ANNEXE II - EXEMPLES DE DISPOSITIFS ÉTRANGERS DE CONTRÔLE DES INVESTISSEMENTS DIRECTS

I. ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE 177 ( * )

ALLEMAGNE

Les investissements étrangers sont régulés en Allemagne par la loi sur les relations économiques extérieures de 1961, modifiée en 2009 et 2013 ( « Außenwirtschaftsgesetzes » -AWG-) et le décret d'application correspondant (« Außenwirtschaftsverordnung » -AWV-) modifié le 12 juillet 2017.

L'existence d'un mécanisme destiné à contrôler les investissements étrangers est relativement récente : avant 2008, seuls les investissements dans le secteur de l'armement étaient réellement encadrés (le gouvernement pouvait interdire à un investisseur étranger de détenir plus de 25 % des droits de vote de l'entreprise). Le mécanisme actuel trouve son origine en 2007, lorsque les agissements de certains de certains fonds souverains ont inquiété les autorités allemandes. Cette inquiétude a été relayée par les partis politiques en juillet 2007 et l'initiative de rénover le dispositif de contrôle des investissements étrangers a été prise en septembre 2007.

La réforme de 2009 a fondé le contrôle des investissements étrangers sur une possible atteinte à l'ordre public et à la sécurité de l'État fédéral . Si ces notions ne sont pas définies dans la loi, elles incluent les problématiques de sécurisation des approvisionnements énergétiques, de garanties des moyens de télécommunication, de fourniture d'électricité, et certains services publics « stratégiques ».

Sont concernés par le dispositif tous les secteurs économiques et toutes les transactions donnant à un investisseur étranger directement ou indirectement (notamment par l'action de concert avec d'autres actionnaires) 25 % ou plus des droits de vote d'une entreprise dès lors que l'opération touche à l'ordre public et à la sécurité nationale . Trois cas de figure se présentent :

- si l'investisseur est une société localisée dans l'Union européenne avec des capitaux majoritairement européens , l'investissement n'est pas contrôlé sauf si l'investissement concerne le secteur de la défense 178 ( * ) ;

- si l'investisseur est localisé dans un pays tiers à l'UE , l'investissement est automatiquement concerné par la loi dès lors que l'opération touche à l'ordre public et à la sécurité nationale ;

- si l'investisseur étranger est une société localisée dans l'Union européenne mais est détenue à plus de 25 % par un investisseur originaire d'un Etat tiers à l'UE, il est concerné par la loi dès lors là encore que l'opération touche à l'ordre public et à la sécurité nationale .

Le contrôle exercé prend la forme :

- d'une autorisation préalable et obligatoire du ministère fédéral de l'économie (BMWi) quelle que soit l'origine de l'investisseur (UE ou non-UE) pour les investissements réalisés dans le domaine de la défense ;

- d'un contrôle a posteriori facultatif pour les investissements originaires de pays tiers à l'UE dans les autres secteurs, dès lors que l'ordre public et la sécurité nationale sont concernés.

Si le BMWi considère qu'une interdiction n'est pas nécessaire, il doit en informer le gouvernement dans un délai de deux mois. Si au contraire le BMWi plaide pour une interdiction, il doit recueillir l'accord préalable du gouvernement. Si aucune menace à l'ordre public ou la sécurité n'est constatée, le ministère autorise l'opération. Un avis confirmant la conformité de l'opération est alors rendu ( Unbedenklichkeitsbescheinigung ).

Si l'opération n'est pas autorisée, le BMWi peut prendre les mesures nécessaires pour revenir sur l'opération d'investissement. Le droit de vote découlant de la prise de participation peut ainsi être suspendu ou fortement restreint. Un mandataire peut également être nommé au sein de la société. Le BMWi instruit en moyenne 40 dossiers par an (contre environ 130 environ instruits par la DG Trésor) et ses décisions sont soumises aux juridictions administratives. Le BMWi est responsable de l'exécution de la procédure de contrôle. Il fait appel à d'autres ministères dans le cadre de leurs attributions.

