'Union européenne une ardente obligation de repenser son action et de renforcer sa légitimité et son unité. Tout au long des négociations de sortie, les Vingt-Sept ont su maintenir une position cohérente et respectueuse des acquis de la construction européenne, alors que le Royaume-Uni peine à sortir d'une impasse politique qu'il a lui-même créée, et à concrétiser, près de trois ans après le référendum, sa sortie de l'Union européenne.
Le Sénat a mis en place en juin 2016, à la demande de son président, M. Gérard Larcher, un groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne. Cette structure, que nous présidons, est composée de 20 sénateurs issus des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes. Le groupe de suivi a, depuis sa création, publié quatre rapports, étayés par des auditions menées à Paris et des déplacements à Berlin, Londres, Belfast, Dublin, Bruxelles et Strasbourg.
Un de nos rapports avait pour titre Brexit : une course contre la montre . Force est de constater que nous sommes aujourd'hui dans le temps additionnel, alors même qu'aucun progrès n'a été accompli en vue d'une sortie ordonnée du Royaume-Uni. L'hypothèse d'un désastreux retrait sans accord ( hard Brexit ) est chaque jour un peu plus crédible, avec le lot d'inconnues qu'elle comporte. La relation économique entre les deux pays voisins que sont la France et le Royaume-Uni en sera inévitablement affectée.
Les incertitudes fortes qui entourent les conditions de cette sortie sont susceptibles d'avoir de lourdes répercussions pour les acteurs économiques. C'est pour éclairer les acteurs économiques et mesurer le degré de préparation de la France au Brexit que nous avons souhaité organiser, le 20 mars dernier, un colloque au Sénat réunissant les acteurs des principaux secteurs concernés mais aussi les représentants des pouvoirs publics. L'ambition de ce colloque était de faire un point sur les risques induits par le hard Brexit , l'état de préparation des pouvoirs publics, quelques semaines après l'adoption par le Parlement d'une loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de contingence nécessaires, mais aussi de cerner les bénéfices éventuels que pourrait tirer notre pays de la réorientation des flux économiques induits par la sortie du Royaume-Uni du marché unique - en d'autres termes, le Brexit est-il perdant-perdant ou peut-il être perdant-gagnant ?
Il ressort de nos échanges une crainte légitime d'un choc à court terme pour les très petites entreprises mais aussi pour les entreprises de taille intermédiaire, confrontées à un renforcement des formalités douanières et au rétablissement de barrières non-tarifaires. Si des progrès ont été accomplis en matière de dématérialisation des procédures, la plupart des acteurs relèvent une insuffisante préparation des petites structures, des deux côtés de la Manche. Des solutions pragmatiques doivent être mises en oeuvre. L'État doit également poursuivre son effort en termes de recrutement des personnels nécessaires et de création des infrastructures adaptées. L'objectif à atteindre reste celui du maintien d'une certaine fluidité entre nos deux pays, à même de garantir la continuité de nos échanges.
Cela étant, la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne ne doit pas seulement être vue sous l'angle d'un éventuel ralentissement économique. Elle constitue pour nos régions une occasion inestimable de renforcer leur attractivité et attirer entreprises et investissements. La France a une carte à jouer pour devenir la porte d'entrée du marché intérieur et développer ainsi de nouveaux partenariats avec les pays tiers, amenés à relocaliser leur activités jusqu'alors implantées au Royaume-Uni. Notre pays dispose d'atouts qu'il convient de valoriser et tout doit être mis en oeuvre pour en développer d'autres. Nos régions l'ont déjà bien compris. Nous devons accompagner la dynamique qu'elles insufflent.
Le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne est donc tout à la fois porteur d'inconnues et d'espoir. Il ne signifie pas non plus la fin de la relation euro-britannique. Le « jour d'après » devra être aussi le premier jour consacré à la préservation et à la redéfinition de cette relation. Le Royaume-Uni reste un pays européen, son apport à la stabilité du continent doit être préservé en dépit de son choix de quitter l'Union européenne. Nous devons, dans ces conditions, oeuvrer pour réinventer un dialogue et une coopération autour de thématiques clés comme la défense et la sécurité, réunissant un Royaume-Uni stabilisé et une Union européenne refondée.
Puissent ces travaux du Sénat contribuer à apporter un peu de clarté à une situation plus que confuse ! Et merci aux intervenants et aux personnes ayant participé -nombreuses- au colloque d'avoir contribué à nos travaux.
Jean BIZET, président de la commission des affaires européennes
Christian CAMBON, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées