II. LES « PARE-FEU »

On distinguera deux « pare-feu » susceptibles d'atténuer en amont le risque pénal :

- le cumul de responsabilités est fragile et difficile à mettre en oeuvre, mais néanmoins indissociable de la réflexion sur les équilibres juridiques qui régissent la mise en cause de la responsabilité pénale des élus locaux ;

- la prévention des conflits d'intérêts peut se révéler puissamment efficace au fur et à mesure de son inscription, encore insuffisante, dans l'environnement de travail des élus. À cela s'ajoute la protection fonctionnelle, qui joue un nécessaire rôle réparateur et d'accompagnement.

A. LE CUMUL DE RESPONSABILITÉS

Comme on l'a vu ci-dessus, l'atténuation du risque pénal résultant, en cas de causalité indirecte, de la distinction entre la faute délibérée et la faute caractérisée ne bénéficie qu'aux personnes physiques : les personnes morales restent punissables pour toutes les infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants, quel que soit le degré de la faute et indépendamment de la causalité directe ou indirecte, en application de l'article 121-2 du code pénal (loi du 9 mars 2004 généralisant la responsabilité pénale des personnes morales), que l'infraction soit intentionnelle ou non. Le troisième alinéa de cet article prévoit en effet que la responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3. Pour ce qui est toutefois des collectivités territoriales et de leurs groupements, le deuxième alinéa de l'article 121-2 du code pénal ne permet la mise en oeuvre de leur responsabilité pénale que pour les infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.

La loi institue ainsi un cumul des responsabilités qui permet d'engager des poursuites contre les personnes morales, dont les collectivités territoriales dans le champ d'application mentionné ci-dessus. Il n'est pas nécessaire que la personne physique ait été condamnée définitivement pour que la responsabilité de la personne morale soit engagée.

L'application jurisprudentielle du principe du cumul semble être un peu flottante 1 ( * ) , néanmoins la possibilité du cumul pourrait, dans certaines conditions actuellement mal remplies, se substituer à la mise en cause des élus locaux susceptibles d'être poursuivis en application de l'article 121-3 du code pénal.


* 1 Voir Responsabilité pénale des personnes morales, L. Constantin, Dalloz Actualité, 20 mai 2011 : « On distingue, actuellement, deux courants jurisprudentiels. Le premier tend à condamner les personnes morales pour une infraction intentionnelle ou non, en présumant sa commission par un organe ou un représentant non-identifié. Cette solution profite aux dirigeants sociaux (V., not., Crim. 9 mars 2010, n° 09-82.823, D. 2010. 2135, note J.-Y. Maréchal). Le second courant jurisprudentiel exige l'identification de la personne physique qui, ayant la qualité d'organe ou de représentant de la personne morale, a commis l'infraction. La jurisprudence est loin d'être fixée car, dans certains cas, elle retient le cumul de la responsabilité et, dans d'autres, elle l'écarte. »

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