La modification du décret d'application en 2017 n'introduit pas d'évolution substantielle dans le dispositif de contrôle allemand dont les principes de base restent inchangés : seules les opérations réalisées dans le secteur de la défense, désormais défini de façon moins stricte, demeurent soumises à un contrôle préalable des autorités. Les critères de contrôle (ordre public, sécurité nationale) n'évoluent pas.

ITALIE

Le dispositif italien a été réformé en 2012 pour mettre fin à la procédure d'infraction que la Commission européenne avait ouverte à l'encontre de l'Italie en 2009 179 ( * ) . Le nouveau mécanisme appelé « Golden power » donne des pouvoirs d'intervention à l'État en cas d'opérations visant des entreprises opérant dans des secteurs stratégiques de la défense et de la sécurité nationale, mais aussi des communications, de l'énergie et des transports. L'Etat ne peut exercer ces prérogatives qu'en cas de « menace effective de préjudice grave pour les intérêts essentiels de la défense et de la sécurité nationale ».

Le dispositif identifie précisément les activités d'importance stratégique :

- dans le domaine de la défense et de la sécurité nationale : les systèmes et matériaux de Commande, Contrôle, Ordinateur et Informations (dit C4I) ; des senseurs avancés intégrés dans les réseaux C4I ; les systèmes de lutte contre toutes formes d'explosifs ; les systèmes d'arme avancés, intégrés dans les réseaux C4I ; les systèmes aéronautiques avancés, dotés de senseurs avancés intégrés dans les réseaux C4I ; les systèmes de propulsion aérospatiaux et navals militaires ; de nombreuses technologies et matériels Radar (RAM) ; les systèmes et senseurs pour l'observation, la surveillance et le contrôle du territoire ; le système d'observation (optique et radar), de surveillance et de contrôle du territoire installés sur des aéronefs ; systèmes de propulsion, transmission de pouvoirs et de commande des moteurs aéronautiques et navals ; système de protection balistique ; système d'information et de communication, même satellitaire de recherche, de classification et de gestion des informations et des données utilisé pour les activités de défense civile... ; les réseaux privés virtuels de l'administration publique, les réseaux de télécommunications du ministère, le système de contrôle de radioactivité ; les systèmes de détection et de protection NBCR ainsi que des engins explosifs, système de vision nocturne, de surveillance et de contrôle du territoire ;

- pour les secteurs de l'énergie, des transports et des communications : le réseau national de transport du gaz, les infrastructures d'approvisionnement d'énergie électrique et gazière, le réseau national de transmission de l'énergie électrique et les activités de gestion liées à l'utilisation des réseaux et des infrastructures ; les grands réseaux et équipements d'intérêt national, destinés à garantir les principales liaisons transeuropéennes. Par réseaux et équipements, le décret entend les ports et les aéroports d'intérêt national, ainsi que le réseau ferroviaire national d'importance pour les réseaux transeuropéens ; les réseaux dédiés et le réseau d'accès public aux usagers finaux en connexion avec les réseaux métropolitains, les router de service et les réseaux à longue distance ; les équipements utilisés pour la fourniture de l'accès aux usagers finaux des services universels, et des services à haut débit et ultra haut débit ; les éléments dédiés à la connectivité, la sécurité, le contrôle et la gestion relatifs aux réseaux d'accès de télécommunications en poste fixe.

En pratique le dispositif italien repose sur un mécanisme de notification. L'absence de réaction de l'État vaut autorisation de l'opération.

Les « pouvoirs spéciaux » conférés au Gouvernement lui donnent, par décret du Président du conseil sur décision unanime en Conseil des ministres, la possibilité :

- de poser des conditions spécifiques à l'acquisition par un investisseur étranger de parts dans des entreprises stratégiques. Ainsi, dans le dossier Piaggio Aerospace, passé, début 2014, sous le contrôle du fonds souverain d'Abu Dhabi, le Conseil des ministres a adopté un décret autorisant l'opération et posant des conditions destinées à protéger les capacités technologiques et industrielles de la société, garantir la continuité de la production, des activités d'importance stratégiques, notamment dans le secteur des drones. Il a imposé le maintien de la technologie nécessaire à ces activités en Italie, le secret d'informations spécifiques et la nationalité italienne des dirigeants responsables de la sécurité et de la protection des activités stratégiques au sein de l'entreprise. ;

- d'opposer son véto à l'adoption de certaines mesures par les organes dirigeants de la société ;

- de s'opposer à l'acquisition par un investisseur étranger de ces parts.

