F. AUDITION DE M. PHILIPPE VARIN, PRÉSIDENT DE FRANCE INDUSTRIE, VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL NATIONAL DE L'INDUSTRIE (15 février 2018)
M. Alain Chatillon , président . - Monsieur le Président, notre mission d'information a grand plaisir à vous accueillir aujourd'hui. Le rapport sur la restructuration industrielle, que nous avions commis, il y a quelques années, va être réactualisé, même si un certain nombre de nos propositions d'alors n'ont pas été mises en oeuvre. Je ne rappellerai pas votre expérience industrielle et le groupe que vous présidez désormais. Je laisse la parole à notre rapporteur, Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin , rapporteur . - Monsieur le Président, je vous souhaite la bienvenue et je salue votre vision panoramique de notre industrie. La première demande porte sur votre perception des forces et faiblesses de notre industrie. Quel regard portez-vous globalement sur la politique industrielle menée en France depuis quinze ans, dans ce contexte compétitif renforcé ? Deuxième question : quel doit être, selon vous, le rôle de l'État, et plus largement des pouvoirs publics, comme les collectivités territoriales, dans la stratégie industrielle du pays ? Nous revenons de Munich où le responsable du patronat allemand nous a présenté la répartition des rôles entre l'État fédéral, responsable du cadre réglementaire général, et le Land auquel incombe l'ensemble des questions essentielles à la gestion quotidienne de l'industrie. N'oublions pas que l'État n'a pas hésité à entrer, à un moment difficile pour l'entreprise, dans le capital de PSA et que le Président Obama a décidé, avec sa majorité parlementaire d'alors, de nationaliser temporairement General Motors. L'État-stratège n'a pas non plus hésité à entrer au capital de sociétés privées en difficulté ou à l'inverse à céder ses participations pour favoriser la restructuration d'entreprises, comme chez Areva. Ma troisième question portera sur la taille qui vous semble pertinente pour une entreprise. Comment préserver le caractère français de notre industrie ; je pense notamment à l'actuelle fusion entre Alstom et Siemens pour contrer la concurrence chinoise ? Enfin, quatrième question : l'industrie en France comprend certes des grands groupes, mais aussi de nombreuses PME et ETI - du reste pas assez nombreuses par rapport à l'Allemagne et l'Italie. Comment favoriser leur essor et les aider à passer le virage du numérique et de l'ouverture à l'export ?
M. Philippe Varin, président de France Industrie . - C'est un honneur d'apporter ma contribution au travail de réflexion que vous avez engagé. En 2015, une étude du Cercle de l'industrie avait mis en évidence la nécessité de renforcer les relations entre le Parlement et le monde industriel. Depuis trois ans, les rencontres Parlement-industrie ont contribué à ce rapprochement qui pourrait encore bénéficier de la formalisation des relations entre le Cercle de l'industrie et les groupes d'études industrie du Sénat et de l'Assemblée nationale.
Il n'y a pas d'économie forte sans industrie puissante. La situation de la France est anormale à cet égard ; la part de l'industrie passant de 16,5 % à 12,5 % du produit intérieur brut, alors qu'elle s'est stabilisée à 23 % en Allemagne et que la part de l'industrie britannique dans le PIB est même devenue supérieure à la nôtre. Le quart de nos emplois industriels a été perdu depuis quinze ans. Ce décrochage s'explique avant tout par la réduction progressive de nos marges. Il y a vingt ans, l'Allemagne vendait ses produits avec une prime pour l'image et la qualité par rapport aux produits français qu'un moindre coût du travail nous permettait alors de compenser. L'instauration de l'euro, les différentes politiques publiques ainsi que les négociations avec les entreprises ont induit le dérapage des coûts de production, et notamment des salaires par rapport à l'Allemagne. Certes, le pacte de compétitivité et le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ont permis de retrouver le même coût salarial qu'Outre-Rhin, mais notre niveau de compétitivité-coût actuel n'est pas pour autant acceptable. Si nos coûts se sont resserrés, nos marges connaissent toutefois un écart de trois à quatre points d'écart par rapport à l'Allemagne. La permanence d'un tel handicap conduit les grandes industries à rechercher des implantations à l'étranger, générant ainsi la cessation d'activités de certaines PME et ETI.
