EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 13 JUIN 2018

Mme Catherine Di Folco , rapporteure . - La fonction publique territoriale constitue un maillon indispensable de l'organisation décentralisée de la République et son statut, adopté voilà trente-quatre ans, ne saurait être remis en cause. Il convient néanmoins de l'adapter aux évolutions des services publics locaux, aux réformes territoriales successives, à la réduction des concours financiers de l'État, etc .

Le Gouvernement a ouvert depuis le début de l'année quatre chantiers - place des contractuels, simplification du dialogue social, rémunération individualisée, aide à la mobilité -, qui pourraient aboutir d'ici au printemps 2019 à la présentation d'un projet de loi portant réforme de la fonction publique.

La Conférence nationale des territoires constitue une occasion unique pour faire part au Gouvernement des inquiétudes des employeurs territoriaux et de leurs agents, mais également de solutions concrètes s'inscrivant dans une logique de dialogue et de responsabilité entre l'État, les collectivités territoriales et leurs agents.

À la suite des auditions que j'ai menées, je souhaite vous soumettre quatorze propositions, articulées autour de trois objectifs : donner davantage de visibilité aux employeurs territoriaux, leur confier de nouveaux moyens d'action et, enfin, garantir les droits des agents territoriaux tout en diversifiant leurs modes de recrutement.

La fonction publique territoriale, avec près de deux millions d'agents, représente près de 35 % de l'emploi public. Les trois quarts de ses agents relèvent de la catégorie C, qui assurent des tâches d'exécution. Près d'un agent territorial sur cinq est un contractuel.

Les agents territoriaux sont répartis dans cinquante-trois cadres d'emplois, eux-mêmes regroupés en dix filières (« administrative », « culturelle », « médico-sociale », etc .).

Les 50 000 employeurs territoriaux forment un ensemble hétérogène, contrairement à la fonction publique d'État qui comprend un seul employeur.

Deux structures de mutualisation ont été créées pour appuyer les employeurs territoriaux dans la gestion de leurs ressources humaines : les centres de gestion (CDG) et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

Le statut des agents territoriaux, défini par les lois du 13 juillet 1983 et du 26 janvier 1984, a été conçu pour concilier l'unité de la fonction publique et la libre administration des collectivités territoriales. Depuis 1984, il a connu neuf réformes d'envergure, ce qui démontre sa capacité d'adaptation.

Entre 2013 et 2017, les employeurs locaux ont fait face à la réduction des concours financiers de l'État, qui ont baissé d'environ 16 %. En conséquence, les effectifs de la fonction publique territoriale ont diminué de 0,2 % sur l'exercice 2016, pendant que ceux de la fonction publique de l'État augmentaient de 1,2 %...

Ces efforts des employeurs territoriaux devront être poursuivis, la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoyant des économies de l'ordre de 21 milliards d'euros pour les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements. Par ailleurs, 322 collectivités territoriales vont contractualiser avec l'État, ces contrats définissant un objectif d'évolution de leurs dépenses de fonctionnement.

Le premier axe de mes propositions a pour objet de donner davantage de visibilité aux employeurs territoriaux, dans le cadre d'un dialogue social rénové.

La proposition n° 1 tend à élaborer une feuille de route triennale pour mieux programmer les décisions de l'État ayant un impact financier sur les employeurs locaux.

Les dépenses de personnel des collectivités territoriales et de leurs groupements représentent en effet 35 % de leur budget. Or l'évolution de ces dépenses dépend pour partie de décisions qui relèvent de l'État. Pour la seule année 2017, la Cour des comptes a évalué à 1 milliard d'euros l'impact net des nouvelles normes imposées aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Les employeurs territoriaux sont insuffisamment associés aux décisions de l'État, qui privilégie parfois une vision comptable et éloignée de la réalité des services publics locaux.

La proposition n° 2 vise à conforter le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et à envisager, à terme, la conclusion à l'échelle nationale d'accords collectifs entre les employeurs et les syndicats.