En l'absence de notification ou en cas de violation des conditions posées, des sanctions peuvent être appliquées, allant de la suspension des droits de vote en assemblée à la nullité des actes passés, auxquelles peuvent s'ajouter des pénalités financières (amende et/ou astreinte). La Présidence du conseil est seule compétente pour prononcer les sanctions.

Le dispositif italien prévoit également une condition de réciprocité : en cas d'acquisition de parts dans des entreprises opérant dans des secteurs stratégiques en Italie par un investisseur originaire d'un pays tiers à l'Union européenne, le gouvernement italien est tenu de vérifier que le pays d'origine garantisse les mêmes conditions d'accès à ses secteurs stratégiques par des opérateurs italiens (art. 3 du décret-loi n. 21 du 15 mars 2012). La Commission européenne a toutefois contesté cette disposition, et jusqu'à aujourd'hui, la condition de réciprocité n'a jamais été mise en oeuvre .

ROYAUME-UNI

Il n'existe pas au Royaume-Uni de législation spécifique applicable aux investissements étrangers . Depuis l'adoption de l' Enterprise Act en 2002, aucune disposition ne permet au gouvernement britannique d'intervenir dans les opérations de fusion-acquisition et d'imposer aux investissements étrangers des engagements autres que moraux. Trois exceptions sont cependant prévues au titre du « public interest regime » pour permettre au gouvernement d'intervenir lorsque les investissements étrangers touchent à des secteurs d'intérêt général, c'est-à-dire :

- la sécurité nationale , entendue au sens large et qui recouvre les secteurs de la défense, de l'eau, du gaz, de l'électricité et des vaccins ;

- la pluralité des médias : propriété, équilibrage des opinions ;

- la stabilité financière du Royaume-Uni.

Il ne s'agit pas d'un mécanisme d'autorisation préalable : il n'y a aucune obligation pour l'investisseur étranger de demander une autorisation ni même de signaler l'investissement aux autorités . À noter également que les autorités britanniques ne font aucune distinction au regard du pays de provenance des investissements ou de la nationalité de l'investisseur étranger (UE ou pays tiers). Dans la pratique, la Competition and Markets Authority (CMA) est informée, soit spontanément par l'investisseur, soit par la société cible britannique. Le gouvernement dispose d'un délai de quatre mois après l'annonce de l'investissement pour se manifester et demander un rapport à la CMA .

Le rapport doit permettre d'identifier les risques liés à l'opération. La CMA travaille avec l'ensemble des ministères concernés : la Défense pour la sécurité nationale, la Culture pour les Médias et le Trésor pour la stabilité financière du Royaume-Uni.

Le rapport de la CMA suggère des conditions prises en accord avec le ministère concerné et l'investisseur étranger pour protéger l'intérêt général. Les conditions peuvent être de nature variée, mais concernent généralement la nationalité des membres du conseil d'administration, les relations avec la CMA, le ministère compétent. Le rapport doit généralement être remis dans les trois mois au gouvernement, mais le délai n'est pas fixé dans les textes. La décision finale revient au gouvernement , qui peut soit accepter les conditions proposées par la CMA, soit transmettre le dossier à la Competition Commission (recours supérieur de la CMA). Les conditions proposées par la CMA ont jusqu'ici été jugées satisfaisantes par le gouvernement, à l'exception d'une fois. Une opération a été bloquée sous le gouvernement de David Cameron qui a empêché en janvier 2016 la reprise de l'entreprise sidérurgique britannique Sheffield Forgemasters (qui produit des pièces pour les sous-marins nucléaires d'attaque) par une entreprise publique chinoise (dont l'identité n'avait pas été révélée publiquement).