Néanmoins, le déclin de l'industrie est en voie d'être enrayé. La distinction entre l'industrie et les services n'est désormais plus pertinente, l'industrie incorporant de plus en plus ses services pour répondre aux attentes de ses clients. D'ailleurs, les GAFA sont-ils exclusivement des entreprises de services, avec leurs entrepôts logistiques notamment ? Le vrai clivage me semble davantage se situer entre les emplois considérés comme sédentaires et ceux exposés à la concurrence internationale. Or, les mesures prises depuis une quinzaine d'années, comme le CICE, se sont focalisées sur la préservation de l'emploi à court terme et les bas salaires, c'est-à-dire sur les emplois sédentaires, au détriment des autres, plus exposés.
L'industrie est essentielle à la croissance : elle est à l'origine de 75 % des exportations, et explique ainsi le déficit de 63 milliards d'euros de notre commerce extérieur en 2017. Représentant 80 % de la recherche-développement, l'industrie est un vecteur de croissance et une véritable arme anti-chômage dans les territoires. En effet, chaque poste qu'elle crée génère, à son tour, trois à quatre nouveaux emplois. La reprise que nous observons aujourd'hui est effective, avec, l'année passée, une croissance des taux d'investissement et de croissance industrielle de l'ordre de 4 %, et un taux d'utilisation de nos capacités atteignant 86 %. Encore faut-il relativiser ce dernier, obtenu sur une base réduite. Cette situation est due aux premiers effets du pacte et du CICE, ainsi que de la conjoncture, avec les taux d'intérêt à 0 %, le coût du baril à 50 dollars et la faiblesse de l'euro. Cette situation a évolué depuis lors, avec l'inversion de la parité euro-dollar et la remontée du cours du baril et des taux d'intérêt. Le renforcement de cette tendance au redressement industriel implique désormais de nouvelles mesures.
Quelles sont les priorités pour que l'industrie soit gagnante ? La compétitivité-coût, la montée en gamme et enfin l'Europe industrielle concourent au redressement industriel. En outre, la mobilisation coordonnée de tous les acteurs est essentielle ; ce qui n'est pas chose aisée, compte tenu de notre mentalité de « village gaulois ». Cette priorité a motivé la création même de France industrie.
La compétitivité-coût constitue le premier levier du développement d'industrie et ce, avant la montée en gamme, puisqu'elle est la condition nécessaire à l'investissement et permet d'enclencher un cercle vertueux. Le poids des prélèvements obligatoires en France s'élève à 44,5 % contre une moyenne de 40 % en Europe. Cette importance s'avère, pour les industriels, un fardeau pesant notamment sur la fiscalité de production, soit un handicap de 70 milliards d'euros par rapport à la fiscalité Outre-Rhin. À cet indicateur s'ajoute le plafond d'allégement des charges sur les salaires lequel, avec comme cible 2,5 SMIC, n'a pas été aussi élevé que celui proposé, en son temps, par le Rapport Gallois ; France industrie préconisant, pour sa part, un seuil de 3,5 SMIC pour restaurer la compétitivité des entreprises françaises.