Le CSFPT s'est imposé depuis quelques années comme la principale instance de dialogue entre les représentants des élus locaux et ceux des agents territoriaux. Son action serait confortée s'il était consulté en temps utile. Ainsi, lorsqu'il a été question de mettre en place le RIFSEEP (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel), seul le Conseil supérieur de la fonction publique de l'État a été consulté... Or ce régime indemnitaire est également transposé au versant territorial de la fonction publique.

Il conviendrait aussi de renforcer la cohérence et la coordination du collège des employeurs territoriaux du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. À ce titre, je soutiens l'initiative de son président, M. Philippe Laurent, qui vise à créer une fédération des employeurs territoriaux. On pourrait imaginer, à terme, la conclusion d'accords collectifs entre employeurs territoriaux et syndicats, même si cela s'annonce complexe sur le plan juridique.

La proposition n° 3 vise à favoriser la culture de la négociation dans les collectivités territoriales et leurs groupements, en prévoyant l'adoption d'un « agenda social » en début de mandature.

Concrètement, il s'agit d'approfondir le dialogue social à l'échelle locale. Nous savons que le Gouvernement envisage de revoir l'architecture des instances de dialogue en fusionnant les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les comités techniques, et en réduisant le périmètre des commissions administratives paritaires (CAP).

L'agenda social que je propose constituerait un cadre global de négociation permettant d'aboutir à des accords « gagnant-gagnant », à partir d'un calendrier de discussion pré-établi.

Le deuxième axe de mes propositions a pour objet d'allouer aux employeurs territoriaux de nouveaux moyens d'action, lesquels pourraient être résumés en trois mots : souplesse, incitation et mutualisation.

La proposition n° 4 vise à élargir les possibilités de recourir à des agents contractuels, notamment en créant de nouveaux « contrats de mission ».

Le statut de la fonction publique permet d'ores et déjà le recours à des contractuels. Les possibilités de recrutement doivent toutefois être élargies pour répondre à l'évolution des compétences des collectivités territoriales et aux mutations des services publics.

Lors de mes auditions, plusieurs pistes ont été envisagées, notamment l'extension du recrutement de contractuels de catégorie B ou la création d'un « contrat de mission » pour mener un projet nécessitant des compétences très spécifiques.

La proposition n° 5 vise à harmoniser la durée de travail dans la fonction publique territoriale en mettant fin aux dérogations non justifiées.

M. Philippe Laurent a établi en mai 2016 un rapport très intéressant à cet égard, en faisant des propositions concrètes qui n'ont pas été suivies d'effet. La durée légale du travail, soit 1 607 heures annuelles, n'est pas respectée dans toutes les collectivités territoriales. S'il convient de respecter les sujétions particulières de service (comme le travail de nuit), il n'est pas normal qu'environ 1 500 employeurs locaux aient conservé un régime dérogatoire antérieur à 2001 et permettant de maintenir une durée annuelle de travail inférieure à 1 607 heures. Il doit être mis fin dans les meilleurs délais à cette situation contraire au principe de parité entre les trois versants de la fonction publique.

Par ailleurs, certaines autorisations spéciales d'absence sont laissées à la libre appréciation des employeurs. Un décret est attendu sur ce sujet depuis 1984, mais n'a jamais été publié... Ce régime hétéroclite, qui varie selon les régions et les territoires, n'a plus de sens avec le passage aux 35 heures. Il faut clarifier ce maquis. Les employeurs territoriaux doivent s'impliquer dans cette démarche d'harmonisation et avoir le courage de l'assumer.

La proposition n° 6 vise à recenser, avec l'aide des employeurs territoriaux, les procédures trop complexes ou devenues inutiles. De très nombreuses contraintes normatives sont imposées aux employeurs territoriaux, comme le contingentement des promotions internes pour chaque cadre d'emplois. Je propose de lancer une procédure de concertation sur ce sujet.

Il convient, en outre, de valoriser l'engagement des agents.

La proposition n° 7 vise à achever le déploiement du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) d'ici à la fin de l'année 2020 et à favoriser la rémunération au mérite.

Depuis plusieurs années, les collectivités territoriales et leurs groupements ont développé des régimes de primes visant à reconnaître l'implication des agents, à attirer les talents et à fidéliser des personnels sur des postes contraignants ou pénibles.