Un veto du gouvernement est susceptible de recours , soit devant la High Court of Justice , soit auprès du Competition Appeal Tribunal (les deux instances opèrent au même niveau). Une fois acceptées, les conditions imposées par la CMA engagent officiellement l'investisseur. Les conditions et les décisions finales sont publiées. En revanche, les discussions conduisant à la décision finale sont gardées confidentielles. Le suivi des engagements est exercé par le ministère concerné. En cas de non-respect des conditions par l'investisseur, la CMA ou le gouvernement a le pouvoir de bloquer ou d'annuler la transaction .

Entre 2002 et 2013 , ce dispositif consistant pour le gouvernement britannique à saisir la CMA pour contrôler a posteriori des investissements étrangers a été mis en oeuvre seulement dix fois : six cas concernaient la sécurité nationale ; trois cas concernaient les médias ; un cas concernait la stabilité financière du Royaume-Uni.

Le gouvernement de Theresa May a annoncé récemment une révision de la politique de contrôle des participations des entreprises étrangères dans les infrastructures britanniques . Les récents projets d'investissements d'entreprises chinoises (y compris publiques) dans des secteurs clefs de l'économie britannique (infrastructures, énergie et technologies) suscitent en effet la méfiance d'une partie de l'opinion, qui s'interroge sur les risques en matière de sécurité nationale (espionnage industriel et dépendance énergétique notamment).

Dans ce cadre, le régime d'intérêt public défini par l' Enterprise Act serait modifié pour garantir que la sûreté nationale soit prise en compte et que l'achat et le contrôle d'une infrastructure critique puissent être empêchés par le gouvernement. Pour tous les nouveaux projets nucléaires (cinq projets de centrales en cours dont deux avec participation chinoise), l'État pourrait ainsi s'octroyer des parts spécifiques (« special shares »). L'autorité de sûreté nucléaire pourrait également intervenir dans le processus de contrôle afin de s'assurer du respect des intérêts de sécurité nationale. Le nouveau cadre est en cours de préparation, et le gouvernement britannique étudierait en particulier les modèles américain et australien, tout en s'intéressant au système français .

La mise en place d'un régime spécifique pour les investissements étrangers pourrait donner des marges de décisions importantes au gouvernement soit par l'introduction d'un système interministériel d'examen préalable pour l'obtention de tout accord gouvernemental en vue de l'acquisition, ou du contrôle, d'une infrastructure essentielle ; soit par l'extension du « public interest test ».

Ce projet de réforme a été critiqué par de grandes entreprises, qui mettent en garde contre une stratégie industrielle protectionniste, et ne fait pas non plus l'unanimité au sein du gouvernement anglais.

II. ÉTATS TIERS À L'UNION EUROPÉENNE 180 ( * )

CHINE

Le gouvernement chinois exerce un contrôle strict des investissements étrangers auquel est soumise toute société financée partiellement ou entièrement par des capitaux étrangers . Ce contrôle repose sur le catalogue des investissements étrangers , actualisé périodiquement, élaboré par la Commission Nationale pour le Développement et la Réforme (NDRC) et par le Ministère chinois du commerce (MOFCOM).

Ce catalogue permet aux autorités chinoises de flécher les investissements étrangers vers les secteurs jugés prioritaires en fonction des orientations de la politique industrielle chinoise et du degré de maturité des industries nationales, en distinguant trois types d'investissements étrangers :

- les investissements « encouragés » , dans les domaines et les technologies que la Chine ne maîtrise pas encore (nouvelles technologies, aéronautique etc.). Ces investissements bénéficient d'un processus d'approbation simplifié et peuvent bénéficier d'avantages fiscaux. Toutefois, le classement sous cette rubrique n'implique pas systématiquement la possibilité d'y intervenir dans le cadre d'une entreprise à capitaux 100 % étrangers (WFOE) et certains secteurs restent soumis à l'obligation de constituer une joint-venture avec partenaire chinois imposé ;