La montée en gamme constitue le second levier de la réindustrialisation et se décline en deux grands axes : d'une part, l'innovation, bénéficiaire du crédit impôt-recherche dont nous appelons à la sanctuarisation. Cependant, dans les filières françaises, les projets de recherche-développement, qui sont autant de projets de rupture, sont actuellement peu nombreux, alors que la conjonction des investissements privés et du soutien des pouvoirs publics ont permis, aux États-Unis, l'aboutissement de projets de rupture comme SpaceX ou Tesla. Il faudrait ainsi mettre en oeuvre dans chaque filière des projets de rupture fédérant les grandes entreprises, les PME et les ETI, à l'instar du véhicule 2 litres ou autonome dans l'industrie automobile. L'État doit ainsi subventionner en amont ces projets d'innovation de rupture, ce que ne permettent pas les actuels plans dont les avances remboursables ne sont pas adaptées. La montée en gamme implique à la fois l'innovation et l'industrie du futur. Certains exemples sont encourageants : aujourd'hui, la numérisation d'une usine, qui concourt à la flexibilité de sa production et à la baisse de ses coûts, permet d'éviter sa délocalisation, voire favorise sa réimplantation dans nos territoires. La robotisation n'est nullement un facteur aggravant du chômage, comme en témoigne le nombre de robots bien supérieur en Allemagne. Dès lors, la numérisation permet non seulement de réduire les coûts de production, mais aussi d'ajouter de nouveaux services destinés aux clients ! Le calcul de la rentabilité sur les capitaux engagés pour la numérisation d'une usine fournit manifestement un plaidoyer en faveur de sa relocalisation en France. De nombreuses PME et ETI, comme Rossignol, le Slip français ou encore Yamaha ou les lunettes Atol, fournissent autant d'exemples de notre capacité de réindustrialisation. France industrie entend bien être volontariste au sein de la French Fab !
Le troisième point concerne l'Europe industrielle. Atteindre 20 % de la part de l'industrie dans le PIB est un objectif ambitieux, dont la réalisation exige certaines consolidations ; ce dont doit d'ailleurs avoir conscience la direction de la concurrence de la Commission européenne. Certes, il y a la fusion Alstom-Siemens ou encore Lafarge-Holcim, mais les entreprises françaises peuvent être également à l'origine des fusions, comme lors du rachat d'Opel par PSA, d'Airgas par Air Liquide ou encore de General Electric Waters par Suez. L'équation doit donc être considérée globalement. Si le patriotisme économique ne doit pas être confondu avec le protectionnisme, il faudrait néanmoins que l'Europe se dote d'un mode de protection, aussi vigilant et fonctionnel que le comité pour l'investissement étranger aux États-Unis (CFIUS) américain qui préserve les industries stratégiques. En Europe, certains secteurs, comme l'énergie et le numérique, présentent de réelles opportunités de convergence.
Enfin, je reviendrai sur le fonctionnement collectif pour promouvoir un fonctionnement plus efficace de nos filières ; cette démarche motivant la création de France industrie, issue du regroupement du Cercle de l'industrie et des fédérations industrielles. Certes, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) constitue d'une structuration à forte valeur ajoutée, dont pourraient s'inspirer les filières automobile, maritime, nucléaire, ou encore alimentaire, durant l'année 2018, pour assurer leur réelle articulation avec l'État au sein du conseil national de l'industrie. Une filière ne fonctionne efficacement qu'à la condition de disposer d'une gouvernance adaptée, de projets communs de recherche-développement et de plateformes numériques, à l'instar de Boostaerospace dans l'aéronautique. Dans le contexte législatif actuel, une filière performante doit être impliquée dans l'apprentissage et les compétences, afin de répondre au plus près des besoins des entreprises. Elle doit enfin accompagner ces dernières à l'international, comme le fait aujourd'hui le GIFAS. C'est là un enjeu pour l'année 2018 afin d'améliorer l'environnement nécessaire au développement de l'industrie et de ses filières.
M. Martial Bourquin , rapporteur . - Ramener les coûts en dessous de ceux de l'Allemagne n'est en effet qu'une étape vers la reconquête industrielle. Une politique de reconquête industrielle passe par la montée en gamme et l'amélioration du fonctionnement des filières. Or, si les grands donneurs d'ordre avec les équipementiers de rang 1 ont modernisé leur outil de production, tel n'est pas le cas des autres équipementiers, de rangs 2 à 4, qui sont appelés à disparaître, dans le contexte de global sourcing que nous connaissons. Comment plaidez-vous, au sein du Conseil national de l'industrie, pour éviter cette fracture entre ceux qui jouent la carte de l'industrie du futur et les autres qui tendent à décrocher ? Quelle politique d'accompagnement pourrait-elle être mise en oeuvre pour y parvenir ? Le système de clusters - comme en Bavière qui en compte dix-sept - constitue certes une première solution. La question du financement se pose néanmoins et votre collègue, M. Louis Schweitzer, a évoqué l'ouverture du capital comme solution pour favoriser la croissance des PME. Que pensez-vous d'une telle préconisation et quels financements publics, comme des aides à l'innovation, vous paraissent-elles idoines pour assurer la cohésion des filières ?