Le RIFSEEP présente, quant à lui, plusieurs avantages : il harmonise et simplifie ces régimes de primes et valorise l'engagement individuel et la manière de servir des agents via le complément indemnitaire annuel (CIA). Le RIFSEEP ne concerne toutefois qu'un nombre limité de cadre d'emplois, faute de décret d'application. Son déploiement dans la fonction publique territoriale doit être accéléré.

D'autres primes pourraient être intégrées au RIFSEEP, comme la nouvelle bonification indiciaire (NBI), créée en 1991 pour rendre plus attractifs certains emplois à haute technicité. Il faudrait aussi imposer un taux minimal pour le complément indemnitaire annuel afin de reconnaître l'implication des agents territoriaux.

La proposition n° 8 vise à expérimenter la rupture conventionnelle dans la fonction publique territoriale.

L'indemnité de départ volontaire (IDV), peu appliquée, pourrait être déplafonnée, ce qui la rendrait plus attractive. Elle reste toutefois limitée aux restructurations de services et aux départs définitifs de la fonction publique pour créer une entreprise ou mener à bien un projet personnel.

La rupture conventionnelle apporterait davantage de souplesse. L'employeur et l'agent pourraient s'accorder sur une cessation de leur collaboration sans avoir à justifier de motif particulier.

La proposition n° 9 vise à renforcer les centres de gestion en encourageant les mutualisations à l'échelle régionale et en envisageant l'adhésion obligatoire des communes et groupements non affiliés au socle commun rénové.

Les centres de gestion, présents dans tous les départements, garantissent l'application homogène du statut et visent à mutualiser les prestations de gestion des ressources humaines. Leurs compétences pourraient être étendues afin de poursuivre ces efforts de mutualisation.

Le troisième axe de mes propositions a pour objet de garantir les droits des agents territoriaux et de diversifier leurs modes de recrutement.

La proposition n° 10 vise à responsabiliser les employeurs territoriaux en prévoyant des délibérations triennales sur des enjeux majeurs, comme le temps de travail, les primes, la protection sociale complémentaire, etc .

Le renforcement des moyens d'action des employeurs territoriaux doit, en effet, s'accompagner de débats plus réguliers sur les conditions de travail des fonctionnaires et des contractuels. La protection sociale complémentaire des agents constitue ainsi un enjeu majeur, notamment en termes de bien-être au travail. Elle se heurte toutefois à des freins financiers et structurels qu'il conviendrait de lever.

Certains enjeux pourraient être régulièrement soumis à l'assemblée délibérante, afin d'éclairer les élus. Car lorsque l'on devient maire, on devient aussi employeur...

La proposition n° 11 vise à mieux accompagner les agents territoriaux dans leurs projets de mobilité, via la création d'un site internet unique regroupant les vacances de poste et les annonces de concours des trois versants de la fonction publique, et en développant les échanges avec les plates-formes régionales d'appui interministériel à la gestion des ressources humaines (PFRH).

Le droit à la mobilité des agents territoriaux doit être renforcé, afin que leur carrière soit valorisée et diversifiée. C'est dans la fonction publique territoriale que la mobilité est la plus faible, ce qui semble paradoxal au regard de la diversité des métiers et des employeurs : en 2015, seuls 4 % des agents ont changé d'employeur, et seulement 0,7 % pour rejoindre la fonction publique d'État ou hospitalière.

L'ordonnance du 13 avril 2017 a prévu la création, d'ici 2020, d'un portail internet commun aux trois versants de la fonction publique pour diffuser les offres d'emploi. Je propose d'accélérer ce projet pour l'achever dès 2019 et d'élargir ses fonctionnalités en y incluant le calendrier pluriannuel des concours.

Des initiatives conjointes de mobilité pourraient aussi être mises en oeuvre, en s'appuyant sur les PFRH placées auprès des préfets de région.

Il convient, enfin, de poursuivre la diversification des modes de recrutement dans la fonction publique territoriale en travaillant sur trois enjeux.

