N° 642

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juillet 2018

RAPPORT D'INFORMATION

TOME 2

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) : « Faciliter l'exercice des mandats locaux : le régime indemnitaire »,

Par Mme Josiane COSTES, MM. Bernard DELCROS et Charles GUENÉ,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : M. Jean-Marie Bockel, président ; M. Mathieu Darnaud, premier vice-président ; M. Daniel Chasseing, Mme Josiane Costes, MM. Marc Daunis, François Grosdidier, Charles Guené, Antoine Lefèvre, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Alain Richard, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; MM. François Bonhomme, Bernard Delcros, Christian Manable, secrétaires ; MM. François Calvet, Michel Dagbert, Philippe Dallier, Mmes Frédérique Espagnac, Corinne Féret, Françoise Gatel, M. Bruno Gilles, Mme Michelle Gréaume, MM. Jean-François Husson, Éric Kerrouche, Dominique de Legge, Jean-Claude Luche, Jean Louis Masson, Franck Montaugé, Philippe Mouiller, Philippe Nachbar, Rémy Pointereau, Mmes Sonia de la Provôté, Patricia Schillinger, Catherine Troendlé, MM. Raymond Vall, Jean-Pierre Vial.

INTRODUCTION

Le régime indemnitaire des élus locaux est un sujet aussi essentiel que sensible.

L'attribution à certains élus locaux d'une indemnité de fonction, et le remboursement de leurs frais, sont une nécessité démocratique.

En conférant aux élus les moyens d'exercer leur mandat, l'indemnité leur permet de libérer du temps - au détriment de leur vie professionnelle notamment -, et les met à l'abri d'éventuelles pressions extérieures.

Surtout, elle garantit que chaque citoyen, quelle que soit sa fortune personnelle, puisse prétendre à l'exercice des fonctions électives locales.

En dépit de son utilité, l'indemnisation des élus locaux soulève un débat ancien, de nature philosophique.

Un mandat local doit-il être davantage assimilé à une fonction bénévole, par nature exercée à titre gratuit, ou à une activité professionnelle, faisant ainsi l'objet d'une rémunération ?

Vos rapporteurs estiment nécessaire de répondre d'emblée à cette question récurrente pour se concentrer sur ce qui relève pour eux de l'essentiel : l'amélioration concrète et effective des conditions matérielles d'exercice des mandats locaux.

Ils constatent que l'équilibre résultant de la loi municipale du 5 avril 1884, qui a conforté le principe de gratuité des fonctions électives communales, tout en autorisant sous certaines conditions le bénéfice d'une indemnité et de remboursements de frais, demeure pertinent.

C'est pourquoi ils n'appellent ni à un retour à un strict « amateurisme républicain » , tel qu'il apparut à la fin du XIX e siècle lorsque l'exercice des responsabilités locales était encore l'apanage d'une élite, ni à un saut vers une véritable « professionnalisation de la fonction élective » 1 ( * ) , à l'oeuvre dans certains pays étrangers où la vocation d'élu local est pratiquement devenue un métier.

Vos rapporteurs ne plaident donc pas pour un changement de modèle, mais pour son ajustement, partant d'un constat de bon sens, largement partagé dans nos territoires : le mandat local ne constitue pas une activité professionnelle , mais un engagement civique, et l'indemnité de fonction n'est pas une rémunération , mais une compensation ; pour autant, cette indemnité doit couvrir effectivement les frais liés à l'exercice du mandat, pour ne pas pénaliser les élus ni décourager les candidats.

Dans cette optique, vos rapporteurs proposent une revalorisation du régime indemnitaire des élus locaux, qui doit, selon eux, être tout à la fois suffisante, adaptée et soutenable.

En premier lieu, ils suggèrent de porter à un niveau suffisant les indemnités de fonction des maires des communes de moins de 100 000 habitants, de manière à ce qu'elles compensent réellement les charges inhérentes à l'exercice de leur mandat, en particulier dans les communes en deçà de 1 000 habitants dont les services administratifs sont peu étoffés.

Cette revalorisation est justifiée par le fait que les dernières modifications substantielles des barèmes indemnitaires de ces communes datent de la loi du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives et à leurs conditions d'exercice.

Au demeurant, le niveau des indemnités de fonction de ces maires est en France souvent bien inférieur à celui alloué aux maires exerçant leurs fonctions à temps plein dans certains pays européens (Allemagne, Portugal, Italie, Espagne, Pays-Bas).

Dans le même ordre d'idées, il paraît nécessaire que le niveau de la fraction représentative des frais d'emploi (ou « allocation pour frais d'emploi »), c'est-à-dire la part non saisissable de l'indemnité de fonction compensant les dépenses incompressibles engagées par les élus locaux dans le cadre de leur mandat, soit proportionné à son objectif.

En second lieu, vos rapporteurs proposent d'adapter aux nouvelles réalités locales les indemnités de fonction et les remboursements de frais dont peuvent bénéficier certains élus locaux.

Ces dispositifs nécessitent de correspondre :

- à la physionomie des collectivités territoriales, les frais de déplacement et d'hébergement devant être mieux remboursés, et certaines responsabilités davantage prises en compte, notamment à l'heure des intercommunalités et des régions élargies ;

- au renouvellement sociologique des élus locaux, les frais de garde d'enfants, d'assistance à certaines personnes à charge et liés au handicap pouvant être plus facilement pris en charge pour accompagner l'engagement de nouveaux profils ;

- aux attentes exprimées par les citoyens, en autorisant les grandes communes et les grands établissements intercommunaux qui le souhaitent à moduler les indemnités de fonction de leurs membres selon leur participation à certaines réunions, dans le souci d'une transparence confortée.

Enfin, vos rapporteurs préconisent une mutualisation plus poussée du financement des indemnités de fonction à l'échelle communale, de manière à ce que ces dépenses, qui peuvent représenter une lourde charge pour les plus petites communes, demeurent soutenables.

À cette fin, la dotation particulière « élu local », qui concourt au financement des dépenses des communes dont la population et la richesse sont les plus faibles, nécessite d'être élargie, tant dans son montant que dans ses bénéficiaires.

C'est à ces conditions que vos rapporteurs estiment possible de compenser effectivement et équitablement l'engagement des élus locaux dans la vie civique , constatant que la démocratie locale présente un coût, qu'il convient bien entendu de maîtriser autant que de possible, mais aussi de reconnaître pleinement et de prendre en charge collectivement.


* 1 Cette typologie a été proposée par notre collègue Éric Kerrouche, Sénateur des Landes et chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), lors de la table ronde du groupe de travail réunissant des auteurs de travaux parlementaires et des chercheurs, le 12 avril 2018.

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