M. Alain Chatillon , président . - La France compte quatre fois moins d'ETI que l'Allemagne. Comment accompagner l'évolution des PME en ETI en soutenant à la fois leurs investissements et leur fonctionnement ? Certaines entreprises, qui démarrent des produits à start-up solides, peuvent connaître des problèmes de fonds de roulement sanctionnés par la dégradation de leur note attribuée par la Banque de France, si elles ne disposent pas de trois années d'arriérés de bilan. Comment inciter les banques françaises à soutenir réellement ces entreprises innovantes, à l'instar de ce qui se passe Outre-Rhin ?
M. Philippe Varin . - Seul un banquier peut répondre à votre dernière question ! Nous n'avons pas assez d'ETI. Certaines initiatives ont été prises par Bpifrance ou l'Alliance pour l'industrie du futur pour accélérer cette tendance. Il faudrait aller encore plus vite pour réduire l'écart entre le nombre des PME et celui des entreprises exportatrices. Pour ce faire, les filières doivent jouer un rôle, à l'instar des actions du GIFAS pour soutenir le développement des ETI, même en région. Augmenter cette accélération implique le soutien de l'État. L'approche de la BPI me paraît pertinente : former les équipes de management des PME à l'anglais, aux opportunités à l'export, au numérique, afin de partager un degré de compétence pour aborder la question de la croissance de manière agressive et proactive. Cette dimension managériale est essentielle et nos ingénieurs ne vont pas assez dans les ETI ou les PME. C'est là un défi à la fois industriel et pédagogique. La question du financement de ce dispositif se pose clairement et implique la mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés.
Ces opérations, comme les clusters auxquels je crois fortement, présentent une forte dimension territoriale ; l'implication des régions étant essentielle à la multiplication de ces écosystèmes locaux. Pour France industrie, les visions industrielles des filières devraient être en cohérence avec les régions avec lesquelles ces dernières ont des liens privilégiés, via notamment les pôles de compétitivité. Avec les présidents de filière, il conviendrait d'identifier leurs priorités régionales et infrarégionales, avant de les partager avec les présidents de région. Ceux-ci pourraient alors bénéficier d'une claire perspective industrielle pour forger leurs décisions.
M. Alain Chatillon , président . - La réforme de notre formation professionnelle, qui représente un coût de 35 milliards d'euros contre 23 en Allemagne, vous paraît-elle de bon augure ? Comment voyez-vous ce rapprochement entre le monde de l'industrie et l'enseignement ? Les entreprises pourraient ainsi assumer pour partie la formation ; ce que les syndicats de branche semblent, du reste, accepter. Les pôles de compétitivité, qui permettent la « clusterisation » des PME et des TPE sur des projets innovants, pourraient être des acteurs à part entière de la formation. Cette démarche vous semble-t-elle bénéfique alors que plusieurs dizaines de milliers d'emplois industriels restent vacants, faute de trouver les compétences idoines ?