- les investissements « restreints » , dans les secteurs stratégiques et/ou sensibles, les domaines et technologies que la Chine estime déjà maîtriser, ou les investissements dans les technologies « arriérées » ou « nuisibles » (exploitation minière, banques, assurance, télécommunications...). Ces investissements sous soumis au respect de conditions d'activité (par exemple, dans le secteur de l'assurance, une entité à capitaux étrangers ne peut être à la fois active dans le domaine des assurances vie et dans celui des assurances non vie) ou à des modalités d'exercice (notamment la présence d'un partenaire chinois (parfois imposé) dans la société, qui doit alors obligatoirement prendre la forme d'une joint-venture , comme c'est le cas dans l'assurance, la banque, ou la construction automobile, assortie d'une obligation de transfert de technologie et, le cas échéant, d'un plafonnement de l'apport en capitaux étrangers ;

- les investissements « interdits », susceptibles de porter atteinte à la sureté de l'État ou de porter atteinte au monopole du Parti (terres rares, défense, télévision, radio, agences de presse...).

Les autorités (ministère du commerce) peuvent rendre trois types de décisions : autorisation simple, autorisation sous conditions et refus. En pratique les autorités disposent d'un très large pouvoir d'appréciation de l'opération, quasi discrétionnaire. Le MOFCOM n'a pas l'obligation légale de motiver ses décisions, et même si un mécanisme de recours est prévu dans les textes, il demeure essentiellement théorique pour les investisseurs étrangers (les chances de succès sont faibles en raison de l'opacité des décisions prises par le MOFCOM).

CANADA

La Loi Investissement Canada ( Investment Canada Act ) est le principal mécanisme de contrôle des investissements étrangers au Canada. Elle prévoit un contrôle des investissements étrangers :

- soit dans le cadre d'un un examen ( review ) ministériel, en cas d'acquisition directe d'une entreprise canadienne, lorsque la valeur de la société dépasse un seuil qui varie selon le statut de l'investisseur (entreprise privée ou entreprise d'État) et sa nationalité (investisseur issu d'un pays de l'OMC, d'un pays disposant d'un accord commercial avec le Canada, d'un pays non-membre de l'OMC). Les investissements dans des entreprises canadiennes considérées comme des entreprises culturelles sont soumis à des seuils plus stricts ;

- soit par une déclaration , s'agissant d'une acquisition inférieure aux seuils, d'une acquisition indirecte 181 ( * ) par des investisseurs d'États de l'OMC ou d'une création d'entreprise. Suite au dépôt de l'avis, le ministère peut décider d'effectuer un examen portant sur l'impact de l'investissement sur la sécurité nationale.

Les investissements étrangers sont contrôlés selon deux critères, ce qui différencie le dispositif des autres systèmes en place dans l'OCDE :

- d'une part, un contrôle en fonction de l'avantage net ( net benefit ) du projet d'investissement pour l'activité économique du Canada (gains de productivité ou de compétitivité, progrès technologique, etc.) Pour soutenir sa démonstration, l'investisseur peut proposer des engagements contraignants de durée limitée relatifs aux créations d'emplois, ou aux investissements en R&D, notamment ;

- d'autre part, depuis 2009, au regard de la sécurité nationale ( national security review ), pour tout investissement étranger potentiellement préjudiciable à la sécurité nationale. Aucun seuil financier ne s'applique à cette procédure, qui intervient suite au dépôt d'un avis ou d'une demande d' examen . En 2016, le gouvernement a introduit une liste de 9 facteurs, larges, permettant de déterminer si un examen portant sur la sécurité nationale doit être conduit.