Premier enjeu : la proposition n° 12 vise à créer dans les territoires des classes préparatoires intégrées (CPI). Seul le versant territorial de la fonction publique ne compte aucune classe de ce type, ce qui constitue une anomalie. M. François Deluga, président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), envisage la création d'une « communauté de parcours de préparation aux concours administratifs » pour environ 1 600 jeunes par an, dont le coût serait d'environ 3 millions d'euros. Des supports de cours numériques seraient mis à disposition des élèves et des cours seraient organisés sur une dizaine de journées.

Deuxième enjeu : la proposition n° 13 vise à doubler d'ici à 2020 le nombre d'apprentis dans la fonction publique territoriale. En 2015, les employeurs territoriaux ont formé environ 10 000 apprentis, ce qui représente un bel effort. Pourtant, les obstacles sont multiples, parmi lesquels les faibles débouchés pour les apprentis et le coût important pour les employeurs, lesquels ne bénéficient pas des incitations financières existant dans le secteur privé.

En 2016, le législateur a chargé le CNFPT de développer l'apprentissage. Le CNFPT refuse toutefois d'exercer cette compétence, faute de moyens financiers. Les apprentis de la fonction publique sont aussi les grands oubliés du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, en cours d'examen devant le Parlement.

La fonction publique territoriale constitue pourtant un vivier pour l'apprentissage, avec plus de 250 métiers différents.

Pour doubler le nombre d'apprentis dans la fonction publique territoriale, je propose que le CNFPT crée des centres de formation d'apprentis, que soient regroupées sur un portail internet unique les offres d'apprentissage, que soit mise en place une incitation financière sur le modèle de la dotation de 30 millions d'euros prévue pour les administrations de l'État, et enfin que soit valorisé le rôle du maître d'apprentissage.

Troisième enjeu : la proposition n° 14 vise à poursuivre et à sécuriser le développement des concours sur titres qui apportent une réelle souplesse au dispositif de recrutement. Sur l'initiative de notre collègue Catherine Troendlé, la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a précisé le régime juridique de ces concours pour les filières sociales, médico-sociales et médico-techniques.

Aujourd'hui, il convient de sécuriser les concours sur titres en informant les employeurs territoriaux sur les possibilités ouvertes et sur les règles à respecter. À terme, ces concours pourraient être étendus à d'autres secteurs de la fonction publique, comme la filière artistique.

À l'occasion du projet de loi annoncé par le Gouvernement pour 2019, nous pourrons également aborder des points plus techniques permettant de simplifier les procédures, notamment en ce qui concerne l'organisation des concours.

M. Philippe Bas , président . - Je vous remercie, madame le rapporteur, pour ce rapport très complet. Notre commission compte parmi ses membres des collègues qui, forts de leur expérience dans leur département, peuvent approfondir ces sujets, très importants pour la gestion de nos collectivités territoriales, mais aussi complexes, techniques et multiformes.

Le Sénat est dans son rôle lorsqu'il affirme l'exigence des élus locaux d'avoir davantage de visibilité sur l'évolution des rémunérations et des charges de personnel. Il est pénible pour les gestionnaires d'avoir une fonction publique territoriale « à la remorque » de la fonction publique d'État, alors que la nature des missions est bien différente. En effet, nos collectivités assurent une production de services publics du quotidien.

Je suis sensible à l'idée de l'accord collectif dans la fonction publique. Mais il conviendra également de desserrer les contraintes imposées aux employeurs territoriaux.

Le code du travail évolue et la fonction publique doit également s'adapter. La création de « contrats de mission » me semble une bonne piste.

L'harmonisation de la durée du travail dans la fonction publique permettra de remettre de l'ordre, car certaines collectivités ont fait preuve de laxisme et les nouveaux élus doivent malheureusement en assumer les conséquences.

Concernant la rémunération au mérite, il est grand temps que se propagent des pratiques de gestion des ressources humaines qui sont naturelles partout ailleurs, et très motivantes pour les agents qui veulent s'impliquer davantage. Un dispositif indemnitaire est déjà en vigueur mais est peu appliqué.