M. Philippe Varin . - La France connaît actuellement un taux d'activité de 86 % avec un chômage très élevé, malgré une récente amélioration. Durant les quinze dernières années, notre industrie a disparu, entraînant la perte des compétences qui y étaient associées. En outre, la France compte près de 1,5 million de personnes, jeunes pour la plupart, qui n'ont ni emploi ni formation. La non-utilisation de cette force de travail représente également un véritable gâchis de compétences. La relocalisation et la réindustrialisation doivent aller de pair avec une réflexion sur l'adéquation de nos compétences et la réinsertion des personnes en dehors des circuits économiques. Avoir aujourd'hui 400 000 apprentis est certes insuffisant, mais il faut y ajouter les 700 000 élèves, dont 50 000 sous le régime de l'apprentissage, des lycées professionnels. Le succès, en termes d'emplois, de l'apprentissage est bien supérieur à celui de l'enseignement professionnel. C'est pourquoi France industrie adhère sans réserve aux dispositions prises par l'exécutif sur l'apprentissage. Encore faut-il assurer la bonne articulation avec la formation professionnelle ! Si la moitié des lycées professionnels était sous le régime de l'apprentissage, le nombre d'apprentis doublerait. Un rapprochement doit ainsi être conduit entre ces deux filières. Sans présager de ses modalités, cette démarche semble incontournable pour augmenter significativement le nombre d'apprentis dans notre pays.
M. Martial Bourquin , rapporteur . - Comment s'articulent ces avances remboursables, qui financent l'industrie, avec le Programme des investissements d'avenir ? Le Sénat a adopté un amendement à la quasi-unanimité proposant, pour l'industrie du futur, la prolongation du suramortissement de ces avances afin de remédier à la différence de traitement dont les entrepreneurs de l'industrie du futur sont victimes. En outre, nos interlocuteurs allemands considèrent que les ingénieurs français sont trop généralistes et pas assez formés en situation de travail ; ce à quoi l'apprentissage permettrait d'échapper.
Mme Michèle Vullien . - Les entreprises, qui ont à leur tête des financiers et non des ingénieurs, tendent à ne privilégier que leurs bilans comptables, au détriment de leurs employés et de leurs compétences. J'ai présidé un technopôle de 50 000 salariés dans ma circonscription et j'ai constaté, avec effarement, l'engouement de mes interlocuteurs pour le secteur tertiaire. Pour les parents, orienter les enfants vers la formation professionnelle est souvent ressenti comme une situation d'échec. Comment réhabiliter l'industrie et ses cols bleus dans notre pays ?
Mme Sophie Primas . - Comment mesurez-vous l'exposition de notre industrie à une hausse des taux d'intérêt et des coûts de l'énergie ? Ses effets sur notre compétitivité peuvent-ils nuire à notre innovation de rupture ? En outre, l'innovation de rupture requiert des investissements dans la durée, sans que le chiffre d'affaires ne puisse décoller. Or, Bpifrance, qui exige deux exercices positifs sur trois, ne soutient pas, le cas échéant, cette démarche innovante. Comment Bpifrance pourrait-elle ainsi revoir ses critères de risque ?
M. Philippe Varin . - Investir dans un projet d'innovation de rupture n'est possible que si l'échec n'est pas fatal. Mutualiser les moyens permet alors de réduire les risques. En termes de financement, si le financement en amont est requis, le nouveau fonds d'innovation de dix milliards d'euros, qui devrait soutenir de tels projets à hauteur de 300 millions d'euros par an, représente un bon signal. La vitalité des start-up en France est remarquable. Si les familles et les proches sont bien souvent à l'origine de la chaîne de financement, passée la première levée de fonds, il est difficile d'obtenir d'en obtenir de nouveaux. La règle des trois ans, observée par la BPI, vaut également pour les PME qui sont accélérées. Ce critère me semble pouvoir être reconsidéré si un management, au-delà des comptes disponibles, possède de réelles compétences et est bien formé pour innover. Je ne saurais cependant répondre à la place de la BPI.
L'impact des variations du taux de change dépend de l'endettement des entreprises et de leur dépendance à l'énergie. Globalement, il devrait peser sur la croissance. La remontée probable des taux devra ainsi être compensée par des mesures structurelles.
Nous avons une mission en cours sur le financement de l'innovation. La CGI a privilégié l'apport en fonds propre pour le financement en amont de l'innovation, ce qui n'est guère aisé pour les PME. Je plaide plutôt en faveur d'un mix d'avances remboursable pour la partie recherche et industrialisation. Sur la partie amont, l'entrée en fonds propres peut être une solution, en complément des subventions. Je suis favorable à l'initiative sénatoriale d'autoriser le suramortissement des avances qui sera bénéfique aux grands groupes ainsi qu'aux PME.