Par ailleurs, le Canada maintient des limitations à la participation étrangère dans certains secteurs : télécommunications, presse et medias, mines (uranium), transports, pêche. Dans les services financiers, la propriété doit être « également répartie », c'est-à-dire que la participation d'un investisseur (canadien ou étranger) est plafonnée dès lors que les fonds propres de la banque ou de la compagnie d'assurance dépassent un certain seuil. 182 ( * )

Compte tenu des critères prévus, le Canada est classé parmi les pays de l'OCDE les plus restrictifs à l'investissement étranger. Néanmoins, en pratique, les blocages d'investissements étrangers sont toujours intervenus sur des motifs plus proches de la sécurité nationale que de l'avantage net , et sur les 1 700 opérations soumises à la procédure d' examen depuis 1985, seules deux propositions ont été rejetées pour insuffisance d'avantage net avec , dans chaque cas, des préoccupations proches de la sécurité nationale ont apparemment été déterminantes.

Source : direction générale du Trésor.

ÉTATS-UNIS

Le contrôle des investissements étrangers est assuré par le CFIUS Committee on Foreign Investment in the United States (CFIUS) 183 ( * ) , structure interministérielle chargée d'examiner tout projet de fusion, d'acquisition ou de reprise pouvant mener au contrôle d'une entreprise américaine par une entité étrangère, dans le but d'en évaluer l'impact sur la sécurité nationale.

Le dispositif repose sur un mécanisme d'autorisation préalable. La saisine du CFIUS reste en principe volontaire quoique le CFIUS puisse également s'autosaisir d'une opération sans attendre une notification par les parties, et ce à tout stade du processus, s'il considère que l'opération est éligible. Le contrôle s'exerce sur toute opération projetée ou en cours, réalisée par ou avec une personne étrangère et pouvant mener au contrôle d'une entreprise américaine ( covered transactions ).

De façon générale, toute opération touchant - même lointainement - à l'industrie de défense est systématiquement contrôlée, mais le dispositif est également mis en oeuvre dans d'autres secteurs sensibles : infrastructures et technologies critiques, transport (maritime et aérien), énergie (notamment nucléaire mais pas seulement), médias et télécommunications ou bien encore dans le domaine de la finance.

Le CFIUS peut rendre trois types de décisions :

- un avis favorable safe harbor » ), qui constitue une garantie pour les parties ayant choisi de soumettre leur projet à l'examen du CFIUS contre une éventuelle remise en question ultérieure de l'opération par le gouvernement ;

- une autorisation sous conditions négociées avec l'investisseur mitigation agreement »). Le non-respect des conditions peut donner lieu à une amende civile, plafonnée soit à 250 000 USD, soit à la valeur de l'opération si celle-ci est plus importante. En 2014, 6 % des dossiers ont fait l'objet de telles mesures. Le CFIUS est chargé du suivi des engagements par les investisseurs étrangers (« monitoring » ) ;

- le refus pur et simple de l'opération . Si l'enquête du CIFUS révèle des éléments crédibles laissant penser que l'entité étrangère pourrait agir d'une manière qui risquerait de porter atteinte à la sécurité nationale des États-Unis, le Président peut par décret non motivé ( Executive Order ), sur les recommandations du CFIUS, décider de suspendre ou d'interdire l'opération. La décision du Président n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours judiciaire.

En 2017, environ 250 investissements ont été examinés contre 170 en 2016. Seuls 10 % des opérations font l'objet de conditions. Le président américain n'a pris que 4 décisions de refus et on évalue à 10 % les transactions qui seraient rejetées ou abandonnées en cours d'examen.

Une proposition de réforme du dispositif américain 184 ( * ) , en cours d'examen au Congrès , a pour objet d'élargir le champ de compétence du CFIUS à des secteurs d'activités nouveaux, tels que les technologies émergentes et à d'autres types de transactions 185 ( * ) . Il est également prévu de compléter la liste d'éléments que le CFIUS doit prendre en considération lorsqu'il analyse les enjeux de sécurité nationale soulevés par un investissement, parmi lesquels figureraient notamment les risques qui pourraient peser sur les données personnelles des citoyens américains. Le recours à des tiers pour assurer le suivi des entreprises sous conditions, qui n'est actuellement qu'une pratique, serait consacré dans le texte. Le projet vise aussi à instaurer une obligation déclarative de tout projet d'acquisition par une compagnie détenue à 25 % par un État tiers ; en cas de manquement à cette obligation, serait mise en place une sanction pécuniaire. Les possibilités de judicial review contre les actions du CFIUS seraient réduites. Le projet de texte introduirait un régime d'exemption pour l'investisseur qui proviendrait d'un pays ami figurant sur une liste blanche à établir. Un tarif pourrait être mis en place pour financer la mise en oeuvre de la procédure de contrôle par le CFIUS.