L'expérimentation de la rupture conventionnelle dans la fonction publique territoriale est aussi une piste intéressante, surtout pour les employeurs.

Je trouve vos propositions, j'y insiste, intéressantes et audacieuses. Je vous remercie d'avoir proposé le doublement du nombre d'apprentis. Ce n'est pas par des pétitions de principe que nous y parviendrons, mais bien grâce à des aides financières !

Vous n'avez pas abordé la question de l'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique, car je crois qu'une autre mission, que vous conduisez avec notre collègue Didier Marie, est en cours sur le sujet .

Mme Catherine Di Folco , rapporteure . - Les travaux de cette mission commenceront probablement à la rentrée prochaine. Quelques amendements pourront cependant être envisagés sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Nous pourrons aussi intervenir lors de la Conférence nationale du handicap, qui se tiendra au second semestre 2018.

M. Alain Richard . - J'approuve nombre des propositions de notre collègue Catherine Di Folco .

Par facilité de langage, d'aucuns disent que les représentants des employeurs locaux devraient négocier eux-mêmes les accords collectifs. Or, il faut traiter cette idée avec prudence. Mieux vaut une coordination entre les employeurs locaux et l'État avant que ne commencent les négociations. La direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) a d'ailleurs adopté cet usage depuis le début 2017 et prévoit une phase de préparation pour chaque négociation salariale. Le faire par cycle de trois ans, comme le propose Madame le rapporteur, constituerait un progrès.

Sur la proportion des non-titulaires dans la fonction publique territoriale, il est d'usage de compter en nombre d'agents. Le dernier chiffre dont je dispose est de 18 % des effectifs. Or une proportion significative des non-titulaires sont des agents à temps partiel. En équivalents temps plein, les contractuels se situeraient plutôt autour de 15 % du total.

Nous devrons être offensifs, lors de la Conférence nationale des territoires, sur la question de l'élargissement des domaines pour le recrutement des contractuels. Cependant, dans les régions où le marché de l'emploi est tendu et le salaire moyen élevé, cette possibilité ne sera pas forcément une bonne affaire financière pour les collectivités territoriales...

Je suis réservé sur la rupture conventionnelle qui risque de se transformer en un moyen de pression pour les agents fautifs que l'on n'arrive pas à sanctionner sur le plan disciplinaire. Il conviendra d'encadrer très strictement cette mesure.

Sur les recrutements, la démarche de notre collègue Catherine Di Folco est bien différente de ce que l'on entend parfois chez les employeurs territoriaux ! Il faut conserver le recrutement par concours, mais un problème se pose : la formation initiale postérieure au concours est longue et pénalisante financièrement pour les collectivités territoriales. Or, il n'existe aucun support légal permettant d'obtenir un engagement d'emploi d'une certaine durée de la part du fonctionnaire dont on a payé la formation. Il faudrait remédier à cette lacune à l'occasion du prochain projet de loi sur la fonction publique.

M. François Pillet . - Ce rapport est à l'image de son auteur : responsable, courageux, équilibré. L'expertise de notre collègue est une chance pour notre commission des lois dans ce domaine, sensible pour le Sénat, des collectivités territoriales.

J'adhère totalement aux propositions relatives aux apprentis. J'ai d'ailleurs tenté de les mettre en oeuvre en tant que maire, avant l'encadrement du cumul des mandats...

Les modes de gestion des ressources humaines dans les collectivités territoriales sont extrêmement divers, que ce soit en matière de durée de travail ou de rémunération. Pourrait-on envisager, s'agissant de la rémunération, une différenciation entre ceux qui sont déjà employés et ceux qui seront recrutés à l'avenir ? Ma question est peut-être iconoclaste, mais elle n'est pas ridicule : c'est bien ce qui va se passer à partir de 2020 à la SNCF ! Le statut de la fonction publique territoriale ne serait pas remis en cause et un traitement égalitaire serait assuré.

M. André Reichardt . - Je veux rendre hommage à la qualité du travail de notre collègue Catherine Di Folco. Pour faire un trait d'humour, je dirai qu'il vaut mieux être un parlementaire « cumulard »  pour traiter cette question très concrète !