La France dispose d'ingénieurs reconnus qui participent, avec le crédit impôt recherche, à l'émergence de la recherche-développement. Le nombre de jeunes ingénieurs, qui rejoignent les start-up , est remarquable. L'apprentissage fonctionne bien pour les métiers de l'artisanat ainsi que pour les formations supérieures, y compris celles d'ingénieurs. L'alternance pour les ingénieurs n'est donc pas, à mes yeux, un sujet majeur. Les Allemands ont une approche différente, en raison de l'importance, dans leur système éducatif, de l'alternance. Notre problème est plutôt de multiplier le nombre d'apprentis et d'en favoriser, via la promotion interne en entreprise, les profils.
M. Alain Chatillon , président . - Dans ma ville de Revel se trouve un lycée classé « métiers d'art et d'ameublement » qui accueille 320 élèves qui sortent diplômés d'un Bac + 2. Parmi ceux-ci, seuls deux par an rejoignent les 70 entreprises artisanales qui y sont implantées ! Pour la majorité de ces étudiants, entrer dans l'artisanat est considéré comme une forme de déchéance. Or, l'artisanat est un domaine très fort et très puissant ; 50 % du chiffre d'affaires des entreprises de Revel sont réalisés à l'international. Cette mauvaise perception de l'artisanat est également partagée par les parents qui ne comprennent pas l'attrait des métiers d'art, qui emploie pourtant 2,5 millions de personnes, soit autant que le tourisme !
M. Martial Bourquin , rapporteur . - Le Factory Lab à Saclay, que nous venons de visiter, illustre votre vision des ingénieurs qui travaillent déjà à l'industrie du futur. Les start-up , qui emploient déjà 50 salariés, pourraient grandir à la condition de surmonter des seuils culturels et financiers. Comment le site de Saclay est-il perçu par les différentes filières dans leur perspective de mise en place de plateformes ?
M. Jean-François Longeot . - Cette loi sur l'apprentissage doit contribuer à changer les mentalités. Depuis de nombreuses années, l'apprentissage est considéré comme la punition de ne pas réussir à l'école. À Ornans, nous avions une école d'apprentissage qui a été fermée en 2007, faute d'élèves. Cette fermeture et, plus largement, la dévalorisation de l'apprentissage ont induit la perte d'un savoir-faire nécessaire à notre production nationale. Redorons donc le blason de l'apprentissage, quelles qu'en soient les filières !
Mme Sophie Primas . - Ma circonscription accueille un grand nombre d'industries. Je suis frappée par la méconnaissance des écoliers du monde industriel et de la palette de ses métiers. Les portes de l'Éducation nationale demeurent cependant fermées au monde professionnel et ne permettent pas l'identification aux différents métiers de l'industrie qui sont de plus en plus virtuels.
M. Philippe Varin . - La loi sur l'apprentissage doit réduire la distance entre l'entreprise et le lycée professionnel par des mesures à la fois techniques et symboliques. Il faut former les professeurs et les responsables de l'orientation à la réalité de l'industrie ; ces deux parties doivent ainsi travailler ensemble. Cette démarche implique la revalorisation des conditions de vie des apprentis et l'élaboration d'une carte des métiers de l'industrie et des compétences nécessaires. Cet outil, que nous partagerons avec l'Éducation nationale, fournira un précieux outil d'orientation. Les branches sont également plus impliquées dans l'apprentissage que les filières ; ce qui est un gage de souplesse. Enfin, le lien entre les grandes entreprises et les start-up a considérablement évolué depuis ces dernières années. Si une start-up apporte des innovations indiscutables, elle ne suscite plus la méfiance des grands groupes comme par le passé. C'est pourquoi, je serais surpris si une start-up innovante, implantée à Saclay, ne trouvait pas preneur !
M. Alain Chatillon , président . - Nous avons été ravis de vous accueillir. Sachez que les éléments que vous venez de nous transmettre nourriront notre réflexion.