JAPON

Les investissements étrangers sur le territoire japonais sont encadrés par le Foreign Exchange - Foreign Trade Act (FEFTA), qui permet de vérifier « l'absence d'influences néfastes sur le bon déroulement de la gestion de l'économie et sur la garantie de la sécurité, le maintien de l'ordre public et la protection de la sécurité publique ».

Le mécanisme repose sur un principe de déclaration préalable et d'approbation des opérations auprès des autorités japonaises, et s'applique :

- si la nationalité de l'investisseur étranger ne figure pas dans une liste de pays publiée dans l'annexe de l'Annonce Officielle relative aux investissements directs. Parmi les pays qui ne sont pas mentionnés se trouvent : Andorre, l'Afghanistan, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Bosnie-Herzégovine, le Cap Vert, les Comores, la Corée du Nord, la Guinée Equatoriale, l'Erythrée, l'Iraq, le Kazakhstan, le Liberia, la Libye, le Yémen, les Bermudes, la Somalie, le Tadjikistan, les Iles Cook...) ;

- et si les activités de la société dans laquelle l'investisseur étranger souhaite investir entrent dans la catégorie des activités soumises à déclaration préalable . Depuis 1998, le contrôle préalable n'est désormais appliqué qu'à un nombre limité de secteurs : armement, aéronautique, spatial, agriculture , télécommunications, transport ferroviaire , nucléaire, énergie.

Deux types de décisions peuvent être pris : autorisation ou refus. Le refus doit être motivé et peut faire l'objet d'un recours devant les tribunaux. En moyenne 400 dossiers sont examinés chaque année. Un seul cas de refus a été comptabilisé depuis l'introduction du dispositif : le projet de rachat de J-Power (producteur d'électricité) par le fonds activiste britannique The Children Fund (TCI) en janvier 2008.

AUSTRALIE

Le dispositif de contrôle et de validation des investissements étrangers a été mis en place en 1975 par le Foreign Acquisitions and Takeovers Act qui a créé le Foreign Investment Review Board (FIRB - Bureau d'examen des investissements étrangers).

Révisé en 2015, le dispositif prévoit désormais des sanctions financières plus importantes pour les investisseurs ne respectant pas les règles, ainsi qu'un financement du fonctionnement du FIRB uniquement par les frais de dossier payés par les investisseurs.

Rattaché au Trésor, le FIRB peut proposer au ministre de rejeter une proposition d'investissement qu'il jugerait contraire à l'intérêt national . En pratique les investissements sont soumis à l'approbation du FIRB en fonction de leur taille et des secteurs concernés :

- les investisseurs de pays signataires d'accords de libre-échange avec l'Australie (Chili, Chine, Corée du Sud, États-Unis, Japon, Nouvelle-Zélande) ne sont soumis au contrôle du FIRB que pour les investissements dépassant 1,094 milliard AUD ; Chili, États-Unis et Nouvelle-Zélande bénéficient de ce seuil également pour les projets miniers et agroalimentaires ;

- les investisseurs d'autres pays sont soumis au contrôle à partir d'un seuil général quatre fois moins élevé : 252 M AUD . Ce seuil est ramené à 15 M AUD pour les terres agricoles et à 55 M AUD pour les entreprises agroalimentaires.

Toutefois le contrôle s'exerce quel que soit le pays à partir de 252 M AUD pour tous les secteurs sensibles (médias, défense, télécom, transport) et dès le premier dollar pour tout investissement réalisé par une entreprise d'État ou par une entité publique (détenue a minima à 20 % par l'État ou des collectivités publiques) .