Contrairement à M. Alain Richard, il me semble essentiel d'expérimenter la rupture conventionnelle dans la fonction publique territoriale. Quand une collectivité territoriale supprime un poste, son titulaire est transféré au centre de gestion, une situation démotivante qui finit souvent par mal tourner.

La proposition n° 3 sur l'agenda social en début de mandature peut poser difficulté pour les communes dont le conseil municipal est largement renouvelé. Sauf à faire confiance au directeur général des services en place, la nouvelle équipe aura du mal à proposer un tel agenda. Il faut discuter du délai laissé pour établir ce document : pourquoi pas un an ?

M. Jean-Pierre Sueur . - Je salue le travail de notre collègue Catherine Di Folco, qui témoigne d'une grande écoute et de beaucoup de sérieux.

Je veux revenir sur une question importante : le recrutement des collectivités territoriales est « contingenté » pour certains emplois, ce qui est très contraignant. Il faudrait assouplir ce dispositif. Les préfets et sous-préfets sont attentifs à cette question, car ils doivent eux-mêmes gérer des problèmes d'effectifs et de cadres.

Un maire peut décider de construire trois gymnases ou trois piscines. Je pense à une commune qui a fait construire une profusion d'équipements grâce aux ressources fiscales issues de l'exploitation d'une centrale EDF, en vertu de sa liberté de décision. Mais si un maire préfère employer un ou deux cadres pour renforcer un de ses services, il ne peut le faire en raison de ces contingentements !

Je ne dis pas qu'il faut supprimer toutes les règles, car il faut veiller à l'équilibre entre les trois versants de la fonction publique. Mais, en l'espèce, les règles sont trop rigides et pénalisantes pour les exécutifs locaux.

Mme Françoise Gatel . - Je partage les compliments très justifiés adressés à notre collègue Catherine Di Folco - elle a une excellente connaissance du domaine, que nous perdrons quand l'encadrement du cumul des mandats aura produit tous ses effets.

La fonction publique territoriale doit évoluer, non seulement parce que les élus l'ont décidé, mais aussi parce que les candidats aux postes proposés ont évolué. Nous constatons tous une volonté de mobilité du personnel pour des raisons familiales, professionnelles, personnelles.

Je veux souligner la difficulté de recrutement sur certains métiers et la distorsion d'attraction des postes selon la taille et la catégorie de la collectivité territoriale, au profit des intercommunalités et des grandes collectivités. Il faut réfléchir aux mises à disposition et aux mutualisations, mais aussi aux « contrats de mission » évoqués par notre rapporteur.

Nos collectivités territoriales ont besoin d'expertise pour mener certains projets qui ne justifient pas la création d'un poste pérenne.

Il faut rapprocher la gestion du personnel dans nos collectivités territoriales de celle appliquée dans le privé et combattre l'avis réducteur de certains, qui opposent efficience et épanouissement professionnel. L'exigence d'un service rendu efficient n'est pas un manque de reconnaissance des fonctionnaires, au contraire. Nous devons également développer la capacité managériale des élus.

Sur le modèle du principe « pollueur-payeur », celui qui décide paie. Des décisions de l'État ont un impact très important sur nos collectivités territoriales : réforme des rythmes scolaires, scolarité obligatoire à l'âge de trois ans... Celui qui impose ces obligations, tout en soumettant les collectivités territoriales à des restrictions budgétaires, devrait en assumer le coût ou, à tout le moins, associer les représentants des collectivités à ses décisions.

M. Yves Détraigne . - Je félicite notre rapporteur d'avoir examiné ce sujet de la fonction publique territoriale. Il ne faut pas craindre de faire des découvertes surprenantes dans ce maquis !

Un mot sur les grades : on ne peut occuper certains postes qu'en ayant certains grades. Un rédacteur ne peut pas occuper le poste d'un attaché. Parfois, on a pourtant sous la main un rédacteur très compétent, et on est obligé d'embaucher un attaché, ce qui n'est pas efficient !

Les élus locaux ont besoin de souplesse : ils ne sont pas complètement employeurs dès lors qu'ils sont obligés de respecter certains critères qui n'ont rien à voir avec le poste à pourvoir.

J'y insiste, il faut introduire de la souplesse. Un « patron » dans la fonction publique territoriale aujourd'hui n'a plus rien à voir avec celui d'il y a trente ans.

Mme Catherine Troendlé . - Je félicite notre rapporteur pour la qualité de son travail. Ma question porte sur les possibilités de mise en disponibilité pour convenance personnelle des agents de la fonction publique territoriale. Je veux évoquer une situation que j'ai rencontrée : un agent s'est mis en disponibilité pendant neuf ans et, pendant ce temps, j'ai dû « jongler » en embauchant plusieurs personnes remarquables que je devais remercier au bout de deux ans, les contrats n'étant pas renouvelables.

Que pourrait-on faire pour éviter ce genre de situations, en s'inspirant peut-être de ce qui existe dans le privé ?

Mme Catherine Di Folco , rapporteure . - Je partage nombre des remarques qui ont été faites.

Monsieur François Pillet, s'agissant des différences de rémunération entre les agents déjà en poste et les nouveaux arrivants, il me semble que le dispositif que vous proposez a été appliqué lors de la fusion des régions, qui, initialement, ne proposaient pas toutes les mêmes rémunérations et acquis sociaux. En Auvergne-Rhône-Alpes, il a été prévu que les acquis seraient conservés pour les agents en fonction et que d'autres dispositions s'appliqueraient pour les nouveaux recrutés. Cette solution est juridiquement possible, mais parfois compliquée à mettre en oeuvre sur le plan social.

Monsieur André Reichardt, les fonctionnaires momentanément privés d'emploi sont mis à disposition du centre de gestion, moyennant une rémunération en partie financée par les collectivités. On sait qu'après deux ans, retrouver un emploi est pratiquement « mission impossible ».

En 2016, l'un de mes amendements a d'ailleurs été adopté sur la dégressivité des rémunérations après deux ans de mise à disposition au centre de gestion. Cette mesure, qui constitue une première étape, est en application depuis le printemps 2018.

L'agenda social sera effectivement très compliqué à mettre en oeuvre par un conseil municipal entièrement renouvelé. Il faut que les nouveaux conseillers reçoivent, au préalable, une information complète sur le rôle de la « commune-employeur ». L'agenda social pourrait être débattu au bout d'un an de mandat pour laisser plus de souplesse.

Monsieur Jean-Pierre Sueur, je suis complètement d'accord avec vous en ce qui concerne le contingentement de certains cadres d'emplois. Avec ma proposition n° 6, nous pourrons recenser ce type de dispositions et examiner leur abrogation.

J'approuve les propos de Mme Françoise Gatel sur la mobilité. C'est l'un des atouts de la fonction publique territoriale que d'offrir une mobilité aux agents : on ne passe plus quarante ans dans une même collectivité territoriale, fort heureusement, car cela est lassant et peu enrichissant !

Monsieur Yves Détraigne, il faut effectivement plus de souplesse pour recruter en fonction des besoins, même si le grade n'est pas approprié. Ce point fait aussi partie de la proposition n° 6. S'agissant des mises en disponibilité, la loi prévoit qu'elles sont possibles pendant dix ans pour motif de convenances personnelles.

La collectivité territoriale a le devoir de reprendre l'agent, mais pas forcément au même poste : c'est une garantie du statut.

Mme Catherine Troendlé . - Serait-il abusif de caler le dispositif de la mise en disponibilité sur ce qui existe dans le privé ?

Mme Catherine Di Folco , rapporteure . - Il existe plusieurs sortes de mise en disponibilité : pour convenance personnelle, pour création d'entreprise... Il faut examiner cette question de plus près.

Mme Catherine Troendlé . - Pendant la durée de la mise en disponibilité, la collectivité territoriale est bloquée : il n'est pas question, par exemple, pour une petite commune d'embaucher, avec le risque que l'agent mis en disponibilité revienne à tout moment...

Mme Catherine Di Folco , rapporteure . - Effectivement, et cela oblige à recourir aux contrats...

La commission autorise la publication du rapport d'information.

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