Dans 95 % des cas, le n'émet pas d'objection à la poursuite de l'opération . Divers projets ont néanmoins été rejetés : par exemple dans le cadre du projet de fusion du Singapore Stock Exchange avec l'Australian Stock Exchange afin que l'Australie reste maitresse de la régulation et de la supervision de son principal (et à l'époque unique) opérateur boursier ; pour le rachat de Graincorp, plus grande société australienne de la filière grain, car elle aboutissait à transférer à un acteur étranger un monopole de fait dans une activité stratégique pour l'Australie ; pour la vente d'Ausgrid, réseau de distribution d'électricité de l'État de Nouvelle-Galles du Sud, pour des raisons de sécurité nationale ; pour la vente de Kidman, plus grand propriétaire de terres agricoles d'Australie, à des consortiums chinois, en raison de la surface foncière concernée par le projet.


* 177 Informations fournies par les services économiques de la direction générale du Trésor dans les Etats concernés.

* 178 Le 12 juillet 2017, les autorités allemandes ont décidé d'élargir le champ du contrôle des investissements étrangers dans le domaine de la défense, autrefois limité aux matériels de guerre stricto sensu , aux « technologies clés en matière de défense », notamment les dispositifs de commande de tir, les simulateurs, les dispositifs de reconnaissance militaire et les systèmes de contrôle à distance. L'objectif est de garantir que les entreprises qui disposent de ces connaissances clefs pour la défense allemande ne soient pas acquises par des investisseurs étrangers sans l'accord préalable du gouvernement fédéral.

* 179 Décret-loi n. 21 du 15 mars 2012, décrets d'application n. 85 du 25 mars 2014 - communication, énergie et transports - et n.108 du 6 juin 2014 - défense et sécurité nationale.

* 180 Informations fournies par les services économiques de la direction générale du Trésor dans les États concernés.

* 181 Acquisition indirecte : lorsqu'une société canadienne est acquise par suite de la prise de contrôle d'une personne morale constituée ailleurs qu'au Canada.

* 182 Pour les banques dont les fonds propres sont égaux ou supérieurs à 12 MdCAD, un investisseur ne peut détenir plus de 20 % des actions avec droit de vote ou plus de 30 % des actions sans droit de vote. Pour les compagnies d'assurance dont les fonds propres sont égaux ou supérieurs à 2 MdCAD, la participation est limitée à 35 % des actions avec droit de vote.

* 183 Fondé sur la section 721 du Defence Production Act de 1950 , tel qu'amendé par le Foreign Investment and National Security Act de 2007, le CIFIUS est composé de 9 membres avec droit de vote (le Trésor, les ministères de la Justice, de la Sécurité intérieure, du Commerce, de la Défense, des Affaires Étrangères, du Commerce, de l'Énergie, et le Bureau de la politique scientifique et technologique) et de 5 membres « observateurs » : le Budget, le Conseil des conseillers économiques, le Conseil de la sécurité nationale, le Conseil économique national, et le Conseil de la sécurité intérieure. Les Départements du renseignement national et du travail sont également membres de droit ( ex-officio ) mais sans droit de vote.

* 184 Foreign Investment Risk Review modernization Act (FIRRMA) déposé par les membres du Congrès : Sénateurs Cornyn, Feinstein et Burr. En parallèle, les sénateurs Grasley et Brown ont déposé le United States Foreign Investment Review Act (FIRA), dont l'objet est d'instaurer un mécanisme d'évaluation de l'investissement séparé du contrôle exercé par le CFIUS.

* 185 Il s'agit des investissements non passifs dans des critical technology companies ou des critical infrastructure companies ; de l'apport par une critical technology company américaine à une personne étrangère, d'éléments de propriété intellectuelle ou assimilés par une joint-venture ou autre arrangement ; de l'achat d'immobilier situé près d'infrastructures militaires ou gouvernementales sensibles, toute transaction conçue pour échapper au contrôle du CFIUS.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page